Notre ordre du jour appelle une communication de Fabienne Keller et Jean-Yves Leconte sur la proposition de réforme de la loi électorale de l'Union européenne que le Parlement européen a formalisée, conformément à l'article 223 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Il appartient désormais au Conseil européen de statuer sur ce projet à l'unanimité de ses membres. Cette réforme ne deviendrait définitive qu'après l'approbation du Parlement européen et des États membres selon leurs règles constitutionnelles respectives.
Contrairement à ce que prévoit le protocole n° 2, le Parlement européen ne nous a pas transmis ce texte au titre du contrôle de la subsidiarité. Cette entorse n'est pas acceptable. Avec d'autres collègues de Parlements nationaux, dont Danièle Auroi, mon homologue à l'Assemblée nationale, nous l'avons signifié au Président Schultz. Cette situation s'était déjà produite lorsque le Parlement européen avait voulu modifier les règles relatives à ses droits d'enquête avec des implications directes pour les parlements nationaux. Là aussi, nous avions réagi et fait connaître notre mécontentement.
Nos rapporteurs ont élaboré une proposition de résolution européenne que nous examinerons à l'issue de leur communication.
Nous avons été saisis, en application de l'article 88-4 de la Constitution, d'un projet de réforme de la loi électorale de l'Union européenne adopté par le Parlement européen. Les traités prévoient que la révision du dispositif existant soit soumise au Conseil qui dispose de toute latitude pour l'amender. Après le vote du Parlement européen, le texte est soumis à l'approbation des États membres. Le texte initial, adopté en 1976, n'a été révisé qu'une fois, en 2002.
Ce projet de réforme intervient alors que l'abstention à l'élection européenne gagne du terrain et que l'Union européenne peine à s'incarner auprès de nos concitoyens. L'élection européenne s'apparente à un sondage de l'état des forces politiques dans chaque État membre, même si une évolution récente s'est enclenchée avec la présentation du candidat que chaque parti européen entend porter à la présidence de la Commission européenne. Elle devrait contribuer à combler le déficit démocratique de l'Union. Cela est essentiel quand la gouvernance de la zone euro et de la zone Schengen montrent les limites de l'intergouvernemental.
Aussi Fabienne Keller et moi-même souscrivons-nous à l'objectif poursuivi par le Parlement européen. Toute réforme allant dans le sens d'un renforcement de la légitimité démocratique des institutions européennes va dans la bonne direction. Cela passe aussi par des mesures nationales. On peut ainsi s'interroger sur les circonscriptions européennes en France : les nouvelles grandes régions pourraient désormais être l'espace d'expression démocratique des choix européens des Français. On peut également s'interroger sur l'interdiction en France de mentionner une affiliation sur les bulletins de vote. Mais au-delà, que faire au niveau européen ?
Notre commission s'est interrogée par le passé sur les dispositions à prendre. Dès 2013, André Gattolin a porté une résolution européenne sur la citoyenneté européenne dans laquelle il appuyait la transmission d'informations aux électeurs sur les liens d'affiliation entre partis nationaux et partis politiques européens. La résolution européenne invitait les partis nationaux et européens à faire connaître avant les élections le nom du candidat aux fonctions de président de la Commission qu'ils soutiennent et son programme. Elle proposait la fixation par les États membres d'une date commune pour les élections avec une fermeture des bureaux de vote à la même heure. Le rapport de notre ancien collègue Pierre Bernard-Reymond concluait à la nécessité de mettre en place une procédure électorale uniforme, arrêtée par le Parlement européen, pour élire un nombre de parlementaires limité à 700, contre 751 aujourd'hui, au sein d'une circonscription unique. En cas de maintien d'un scrutin régionalisé, le rapport prévoyait la possibilité de constituer des circonscriptions transnationales si les États le souhaitaient.
La proposition du Parlement européen apparaît moins ambitieuse que les préconisations de notre commission. Elle n'insiste pas sur le principe d'une circonscription unique pour se contenter de mentionner une circonscription commune dont elle ne détaille pas le fonctionnement. Elle entend participer de l'objectif d'une procédure électorale plus standardisée sans aborder le financement des campagnes électorales soumises à des règles très différentes d'un pays à l'autre.
Le Parlement européen ne nous a pas adressé son projet ce qui est, le président Bizet l'a rappelé, contraire au protocole n° 2. C'est d'autant plus regrettable que le texte ne respecte pas les principes de subsidiarité et de proportionnalité, entre autres sur le repérage des binationaux pour éviter les doubles votes. Cela nous a privés de la possibilité de l'enrichir, et au Parlement européen de présenter un texte plus abouti au Conseil. Hélas, ce n'est pas une première : en mars 2013, le Sénat, à l'initiative de notre commission, avait adopté une résolution européenne déplorant un manquement semblable à propos de la réforme des droits d'enquête du Parlement européen.
Le président Bizet, qui s'en est ému, a écrit un courrier au président du Parlement européen, cosigné par ses homologues britannique, irlandais, letton, maltais, néerlandais, portugais, tchèque et par la présidente de la commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale. La réponse qu'il a reçue n'est pas satisfaisante. Les rapporteurs du Parlement européen nous ont, de leur côté, indiqué leur volonté d'entamer rapidement les négociations avec le Conseil pour aboutir avant le prochain scrutin européen, estimant que les parlements nationaux auraient de toute façon été consultés lors de l'approbation de la réforme par les États membres.
L'Allemagne soutient aujourd'hui cette proposition de réforme car elle introduit un seuil minimal pour l'attribution des sièges de façon à permettre la constitution de majorités cohérentes. En 2011 et en 2014, le tribunal constitutionnel fédéral de Karlsruhe a invalidé le seuil instauré outre-Rhin pour les élections européennes, considérant que seule une obligation imposée par le droit européen le justifierait. Nous ne sommes pas hostiles à ce type de seuil, nous le pratiquons. Pour autant, son effet varie selon la taille des circonscriptions et la manière dont on calcule l'attribution des sièges ensuite : la France applique la proportionnelle au niveau des circonscriptions, d'autres pays l'appliquent au niveau national et répartissent les sièges ensuite dans les circonscriptions du pays.
Un seuil de 5 % au niveau national, c'est moins que 5 % dans chaque circonscription.
Effectivement. Mais je vais laisser Fabienne Keller aborder plus en détail le projet de réforme.
Sur le principe, nous sommes assez favorables à une révision de la loi électorale dès lors qu'elle renforce le lien entre l'électeur et son représentant européen. À la lecture du projet, ces conditions ne sont pas toujours remplies ; d'où nos réserves. Quatre points ont particulièrement suscité notre attention.
Le premier concerne la circonscription commune. Celle-ci serait connexe aux circonscriptions nationales ; elle concernerait 8 % des députés européens, soit 60 sièges. On aurait donc un système à l'allemande avec des circonscriptions dans chaque État et 8 % des sièges attribués à une circonscription commune regroupant 480 millions d'habitants. Nos concitoyens voteraient deux fois le même jour : pour les députés de leurs circonscription et pour ceux de cette circonscription commune où seraient regroupées toutes les têtes de liste des partis européens, candidats désignés à la présidence de la Commission européenne. Il n'est pas certain que cela améliore la lisibilité du scrutin. Se pose, en outre, un problème politique : comment les partis qui ne disposent que d'une assise nationale seraient-ils représentés au sein de cette circonscription ?
Le projet peut en outre apparaître contraire aux traités. La circonscription commune doit, en effet, permettre la désignation du candidat à la présidence du Conseil. La procédure est, rappelons-le, déjà encadrée par les traités qui prévoient que le candidat est présenté par le Conseil européen en tenant compte du résultat des élections européennes. Lors du dernier scrutin, le Conseil européen a désigné le candidat officiel du Parti populaire européen, Jean-Claude Juncker, vainqueur des élections. Preuve que la procédure actuelle garantit déjà le respect du choix des électeurs. Elle a également l'avantage de la souplesse : en cas de majorité incertaine, le Conseil européen peut présenter un candidat qui n'est pas tête de liste de chacun des partis mais est à même de réunir une coalition sur son nom. Quid de la légitimité d'une tête de liste battue dans la circonscription commune mais majoritaire grâce aux circonscriptions nationales ? La question de la circonscription commune doit, enfin, être articulée avec celle de la composition du Parlement européen qui sera révisée en 2016. Les pays qui verront le nombre de leurs représentants européens se réduire accepteront difficilement que de nouveaux sièges soient transférés vers la circonscription commune.
Notre deuxième interrogation porte sur l'encadrement de la campagne électorale par la norme européenne. Le Parlement européen souhaite une procédure de sélection des candidats la plus transparente possible ou encore imposer un délai aux partis pour désigner leurs candidats à la présidence de la Commission européenne.
Les partis se voient ainsi contester le libre exercice de leur activité, garanti en France par la Constitution. À l'inverse, rien n'est indiqué sur le financement de la campagne, notamment dans la circonscription commune. Le Parlement prend acte de l'hétérogénéité des règles de financement des campagnes électorales de part et d'autre de l'Union européenne, ce qui paraît contraire à son aspiration d'harmoniser les règles du scrutin européen.
Troisième point, le projet renforce-t-il la visibilité du scrutin et la représentativité du Parlement européen ? Le délai de huit semaines, soit quarante-cinq jours, pour l'établissement et la finalisation de la liste des électeurs est en deçà de la future norme française destinée à lutter contre l'abstention. Le vote par internet, que le Parlement européen entend favoriser, n'offre aucune assurance en matière de sincérité et de secret. Surtout, il ne prémunit en rien contre l'abstention. La France a par ailleurs adopté un moratoire en 2007 sur les machines à vote, preuve que le vote électronique n'est pas encore optimal.
L'extension des incompatibilités pose la question de la représentativité. Le souhait du Parlement européen d'étendre le cumul des mandats aux membres de parlements ou d'assemblées régionaux disposant de pouvoirs législatifs peut s'entendre à l'aune du rôle national joué par certaines collectivités au sein d'États fédéraux, à l'image des Länder allemands. Sa généralisation au sein d'autres modèles constitutionnels reste délicate. En France, des compétences plus importantes sont reconnues par la Constitution aux départements et régions d'outre-mer ainsi qu'aux collectivités d'outre-mer pour adapter les lois nationales. Les élus ultramarins se verraient donc dans l'obligation d'abandonner leur mandat pour intégrer le Parlement européen, contrairement aux élus métropolitains. La présence d'élus ultramarins au Parlement européen est, en outre, essentielle pour maintenir le lien entre l'Union européenne et ces territoires éloignés du continent mais concernés par les décisions européennes.
Notre dernière observation porte sur le vote des résidents à l'étranger ou au sein d'autres États membres. La mise en place d'une autorité de contact destinée à échanger des informations sur les électeurs résidant dans d'autres États membres de l'Union européenne a l'avantage d'éviter le double vote. Il convient d'imaginer un système simple, attribuant à chaque citoyen européen un numéro électoral type INSEE en vue d'actualiser rapidement les listes et d'éviter les radiations sommaires.
Nous saluons également l'ambition du Parlement européen de faire participer les Européens résidant dans les pays tiers. Reste que, là encore, le sujet ressort des compétences des États membres. C'est dans ce cadre qu'une circonscription commune serait peut-être la plus adaptée, elle réunirait l'ensemble des citoyens résidant à l'étranger.
Le Conseil est assez réservé quant aux suites à donner à ce projet de réforme. Compte tenu de ces réserves mais aussi des discussions à venir sur le texte fixant la future composition du Parlement européen, il paraît peu probable que le nouveau dispositif soit opérationnel pour le scrutin de 2019. Afin de contribuer au débat et d'étayer la réflexion du Gouvernement, lui aussi assez réservé, vos rapporteurs proposent l'adoption d'une résolution européenne sur le sujet qui reprendrait nos observations. Elle serait assortie d'un avis politique, envoyé directement à la Commission européenne et au Parlement européen.
Le sujet est complexe sans être nouveau. L'idée d'une circonscription transnationale avait déjà émergé, notamment dans le très bon rapport d'Andrew Duff, un eurodéputé libéral britannique. Le Parlement européen, dans sa volonté d'affirmer sa souveraineté, nous fait une proposition un cran au-dessous. Pour ma part, j'y suis favorable : la renationalisation des votes durant les deux dernières mandatures représente un danger.
Cela dit, le Parlement européen peine à se mettre en ligne avec ses propres propositions. Comment articuler l'idée d'une circonscription commune avec celle d'un Parlement de la zone euro par exemple ?
En ce qui concerne la notion de seuil, elle ne veut rien dire dès lors qu'on fonctionne par subdivisions régionales ou par grandes régions, comme en France. Dans la région Centre, il faut obtenir 15 ou 16 % des voix pour espérer envoyer un élu au Parlement européen.
L'objectif est de rapprocher les eurodéputés des citoyens. De quel rapprochement parle-t-on ? Géographique, politique ou affinitaire par rapport au projet européen ? Je reste hostile au système d'eurorégions proposé en France. Avec des contingents nationaux réduits, il serait, en outre, de plus en plus difficile de garantir la proportionnalité des listes.
La lutte contre l'abstention ? Les élections européennes se déroulent toujours en mai-juin, quand le beau temps invite à la promenade. Si le vote électronique n'est pas une bonne idée, nous pourrions envisager le vote anticipé qui a fait ses preuves au Canada. Les citoyens auraient ainsi la possibilité de se prononcer une semaine avant la date fixée.
La rédaction de la résolution est parfois complexe. La dernière phrase du point 11 manque de clarté. Au point 14, mieux vaudrait remplacer « volet financier » par « le volet du financement » pour éviter les confusions. Je suis en désaccord avec le point 16 : certains parlementaires ultra-marins ont du mal à être présents dans notre assemblée. Il faudrait dresser un bilan sur la présence au Parlement européen de ceux qui viennent de très loin. Le non cumul est important.
Merci aux rapporteurs de nous avoir éclairés sur cette question que l'on ne saurait résumer à son aspect technique : les règles de l'élection sont une condition de la vitalité démocratique au sein du Parlement européen comme ailleurs. La diversité des opinions doit être respectée dans l'ensemble des États membres, sans quoi le bipartisme continuera de nourrir l'abstention et le rejet du système. La proportionnelle est le système électoral le plus juste qui soit, veillons à ne pas l'affadir. Peut-être pourrait-on ajouter à la proposition de résolution un alinéa sur le respect de la diversité des opinions ?
Selon le vieux principe de Greenspan, « si vous avez compris ce que je veux dire, c'est que je me suis mal exprimé ». Le flou a parfois du bon.
Ce projet de réforme du Parlement européen procède d'une erreur conceptuelle : normaliser les formes de représentation européenne. Dans une fédération, chaque composante conserve les particularités de sa vie politique. Le meilleur exemple en est le Canada. Les listes communes accentueront l'éloignement de l'électeur et favoriseront le regroupement d'apparatchiks.
J'ai tenu la plume lorsque l'on a modifié le statut du PSE pour que le candidat à la présidence de la Commission soit désigné par accord entre les partis contribuant à des listes convergentes. Nous avons d'ailleurs été surpris que le PPE nous suive. Cette évolution n'a pas imposé de modification du traité car, dans sa perspective, ce ne sont pas les résultats électoraux qui valident la désignation d'un candidat. C'est heureux : ces résultats ne sont pas toujours interprétables, ils recensent en réalité les gens qui s'inscrivent dans un groupe politique au moment de la constitution du Parlement européen, avec tout ce que cela comporte de manoeuvres opportunistes.
Le Conseil européen joue un rôle décisif dans la désignation du président de la Commission. Le Parlement européen, même s'il le désire ardemment, n'a pas à le contester, à moins de tomber dans l'autocaricature en allant contre les traités.
Quant à la sélection des candidats, elle pose un problème de légitimité. Quand nous avons modifié les statuts du PSE, nous avions veillé à tenir compte des traditions nationales. Les socialistes français voulaient une primaire ; les Britanniques, une sélection par le Conseil national du parti ; les Allemands, une consultation des adhérents du parti. Il a fallu trouver une solution respectant les lois de chaque pays. La Constitution française prévoit ainsi que les partis s'administrent librement, avec parfois les conséquences funestes que l'on sait... En instaurant des procédures internes à des partis unifiés à l'échelle européenne, nous perdrions le contact avec la réalité politique des États membres.
Enfin, la Nouvelle-Calédonie est la seule collectivité d'outre-mer française qui détient formellement le pouvoir législatif. Les autres disposent d'un pouvoir normatif encadré par la loi. Certains territoires sont représentés au Parlement européen alors que l'essentiel des dispositions qui y sont votées ne les concernent pas. C'est paradoxal. Traditionnellement, la représentation des départements d'outre-mer ou des collectivités d'outre-mer au Parlement européen est concentrée sur les plus peuplés.
Je m'interroge sur l'ambition du Parlement européen de moderniser le scrutin européen pour le « rendre plus visible », selon le point 10. De quelle visibilité parle-t-on ? L'enjeu de cette réforme est de rapprocher les citoyens de leurs élus européens. Dans le Bas-Rhin, les électeurs ont le sentiment d'élire des représentants qu'ils ne connaissent pas, un sentiment qui s'aggravera si le périmètre de la circonscription s'élargit.
Je soutiens les points 11, 12 et 13 de cette proposition de résolution. Pour autant, je regrette que nous n'ayons pas la possibilité de formuler d'autres propositions à l'Union européenne. Enfin, je ne comprends pas le point 16. Alain Richard vient de nous expliquer que les élus de Nouvelle-Calédonie sont les seuls à détenir des pouvoirs législatifs. Il faudrait modifier la rédaction de ce point.
Pour représenter un secteur très rural, je sais que l'objectif de la réforme, s'il est d'améliorer la lisibilité du scrutin européen, sera manqué. Les mesures proposées favoriseront l'abstention et le vote pour les extrêmes.
Monsieur Bocquet, je vous propose de compléter l'alinéa 10 pour ajouter « et favorise l'expression du pluralisme politique ».
Je vous rappelle que les modalités de scrutin et la définition des circonscriptions relèvent des politiques internes, non du projet de réforme actuel. La réforme de 2002 n'a pas créé une circonscription unique en France.
Je propose de conserver la rédaction actuelle de l'alinéa 16. Il inclut la Nouvelle-Calédonie. La définition des pouvoirs législatifs varie selon les pays. Comme les modalités de vote d'ailleurs : le vote par procuration n'est pas accepté partout.
Le but du Parlement européen était, avec ce projet de réforme, de fixer dans le marbre de la loi ce que le PSE a instauré en pratique pour son candidat à la présidence de la Commission européenne. Cela paraît difficile en pratique : nous aurions des listes où les partisans de Viktor Orban côtoieraient ceux d'Angela Merkel...
L'ancrage du scrutin européen est un sujet assurément important. À l'alinéa 16, il est symboliquement important de ne pas écarter les territoires d'outre-mer.
Deux TOM sont sortis de l'Union européenne récemment, Saint-Barthélemy et le Groenland. Les TOM ne sont pas naturellement membres de l'Union européenne.
Comme vous, je regrette l'absence de dialogue avec le Parlement européen sur ce projet.
Pourquoi ne pas supprimer simplement la deuxième partie de l'alinéa 16 ?
Une rédaction plus concise, plus mathématique... Celle de nos rapporteurs est plus juridique, restons-en là. Nous allons transmettre la proposition de résolution européenne et le rapport aux présidents de la Commission européenne et du Parlement européen. J'insisterai plus particulièrement dans la lettre qui accompagnera ces documents sur les différents arguments qui ont été développés au cours de notre réunion.
Nous avons rencontré Danuta Maria Hübner, ancienne commissaire européenne, ainsi que Jo Leinen. Nous avons senti leur bonne volonté.
Certes, mais se posent des difficultés pratiques. Par exemple, les états civils des États membres ne sont pas coordonnés, ce qui rend difficile la lutte contre les doubles votes.
À l'issue de ce débat, la commission adopte, à l'unanimité, la proposition de résolution européenne modifiée.
1. Le Sénat,
2. Vu l'article 88-4 de la Constitution,
3. Vu l'article 17 du traité sur l'Union européenne (TUE),
4. Vu l'article 223 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE),
5. Vu le protocole n° 2 sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité, annexé au traité sur le fonctionnement de l'Union européenne,
6. Vu la proposition de décision du Conseil adoptant les dispositions modifiant l'acte portant élection des membres du Parlement européen au suffrage universel direct (ST 14473/15),
7. Vu la résolution du Parlement européen du 11 novembre 2015 sur la réforme de la loi électorale de l'Union européenne (2015/2035(INL),
8. Considère que toute réforme de la loi électorale de l'Union européenne doit pouvoir faire l'objet d'un examen par les parlements nationaux au titre de la subsidiarité, conformément au Protocole n° 2 sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité ;
9. Souligne que, pour qu'un tel examen puisse produire un effet utile, les parlements nationaux doivent être destinataires du projet de réforme au moment où celui-ci est transmis au Conseil et déplore, en conséquence, le non-respect par le Parlement européen de la procédure prévue par le Protocole n° 2 ;
10. Partage l'ambition du Parlement européen de moderniser le scrutin européen pour le rendre plus visible et souhaite que le scrutin fasse suite à de réels débats sur les orientations politiques qui doivent être données à l'Union européenne et favorise l'expression du pluralisme politique ;
11. Juge que le projet de circonscription commune tel que contenu dans la proposition est peu explicite, contraire aux Traités et à certaines traditions nationales et difficile à mettre en oeuvre compte tenu des décalages entre partis nationaux et formations politiques européennes ; considère, en conséquence, qu'il ne contribue pas à rapprocher le citoyen de ses élus européens et risque d'établir une distinction injustifiée entre parlementaires européens élus en son sein et ceux issus des autres circonscriptions ;
12. Estime qu'il est préférable que les droits électoraux nationaux évoluent progressivement pour mieux converger plutôt que d'établir un droit électoral spécifique aux élections européennes ;
13. Fait valoir que le dispositif proposé par le Parlement européen apparaît à bien des égards contraire au principe de subsidiarité et ne permet pas, dans le même temps, de renforcer la visibilité du scrutin, à l'image du délai commun pour l'inscription sur les listes électorales ;
14. Relève que l'harmonisation du droit électoral souhaitée par le Parlement européen ne concerne pas le volet du financement ;
15. Rappelle qu'en vertu de la Constitution, les partis politiques se forment et exercent leur activité librement ; regrette, par conséquent, que la proposition de décision tente d'intégrer dans le droit européen des éléments relevant de la pratique politique, à l'instar de la procédure de sélection des candidats ou du droit national, comme la date d'établissement des listes ;
16. Juge indispensable que les élus d'assemblées ou de parlements des régions ultrapériphériques et des pays et territoires d'outre-mer dotés de pouvoirs législatifs continuent à être représentés au sein du Parlement européen ; demande, en conséquence, que les règles d'incompatibilité entre le mandat des élus d'assemblées ou de parlements régionaux dotés de pouvoirs législatifs et celui de député européen soient abandonnées ;
17. Appuie la mise en oeuvre d'un système d'échange d'informations entre les États membres au sujet des électeurs dès lors qu'il est simple d'utilisation et garantit la protection des données personnelles ; fait valoir que si l'utilisation de ce fichier doit conduire à la perte d'un droit de vote, des voies de recours doivent être prévues ;
18. Souhaite la mise en place d'une circonscription commune pour les citoyens de l'Union résidant dans les pays tiers afin d'assurer à ceux-ci de manière systématique et égale le droit à une représentation au Parlement européen ;
Notre commission suit attentivement les différentes étapes du semestre européen. Après nous avoir livré, en décembre dernier, l'analyse de la Commission européenne sur les budgets nationaux, Fabienne Keller et François Marc nous présentent une communication sur les rapports par pays que la Commission européenne a rendus publics. C'est l'occasion de connaître l'analyse de la situation économique et financière des pays de l'Union mais aussi d'évaluer la réforme du semestre européen que la Commission européenne a souhaité engager.
La Commission européenne a présenté, le 26 février, les rapports par pays, documents qui évaluent la situation économique et financière de chacun des pays de l'Union européenne. Ces documents établissent, s'il existe, un risque de déséquilibre macro-économique dans chacun des pays tout en vérifiant si les objectifs assignés dans le cadre du pacte de stabilité et de croissance ont été respectés.
Les rapports par pays 2016 sont présentés dans le cadre de ce que la Commission européenne appelle le semestre européen rénové. L'an dernier, Jean-Claude Juncker avait estimé que la procédure actuelle constituait une « usine à gaz ». Après la publication du rapport des cinq présidents sur l'approfondissement de l'Union économique et monétaire, la Commission a présenté, le 21 octobre 2015, une communication destinée à mettre en oeuvre immédiatement plusieurs mesures, dont la réforme du semestre européen.
Cette réforme, de bon sens, consiste en un examen global de la situation européenne en amont, avant l'examen de la situation de chaque pays. Ainsi, la Commission a présenté en novembre dernier un projet de recommandation sur l'ensemble de la zone euro, définissant une stratégie globale. Si ce document n'est pas une nouveauté, sa parution au début du semestre représente un changement. Auparavant le semestre européen se concentrait sur une revue de la situation individuelle des États membres ; et ce, en dépit du « two pack », entré en vigueur il y a trois ans, qui prévoit une délibération de l'Eurogroupe sur la situation et les perspectives budgétaires pour la zone euro dans son ensemble.
Dans sa communication d'octobre 2015, la Commission européenne prévoit également que le semestre européen se concentre davantage sur les performances dans le domaine social et en matière d'emploi, promeuve la convergence, via la mise en place de critères et l'échange de bonnes pratiques, et soutienne de façon plus ciblée les réformes par l'intermédiaire des fonds de l'Union européenne.
La publication de l'examen annuel de la croissance est doublée d'une analyse pour chaque pays des principaux obstacles à l'investissement. Elle constitue le point de départ de l'évaluation des situations nationales. Dans le même temps, la Commission continue de surveiller la conformité des stratégies budgétaires nationales avec le pacte de stabilité et de croissance.
Venons-en à la procédure pour déséquilibre macro-économique. Celle-ci a été introduite en 2011 dans le cadre du « six pack ». Chaque année, la Commission européenne rédige un rapport sur le mécanisme d'alerte. Celui-ci, fondé sur des indicateurs et d'autres analyses économiques et financières, évalue la situation des pays afin de détecter des évolutions pouvant refléter des déséquilibres possibles. S'appuyant sur ce rapport, la Commission identifie les pays qui peuvent être affectés par un déséquilibre et pour lesquels une analyse supplémentaire est requise. Il s'agit d'une approche graduée, cinq catégories précédant celle où peuvent être émises des sanctions. Le Conseil passe en revue le rapport et adopte des conclusions, sous la forme d'une recommandation. Le dernier stade, soit la procédure pour déséquilibre excessif, n'a jamais été mise en oeuvre. Le 8 mars dernier, la Commission européenne a ramené la procédure pour déséquilibre de six à quatre catégories : absence de déséquilibres, déséquilibres, déséquilibres excessifs et déséquilibres excessifs avec mesures correctives. La procédure, qui se veut désormais plus transparente, doit mieux prendre en compte les retombées dans d'autres États et les questions systémiques. Vingt pays sur vingt-huit faisaient l'objet d'un bilan dans le cadre de cette procédure.
Le 21 octobre dernier, la Commission a proposé d'ajouter trois nouveaux indicateurs au tableau de bord : taux d'activité, chômage des jeunes et chômage de longue durée. Le 15 janvier, le Conseil a exprimé ses doutes sur l'intérêt d'introduire ces indicateurs. La Commission européenne reconnaît elle-même que l'obtention de résultats défavorables pour ces nouveaux indicateurs n'implique pas une aggravation des risques macrofinanciers.
Abordons, enfin, la recommandation sur la zone euro. Adoptée le 26 novembre, elle cible quatre axes. Le premier consiste en la mise en place de politiques de soutien de la relance, d'encouragement à la convergence, de correction des déséquilibres macroéconomiques et d'amélioration de la capacité d'ajustement. Les États disposant d'une dette publique et privée élevée sont encouragés à mettre en oeuvre des réformes de nature à accroître la productivité, la création d'emplois, à améliorer l'environnement des entreprises et leur compétitivité. Les États affichant des excédents importants de leurs comptes courants sont, quant à eux, incités à prendre des mesures destinées à canaliser le surplus d'épargne vers l'économie domestique et doper l'investissement national. Cette précision a été modifiée par le Conseil Ecofin le 15 janvier : les États sont désormais invités à adopter en priorité des mesures, y compris des réformes structurelles, qui contribuent à renforcer leur demande intérieure et leur potentiel de croissance ; sans plus de précision.
Le deuxième axe porte sur les marchés du travail, des produits et des services. Les États sont invités à mener des réformes combinant des contrats d'emploi souples et fiables, facilitant la fluidité sur le marché du travail. Des stratégies d'apprentissage tout au long de la vie et des politiques efficaces en faveur de la réintégration des chômeurs sur le marché du travail sont souhaitées. La réduction de la fiscalité sur le travail doit être envisagée de façon à créer des emplois et à améliorer la compétitivité des marchés des produits et des services. La baisse des charges doit toutefois être neutre sur le plan budgétaire.
Le troisième axe concerne la situation budgétaire des États membres, l'année 2017 devant être consacrée à la réduction de la dette publique afin de rétablir des réserves budgétaires et éviter des politiques procycliques.
La dernière recommandation a trait à la réduction du volume de prêts non productifs et à l'amélioration des procédures d'insolvabilité des entreprises et des ménages. Un désendettement ordonné dans les pays disposant d'une dette privée élevée est recommandé.
La recommandation est conforme aux orientations du rapport sur l'examen annuel de croissance, également adopté le 26 novembre : relance de l'investissement, poursuite des réformes structurelles et mise en oeuvre de politiques budgétaires responsables. Emmanuel Macron l'a indiqué le 29 février dernier, même si ces règles apparaissent trop restrictives, il ne s'agit pas d'ouvrir des négociations bilatérales mais de respecter les règles définies ; il y va de la crédibilité de chacun. Cela étant, la politique budgétaire européenne pourrait être plus expansionniste. Notre ministre de l'économie craint que nous ne fassions « fausse route » dans une situation économique assez sombre.
Je laisse désormais Fabienne Keller présenter les principales conclusions des rapports par pays.
La procédure pour déséquilibres macro-économiques concerne actuellement vingt pays de l'Union, sachant que la Grèce et Chypre font l'objet d'un suivi particulier. Les rapports par pays font un point sur les recommandations que le Conseil européen avait adressées à chacun d'entre eux le 14 juillet 2015.
Les prévisions économiques apparaissent sombres. La croissance prévue pour 2016 pour la zone euro a été ramenée à 1,6 % du PIB. La Commission identifie plusieurs menaces : le ralentissement de la croissance chinoise et des échanges internationaux ou les incertitudes géopolitiques. Si le déficit public cumulé des administrations publiques devrait continuer à baisser, la Commission s'inquiète de la situation budgétaire de plusieurs pays comme l'Espagne, l'Italie ou le Portugal alors que six pays, dont la France, présentent un risque de soutenabilité en matière de dette publique.
Abordons maintenant la situation de quelques grands pays.
L'Allemagne suscite des réserves en raison de ses excédents commerciaux, insuffisamment réinvestis. Ce qui limite sa croissance potentielle. Le pays a appliqué de façon limitée la recommandation de juillet 2015.
La Commission relève que les réformes que l'Italie a mises en oeuvre répondent à ses recommandations. Reste des doutes sur la vulnérabilité du secteur bancaire et surtout l'inefficacité des services sociaux à endiguer une pauvreté croissante. Une telle appréciation devrait conforter la position de Matteo Renzi, qui appelle à plus de flexibilité dans l'application du pacte de stabilité et de croissance.
Le rapport sur le Royaume-Uni souligne le haut niveau des prix et de l'endettement des ménages, même si la robustesse de l'économie locale devrait permettre d'affronter une nouvelle crise.
Enfin, si la Commission relève des progrès en Espagne, elle insiste sur l'importance de l'endettement privé, l'insuffisance des investissements en matière de recherche et développement et l'aggravation de la pauvreté.
Le rapport sur la France est très dense. Ce document de 115 pages traduit une certaine inquiétude à l'égard de notre situation économique, inquiétude accrue en raison des risques d'effets d'entraînement sur l'ensemble de la zone euro. Sa présentation avait été précédée par la publication en décembre dernier, d'un rapport d'étape sur les progrès accomplis depuis le vote de la recommandation. Ses conclusions préfigurent celles du rapport par pays. La Commission émettait plusieurs réserves sur la portée des réformes structurelles adoptées par le Gouvernement et l'absence d'avancée dans d'autres domaines. Elle jugeait que si les réformes annoncées allaient dans la bonne direction, la stratégie du Gouvernement relevait du « coup par coup » ; l'ensemble donnait l'impression d'un processus de réforme constant mais aux résultats limités. Huit réformes recommandées en juillet 2015 n'ont, en outre, pas été lancées.
Selon la Commission européenne, la croissance devrait rester modérée en France et inférieure à la moyenne de la zone euro. La reprise de l'investissement n'est prévue qu'en 2017, les mesures adoptées par le Gouvernement pour réduire le coût du travail et stimuler la compétitivité ne renforçant pas immédiatement la confiance des entreprises. Les contraintes réglementaires et la fiscalité des entreprises apparaissent comme autant d'obstacles à l'investissement.
La compétitivité du pays reste, en outre, une source d'inquiétude. La contribution nette des exportations au PIB devrait rester négative jusqu'en 2017. L'augmentation des exportations depuis la fin 2014 procède, non d'une dynamique structurelle, mais de l'effet de la dépréciation de l'euro qui profite à deux secteurs, l'énergie et les transports.
La croissance potentielle de la France a reculé depuis le début de la crise, en dépit d'un fort dynamisme démographique. Elle reste tributaire de la qualification de la main-d'oeuvre et de la capacité d'innovation de l'économie française, jugée moins forte que celle de ses concurrents. La croissance est également conditionnée à l'effet des charges réglementaires et fiscales qui pèsent sur les entreprises françaises. La Commission insiste notamment sur les effets de seuil. La progression des salaires a été supérieure à celle de la compétitivité en 2015.
Le mécanisme de formation des salaires, celui d'indexation du salaire minimum et la limitation du temps de travail pèsent en effet sur le coût de la main d'oeuvre. Celui-ci s'élève à 35,20 euros par heure contre 29,20 en moyenne au sein de l'Union européenne. Seuls la Belgique, le Danemark, le Luxembourg et la Suède présentent des coûts supérieurs. Cette situation s'explique par les charges fiscales : 30 % du coût horaire total contre 24 % en moyenne au sein de l'Union européenne. De là le souhait de la Commission européenne d'une réforme du marché du travail pour contenir durablement le coût du travail.
Les perspectives en matière d'emploi sont également peu favorables, le rapport jugeant que le taux de chômage ne saurait diminuer à court terme. Les mesures déjà adoptées pour réduire le coût du travail ne devraient avoir qu'un impact limité sur l'emploi jusqu'en 2017. La structure du marché du travail apparaît segmentée alors que les inégalités en matière d'éducation tendent à se creuser. La Commission européenne relève ainsi que les inégalités en la matière liées au contexte socio-économique sont parmi les plus élevées de l'OCDE. L'accès à la formation est limité tant pour les demandeurs d'emploi que pour les travailleurs peu qualifiés.
La Commission relève un certain nombre d'avancées, comme la réforme des régimes de retraite complémentaire ou l'allègement en cours du coût du travail. Pourtant, ces avancées pourraient n'avoir qu'un effet ponctuel, faute de réformes d'envergure. La charge fiscale globale continue d'augmenter et sa composition n'est pas propice à la croissance économique. La Commission juge le système fiscal très complexe. Le taux moyen d'imposition effectif des entreprises, 38,3 % en 2015, demeure le plus élevé de l'Union européenne. Le rapport s'inquiète enfin d'un niveau d'endettement privé qui ne cesse de croître pour atteindre 143,2 % du PIB à rebours de la tendance observée en faveur d'un désendettement massif.
La Commission émet aussi des doutes sur la stratégie budgétaire française. Selon elle, le déficit public devrait atteindre 3,4 % du PIB à la fin du présent exercice, puis 3,2 % en 2017. Le Gouvernement prévoit, lui, un déficit inférieur à 3 % en 2017. La Commission estime que la France a été, en tout état de cause, plus lente dans la réduction de son déficit que le reste de la zone euro. La France enregistre le deuxième ratio de dépense des administrations publiques, juste derrière la Finlande : respectivement 57,5 % et 58,3 %. C'est largement supérieur à la moyenne de la zone euro : 49,4 % du PIB. Dans ces conditions, l'endettement public pourrait atteindre 101 % à l'horizon 2026, alors qu'il recule au sein de la zone euro.
Chacun peut avoir son appréciation sur ce rapport. Il s'intègre en tout cas dans un processus bien précis : il a nourri la décision de la Commission européenne du 8 mars dernier sur la procédure pour déséquilibre macro-économique. La France, avec l'Italie, le Portugal, la Bulgarie et la Croatie, a été placée, comme l'an dernier, dans l'avant-dernière catégorie, celle des déséquilibres excessifs - qui n'impliquent pas des mesures correctives mais un suivi particulier. La Croatie et le Portugal pourraient néanmoins basculer dans la dernière catégorie en mai. Sept autres pays, dont l'Allemagne et l'Espagne, présentent quant à eux des déséquilibres et feront aussi l'objet d'un suivi, moins poussé. Six pays, dont la Belgique ou le Royaume-Uni, ne présentent plus pour l'heure de déséquilibre. Au final, seuls douze pays, contre dix-huit l'an passé, sont désormais concernés par cette procédure, auxquels il faut ajouter Chypre et la Grèce.
Le rapport par pays et l'avis de la Commission serviront également de base de travail aux échanges avec le Gouvernement, qui transmettra en avril son programme national de réformes et son programme de stabilité.
Merci pour ce travail délicat, réalisé avec rigueur et objectivité. Je me réjouis que la Commission Juncker cherche à rationaliser le semestre européen. Cela était devenu indispensable. On n'échappera pas, en France, à de nouvelles recommandations, même s'il n'est pas toujours facile de les mettre en oeuvre dans une société d'inquiétude. Les jeunes craignent l'avenir, les manifestations d'hier en témoignent.
On a déjà commencé à réduire le coût du travail en France. Les résultats ne sont guère probants, le Gouvernement lui-même le reconnaît. La productivité des salariés français, on ne le rappelle jamais assez, est parmi les plus élevées. Les anglo-saxons nous tressent des lauriers à ce sujet.
Le projet de loi El Khomri va-t-il dans le sens des recommandations de l'Union européenne ou sommes-nous à nouveau à côté de la plaque ?
Je ne comprends pas ces comparaisons sur le coût du travail. La situation est très hétérogène en Allemagne selon les Länder. Le coût du travail est très supérieur à celui de la France en Bavière ou dans le Bade-Wurtemberg, très inférieur en ex-Allemagne de l'est. En outre, si l'on rapporte le coût du travail à la productivité, nous sommes très bons. Toutefois, l'inversion de la courbe de la productivité, faute d'investissements suffisants dans les nouvelles technologies et le numérique, est inquiétante. La France accuse un retard de dix ans.
Monsieur Bocquet, je me réjouis comme vous de notre productivité, mais celle-ci résulte en partie du niveau élevé des charges pesant sur le travail. Ce qui est bon pour la productivité, l'est moins pour l'emploi. C'est ainsi que l'on préfère construire des métros sans conducteur plutôt que de recruter des chauffeurs.
Monsieur Vasselle, il est difficile d'évaluer le projet de loi El Khomri : son contenu ne cesse d'évoluer...
Monsieur Raoul, les observations de la Commission sur notre compétitivité-coût et les rigidités du marché du travail sont intéressantes. Le coût du travail continue à augmenter plus vite que la compétitivité, en raison de l'indexation du SMIC et des salaires, et la part relative du coût du travail progresse paradoxalement. En Allemagne, les écarts sont considérables entre régions et entre secteurs. Les ouvriers agricoles payés misérablement ne sont pas logés à la même enseigne que les ouvriers des industries de Stuttgart ou de Munich !
Enfin, la Commission souligne aussi l'insuffisance des investissements dans les nouvelles technologies.
La rapport sur la France est un excellent rapport académique. Je regrette toutefois le caractère statique de son analyse : rien sur le CICE et ses effets, par exemple. Quelque 40 milliards de baisses de charges, ce n'est pas rien pourtant ! Il est aussi très pessimiste sur les déficits et la capacité de la France à tenir ses engagements. L'année dernière déjà, certains considéraient à Bruxelles que le Gouvernement serait contraint de déposer un projet de loi de finances rectificative ; il n'y en a pas eu. Enfin, ce rapport technique semble éloigné de la volonté affichée par M. Juncker de laisser plus d'autonomie aux États. La politique, c'est des chiffres mais aussi un corps social qui réagit ; cela suppose du doigté.
Je salue l'honnêteté intellectuelle de nos rapporteurs et la complémentarité de leurs approches. Si l'on ne peut faire abstraction des corps sociaux, il faut aussi tenir compte des chiffres. Daniel Raoul a raison, il faut mettre l'accent sur le numérique qui sera au coeur de l'économie de demain. D'autant que la France a des atouts : ses mathématiciens et informaticiens sont recherchés partout. André Gattolin et Colette Mélot mènent une réflexion sur ce sujet. Il faut trouver le bon équilibre entre encadrement des GAFA et incitation à l'innovation. Le groupe de suivi sur la propriété intellectuelle fera des propositions. De plus en plus de grandes entreprises, dès lors qu'elles ont acquis une part de marché importante, préfèrent renoncer à leurs brevets et mettre en ligne leurs innovations pour encourager l'émulation dont elles profiteront.
Roland Courteau et plusieurs collègues ont déposé, le 24 février, une proposition de résolution européenne relative au maintien de la réglementation viticole. Nous devons l'examiner dans le délai d'un mois. Je vous propose de désigner comme rapporteurs Gérard César et Claude Haut.
Lors de sa dernière réunion, le Bureau de notre commission a retenu l'idée d'approfondir notre réflexion sur le thème des compétences européennes et de la simplification. Cette réflexion compléterait utilement, pour ce qui concerne le niveau européen, les réflexions conduites par d'autres instances du Sénat. Ce travail devrait se concentrer sur les principaux champs d'action de l'Union européenne. Il devrait également porter sur la normalisation européenne, afin de bien identifier les procédures conduisant à l'adoption de normes européennes, et de faire la part entre les normes utiles et celles qui sont jugées inutiles, voire néfastes, par l'opinion publique et les entreprises.
Je vous propose de constituer des binômes et de nommer Pascal Allizard et Daniel Raoul, rapporteurs sur la procédure européenne de normalisation ; Jean-Paul Emorine et Didier Marie, rapporteurs sur le marché unique ; Michel Delebarre et Claude Kern, rapporteurs sur l'énergie et l'environnement ; et Philippe Bonnecarrère et Simon Sutour, rapporteurs sur l'espace de liberté, de sécurité et de justice.
Je rappelle que nous avons par ailleurs mis en place des groupes de travail sur la politique agricole commune et sur la politique de cohésion qui ont également vocation à travailler sur le thème de la simplification et de l'efficacité des politiques européennes.
Il en est ainsi décidé.
Nous sommes saisis par le Gouvernement de quatre textes pour lesquels il nous est demandé de lever, en urgence, la réserve d'examen au titre de l'article 88-4 de la Constitution.
Le premier de ces textes est l'accord entre l'Union européenne et la Turquie sur les migrations irrégulières. Cet accord, qui devait s'appliquer à compter du 1er octobre 2017, s'appliquera au 1er juin 2016, compte tenu de l'urgence actuelle. Ainsi en a décidé le sommet UE-Turquie du 29 novembre 2015.
Le deuxième texte est une proposition de règlement du Conseil relatif à la fourniture d'une aide d'urgence pour venir en aide aux réfugiés sur le territoire de l'Union. Sur le budget de l'Union sera financée une aide 300 millions d'euros en 2016, de 200 millions en 2017 et de 200 millions en 2018. Ces sommes pourront être allouées à des ONG ou à des services spécialisés des États membres pour fournir une aide humanitaire d'urgence aux migrants présents sur le territoire de l'Union.
Le troisième texte suspend pour un an les obligations de la Suède en ce qui concerne la relocalisation de réfugiés à partir de la Grèce et de l'Italie. En effet, la Suède fait face à un afflux massif de personnes. En un an, le nombre de demandeurs d'asile a augmenté de 60 %. Le phénomène est aggravé par le fait qu'un quart de ces demandeurs affirme être un mineur non accompagné.
Le quatrième texte propose un mécanisme similaire de suspension d'un an pour l'Autriche mais dans la limite de 30 % du contingent de demandeurs d'asiles qui lui a été attribué. La situation s'est en effet fortement aggravée durant les derniers mois, même si le pays ne subit pas la même pression que la Grèce.
Je vous propose de lever la réserve sur ces textes en rappelant que la crise des réfugiés et la réforme de l'espace Schengen feront l'objet d'un débat au sein de notre commission lors de l'examen du rapport d'information de nos collègues Jean-Yves Leconte et André Reichardt, le 24 mars.
Je n'y vois pas d'objection. Avec M. Reichardt nous poursuivrons notre réflexion sur les accords en cours et la dispense de visa pour les citoyens turcs.
S'il est juste de suspendre les obligations de la Suède en matière de relocalisation, le motif avancé n'est pas bon : ce pays a non seulement fait face à un afflux de demandes d'asile mais il a aussi accueilli un très grand nombre de migrants l'an passé. Soyons précis, sans quoi tous les États membres pourraient se prévaloir d'un afflux de demandes pour ne pas prendre leur part dans l'accueil des réfugiés.
Bien sûr. On peut regretter la levée de la réserve mais le dossier des migrants l'exige ; on ne peut pas faire grief au Gouvernement de cette demande.
La commission décide de lever la réserve d'examen sur ces textes.
La réunion est levée à 11 heures.