Intervention de Fabienne Keller

Commission des affaires européennes — Réunion du 9 février 2011 : 1ère réunion
Échange de vues sur les résultats de la conférence de cancún communication de m. simon sutour et mme fabienne keller

Photo de Fabienne KellerFabienne Keller :

Je voudrais tout d'abord rendre compte de l'atmosphère à Cancún. C'est un type de conférence très particulier. On y croise dans des réunions formelles, mais aussi et surtout à l'improviste, dans un hall d'hôtel par exemple, les représentants de tous les pays du monde. Ce fonctionnement très éclaté et finalement déroutant m'a permis de saisir la lenteur, mais aussi la finesse de ces négociations climatiques. Les relations personnelles tissées par les participants jouent un grand rôle. J'ai ainsi constaté que Brice Lalonde, négociateur sur le climat pour la France depuis trois ans, connaissait tout le monde. À cet égard, Cancún se démarque de Copenhague par l'absence des principaux chefs d'État et de gouvernement. Cette différence explique peut-être le succès de Cancún, ce type de conférence multilatérale se prêtant mal aux effets d'annonce. Enfin, j'ai été frappée par la présence des organisations non gouvernementales qui n'hésitent pas à demander des comptes aux représentants des États.

J'en viens à présent au bilan de Cancún.

Cet accord a été salué par tous comme un succès. Il a permis de relancer réellement le processus dans le cadre des Nations unies. Sur tous les points évoqués des avancées ont été engrangées. Il faut d'ailleurs féliciter l'habileté de la présidence mexicaine, et particulièrement de sa ministre des affaires étrangères, Mme Patricia Espinosa.

S'agissant du protocole de Kyoto, son avenir n'a pas encore été tranché. Mais l'idée d'une deuxième période d'engagement figure explicitement dans l'accord et on se dirige vers une amélioration des mécanismes actuels de Kyoto.

L'accord de Cancún contient également des engagements sur l'effort de réduction des émissions. Les objectifs de réduction des pays industrialisés pour 2020 sont désormais inscrits dans le cadre de la Convention climat et un dispositif pour enregistrer et vérifier les actions des pays en développement est mis en place. Il reviendra au secrétariat de la Convention de les inventorier.

L'objectif de limiter à long terme l'augmentation de la température globale à 2°c est aussi inscrit, en incluant la possibilité de renforcer en 2015 cet objectif à 1,5°c. La nécessité d'atteindre le plus vite possible un pic des émissions est repris par le texte, avec un engagement des pays à en préciser la date et à élaborer des stratégies sobres en carbone.

Ces engagements sont le principal acquis, car ils impliquent une limitation des émissions globales dans les prochaines décennies. Comme l'effort des pays riches ne suffira pas, cela signifie que les pays émergents devront eux aussi s'engager à limiter leurs émissions.

S'agissant des mécanismes de vérification, outre le rôle précité du secrétariat de la Convention pour répertorier les actions de réduction des émissions, l'accord de Cancún prévoit que les rapports d'actions présentés par les pays seront analysés par des experts indépendants d'une façon « non intrusive, non punitive et respectant la souveraineté nationale ». Ce compromis délicat, où chaque mot compte, a été proposé par Jairam Ramesh, le ministre indien de l'environnement. Il est fondamental, car il a permis de rallier le soutien de la Chine.

Sur le « fonds vert », sa création est confirmée et les organes de sa gouvernance ont été précisés. Il sera gouverné par 24 membres représentant à égalité des pays développés et des pays en développement. La Banque mondiale est chargée à titre intérimaire de la gestion du fonds. En revanche, on ne dit rien sur son mode d'alimentation.

Au-delà de l'accord proprement dit, Cancún a aussi illustré la montée en puissance des pays émergents sur la scène diplomatique internationale. Les représentants de ces pays ont été les véritables pivots de la conférence. Jairam Ramesh, ministre de l'environnement de l'Inde, a été l'artisan des compromis décisifs. On peut citer également le représentant chinois Huang Hui Kang.

A côté, les pays développés sont souvent apparus embarrassés. Les États-Unis en raison du contexte politique et électoral. L'Union européenne en raison de ses difficultés à ajuster ses positions au fil de la négociation. L'Union apparaît très morcelée entre la Commission européenne, le Parlement européen et les 27 États membres. Nos partenaires n'y comprennent rien.

Ce succès de Cancún ne signifie pas que le chemin vers un accord global contraignant soit pavé de roses.

Beaucoup de détails cruciaux n'ont pas été réglés.

Ainsi, la question du financement du « fonds vert » reste ouverte. Quel financement innovant faut-il choisir ? Quelle est la part des financements publics et privés ? Vers quels pays orientés les fonds, tous les pays en développement ou seulement les pays les plus défavorisés ? Je rappelle qu'il existe déjà une polémique à propos des MDP, ce mécanisme qui permet aux pays développés d'acquitter leurs obligations de réduction des émissions au titre du protocole de Kyoto en finançant des projets de réduction des émissions dans des pays en développement. Or, aujourd'hui, 41 % des projets MDP financés le sont en Chine.

Autre point à trancher, le protocole de Kyoto. Sa prolongation n'est pas actée et les pays en développement n'ont toujours pas dit oui à un engagement contraignant avec des objectifs chiffrés de réduction des émissions.

Côté européen, il faut rapidement réfléchir à l'amélioration de la réactivité et de l'unité de la représentation européenne dans les négociations. Côté français, se pose la question de la succession de Brice Lalonde, négociateur sur le climat pour la France depuis 2007 et qui vient d'être nommé coordinateur exécutif de la Conférence de Rio+20 sur le développement durable qui se tiendra en 2012.

Le prochain grand rendez-vous sera la conférence de Durban en décembre prochain. Un des éléments de la confiance entre les parties au cours de l'année 2011 sera l'engagement des pays développés à mettre effectivement sur la table les crédits promis au titre du financement « fast start » pour 2011 et 2012. Pour les pays non développés, ce sera un baromètre important de la bonne volonté des pays riches.

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