Il en est convaincu. C'est pour cela qu'il s'est toujours battu dans les sommets européens pour défendre la PAC.
Le faible nombre d'entreprises exportatrices est un handicap structurel pour notre commerce. La France en compte deux fois moins que l'Italie et trois fois moins que l'Allemagne. Toutefois, là encore, la tendance est à l'amélioration, puisqu'elles sont passées de 121 000 en 2014 à 125 000 en 2015. Mon ministère est très mobilisé sur ce sujet. Le forum des PME à l'international, que nous avions organisé en mars 2015 au Quai d'Orsay, se poursuit par le tour de France des PME exportatrices, avec des forums dans toutes les régions, en lien avec les régions, les CCI, et tous les acteurs. Business France accompagne déjà 3 000 entreprises à l'export. Notre stratégie de soutien aux PME porte ses fruits. Les grands contrats, aussi importants soient-ils pour notre balance commerciale, notamment en matière de défense, ne suffisent pas. Il est aussi essentiel d'aider les PME, qui n'ont pas toujours les ressources nécessaires pour se déployer à l'export. C'est pourquoi nous le faisons en simplifiant le dispositif d'accompagnement à l'export. Comme le Président de la République l'avait souhaité lors du Conseil stratégique de l'attractivité en février 2014, l'Agence française des investissements internationaux et Ubi France ont été fusionnés au sein de Business France le 1er janvier 2015. En outre, avec Stéphane Le Foll, nous avons décidé la semaine dernière que Business France et la Sopexa coordonneront leur action lors des foires, promotions et événements à l'étranger, pour que la France présente un visage uni à l'export.
Nous avons fixé des objectifs ambitieux en matière d'accompagnement à l'export : ainsi les volontaires internationaux en entreprise (VIE), passeront de 8 000 à 10 000 en 2017, et seront davantage mis à disposition des PME. De même, le réseau des conseillers du commerce extérieur de la France, constitué de bénévoles en entreprises dans le monde entier, a désigné 155 référents PME afin d'assurer un tutorat et un accompagnement à l'exportation.
Ainsi nous combinons stratégie de filière, stratégie géographique, et mettons l'accent sur les PME, créatrices d'emploi et de valeur. Ce rapport fait aussi un point sur les négociations commerciales internationales en cours. C'est l'Union européenne qui mène les négociations mais nous suivons les discussions avec attention. Le multilatéralisme, auquel la France a toujours été très attachée, quels que soient les gouvernements, s'essouffle, au profit de négociations bilatérales ou régionales. À Nairobi, où je représentais la France en décembre à un sommet de l'OMC dans le cadre du cycle de Doha, les discussions ont été laborieuses. Il faut leur redonner du souffle en abordant de nouveaux sujets comme la transparence ou les liens entre commerce et environnement. La France porte l'idée de rendre contraignantes les normes environnementales et sociales, au même titre que les normes commerciales. La mondialisation de l'économie doit s'accompagner d'une mondialisation des règles ; après 30 ans de dérégulation, il est temps de rendre à la puissance publique le droit d'intervenir pour fixer des règles.
Des négociations sont en cours avec des pays d'Asie, ou avec le Mercosur. À cet égard, le Président de la République a récemment réaffirmé que la France souhaitait des accords mais qu'elle serait vigilante quant à la défense de ses intérêts, en particulier, en matière agricole. Ainsi, nous portons une grande attention à la question des quotas globaux, afin que la superposition de quotas issus de différents accords ne déstabilise pas notre agriculture et nos filières.
Lorsque j'ai été nommé, la fin des négociations sur le Comprehensive Economic and Trade Agreement, dit CETA, avait été annoncée lors du sommet entre l'Union européenne et le Canada fin 2014. À l'époque, j'avais présenté au Parlement la position du Gouvernement. L'ouverture des marchés publics canadiens, tant au niveau national, qu'infranational, ainsi que la reconnaissance de 42 nouvelles indications géographiques françaises charcutières et laitières, qui s'ajoutaient à la vaste reconnaissance d'appellations de vins et spiritueux de 2004, constituaient des avancées significatives. J'avais aussi indiqué nos réserves sur le chapitre 33 relatif au mécanisme d'arbitrage privé ISDS (Investor-state dispute settlement) qui autorise des entreprises privées à faire valoir leurs droits contre des États devant des tribunaux privés. Destiné à protéger les entreprises contre des expropriations illégitimes ou le pillage des brevets, il a donné lieu à des dérives, de très grands groupes attaquant des États non pour des décisions arbitraires mais en raison de leurs politiques publiques (santé publique, énergétique, environnementale...) élaborées démocratiquement. La France s'est battue contre ce mécanisme. C'est au Sénat, fin 2014, que j'ai évoqué, lors d'échanges avec différentes commissions et le sénateur Daniel Raoul, l'idée de remplacer ce mécanisme de tribunaux d'exception par une cour publique de justice commerciale internationale. La France était seule à l'époque. La précédente Commission européenne ne voulait pas en entendre parler. J'ai défendu cette position avec l'Allemagne et nous avons fini par convaincre les autres États et la Commission. Le Canada a accepté cette idée la semaine dernière. C'est une avancée majeure qui garantit la transparence des procédures, la prévention des conflits d'intérêts et la déontologie des juges. Le droit des États à définir des politiques publiques est reconnu et il est interdit d'attaquer des choix démocratiques. Après trente ans de dérégulation, la souveraineté, comme capacité à édicter des règles, est reconnue. Aujourd'hui, nous considérons que cet accord est un bon accord.
Les négociations transatlantiques sur le TTIP sont engagées depuis plusieurs années. J'ai eu plusieurs fois l'occasion de dénoncer le manque de transparence des discussions. Comment prétendre aboutir à un accord majeur en cachette ? C'est impossible, Pascal Lamy l'a bien dit. La France a exigé que les documents de la négociation puissent être consultables dans des locaux relevant de l'administration française, et non simplement à l'ambassade des États-Unis. C'était inacceptable : le contrôle des parlementaires est indispensable. C'est désormais possible depuis le début de l'année. Toutefois nous n'avons toujours pas accès aux propositions américaines et les conditions de consultation restent trop restrictives. À la différence des accords de défense ou de lutte contre le terrorisme, toutes les données relatives à des négociations commerciales devraient être en open data. Les citoyens ont le droit d'être informés, tout comme le sont les lobbys. A l'heure des réseaux sociaux, c'est la meilleure garantie contre la défiance permanente. Cela suppose cependant de revoir de nombreuses règles, dans les États ou à l'Organisation mondiale du commerce (OMC).
Sur le fond, le douzième round s'est tenu à Bruxelles. Il semble peu encourageant. Les négociations sont bloquées sur l'agriculture et les indications géographiques. Or il s'agit pour nous d'une condition fondamentale. Nous attachons une grande importance à notre diplomatie des terroirs. Soyons clairs : si la France n'a pas d'intérêt à signer cet accord, nous ne le signerons pas et il n'y aura pas d'accord (Applaudissements). L'agenda en dépend. Nous prendrons le temps qu'il faut pour parvenir à un bon accord ; la date de signature importe peu. La France n'est pas favorable à un accord bâclé, pour conclure à tout prix. Si rien ne bouge, nous demanderons la fin des négociations. Il n'y a pas eu d'avancées non plus sur les services. Nous avons besoin d'une régulation des services et des services financiers. À cet égard, il est dans notre intérêt de négocier, faute de quoi les États-Unis feront prévaloir leurs règles grâce à la puissance extra-territoriale de leur droit. Rien non plus sur l'accès aux marchés publics. Ainsi d'une certaine manière le TTIP est l'anti-CETA.