Intervention de Richard Yung

Commission des affaires européennes — Réunion du 29 octobre 2015 à 8h30
Économie finances et fiscalité — Séparation des activités bancaires : avis politique de mm. jean bizet et richard yung

Photo de Richard YungRichard Yung :

Entre autres. Pour y remédier, on a relevé le ratio des fonds propres ; mis en place un mécanisme de bail-in, selon lequel les actionnaires et les obligataires sont appelés en priorité, selon un ordre défini, à renflouer la banque, et non plus le contribuable ; séparé les activités de banque de détail et de banques d'affaires, pour éviter que des banques ne spéculent avec leurs dépôts dans le cadre d'opérations de négoce pour compte propre. En France, nous avons voté la loi de séparation bancaire du 26 juillet 2013. En Europe, depuis presque deux ans, Michel Barnier a lancé l'idée d'un texte communautaire. Le premier projet de règlement de la Commission européenne était insatisfaisant car il prévoyait trop d'exonérations, en particulier pour les banques établies au Royaume-Uni. Nous avions adopté un avis motivé à ce sujet. D'ailleurs le service juridique du Conseil ainsi que la BCE avaient aussi émis un avis négatif sur l'architecture retenue. M. Jonathan Hill a repris le dossier, les négociations continuent mais les mêmes problèmes demeurent. Le texte a beau prendre la forme d'un règlement, il autorise son application par la voie de lois nationales. Voilà qui constituerait un dangereux précédent en matière de subsidiarité, ouvrant la voie à des textes patchwork.

En juillet, le projet de compromis du rapporteur Gunnar Hökmark, membre du PPE, a été repoussé d'une voix au Parlement européen, grâce à l'extrême droite. Il tente désormais de recoller les morceaux. Le débat se poursuit avec un partenaire difficile, Jakob von Weizsäcker, dont les positions, très marquées, sont assez théoriques. Comme dans une mêlée de rugby, on ne sait pas bien comment le ballon va sortir...

Nous critiquons le choix d'un règlement qui laisse la liberté aux États membres d'opter pour des lois nationales. Surtout, la Commission européenne s'arroge le droit de porter des jugements de valeur sur les législations nationales : la loi Vickers britannique est d'ailleurs ainsi implicitement reconnue comme une excellente loi de séparation. Les Allemands ont obtenu des dérogations pour leurs caisses d'épargne. Au fond, le texte ne concernerait plus que les banques françaises - la Société générale, BNP-Paribas et, selon les critères retenus, le Crédit agricole - la Deutsche Bank et éventuellement la Commerzbank et la banque néerlandaise ING. Tout ça pour ça !

Le moment est particulièrement mal venu, alors que David Cameron fait le tour des capitales européennes pour arracher toutes les exceptions possibles pour le Royaume-Uni. Loin d'harmoniser, ce texte crée une distorsion dans le marché : les banques européennes opérant sur la place de Londres ne seront pas soumises au contrôle de la BCE mais à celui de la Banque d'Angleterre.

C'est pourquoi nous vous proposons d'adopter un projet d'avis politique, adressé à la Commission européenne, élément d'une stratégie de riposte graduée après notre avis motivé et notre résolution européenne. Nous sommes pour la séparation bancaire, nous avons voté une loi nationale. Nous demandons à la Commission, qui s'y dit prête, de rouvrir le débat. In cauda venenum, nous ouvrons aussi la porte, au dernier paragraphe, à un « carton rouge », conformément au protocole n° 2 sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité. Concrètement, cela signifie qu'un Parlement national peut introduire un recours auprès de la Cour de justice, une fois le texte adopté. Curieusement, cela fait bouger les gens à Bruxelles qui semblent découvrir que cette procédure existe...

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion