Intervention de André Gattolin

Commission des affaires européennes — Réunion du 4 février 2015 à 15h35
Justice et affaires intérieures — Proposition de directive relative à la création d'un pnr européen - proposition de résolution européenne de m. simon sutour

Photo de André GattolinAndré Gattolin :

Il ne faudrait pas que notre débat soit l'arbre qui cache le désert. Le PNR européen ne résoudra pas tout. On s'en est rendu compte avec l'affaire Coulibaly. Il y a bien eu signalement, mais a posteriori. La question n'est pas tant de constituer des bases de données, mais des critères que l'on retient et de notre capacité à les analyser. Voyez la polémique sur les fameux repas halal. Il se trouve que je voyage beaucoup et que, pour être servi en premier, je choisis toujours les menus spéciaux - casher, halal, végétarien. A l'inverse, les auteurs de l'attentat du 11 septembre avaient bien pris garde de ne pas se faire repérer : ils ne mangeaient pas halal, commandaient de l'alcool. Quand on s'engage dans le djihad, il y a ainsi des indulgences... Ceci pour dire que de tels critères sont bien faibles. Surtout, ils enclenchent une logique de profilage de masse qui pose problème. Un travail qualitatif est bien plus fructueux que ce profilage de masse. Je rappelle également les travaux très intéressants du criminologue Alain Bauer, qui appelle les États à se doter, avant tout, de capacités humaines qui ne soient pas de seule police. La police et les chercheurs rechignent à travailler ensemble, mais les uns et les autres détiennent pourtant des capacités d'analyse qui gagneraient à s'associer. Faute de quoi, on en restera à une logique analogue à celle de la politique de vidéo surveillance dans les villes. Le dispositif déployé en Grande-Bretagne a montré que la criminalité se reporte sur les quartiers où les caméras sont absentes. Et s'il y a partout des caméras, elle prend une autre forme. Les travaux conduits depuis dix ans montrent que la vidéosurveillance, dont le coût est élevé, ne fait pas reculer la criminalité. Songez qu'une seule personne doit analyser les enregistrements de vingt à trente caméras. Comment prévenir, à ce compte ? Certes, les enregistrements ont un intérêt a posteriori, pour comprendre, mais ils ne sauraient être préventifs, sauf à y mettre d'énormes moyens humains.

Ce PNR européen est un peu une façon, pour l'Europe, de dissimuler son incapacité à mettre en place de vraies coopérations. Alors que l'on voit croître la criminalité transnationale, on élargit les missions d'Europol et d'Eurojust, mais sans y associer des moyens. Je l'ai dit et je le répète, nous avons démissionné lors de l'élaboration du cadre financier pluriannuel européen. J'ajoute que la coopération judiciaire et policière ne se décrète pas. Elle est le fruit d'une volonté des États à travailler ensemble. Or, peu d'organismes acceptent de collaborer avec Eurojust. Il serait bon de sensibiliser nos polices, nos systèmes judiciaires sur la nécessité de coopérer avec les agences européennes.

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