Intervention de Fabienne Keller

Commission des affaires européennes — Réunion du 10 mars 2016 à 9h35
Institutions européennes — Réforme de la loi électorale de l'union européenne : proposition de résolution européenne de mme fabienne keller et m. jean-yves leconte

Photo de Fabienne KellerFabienne Keller :

Les partis se voient ainsi contester le libre exercice de leur activité, garanti en France par la Constitution. À l'inverse, rien n'est indiqué sur le financement de la campagne, notamment dans la circonscription commune. Le Parlement prend acte de l'hétérogénéité des règles de financement des campagnes électorales de part et d'autre de l'Union européenne, ce qui paraît contraire à son aspiration d'harmoniser les règles du scrutin européen.

Troisième point, le projet renforce-t-il la visibilité du scrutin et la représentativité du Parlement européen ? Le délai de huit semaines, soit quarante-cinq jours, pour l'établissement et la finalisation de la liste des électeurs est en deçà de la future norme française destinée à lutter contre l'abstention. Le vote par internet, que le Parlement européen entend favoriser, n'offre aucune assurance en matière de sincérité et de secret. Surtout, il ne prémunit en rien contre l'abstention. La France a par ailleurs adopté un moratoire en 2007 sur les machines à vote, preuve que le vote électronique n'est pas encore optimal.

L'extension des incompatibilités pose la question de la représentativité. Le souhait du Parlement européen d'étendre le cumul des mandats aux membres de parlements ou d'assemblées régionaux disposant de pouvoirs législatifs peut s'entendre à l'aune du rôle national joué par certaines collectivités au sein d'États fédéraux, à l'image des Länder allemands. Sa généralisation au sein d'autres modèles constitutionnels reste délicate. En France, des compétences plus importantes sont reconnues par la Constitution aux départements et régions d'outre-mer ainsi qu'aux collectivités d'outre-mer pour adapter les lois nationales. Les élus ultramarins se verraient donc dans l'obligation d'abandonner leur mandat pour intégrer le Parlement européen, contrairement aux élus métropolitains. La présence d'élus ultramarins au Parlement européen est, en outre, essentielle pour maintenir le lien entre l'Union européenne et ces territoires éloignés du continent mais concernés par les décisions européennes.

Notre dernière observation porte sur le vote des résidents à l'étranger ou au sein d'autres États membres. La mise en place d'une autorité de contact destinée à échanger des informations sur les électeurs résidant dans d'autres États membres de l'Union européenne a l'avantage d'éviter le double vote. Il convient d'imaginer un système simple, attribuant à chaque citoyen européen un numéro électoral type INSEE en vue d'actualiser rapidement les listes et d'éviter les radiations sommaires.

Nous saluons également l'ambition du Parlement européen de faire participer les Européens résidant dans les pays tiers. Reste que, là encore, le sujet ressort des compétences des États membres. C'est dans ce cadre qu'une circonscription commune serait peut-être la plus adaptée, elle réunirait l'ensemble des citoyens résidant à l'étranger.

Le Conseil est assez réservé quant aux suites à donner à ce projet de réforme. Compte tenu de ces réserves mais aussi des discussions à venir sur le texte fixant la future composition du Parlement européen, il paraît peu probable que le nouveau dispositif soit opérationnel pour le scrutin de 2019. Afin de contribuer au débat et d'étayer la réflexion du Gouvernement, lui aussi assez réservé, vos rapporteurs proposent l'adoption d'une résolution européenne sur le sujet qui reprendrait nos observations. Elle serait assortie d'un avis politique, envoyé directement à la Commission européenne et au Parlement européen.

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