Intervention de Jean-Yves Leconte

Commission des affaires européennes — Réunion du 10 mars 2016 à 9h35
Institutions européennes — Réforme de la loi électorale de l'union européenne : proposition de résolution européenne de mme fabienne keller et m. jean-yves leconte

Photo de Jean-Yves LeconteJean-Yves Leconte :

Nous avons été saisis, en application de l'article 88-4 de la Constitution, d'un projet de réforme de la loi électorale de l'Union européenne adopté par le Parlement européen. Les traités prévoient que la révision du dispositif existant soit soumise au Conseil qui dispose de toute latitude pour l'amender. Après le vote du Parlement européen, le texte est soumis à l'approbation des États membres. Le texte initial, adopté en 1976, n'a été révisé qu'une fois, en 2002.

Ce projet de réforme intervient alors que l'abstention à l'élection européenne gagne du terrain et que l'Union européenne peine à s'incarner auprès de nos concitoyens. L'élection européenne s'apparente à un sondage de l'état des forces politiques dans chaque État membre, même si une évolution récente s'est enclenchée avec la présentation du candidat que chaque parti européen entend porter à la présidence de la Commission européenne. Elle devrait contribuer à combler le déficit démocratique de l'Union. Cela est essentiel quand la gouvernance de la zone euro et de la zone Schengen montrent les limites de l'intergouvernemental.

Aussi Fabienne Keller et moi-même souscrivons-nous à l'objectif poursuivi par le Parlement européen. Toute réforme allant dans le sens d'un renforcement de la légitimité démocratique des institutions européennes va dans la bonne direction. Cela passe aussi par des mesures nationales. On peut ainsi s'interroger sur les circonscriptions européennes en France : les nouvelles grandes régions pourraient désormais être l'espace d'expression démocratique des choix européens des Français. On peut également s'interroger sur l'interdiction en France de mentionner une affiliation sur les bulletins de vote. Mais au-delà, que faire au niveau européen ?

Notre commission s'est interrogée par le passé sur les dispositions à prendre. Dès 2013, André Gattolin a porté une résolution européenne sur la citoyenneté européenne dans laquelle il appuyait la transmission d'informations aux électeurs sur les liens d'affiliation entre partis nationaux et partis politiques européens. La résolution européenne invitait les partis nationaux et européens à faire connaître avant les élections le nom du candidat aux fonctions de président de la Commission qu'ils soutiennent et son programme. Elle proposait la fixation par les États membres d'une date commune pour les élections avec une fermeture des bureaux de vote à la même heure. Le rapport de notre ancien collègue Pierre Bernard-Reymond concluait à la nécessité de mettre en place une procédure électorale uniforme, arrêtée par le Parlement européen, pour élire un nombre de parlementaires limité à 700, contre 751 aujourd'hui, au sein d'une circonscription unique. En cas de maintien d'un scrutin régionalisé, le rapport prévoyait la possibilité de constituer des circonscriptions transnationales si les États le souhaitaient.

La proposition du Parlement européen apparaît moins ambitieuse que les préconisations de notre commission. Elle n'insiste pas sur le principe d'une circonscription unique pour se contenter de mentionner une circonscription commune dont elle ne détaille pas le fonctionnement. Elle entend participer de l'objectif d'une procédure électorale plus standardisée sans aborder le financement des campagnes électorales soumises à des règles très différentes d'un pays à l'autre.

Le Parlement européen ne nous a pas adressé son projet ce qui est, le président Bizet l'a rappelé, contraire au protocole n° 2. C'est d'autant plus regrettable que le texte ne respecte pas les principes de subsidiarité et de proportionnalité, entre autres sur le repérage des binationaux pour éviter les doubles votes. Cela nous a privés de la possibilité de l'enrichir, et au Parlement européen de présenter un texte plus abouti au Conseil. Hélas, ce n'est pas une première : en mars 2013, le Sénat, à l'initiative de notre commission, avait adopté une résolution européenne déplorant un manquement semblable à propos de la réforme des droits d'enquête du Parlement européen.

Le président Bizet, qui s'en est ému, a écrit un courrier au président du Parlement européen, cosigné par ses homologues britannique, irlandais, letton, maltais, néerlandais, portugais, tchèque et par la présidente de la commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale. La réponse qu'il a reçue n'est pas satisfaisante. Les rapporteurs du Parlement européen nous ont, de leur côté, indiqué leur volonté d'entamer rapidement les négociations avec le Conseil pour aboutir avant le prochain scrutin européen, estimant que les parlements nationaux auraient de toute façon été consultés lors de l'approbation de la réforme par les États membres.

L'Allemagne soutient aujourd'hui cette proposition de réforme car elle introduit un seuil minimal pour l'attribution des sièges de façon à permettre la constitution de majorités cohérentes. En 2011 et en 2014, le tribunal constitutionnel fédéral de Karlsruhe a invalidé le seuil instauré outre-Rhin pour les élections européennes, considérant que seule une obligation imposée par le droit européen le justifierait. Nous ne sommes pas hostiles à ce type de seuil, nous le pratiquons. Pour autant, son effet varie selon la taille des circonscriptions et la manière dont on calcule l'attribution des sièges ensuite : la France applique la proportionnelle au niveau des circonscriptions, d'autres pays l'appliquent au niveau national et répartissent les sièges ensuite dans les circonscriptions du pays.

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