Il y a un vide juridique : comment introduire, sans créer de précédent, une discrimination entre les citoyens ayant acheté leur nationalité et les autres ? Une étude de législation comparée sur l'accès à la nationalité permettrait à notre commission d'approfondir cette question. Nous pourrions suggérer un mécanisme intergouvernemental d'alerte, commun aux États membres, lorsque des décisions relatives à la nationalité auraient, comme ici, un impact sur la citoyenneté européenne.
Les enquêtes Eurobaromètre montrent que la possibilité de voter à toutes les élections organisées dans l'État de résidence répondrait à une attente de nombreux citoyens européens. Au-delà, le contenu de la citoyenneté européenne leur paraît singulièrement faible. Le volet social - l'harmonisation du système de protection sociale vient en tête des réponses, à 41 % - pourrait le renforcer.
La dimension culturelle occupe une place très faible. J'avais souligné ici même le caractère assez factice du programme des « capitales européennes de la culture ». Le Sénat avait adopté, le 26 décembre 2012, une résolution européenne déplorant que la dimension européenne soit souvent occultée, au profit d'une simple opération de promotion de la ville élue.
La jeunesse devrait aussi être une priorité. Une résolution du 11 avril 2012, à l'initiative de Colette Mélot, avait proposé d'apposer le label unique Erasmus à l'ensemble des actions européennes en la matière. Il est satisfaisant que ce point de vue l'ait emporté. Les nombreuses initiatives menées dans les lycées doivent aussi être encouragées.
Le Sénat a adopté la proposition de résolution de Pierre Bernard-Reymond sur la création de RFE (Radio France Europe), pour informer nos compatriotes de ce que font les autres États membres. Tout se passe comme si la connaissance de l'activité européenne était réservée aux initiés ! L'Europe demeure abstraite, sauf quand on veut lui faire porter le chapeau de ce qui va mal !
Un document de synthèse, transmis aux parlementaires, leur donnerait les moyens d'informer les citoyens. Celui dont nous disposons lors du débat budgétaire ne retrace que la contribution financière de la France à l'Union européenne. Le Secrétaire général des affaires européennes, M. Serge Guillon, relevait le paradoxe de notre vote annuel, qui ne porte que sur la dépense que représente cette contribution et jamais sur les retours qu'elle implique... Il faut informer les citoyens des réalisations concrètes qui voient le jour grâce aux financements européens, dont bénéficient notre agriculture, nos territoires - ou nos tramways, financés à moitié par la Banque européenne d'investissement (BEI).
Des documents accompagnant les formulaires de déclaration d'impôts devraient détailler la contribution moyenne au budget européen et les retours pour les catégories de population concernées et les agriculteurs - souvent hostiles aux institutions européennes alors qu'ils en bénéficient et que la France y gagne 7 milliards d'euros ! Les positions françaises dans les négociations de textes importants, la façon dont elles ont été prises en compte, seraient ainsi mieux comprises. Nous verrons si cette proposition peut être réalisée par Bercy.
Pour faire participer les citoyens au processus de décision, la Commission, qui se rend compte de sa déconnexion vis-à-vis de la réalité, ouvre chaque année des consultations en grand nombre : 104 entre janvier et octobre ; les « livres blancs » et « livres verts » se succèdent, parfois sur des enjeux essentiels, comme l'énergie et le climat. Le Gouvernement nous a précisé que les autorités françaises y répondaient à hauteur de 55 % à 65 %.
Le secrétariat général des affaires européennes (SGAE) encourage les acteurs de la société civile et les parties prenantes à répondre aux consultations, mais sans résultat probant. Or, le processus de décision résulte d'un jeu d'influences. Il implique une mobilisation de tous. Ainsi, la mobilisation récente des professionnels sur le dossier des aides au cinéma a infléchi la position de la Commission. De même, les Parlements nationaux pourraient prendre une part plus active dans cette phase « pré-législative ». Lors de notre entretien, le commissaire Maros Sefcovic, vice-président de la Commission, chargé des relations interinstitutionnelles et de l'administration, m'a rappelé qu'avec le contrôle de la subsidiarité, les Parlements nationaux disent à la Commission si l'Union doit légiférer. Leurs réponses aux livres blancs ou verts l'orienteraient de façon précoce. Grâce à ses liens avec les territoires, le Sénat est susceptible de jouer un rôle privilégié pour relayer l'information sur l'existence de consultations publiques.
La citoyenneté européenne c'est aussi la libre circulation, Erasmus, ou la carte « E 111 ». Un autre aspect concerne la place des femmes dans les institutions européennes. La France compte 44 % de femmes dans sa représentation au Parlement européen. De même, au plan national, la France est devenue « mieux-disante » en luttant contre le plafond de verre, ou pour les nominations dans les hautes instances publiques. La parité a été instaurée dans la composition du Haut conseil des Finances publiques, de la Banque publique d'investissement, du Conseil national des programmes scolaires ou dans l'audiovisuel public. La Commission propose un quota de 40 % de femmes dans les conseils d'administration des sociétés cotées. C'est une avancée. Mais la place des femmes dans les institutions européennes demeure limitée dans les postes d'influence. À la Commission, 7 femmes occupent des postes de directeurs généraux sur un total de 36. C'est peu. La Commission a défini des objectifs de promotion interne, afin que les postes d'encadrement supérieur soient occupés à 30 % par des femmes. Il faut une action volontariste pour parvenir à la parité !
J'en viens aux élections au Parlement européen. Le taux de participation n'a cessé de diminuer, chutant à 43 % en 2009. Dans une résolution de novembre 2012, le Parlement européen a demandé aux partis politiques de proposer des candidats à la présidence de la Commission. Ceux-ci devraient jouer un rôle moteur dans la campagne électorale, en présentant personnellement leur programme dans tous les États membres.
En mars 2013, la Commission a recommandé d'encourager la transmission d'informations aux électeurs sur les liens d'affiliation entre partis nationaux et partis politiques européens. Elle demande également que les partis nationaux et européens fassent connaître avant les élections le nom du candidat aux fonctions de président de la Commission qu'ils soutiennent et son programme. Elle souhaite que les États membres arrêtent une date commune pour les élections, avec une fermeture des bureaux de vote à la même heure. Elle a aussi présenté, en septembre 2012, une proposition de règlement relatif au statut et au financement des partis politiques européens et des fondations politiques européennes. Les fondations politiques allemandes, très bien dotées, jouent un grand rôle en Allemagne.
En septembre 2013, le Parlement européen a lancé une campagne d'information. Beaucoup d'autres initiatives similaires sont prises, notamment par des think tanks. L'opinion publique attend de l'Union des réponses concrètes à des préoccupations du quotidien. Il faut montrer ce que fait l'Union dans ces domaines et nourrir le débat avant les élections.
Les ressortissants d'autres États membres peuvent voter en France. Il faut faciliter l'exercice de ce droit, en évitant les tracasseries administratives. Le Sénat a adopté, hier, le projet de loi transposant une directive qui simplifie l'exercice du droit d'éligibilité aux élections au Parlement européen, pour les citoyens de l'Union résidant dans un État membre dont ils ne sont pas ressortissants. Mais, en France, il existe deux listes d'inscription, l'une pour les municipales, l'autre pour les européennes, et les ressortissants européens doivent recevoir deux récépissés. Selon le ministère de l'intérieur, l'existence de ces deux listes laisse aux citoyens de l'Union le choix de voter aux élections européennes en France ou dans leur pays d'origine. Mais, en pratique, beaucoup de mairies ne délivrent que le récépissé afférent aux élections municipales et bien des électeurs le découvriront trop tard ! Le ministre de l'intérieur m'a indiqué qu'il avait pris des mesures.