Intervention de André Gattolin

Commission des affaires européennes — Réunion du 16 avril 2014 à 15h05
Justice et affaires intérieures — Europol et eurojust : perspectives d'avenir - rapport d'information de mm. andré gattolin dominique bailly pierre bernard-reymond et mme colette mélot

Photo de André GattolinAndré Gattolin, rapporteur, président de la délégation :

Europol est une agence européenne de 700 personnes. Son budget est de 84,2 millions d'euros. Eurojust est une « unité de coopération judiciaire » de 350 personnes, dont 80 magistrats, et dont le budget est de l'ordre de 32 millions d'euros.

À Europol, notre délégation a été notamment reçue par M. Michel Quillé, directeur-adjoint de l'Agence, et M. Jean-Jacques Colombi, chef de la direction des relations internationales à la direction centrale de la police judiciaire et responsable du Bureau de liaison France.

Europol, créé par une Convention en 1995, est en charge de faciliter les opérations de lutte contre la criminalité au sein de l'Union européenne. Depuis l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam (2010), l'Office européen de police est une agence européenne dotée d'un budget et d'un effectif communautaire. Le Conseil des ministres « Justice et Affaires intérieures » est responsable du contrôle global et de la définition des orientations d'Europol. Il désigne le directeur et les directeurs adjoints. Le Conseil d'administration est constitué d'un représentant de chaque État membre, donc de 28 membres. Chaque État de l'Union européenne désigne une unité spéciale de police nationale chargée des relations avec Europol et délègue des officiers de liaison qui participent aux travaux d'échange d'informations et d'analyse.

Au total, environ 150 officiers de liaison des États membres et des États associés participent aux travaux de l'agence. Ce regroupement d'officiers de liaison au sein d'une structure unique représente un « concept unique au monde ». Dans chaque État membre, Europol dispose d'un correspondant unique : l'Unité nationale Europol, laquelle, pour la France, siège à Nanterre.

En juin 2013, le Conseil des ministres a identifié neuf priorités opérationnelles pour lutter contre la grande criminalité organisée : trafic de stupéfiants, traite des êtres humains, immigration clandestine, etc. Le terrorisme est évidemment une priorité permanente. S'agissant du crime environnemental, c'est depuis la publication d'un rapport en novembre 2013 qu'il est considéré par Europol comme une menace émergente contre laquelle il est urgent d'intensifier la lutte.

Notons qu'Europol n'a rien à voir avec le FBI. L'office ne dispose pas de pouvoir de coercition. Europol est, surtout, un centre d'information criminelle. Fin 2013, le Système d'Information Europol contenait 245 000 documents concernant environ 70 000 personnes.

Quelque 300 000 recherches ont été effectuées. Environ 2 000 recoupements internationaux sont intervenus sur des enquêtes en cours. Quelque 15 000 enquêtes transnationales ont bénéficié d'un soutien ou d'une action de coordination des infrastructures et des services d'Europol. 11 000 enquêtes ont été directement initiées par Europol.

Le Centre européen de lutte contre la cybercriminalité d'Europol mis en place en 2013 attire l'attention des États membres sur les faiblesses des défenses de leurs installations en ligne. Il a aussi pour vocation d'apporter un soutien opérationnel aux enquêtes sur le terrain, au niveau tant de l'analyse que de la création d'équipes communes d'enquête sur la cybercriminalité.

J'en viens au contrôle parlementaire d'Europol.

Initialement, la Commission avait prévu que le contrôle des activités d'Europol par le Parlement européen s'effectuerait par l'intermédiaire d'une cellule de contrôle parlementaire. Les éléments suivants seraient présentés et débattus devant cette cellule de contrôle parlementaire :

- le rapport d'activité annuel consolidé sur les activités d'Europol ;

- les programmes de travail annuel et pluriannuel ;

- le rapport annuel du contrôleur européen de la protection des données sur les activités de contrôle d'Europol.

L'Assemblée nationale avait adopté dès 2011 une résolution européenne sur le contrôle parlementaire d'Europol.

Dans notre résolution européenne du 29 juin 2011, nous avons nous-mêmes soutenu l'idée d'une commission mixte composée de représentants du Parlement européen et des parlements nationaux, et souligné que les parlements nationaux devaient être destinataires des mêmes documents que le Parlement européen.

Le Parlement européen s'est à de nombreuses reprises exprimé sur le contrôle parlementaire d'Europol et a toujours approuvé l'idée de la création d'une commission mixte composée de représentants des parlements nationaux et du Parlement européen.

Dans sa résolution législative du 25 février 2014, il a précisé : « Le contrôle des activités d'Europol par le Parlement européen, associé aux parlements nationaux, se fait par l'intermédiaire du groupe de contrôle parlementaire conjoint, issu de la commission compétente du Parlement européen, constitué par des membres titulaires de ladite commission ainsi que par un représentant de la commission compétente du parlement national de chaque État membre et un suppléant. Les États membres dont le système parlementaire est bicaméral peuvent être représentés par un représentant de chaque chambre. »

Les parlements nationaux ont eu l'occasion de débattre sur la question à l'invitation de la commission LIBE du Parlement européen, les 14 novembre 2013 et 19 mars 2014. Un consensus semble se dégager sur le « groupe de contrôle parlementaire conjoint » préconisé par la résolution législative du Parlement européen du 25 février 2014. Devraient figurer dans le groupe conjoint deux représentants par pays afin de tenir compte des États à système bicaméral. Nous serons évidemment extrêmement vigilants sur ce point.

Afin d'améliorer, selon la Commission, la gouvernance d'Europol, la proposition de réforme complète le dispositif existant. Actuellement régie par un Conseil d'administration, sa structure se verrait ajouter un « Comité Exécutif » (« Management Board »), composé du président du Conseil d'Administration, du représentant de la Commission et de trois autres membres du Conseil d'administration élus en son sein. Le Conseil d'administration pourrait, d'autre part, adopter ses décisions à la majorité simple.

En matière de protection des données personnelles, Europol dispose, selon ses responsables, d'un des régimes les plus contraignants parmi les agences de coopération policière. C'est évidemment important dans la mesure où Europol traite par nature des données personnelles particulièrement sensibles !

Enfin, la plupart des groupes politiques du Parlement européen ont rejeté l'idée d'une fusion Europol-CEPOL, organisme qui s'occupe de la formation des personnels. Le projet de la Commission semble aujourd'hui en sérieuse difficulté.

À Eurojust, la délégation de notre commission a été notamment reçue par Mme Michèle Coninsx, présidente d'Eurojust et par Mme Sylvie Petit-Leclair, membre national responsable du bureau français d'Eurojust.

Deux projets d'actes législatifs, étroitement liés et actuellement en cours de négociation, intéressent directement Eurojust.

Eurojust a été créée par une décision du Conseil de 2002 afin de renforcer la lutte contre les formes graves de criminalité. Son objet est d'encourager et d'améliorer la coordination des enquêtes et des poursuites judiciaires entre les autorités compétentes des États membres de l'Union en matière de criminalité organisée transfrontalière. Des règlements adoptés selon la procédure législative ordinaire déterminent la structure, le fonctionnement, le domaine d'action et les tâches d'Eurojust. Ces tâches peuvent comprendre :

- le déclenchement d'enquêtes pénales ainsi que la proposition de déclenchement de poursuites conduites par les autorités nationales compétentes, en particulier celles relatives à des infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union ;

- la coordination des enquêtes et poursuites ;

- le renforcement de la coopération judiciaire, y compris par la résolution de conflits de compétences et par une coopération étroite avec le Réseau judiciaire européen.

Eurojust est une Unité de coopération dirigée par un collège composé de 28 magistrats, soit un magistrat par État membre, qui sont en majorité des procureurs.

Elle a pour mission de coordonner la coopération judiciaire européenne entre les 28 États membres et intervient soit par l'intermédiaire des membres nationaux, soit sous sa formation de collège.

Notre rapport écrit détaillera les différentes formes d'intervention d'Eurojust. Au total, 350 personnes, dont 80 magistrats, travaillent au sein de l'Unité de coopération. Les réunions de coordination organisées par Eurojust portent essentiellement sur le trafic de stupéfiants, la lutte contre la traite des êtres humains, contre l'immigration irrégulière, la fraude, le blanchiment d'argent et le terrorisme. 1 576 affaires ont été traitées par Eurojust en 2013.

Le bureau français d'Eurojust est composé de 4 magistrats. Il joue un rôle de sensibilisation des magistrats nationaux à l'enjeu de la coopération européenne. Sans entrer dans les détails, cela a pu jouer dans l'enquête sur la récente affaire de Chevaline ou à l'occasion de vols à main armée dans des bijouteries à Paris et à Strasbourg. Selon les cas, le bureau français a alerté les magistrats français enquêtant sur ces affaires ou a été saisi afin que des dossiers puissent être ouverts dans d'autres États membres, comme le Royaume-Uni, après son intervention auprès de leurs propres autorités judiciaires.

Eurojust joue ainsi un rôle de « tour de contrôle » dans ce type d'affaires criminelles. Les équipes communes d'enquête peuvent être un instrument très utile. 118 équipes d'entre elles, concernant principalement la traite des êtres humains et le trafic de stupéfiants, ont été constituées en 2013, dont 30 ont été financées par Eurojust.

L'article 13 de la décision institutive d'Eurojust a été transposé en droit national par la loi du 5 août 2013. Le Code de procédure pénale prévoit l'information du membre national d'Eurojust par les procureurs. Paradoxalement, depuis l'entrée en vigueur de la loi, le nombre d'informations transmises à Eurojust a diminué. Auparavant, les procureurs se fondaient sur une circulaire qui prévoyait la transmission d'informations nombreuses à Eurojust. Or, depuis la loi, sur 36 Cours d'appel, une seule a transmis des informations à Eurojust ! Il y a une vraie réticence de la part du monde judiciaire.

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