Nous vous remercions, Monsieur le ministre, d'avoir répondu à l'invitation commune des commissions des affaires européennes, des affaires étrangères et des affaires économiques. Vous aurez certainement à coeur de nous présenter la stratégie française pour le commerce extérieur et les négociations commerciales en cours retiennent toute notre attention. En tout premier lieu, le projet de traité transatlantique (TTIP) qui a fait l'objet d'un nouveau round de négociations fin février. Au nom de notre groupe de suivi, je tiens d'ailleurs à vous remercier pour avoir contribué à faciliter l'accès des parlementaires aux documents des négociations. Nous sommes ainsi informés, au moins à travers la fenêtre française, même si cette négociation est conduite directement entre l'Union européenne et les États-Unis. On ne peut que regretter toutefois que la transparence ne soit pas totale du côté américain, même si les conditions d'accès aux documents américains ont été assouplies : il y a peu encore, nous ne pouvions les consulter qu'à l'ambassade des États-Unis, dans un local fermé, en remettant nos téléphones portables et à l'entrée... Espérons que les efforts pour plus de transparence se poursuivront. Suite à des fuites qui se sont produites en Allemagne, une nouvelle procédure de consultation des documents européens a été mise en place à la demande de la Commission européenne. Elle contraint nos collègues qui le souhaitent à aller consulter dans un local dédié qui se trouve au secrétariat général des affaires européennes (SGAE). Surtout, les documents sont disponibles exclusivement en anglais ce qui n'est pas acceptable. Le Gouvernement devra faire en sorte que ces documents soient disponibles en français.
Nous souhaitons en outre avoir des assurances sur le caractère mixte de l'accord qui sera passé, qui implique une ratification par tous les États. Le Parlement, en effet, doit pouvoir se prononcer sur l'accord final.
Au-delà, ce projet de traité soulève beaucoup d'inquiétudes et de réactions, non fondées pour certaines mais pleinement justifiées pour d'autres. Dans le contexte de la crise agricole que nous traversons, nos agriculteurs attendent des garanties très fortes sur la préservation des intérêts de notre agriculture, et notamment des indications géographiques protégées (IGP). Avec Jean Bizet et deux représentants de l'Assemblée nationale, nous avons rencontré à ce sujet l'ambassadeur américain auprès de l'OMC, Michael Punke qui, pour l'anecdote, est aussi l'auteur du livre à l'origine du film The Revenant. Preuve que l'on peut être diplomate, écrivain, et attaché à l'agriculture ! La France a aussi des intérêts défensifs sur les produits sensibles tels que la viande de boeuf. Et des intérêts offensifs, en particulier sur le lait.
L'Europe doit obtenir la levée des obstacles non tarifaires qui sont autant d'entraves à l'accès au marché américain. Nous avons jusqu'ici été plutôt frappés par l'absence de propositions de la partie américaine, en particulier sur la question sensible de l'ouverture des marchés publics, qui était au coeur de l'accord Comprehensive Economic and Trade Agreement (CETA) avec le Canada, négocié récemment et qui doit encore être ratifié. Qu'en est-il du dernier round de négociations qui vient de se dérouler ? Quelles conclusions peut-on en tirer sur l'évolution de la négociation ?
Permettez-moi tout d'abord d'excuser l'absence du président Raffarin. Le Sénat suit attentivement les négociations de libre-échange entre l'Union européenne et les États-Unis. Il a déjà adopté deux résolutions européennes, à l'initiative de notre collègue Michel Billout, sur ces thèmes : l'une, le 3 février 2015, sur les règlements des différends entre États et investisseurs et l'autre, le 4 février 2016, sur les conséquences du traité transatlantique pour l'agriculture et l'aménagement du territoire.
L'accord TTIP sera-t-il bien un accord mixte, laissant tout leur rôle aux Parlements nationaux ? De même, allons-nous nous laisser dicter un calendrier des négociations pour coller au calendrier des élections américaines ? La France ne peut pas envisager de conclure, pour respecter des délais qui ne sont pas les siens, un « mauvais » accord pour ses intérêts.
Dans le pilier « accès au marché », où en sont les négociations sur l'origine des marchandises et les appellations contrôlées ? Je crois savoir qu'il y a eu des avancées lors du dernier round. Dans le domaine des services, comment les positions françaises sont-elles entendues, alors que des listes d'accès et d'exclusion au marché des services semblent être en voie de consolidation ? Dans le pilier « cohérence règlementaire », les orientations européennes privilégiant les plus hauts niveaux de protection des normes sont-elles préservées ? On sait que le niveau des normes aux États-Unis, notamment en matière environnementale, est très inférieur à celui en vigueur en Europe.
Monsieur le Ministre, pourriez-vous nous indiquer si, lors du dernier round de négociations du TTIP, qui s'est déroulé le mois dernier à Bruxelles, des évolutions significatives ont eu lieu sur trois sujets qui nous tiennent à coeur ? Je pense à l'accès équilibré et réciproque aux marchés publics fédéraux et sous-fédéraux, sujet que M. Daniel Raoul a porté au Sénat ; la prise en compte des exigences européennes en matière d'IGP ; et la préservation des secteurs agricoles sensibles, notamment des filières d'élevage et plus particulièrement des filières viandes rouges.
Au-delà du TTIP, pourrions-nous aborder le rapport 2015 sur la stratégie du commerce extérieur de la France, paru en fin d'année dernière ? Cette synthèse très instructive éclaire les évolutions de notre commerce extérieur depuis le début des années 2000, mais surtout présente les objectifs et les instruments pour redresser les échanges extérieurs après près de quinze ans de dégradation continue.
Au-delà de l'action sur les déterminants macro-économiques de la compétitivité et de l'attractivité, votre rapport souligne l'effort d'optimisation des opérateurs de l'État au service de l'internationalisation des PME, avec notamment la création de Business France, le rapprochement de cette dernière avec la société pour l'expansion des ventes des produits agricoles et alimentaires (Sopexa), la mise en place d'un guichet unique regroupant Business France, Coface et BpiFrance ; la création d'un « parcours de l'export » coordonné entre CCI France, Business France et CCI France international. Ce travail de rationalisation ou de coordination des structures d'appui est-il selon vous désormais achevé ? L'action des opérateurs de l'État, des chambres consulaires et des régions est-elle désormais suffisamment cohérente pour permettre un accès simple et efficace aux entreprises ?
Alors qu'on attribue souvent les mauvaises performances de notre appareil exportateur à son caractère trop généraliste et insuffisamment spécialisé, l'idée de mettre en avant un petit nombre de secteurs à fort potentiel est séduisante. Où en est la stratégie sectorielle du commerce extérieur lancée par notre collègue Nicole Bricq en décembre 2012, fondée notamment sur la définition de six familles prioritaires à l'export ? Quelles sont ses traductions et ses résultats concrets ? Peut-on déjà mesurer leurs effets sur nos performances à l'export ?
Comme la commission des affaires économiques, la commission des affaires européennes est attachée à la transparence dans le cadre des négociations du TIPP. Enfin, à ceux qui prônent la suppression du système Schengen, je rappelle que cela ne serait pas sans conséquence : France Stratégie évalue le surcoût annuel pour la France à dix milliards d'euros.
secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger. - Merci pour votre accueil. J'ai souhaité qu'une feuille de route stratégique du commerce extérieur français soit définie, qui engage tous les acteurs. Je l'ai présentée devant l'Assemblée nationale à la fin de l'année dernière. Ce rapport a été élaboré en commun par le conseil stratégique de l'export et le conseil de suivi des politiques commerciales créé par Nicole Bricq et que j'ai réformé notamment pour inclure les ONG. Il est l'aboutissement des réflexions des services de l'État, mais aussi des différentes filières économiques, des syndicats, des ONG et des parlementaires. Pour la première fois nous sommes parvenus à bâtir une stratégie cohérente à l'export, sujet fondamental pour notre économie : un quart des emplois salariés en France, en effet, dépend des exportations, et un tiers des exportations sont réalisées par des filiales d'entreprises étrangères installées en France.
Ce rapport dresse le bilan de notre commerce extérieur filière par filière. Il montre le lien entre les politiques industrielles internes menées par le ministre de l'économie, comme la stratégie des filières ou les politiques industrielles, et leur projection à l'export, grâce à la définition de filières sectorielles prioritaires, stratégie imaginée par Nicole Bricq et que j'ai poursuivie. Le gouvernement est d'ailleurs prêt à créer de nouvelles filières. J'ai ainsi nommé de nouveaux fédérateurs, comme M. Duportet sur le numérique. Nous travaillons aussi continent par continent et pays par pays pour identifier les barrières tarifaires mais aussi non tarifaires. Le rapport fait aussi le point sur notre diplomatie des terroirs à laquelle je suis très attaché, vu les effets des négociations commerciales sur notre agriculture, notre manière de produire et notre alimentation.
Le déficit de notre commerce extérieur s'est réduit : 45 milliards en 2015 contre 70 milliards en 2011. Rien qu'entre 2014 et 2015, le solde s'est amélioré de 20 %. Pas de quoi pavoiser cependant, vu l'ampleur du déficit, mais la situation s'améliore. Cette amélioration est due à 80 % à des facteurs exogènes - prix de l'énergie, cours de l'euro -, et à 20 % à des efforts de compétitivité - CICE, pacte de responsabilité, stratégie des filières, etc. L'aéronautique constitue de loin le premier secteur excédentaire, avec un excédent de 23 milliards, suivi par l'agro-alimentaire, avec un excédent de 9 milliards, preuve que notre agriculture est puissante et conquérante. Ceux qui prétendent que l'on pourrait résoudre les difficultés que nous traversons en nous repliant sur nous-mêmes ne font que mentir à des fins politiciennes et abusent de la détresse des agriculteurs. Se couper du monde serait un mirage qui se révélerait rapidement désastreux pour notre agriculture. La Commission européenne doit certes évoluer et entendre nos demandes, mais sortir de la politique agricole commune (PAC) reviendrait à nous tirer une balle dans le pied.
Il en est convaincu. C'est pour cela qu'il s'est toujours battu dans les sommets européens pour défendre la PAC.
Le faible nombre d'entreprises exportatrices est un handicap structurel pour notre commerce. La France en compte deux fois moins que l'Italie et trois fois moins que l'Allemagne. Toutefois, là encore, la tendance est à l'amélioration, puisqu'elles sont passées de 121 000 en 2014 à 125 000 en 2015. Mon ministère est très mobilisé sur ce sujet. Le forum des PME à l'international, que nous avions organisé en mars 2015 au Quai d'Orsay, se poursuit par le tour de France des PME exportatrices, avec des forums dans toutes les régions, en lien avec les régions, les CCI, et tous les acteurs. Business France accompagne déjà 3 000 entreprises à l'export. Notre stratégie de soutien aux PME porte ses fruits. Les grands contrats, aussi importants soient-ils pour notre balance commerciale, notamment en matière de défense, ne suffisent pas. Il est aussi essentiel d'aider les PME, qui n'ont pas toujours les ressources nécessaires pour se déployer à l'export. C'est pourquoi nous le faisons en simplifiant le dispositif d'accompagnement à l'export. Comme le Président de la République l'avait souhaité lors du Conseil stratégique de l'attractivité en février 2014, l'Agence française des investissements internationaux et Ubi France ont été fusionnés au sein de Business France le 1er janvier 2015. En outre, avec Stéphane Le Foll, nous avons décidé la semaine dernière que Business France et la Sopexa coordonneront leur action lors des foires, promotions et événements à l'étranger, pour que la France présente un visage uni à l'export.
Nous avons fixé des objectifs ambitieux en matière d'accompagnement à l'export : ainsi les volontaires internationaux en entreprise (VIE), passeront de 8 000 à 10 000 en 2017, et seront davantage mis à disposition des PME. De même, le réseau des conseillers du commerce extérieur de la France, constitué de bénévoles en entreprises dans le monde entier, a désigné 155 référents PME afin d'assurer un tutorat et un accompagnement à l'exportation.
Ainsi nous combinons stratégie de filière, stratégie géographique, et mettons l'accent sur les PME, créatrices d'emploi et de valeur. Ce rapport fait aussi un point sur les négociations commerciales internationales en cours. C'est l'Union européenne qui mène les négociations mais nous suivons les discussions avec attention. Le multilatéralisme, auquel la France a toujours été très attachée, quels que soient les gouvernements, s'essouffle, au profit de négociations bilatérales ou régionales. À Nairobi, où je représentais la France en décembre à un sommet de l'OMC dans le cadre du cycle de Doha, les discussions ont été laborieuses. Il faut leur redonner du souffle en abordant de nouveaux sujets comme la transparence ou les liens entre commerce et environnement. La France porte l'idée de rendre contraignantes les normes environnementales et sociales, au même titre que les normes commerciales. La mondialisation de l'économie doit s'accompagner d'une mondialisation des règles ; après 30 ans de dérégulation, il est temps de rendre à la puissance publique le droit d'intervenir pour fixer des règles.
Des négociations sont en cours avec des pays d'Asie, ou avec le Mercosur. À cet égard, le Président de la République a récemment réaffirmé que la France souhaitait des accords mais qu'elle serait vigilante quant à la défense de ses intérêts, en particulier, en matière agricole. Ainsi, nous portons une grande attention à la question des quotas globaux, afin que la superposition de quotas issus de différents accords ne déstabilise pas notre agriculture et nos filières.
Lorsque j'ai été nommé, la fin des négociations sur le Comprehensive Economic and Trade Agreement, dit CETA, avait été annoncée lors du sommet entre l'Union européenne et le Canada fin 2014. À l'époque, j'avais présenté au Parlement la position du Gouvernement. L'ouverture des marchés publics canadiens, tant au niveau national, qu'infranational, ainsi que la reconnaissance de 42 nouvelles indications géographiques françaises charcutières et laitières, qui s'ajoutaient à la vaste reconnaissance d'appellations de vins et spiritueux de 2004, constituaient des avancées significatives. J'avais aussi indiqué nos réserves sur le chapitre 33 relatif au mécanisme d'arbitrage privé ISDS (Investor-state dispute settlement) qui autorise des entreprises privées à faire valoir leurs droits contre des États devant des tribunaux privés. Destiné à protéger les entreprises contre des expropriations illégitimes ou le pillage des brevets, il a donné lieu à des dérives, de très grands groupes attaquant des États non pour des décisions arbitraires mais en raison de leurs politiques publiques (santé publique, énergétique, environnementale...) élaborées démocratiquement. La France s'est battue contre ce mécanisme. C'est au Sénat, fin 2014, que j'ai évoqué, lors d'échanges avec différentes commissions et le sénateur Daniel Raoul, l'idée de remplacer ce mécanisme de tribunaux d'exception par une cour publique de justice commerciale internationale. La France était seule à l'époque. La précédente Commission européenne ne voulait pas en entendre parler. J'ai défendu cette position avec l'Allemagne et nous avons fini par convaincre les autres États et la Commission. Le Canada a accepté cette idée la semaine dernière. C'est une avancée majeure qui garantit la transparence des procédures, la prévention des conflits d'intérêts et la déontologie des juges. Le droit des États à définir des politiques publiques est reconnu et il est interdit d'attaquer des choix démocratiques. Après trente ans de dérégulation, la souveraineté, comme capacité à édicter des règles, est reconnue. Aujourd'hui, nous considérons que cet accord est un bon accord.
Les négociations transatlantiques sur le TTIP sont engagées depuis plusieurs années. J'ai eu plusieurs fois l'occasion de dénoncer le manque de transparence des discussions. Comment prétendre aboutir à un accord majeur en cachette ? C'est impossible, Pascal Lamy l'a bien dit. La France a exigé que les documents de la négociation puissent être consultables dans des locaux relevant de l'administration française, et non simplement à l'ambassade des États-Unis. C'était inacceptable : le contrôle des parlementaires est indispensable. C'est désormais possible depuis le début de l'année. Toutefois nous n'avons toujours pas accès aux propositions américaines et les conditions de consultation restent trop restrictives. À la différence des accords de défense ou de lutte contre le terrorisme, toutes les données relatives à des négociations commerciales devraient être en open data. Les citoyens ont le droit d'être informés, tout comme le sont les lobbys. A l'heure des réseaux sociaux, c'est la meilleure garantie contre la défiance permanente. Cela suppose cependant de revoir de nombreuses règles, dans les États ou à l'Organisation mondiale du commerce (OMC).
Sur le fond, le douzième round s'est tenu à Bruxelles. Il semble peu encourageant. Les négociations sont bloquées sur l'agriculture et les indications géographiques. Or il s'agit pour nous d'une condition fondamentale. Nous attachons une grande importance à notre diplomatie des terroirs. Soyons clairs : si la France n'a pas d'intérêt à signer cet accord, nous ne le signerons pas et il n'y aura pas d'accord (Applaudissements). L'agenda en dépend. Nous prendrons le temps qu'il faut pour parvenir à un bon accord ; la date de signature importe peu. La France n'est pas favorable à un accord bâclé, pour conclure à tout prix. Si rien ne bouge, nous demanderons la fin des négociations. Il n'y a pas eu d'avancées non plus sur les services. Nous avons besoin d'une régulation des services et des services financiers. À cet égard, il est dans notre intérêt de négocier, faute de quoi les États-Unis feront prévaloir leurs règles grâce à la puissance extra-territoriale de leur droit. Rien non plus sur l'accès aux marchés publics. Ainsi d'une certaine manière le TTIP est l'anti-CETA.
La France possède 30 millions d'hectares de terres agricoles, soit 20 % des 140 millions d'hectares agricoles en Europe. À titre de comparaison, les États-Unis en comptent 375 millions et le Mercosur, 300 millions ! Comment faire face ? Nous devons mettre l'accent sur la qualité, faire reconnaître nos appellations géographiques : AOC, AOP, IGP... Nous devons surtout nous appuyer sur ces dernières, signes de qualité évidents. Si nous n'y arrivons pas, il faudra alors faire valoir que l'alimentation est un secteur à part qui doit faire l'objet de négociations spécifiques.
Nous avons noté la fermeté du Gouvernement dans les négociations internationales. Mais les négociateurs européens sont-ils aussi déterminés ?
Vous avez évoqué la coordination entre Business France et la Sopexa. Je regrette l'absence de coordination entre les régions, chacune agissant de manière isolée, à la différence des régions italiennes ou espagnoles qui tiennent des stands communs. Fusionnons Business France et la Sopexa !
J'ai cru que vous vouliez fusionner toutes les régions...
Le traité de libre-échange avec le Canada a été finalisé. Bravo pour avoir su faire valoir vos positions sur l'ISDS et avoir fait changer d'avis la commissaire européenne. Serait-il possible toutefois, avant sa ratification, d'obtenir une étude d'impact sur ses aspects économiques et son effet sur l'agriculture ?
J'ai lu avec attention votre rapport. Oui, la France est créative. La France est en pointe en matière aéronautique et spatiale, mais nous pourrions mieux soutenir les applications qui découlent de l'usage des satellites, comme le transfert d'images par satellites. Voilà un secteur susceptible de créer des milliers d'emplois rapidement. Je vous remettrai un dossier portant un projet sur ce thème. Enfin je salue votre action pour mieux piloter notre politique à l'export. Le conseil stratégique de l'export est nécessaire mais il faut aussi renforcer le rôle des régions. Les outils existent, mais sans doute faudrait-il ne pas oublier cette niche particulière.
Merci pour votre pédagogie, Monsieur le ministre. Nous soutenons votre politique offensive. Il était important de rappeler que notre agriculture est compétitive.
Nous acceptons trop souvent et trop vite l'adhésion d'un pays à l'OMC sans tenir compte du respect des exigences sociales et environnementales. Ne faudrait-il pas subordonner l'adhésion au respect des normes de l'Organisation internationale du travail, afin d'éviter toute concurrence déloyale ? Quelle est la position de nos partenaires européens sur ce sujet ?
Un mot sur le TTIP. L'opacité qui règne autour des négociations est ahurissante. On croit rêver quand on voit comment ils nous traitent. Vraiment, les États-Unis nous prennent pour des pingouins, avec tout le respect que je dois à ces animaux ! Les négociations sont bloquées. Mais les Américains veulent-ils vraiment aboutir ? Ne sont-ils pas davantage tournés vers le Pacifique et l'Asie ? En ce sens, un échec des négociations ne serait-il pas préoccupant ?
Les vins et spiritueux contribuent fortement à l'équilibre de notre balance commerciale. Le Champagne, à lui seul, rapporte 4,75 milliards à la France. Il est important que nous défendions nos AOC et nos IGP. Les Américains ne savent pas ce qu'il en est. Ils ont une approche fondée sur le marketing, la séduction du consommateur, alors que nous nous battons pour nos territoires, notre culture, nos traditions.
Oui, la qualité de l'agriculture française est importante. Si les négociations mettent en concurrence deux modèles agricoles et alimentaires totalement différents, le nôtre ne résistera pas. Nos agriculteurs mais aussi les consommateurs veulent un autre modèle alimentaire spécifique. Il n'y aura d'accord que s'il respecte nos convictions. Je l'ai dit en septembre, Stéphane Le Foll également ; le consensus est très large, y compris sur vos bancs, et le combat est commun.
La Commission européenne se montre beaucoup plus ferme dans les négociations. D'emblée, elle a saisi les difficultés et son approche est beaucoup plus politique qu'auparavant. J'ai déploré que l'Union européenne ait multiplié les offres tandis que les États-Unis restaient sur leurs positions. Désormais, c'est à ce pays de se positionner et chacun doit faire preuve de bonne volonté. La balle n'est plus dans notre camp. Si rien ne bouge, ne faisons pas semblant de poursuivre les négociations.
Les régions, membres du comité stratégique de l'export, sont au coeur de la stratégie de l'export. Les forums sont toujours organisés avec elles. La loi NOTRe leur a donné une compétence de coordination et de pilotage sur l'exportation avec les Plans régionaux à l'internationalisation des entreprises (PRIE).
Je suis prêt à analyser et à vous présenter les effets de l'accord Ceta, avant que vous n'ayez à vous prononcer. Nous manquons d'études sur le sujet, comme sur bien d'autres, d'ailleurs. Ce sont souvent les mêmes écoles de pensées économiques qui produisent des études, sans débat contradictoire. Réhabilitons la science économique : ceux qui n'ont pas su prévoir les crises des dernières décennies n'ont pas de leçons de morale à nous donner.
Madame Durrieu, j'attends votre dossier sur les satellites : les enjeux sont en effet cruciaux, d'autant que notre savoir-faire est exceptionnel.
Les exigences sociales et environnementales me tiennent à coeur. Nous y avons travaillé au sein du comité de suivi stratégique des politiques commerciales. Je souhaite que désormais les accords commerciaux comprennent un volet développement durable, en particulier sur les aspects sociaux et environnementaux : ils doivent devenir opposables, au même titre que les chapitres commerciaux. C'est un enjeu important après la COP 21.
Ma mobilisation est totale dans le combat pour les IGP. L'arrangement de Lisbonne, qui rassemble vingt-huit États, les protège. Bientôt, l'Union européenne pourra le signer. Cet accord reconnaît le lien entre les produits, les hommes et les terroirs.
Au sommet entre la France et l'Italie, nous avons travaillé sur la liaison est-ouest, le Lyon-Turin. Sur ces grands projets d'infrastructures, nous devons nous rassembler pour créer des liens entre les entreprises de nos différents pays. Le commerce intra-européen est fondamental. Comment renforcer ces liens à partir de ces grands projets structurants qui seront utiles dans les trente prochaines années - même si les citoyens ne le voient pas ?
Je rends hommage à vos efforts pour rendre ces négociations plus transparentes. J'ai consulté les documents à votre ministère : l'ambiance est monacale, mais studieuse. Je m'inquiète du ton et de la sémantique utilisés lors des négociations sur les IGP. Dans quelle mesure pourrait-on signer un accord sans l'agriculture, ou en excluant une partie des filières, comme le lait ? Peut-on signer un traité à la carte ? Comment l'Europe peut-elle défendre un volet social ou environnemental à l'international, alors qu'elle-même n'a pas résolu ses propres contradictions sur le sujet ? L'agriculture française souffre des différences de normes environnementales et sociales au sein de l'Europe.
Merci pour la clarté et la teneur de vos propos. Vous avez un peu opposé deux types d'agriculture alors qu'ils sont complémentaires. Nous pouvons développer à la fois une agriculture diversifiée, exportatrice et en circuits courts, biologique et paysanne. Pourquoi les opposer ? Les agriculteurs sont souvent en grande difficulté et s'inquiètent pour leur avenir. Régulons, sans chercher la compétitivité maximale.
Merci d'avoir cadré les négociations transatlantiques. Pour vous, des négociations bilatérales sont plus faciles à mener que des négociations multilatérales. Si les négociations n'aboutissent pas, l'Union pourra-t-elle peser sur les normes internationales ? Le choix de négocier avec les États-Unis plutôt qu'avec une autre partie du globe est un choix de société ; fait-il sens dans le monde actuel ?
Actuellement, l'énergie fossile est peu chère, mais de grandes différences existent entre l'Union européenne et les États-Unis. Peut-on avoir un marché transatlantique sans marché du carbone unique ? Quel est le rôle des sanctions et de l'Ofac (Office of Foreign Assets Control, bureau de contrôle des avoirs étrangers) qui bloque les visas de certains entrepreneurs européens, notamment à la suite de séjours en Iran ? Est-ce acceptable ? N'est-ce pas un préalable à lever avant de retourner à la table des négociations ?
Je salue votre action pour la transparence. C'est important d'avoir pu modifier l'accord avec le Canada. Lorsque les négociateurs ont livré leur copie en septembre 2014, la Commission européenne disait que les négociations étaient terminées - hormis un toilettage juridique ; ça aurait été une catastrophe démocratique ! Une négociation technique n'est pas une fin en soi. Vous avez redonné du pouvoir au Parlement.
Lorsqu'on évoque les conditions de ratification du TTIP ou du Ceta, on oublie qu'ils ont été précédés de l'accord entre l'Union européenne et Singapour, dont on n'a absolument pas parlé au Parlement français, qui fut uniquement scellé entre des négociateurs. Ces accords sont-ils mixtes ? Si oui, les parlements nationaux doivent être consultés. Si la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) ne décide pas que l'accord de Singapour est mixte, quelle sera la position du Gouvernement français ?
Je vous félicite pour vos talents de négociateur et les avancées que vous avez obtenues. Quel est le poids de la France dans les négociations ? Peut-elle, à elle seule, empêcher l'accord ? Avec Franck Montaugé, j'ai lu des études sur l'impact d'un accord, mais quel serait l'impact de l'échec des négociations ? Existe-t-il des études fiables sur le sujet ? Au Salon de l'agriculture, on nous a dit que les conséquences pourraient être tragiques pour la filière viande, de même pour l'industrie.
Votre rapport sur les exportations est de grande qualité. Peut-être faudrait-il plus insister sur la culture de l'exportation. À Milan, de très petites entreprises de 5 ou 6 salariés vendent dans toute l'Europe.
En France, on a beaucoup désindustrialisé, et les chiffres du commerce extérieur s'en ressentent. La montée en gamme des produits est une condition sine qua non pour que nos produits se vendent en France, en Europe et dans le monde. Développons cette culture de l'exportation dans nos écoles, dans la formation professionnelle, au sein des universités, des chambres de commerce et d'industrie !
Même si je ne suis pas directement en charge du sujet, nous travaillons au sein du Gouvernement sur le projet Lyon-Turin. Les infrastructures ferroviaires, routières, aériennes permettent de connecter notre territoire au reste de l'Europe, ce qui favorise bien sûr le commerce extérieur et le tourisme.
La balance des services est très importante. Pour la première fois, nous avons présenté cette année tous les chiffres du commerce extérieur (balance du commerce extérieur, services, négoce international...) qui, pris de façon globale, sont à l'équilibre. Pour les grandes institutions internationales, cet équilibre est un indicateur macroéconomique de stabilité durable d'un pays dans son ensemble régional.
Les infrastructures sont un sujet central : nous devons développer les liaisons aériennes et ferroviaires - intra européennes et au-delà. Les décisions et les travaux ne sont pas toujours simples mais les enjeux sont fondamentaux.
Je ne suis pas sûr de bien comprendre l'idée d'un traité morcelé. Nous ne sommes pas favorables à un traité ponctuel qui ne serait pas gagnant-gagnant. J'ai dit aux agriculteurs que nous n'échangerions pas nos indications géographiques contre des importations agricoles massives dans notre pays. Nous combattrons, jusqu'au bout, en faveur des IGP tout en restant vigilants sur les quotas.
La consultation des documents marque un progrès, mais ce n'est qu'un début. Plus on mettra de documents sur la place publique, mieux ce sera, pour plus de transparence. Sinon, à quoi bon négocier ?
Je ne suis pas en charge des affaires européennes, mais pour avancer sur les normes sociales et environnementales, la France et l'Allemagne doivent travailler de concert avec quelques autres pays. On ne pourra le faire de suite à 28. Si je suis un européen convaincu - par construction ! - l'Europe ne fonctionne hélas plus ainsi.
Oui, l'agriculture est plurielle, et je ne visais pas votre famille politique, monsieur Le Scouarnec. Chez vous comme chez moi dans le Lot-et-Garonne, il existe des choses extraordinaires à valoriser : circuits courts, agriculture durable, agritourisme... Ce n'est pas contradictoire avec une agriculture conquérante, innovante et de qualité.
Nous négocions avec le monde entier - Mercosur, Japon, Vietnam, Singapour, Canada... - et pas seulement avec les États-Unis. Je souhaite davantage de priorités dans les négociations, au lieu d'ouvrir frénétiquement toujours plus de nouvelles négociations sans s'interroger sur leur réelle utilité. Parfois, la machine s'emballe...
Oui, les positions de l'Ofac sont inacceptables, avec une application internationale du droit américain. Ce n'est pas notre conception d'une véritable communauté internationale. J'ai engagé des négociations avec l'Ofac pour protéger nos entreprises, pour savoir ce qui peut ou non être fait, surtout pour ce qui concerne l'Iran. On ne doit pas demander à chaque pays quel droit s'applique, cela doit relever du droit international. Un membre de mon cabinet a même été bloqué parce qu'il était allé en Iran !
Nous avons rouvert le dossier du Ceta. Sur nombre de sujets, on m'avait dit qu'il n'y avait plus rien à faire. Ce n'est pas comme cela que les choses doivent se passer : il revient aux élus et aux membres du Gouvernement de fixer les priorités. C'est une position de principe et non dirigée contre tel ou tel pays, et cela a fonctionné avec le Canada. Il est inacceptable que des intérêts privés remettent en cause des décisions démocratiques. Ce point, non négociable, doit être repris dans tous les accords commerciaux futurs, y compris avec les États-Unis, sinon nous ne signerons pas. Progressivement, la centaine d'accord signés précédemment comportant le mécanisme ISDS et les 3 500 existant dans le monde devront entrer dans ce cadre.
Il s'agit bien d'accords mixtes, y compris pour le Ceta ou le futur accord avec les États-Unis. Je regrette la saisine de la CJUE par la Commission européenne sur l'accord avec Singapour ; c'est le Conseil, à l'unanimité, qui se prononce pour savoir si un accord est mixte ou non. Pour la France, Ceta et TTIP sont des accords mixtes et devront être votés par le Parlement. Le contraire serait un coup d'État démocratique.
Nous avons obtenu des levées d'embargos pour offrir des débouchés alternatifs aux agriculteurs sur les produits frappés par l'embargo russe : ainsi en est-il au Vietnam, en Afrique du sud, au Canada, à Singapour et en Arabie Saoudite... L'accès au marché, produit par produit, est très important. Nous travaillons en partenariat avec l'Union européenne, et en particulier avec les Allemands, partenaires stratégiques, afin de former des consensus européens. Nous tiendrons bon sur nos fondamentaux. Parfois, nous sommes seuls, mais quand nous sommes justes sur le fond, ce n'est pas rédhibitoire.
Nous manquons d'études économiques crédibles, fiables et contradictoires. Ceux qui prônent une concurrence libre et non faussée en économie devraient se l'appliquer pour le débat intellectuel. Beaucoup reste à faire sur la culture de l'export. Nous essayons de le faire dans notre tour de France des PME exportatrices afin qu'elles puissent s'exprimer et se faire connaître. Certaines sont des pépites qui font vivre des territoires entiers.
Je reste bien sûr à votre disposition. J'ai demandé que nos échanges soient annexés au rapport puisqu'il s'agit d'un rapport devant le Parlement.
Merci monsieur le ministre. Nous saluons votre engagement, votre écoute et votre parler vrai. Les sénateurs sont très attachés à votre action. Je rappellerai juste quelques fondamentaux. Si l'Union européenne et les États-Unis ne s'accordent pas sur l'harmonisation ou l'équivalence des normes, la Chine et l'Inde imposeront les leurs. Ne signons pas n'importe quoi, n'importe quand, n'importe comment, mais n'oublions pas ce risque.
Les IGP ne sont pas passéistes, même si elles ont été inventées par le sénateur de Poitou-Charentes Joseph Capus il y a plus de cent ans, au lendemain de la crise du phylloxéra. Elles conceptualisent un titre collectif de propriété intellectuelle, à la différence des marques, titre de propriété privé vendable et délocalisable. Nous sommes extrêmement modernes ! La mondialisation ne se résume pas à l'uniformisation ou à l'américanisation, mais à l'échange de nos différences.
Vous avez opposé multilatéralisme et bilatéralisme. Nous regrettons l'esprit du multilatéralisme. L'autorité de la concurrence est une compétence exclusive de l'Union européenne, mais sa déclinaison est d'essence nationale. Pour répondre à la consultation de la Commission européenne, la commission des affaires européennes travaille sur cette question. Une approche renouvelée devrait nous permettre de conquérir de nouvelles parts de marché.
La réunion est levée à 19 h 30.