Intervention de Reinhard Schäfers

Commission des affaires européennes — Réunion du 23 novembre 2010 : 1ère réunion
Audition de M. Reinhard Schäfers ambassadeur d'allemagne en france

Reinhard Schäfers :

Tout d'abord, à propos de l'accord-cadre que vous avez évoqué, Monsieur le Président, nous sommes face à un vrai problème institutionnel, mais cela est tout à fait naturel : après Lisbonne, nous traversons une phase transitoire d'adaptation et il ne faut pas s'en inquiéter trop ; en revanche, quand le Parlement européen essaie de s'imposer sur le budget en exigeant une augmentation excessive de 6,2 %, c'est irrecevable, mais heureusement Paris et Berlin là-dessus sont d'accord. Cela dit, il faut rester pragmatique et, au sein de cet affrontement sur les compétences, nous saurons trouver des compromis.

Quant à la gouvernance économique, l'accord de Deauville montre assez que nous savons faire des compromis : l'Allemagne a cédé sur l'automaticité des sanctions et la France a cédé sur la question de la gestion de crise après la faillite d'un État. Cependant je souhaite qu'il soit bien clair qu'après la mise au point du compromis de Deauville par l'équipe de M. Van Rompuy, nous ne pourrons pas nous dispenser de modifier légèrement le traité, sinon nous nous heurterons à la Cour de Karlsruhe. Mesurez toutefois le chemin parcouru par l'Allemagne qui, il y a un an encore, ne voulait pas entendre parler de la gouvernance économique. Toutefois il y a des limites à la gouvernance économique et il faudra savoir s'arrêter avant l'établissement d'une « Union de transferts » : aucun gouvernement allemand ne tiendrait plus de quelques semaines s'il acceptait une « Union de transferts ».

La défense européenne est prévue dans le traité et nous savons tous que c'est notre avenir et je dirai que la crise d'aujourd'hui est la mère de tout progrès en la matière ; il faut donc envisager de joindre nos forces. Certes le budget allemand de la défense est bas par rapport à celui de la France, mais c'est aussi parce que le nucléaire vous coûte cher. La question de la défense est au coeur de l'actualité allemande en ce moment puisque nous débattons sur la suppression de la conscription. L'Allemagne a une histoire. Certes, depuis 1994, la Bundeswehr a fait du chemin, mais cela ne fait que seize ans que nous avons des soldats sur un sol étranger. Nous réfléchissons et nous progressons : il existe d'ailleurs un « groupe d'impulsion » mis en place avec l'ancien ministre, M. Morin, groupe qui devrait aboutir à montrer que nous sommes prêts à aller au-delà du symbole de la brigade franco-allemande.

Sur l'interprétation de la jurisprudence de la Cour de Karlsruhe, il faut simplement comprendre que le juge constitutionnel allemand veille à renforcer la démocratie et que, s'il se passe quelque chose à Bruxelles qui n'est pas prévu par les traités ni par la Constitution allemande, je veux parler d'un transfert de compétence subreptice, alors il faut empêcher ce transfert qui n'est pas démocratique puisque le parlement allemand n'a pas eu à en connaître. Nous sommes bien conscients qu'une interprétation malveillante s'est répandue tendant à laisser croire que la Cour de Karlsruhe freinait le processus d'intégration européenne, mais il n'en est rien : la Cour est dans son rôle.

Pour l'Irlande, des conditions vont lui être imposées dans un deuxième temps, une fois passée l'urgence du sauvetage. Peut-on dire cependant qu'il faut forcer les Irlandais à augmenter leur taux d'impôt sur les sociétés ? On verra ce qui sera décidé. Il faut en tout cas réformer le système bancaire irlandais. Il est toutefois impossible de comparer l'Irlande à la Grèce, car l'Irlande, elle, n'a pas triché.

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