Intervention de Alain Richard

Commission des affaires européennes — Réunion du 17 novembre 2016 à 8h30
Élargissement — Communication de m. alain richard sur la situation des balkans

Photo de Alain RichardAlain Richard :

Comme vous le disiez, Laurent Fabius a fait des efforts importants en matière de diplomatie économique, notamment en provoquant des réorganisations administratives par voie d'autorité. Il a ainsi inclus le Trésor dans les mécanismes de coopération régionale. Or, on n'annexe pas le Trésor comme cela.

Nos ambassadeurs déplorent que le Trésor ne soit pas apporteur de contacts avec les entreprises ou les donneurs d'ordre des pays. Dans les faits, les entreprises françaises qui sont intéressées par ces pays se font accompagner par les ambassades, et Business France fait du travail de sensibilisation à partir de la France. Je n'ai jamais réussi à intéresser le réseau des chambres de commerce aux possibilités qu'offrent ces pays, et en particulier la chambre de commerce d'Île-de-France, qui est censée chapeauter le réseau, si bien que certains ambassadeurs se déplacent pour rencontrer directement les chambres régionales.

Les ambassadeurs déplorent que l'Allemagne fasse beaucoup plus d'affaires que la France. En Allemagne, la KfW joue à la fois le rôle de notre Caisse des dépôts et consignations et de l'Agence française de développement (AFD). Les ambassadeurs font pression pour que l'AFD s'intéresse aux Balkans, mais a-t-elle pour mission de monter des affaires dans les Balkans ? La réorganisation des attributions de la Caisse des dépôts et de l'AFD prévoit l'élargissement du mandat de l'AFD.

Je pense toutefois que si les Allemands font des affaires, c'est grâce aux fonds dont ils disposent et non grâce au savoir-faire de la caisse de coopération allemande. Par ailleurs, mon diagnostic est différent : l'AFD est un établissement public financier de l'État. Si l'on dit à la Caisse des dépôts qu'il faut y placer des liquidités, la Caisse exigera d'en être actionnaire. Quand le Président de la République a annoncé ce rapprochement il y a un an à la conférence des ambassadeurs, tout était improvisé. L'arbitrage avait été rendu la veille de l'annonce ! Le régime de sécurité bancaire de l'Union européenne s'appliquerait en pareil cas, ce qui changerait bien des choses. Aussi, je ne puis dire si cette affaire aboutira.

« Les Balkans produisent plus d'histoire qu'ils ne peuvent en consommer... » Méditons cette citation ! Le Kosovo est vu comme une partie de la Serbie historique, mais sa population est en bonne partie de souche albanaise. Les leaders serbe et albanais sont, sans être proches, en dialogue suffisamment étroit pour être des régulateurs ultimes. À Paris, nous avons pu constater la création d'un office balkanique de la jeunesse, calqué sur l'OFAJE. Ces leaders partent du principe que leur légitimité européenne future sera d'avoir assuré un rapprochement.

Je ne partage pas l'idée d'un désengagement des États-Unis. Ils continuent de surveiller le dossier de très près. Du reste, l'influence américaine est pour beaucoup dans le parti pris de nombreux Européens en faveur du Kosovo. Les poussées de revanchisme sont contenues dans les États aspirant à entrer dans l'Union européenne. En revanche, une fois dans l'Union, rien n'arrête ces tendances ! Voyez la Croatie.

Bien sûr, l'État de droit est encore en construction dans ces pays, et la justice n'y est pas indépendante. Elle hérite d'une longue tradition de connivence avec le pouvoir politique, d'où la difficulté de conserver les mêmes magistrats. Dans des conditions parlementaires indescriptibles, l'Albanie a adopté une loi de réorganisation de la justice. Il est impératif, pour que le texte entre en pratique, de changer un tant soit peu le cheptel de magistrats !

Il est logique que, dans chaque cas, le chapitre 24 soit celui qui suscite le plus grand nombre de discussions.

Au nombre des mauvaises expériences, il faut prendre en compte la Bulgarie, seul État à qui l'Union européenne a retiré les fonds structurels après son entrée. C'est le pire exemple, après la Roumanie.

De telles expériences retarderont sans doute encore diverses adhésions.

Pour conclure sur l'intervention de M. Sutour, il faut effectivement tenir compte des accords de Dayton, dont l'application est malaisée. Mais les renégociations, dans un contexte de réouverture potentielle de conflits, ne sont pas forcément opportunes. En outre, les diplomaties européennes font preuve d'une certaine paresse, en se demandant si de tels chantiers valent véritablement la peine.

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