Avec Richard Yung, nous vous présentons un projet d'avis politique sur la réforme structurelle des banques européennes, dans le cadre du projet de règlement « relatif à des mesures structurelles améliorant la résilience des établissements de crédit de l'Union européenne », objet, depuis plus d'un an, d'intenses négociations à Bruxelles. Peut-être faudra-t-il aller plus loin si le message de la France n'est pas entendu, et si le but que nous recherchons n'est pas atteint au travers du règlement proposé ?
Ce texte est un élément essentiel de l'arsenal européen et international visant à renforcer la stabilité du système financier. Le Sénat s'est déjà exprimé en faveur de cette démarche. C'est aussi une réforme techniquement complexe dont les conséquences pour le système financier européen doivent être mesurées. Il ne s'agit pas de nous focaliser sur tel ou tel système bancaire national, mais bien d'envisager l'approche la plus globale possible : une meilleure harmonisation, une union économique et monétaire plus intégrée, un marché intérieur plus abouti. Enfin, ce projet a acquis une dimension emblématique et il se situe au coeur des discussions actuelles avec le Royaume Uni.
La commission des affaires européennes du Sénat s'est saisie très tôt de ce projet. Dès avril 2014, le Sénat avait adopté, à notre initiative, un avis motivé soulignant nos préoccupations sur une dérogation aux exigences du règlement en faveur de lois nationales. Cette dérogation visait en l'occurrence le système bancaire britannique. En termes d'harmonisation, on a vu mieux...
La Banque centrale européenne et le service juridique du Conseil ont conforté notre analyse et conduit le Conseil Ecofin à s'engager dans l'élaboration d'un compromis sensiblement différent de la proposition initiale de la Commission. L'accord du Conseil sur ce compromis, en juin dernier, a marqué une étape décisive dans la poursuite de l'élaboration législative du texte. Pour autant, il nous a semblé prendre encore insuffisamment en compte les préoccupations exprimées ; le Sénat en a averti le Gouvernement par l'adoption d'une résolution européenne au mois de juillet dernier.
Sur la forme, le projet du Conseil demeure un règlement, soit un texte d'harmonisation des législations nationales et d'applicabilité immédiate. Il prévoit toutefois que les exigences principales peuvent être appliquées par une loi nationale. Ce faisant, il crée les conditions de potentielles distorsions de concurrence. Comment ce règlement peut-il dès lors concourir à renforcer et harmoniser le marché unique ? Surtout, comment accepter un tel précédent, lourd de conséquences pour le corpus législatif européen futur ?
En outre, le cadre général sur lequel s'est accordé le Conseil prévoit des exemptions significatives qui excluent de son champ d'application de nombreux établissements, ce qui limite l'efficacité de la réforme. Après la crise des subprimes, l'objectif était pourtant de sécuriser le système bancaire et financier, d'éviter les risques systémiques. Ce n'est pas la voie qui a été retenue. Si rien n'est fait, les banques anglo-saxonnes auront plus de latitude pour opérer que les banques européennes.
Nous remettons en cause le bien-fondé de ce processus qui nous paraît clairement inapproprié, augmentant encore le nombre de recours à des actes délégués que le Sénat a déjà dénoncé. Au Parlement européen, les échanges entre les rapporteurs semblent s'engager sur de nouvelles modifications substantielles du projet, sans toutefois prendre la mesure des préoccupations que nous avons déjà formulées ; d'ailleurs, la députée européenne Sylvie Goulard a demandé le retrait du texte. Difficile de mesurer les conséquences d'un texte dont on ne connaît pas le périmètre et pour lequel on manque d'analyses d'impact réactualisées. Quel respect des principes de subsidiarité et de proportionnalité par un texte si profondément remanié ? Ne risquons-nous pas d'aboutir à une réforme qui sert mal les objectifs initialement poursuivis ? Telles sont nos inquiétudes, que nous avons souhaité formuler à nouveau.
La Commission a proposé, sous la forme d'un nouvel accord interinstitutionnel, de promouvoir un processus législatif de meilleure qualité. Nous lui proposons de mettre en application cette nouvelle ambition. C'est dans cette perspective que nous vous soumettons l'adoption d'un avis politique afin d'engager un échange avec la Commission. Nous pourrions également adresser un courrier dans ce sens au Président du Parlement européen. Nous préciserons à nos interlocuteurs que cette démarche s'inscrit dans le cadre du protocole n° 2 sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité qui nous permet de former un recours devant la Cour de justice de l'Union européenne postérieurement à l'adoption d'un acte législatif.
Notre président a dit l'essentiel. La séparation des activités bancaires est née du constat que certaines banques sont devenues trop grosses pour faire faillite. En cas de difficulté, il leur suffit d'appeler le Trésor en catastrophe pour être renflouées. C'est le coup de fil du vendredi à13 heures !
Entre autres. Pour y remédier, on a relevé le ratio des fonds propres ; mis en place un mécanisme de bail-in, selon lequel les actionnaires et les obligataires sont appelés en priorité, selon un ordre défini, à renflouer la banque, et non plus le contribuable ; séparé les activités de banque de détail et de banques d'affaires, pour éviter que des banques ne spéculent avec leurs dépôts dans le cadre d'opérations de négoce pour compte propre. En France, nous avons voté la loi de séparation bancaire du 26 juillet 2013. En Europe, depuis presque deux ans, Michel Barnier a lancé l'idée d'un texte communautaire. Le premier projet de règlement de la Commission européenne était insatisfaisant car il prévoyait trop d'exonérations, en particulier pour les banques établies au Royaume-Uni. Nous avions adopté un avis motivé à ce sujet. D'ailleurs le service juridique du Conseil ainsi que la BCE avaient aussi émis un avis négatif sur l'architecture retenue. M. Jonathan Hill a repris le dossier, les négociations continuent mais les mêmes problèmes demeurent. Le texte a beau prendre la forme d'un règlement, il autorise son application par la voie de lois nationales. Voilà qui constituerait un dangereux précédent en matière de subsidiarité, ouvrant la voie à des textes patchwork.
En juillet, le projet de compromis du rapporteur Gunnar Hökmark, membre du PPE, a été repoussé d'une voix au Parlement européen, grâce à l'extrême droite. Il tente désormais de recoller les morceaux. Le débat se poursuit avec un partenaire difficile, Jakob von Weizsäcker, dont les positions, très marquées, sont assez théoriques. Comme dans une mêlée de rugby, on ne sait pas bien comment le ballon va sortir...
Nous critiquons le choix d'un règlement qui laisse la liberté aux États membres d'opter pour des lois nationales. Surtout, la Commission européenne s'arroge le droit de porter des jugements de valeur sur les législations nationales : la loi Vickers britannique est d'ailleurs ainsi implicitement reconnue comme une excellente loi de séparation. Les Allemands ont obtenu des dérogations pour leurs caisses d'épargne. Au fond, le texte ne concernerait plus que les banques françaises - la Société générale, BNP-Paribas et, selon les critères retenus, le Crédit agricole - la Deutsche Bank et éventuellement la Commerzbank et la banque néerlandaise ING. Tout ça pour ça !
Le moment est particulièrement mal venu, alors que David Cameron fait le tour des capitales européennes pour arracher toutes les exceptions possibles pour le Royaume-Uni. Loin d'harmoniser, ce texte crée une distorsion dans le marché : les banques européennes opérant sur la place de Londres ne seront pas soumises au contrôle de la BCE mais à celui de la Banque d'Angleterre.
C'est pourquoi nous vous proposons d'adopter un projet d'avis politique, adressé à la Commission européenne, élément d'une stratégie de riposte graduée après notre avis motivé et notre résolution européenne. Nous sommes pour la séparation bancaire, nous avons voté une loi nationale. Nous demandons à la Commission, qui s'y dit prête, de rouvrir le débat. In cauda venenum, nous ouvrons aussi la porte, au dernier paragraphe, à un « carton rouge », conformément au protocole n° 2 sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité. Concrètement, cela signifie qu'un Parlement national peut introduire un recours auprès de la Cour de justice, une fois le texte adopté. Curieusement, cela fait bouger les gens à Bruxelles qui semblent découvrir que cette procédure existe...
Nous ne faisons pourtant qu'exercer nos compétences, ne nous en privons pas ! N'étant pas soumises aux mêmes règles, les banques américaines et anglo-saxonnes financeront plus facilement l'économie européenne et seront plus réactives.
Je me réjouis que nous allions au-delà de l'avis motivé. À la différence du carton jaune, qui requiert l'accord d'un tiers des parlements nationaux, la procédure de carton rouge peut être activée par une seule chambre.
C'est une épée de Damoclès redoutable. J'espère que nos débats filtreront au-delà de cette salle : nos pouvoirs sont importants, il faut le faire savoir. Les compétences de notre commission sont inscrites dans la Constitution à l'article 88-6 ; elle exerce ses prérogatives. Cartons jaune, orange, ou rouge, autant de possibilités ouvertes par le traité de Lisbonne. Nous avions déjà adressé un carton jaune sur la directive sur les travailleurs détachés qui a conduit la Commission à retirer son texte. La menace d'un carton rouge doit tétaniser bien des gens à Bruxelles. Combien d'appels n'avions-nous pas reçu lorsque nous avions brandi la menace d'un carton jaune sur le parquet européen ? Évidemment, avec Jean Bizet, nous n'avions pas cédé. Ne cédons pas. Quand on sait que 50% de notre législation est d'origine communautaire, l'enjeu est d'importance. Notre avis doit recevoir la publicité qu'il mérite.
L'an dernier, la commission des finances a organisé une table ronde sur le paquet Barnier, réunissant des représentants de Finance Watch, de l'ACPR, de BNP-Paribas et l'ancien directeur de cabinet de Michel Barnier, Olivier Guersent. Nous ne sommes pas allés au bout de la logique de séparation. Voilà quarante ans que l'on encourage la concentration des banques françaises, à tel point qu'elles figurent parmi les plus grandes banque mondiales. On vante la banque universelle. Je me suis érigé contre le lobby des banques françaises : rien ne justifiait de rendre déductible de l'impôt sur les sociétés la contribution au fonds de résolution unique. Il faut admettre que notre système n'est pas parfait. Certes, il est légitime de défendre nos emplois et nos intérêts. Mais les banques le font-elles ? Si le siège de BNP-Paribas est à Paris, les décisions sont prises à Londres ! Ne nous contentons pas d'une défense et illustration des mérites de notre système. Plutôt que de fusionner le Crédit Agricole et les Caisses d'épargne sur une base territoriale pour créer un réseau bancaire de proximité à l'allemande, susceptible de financer les PME sur nos territoires, nous avons préféré fusionner Banque populaire et les Caisses d'épargne, pour créer un nouveau mastodonte. En dépit de ces réserves, je voterai cet avis politique, mais avec vigilance, en ayant à l'esprit les remarques d'Olivier Guersent.
Je voterai cet avis politique. On ne peut pas dire que nous abusons des prérogatives que nous offre le traité européen, et les autres parlements encore moins... Ce projet de règlement est symptomatique de l'incapacité de l'Union à réguler le système bancaire. La Commission européenne montre beaucoup plus de fermeté à l'égard des États qu'à l'égard des banques et des marchés financiers.
Nous devons exercer pleinement nos prérogatives ; espérons que nous ferons des émules parmi les autres parlements nationaux.
À l'issue du débat, la commission des affaires européennes a adopté, à l'unanimité, l'avis politique qui sera transmis à la Commission européenne.
Sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à des mesures structurelles améliorant la résilience des établissements de crédit de l'Union européenne (COM (2014) 43 final)
Vu l'article 5 du traité sur l'Union européenne,
Vu l'article 114 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE),
Vu le protocole n° 2 sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité, annexeì au traité sur le fonctionnement de l'Union européenne,
Vu la communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil : Proposition d'accord interinstitutionnel relatif aÌ l'amélioration de la règlementation (COM (2015) 216 final),
Vu la résolution européenne du Sénat n° 99 portant avis motivé sur la conformité au principe de subsidiarité de la proposition de règlement (COM (2014) 43 final),
Vu le courrier de la Commission européenne en date du 15 juillet 2014 (C(2014)4918),
Vu le document du Conseil (Ecofin) intitulé confirmation du texte de compromis final en vue d'un accord (ST 9579 2015 COR 1 REV),
Vu la résolution européenne du Sénat n° 142 sur l'Union des marchés de capitaux,
La commission des affaires européennes du Sénat :
Confirme qu'elle est favorable, dans son principe, à la démarche de réforme structurelle du secteur bancaire qui, parmi d'autres dispositions, doit viser, à travers une harmonisation des lois nationales, à renforcer la stabilité financière et l'intégration des marchés financiers de l'Union européenne ;
Prend acte de l'accord trouvé par le Conseil Ecofin qui marque une étape dans le processus d'adoption de cette réforme ;
Constate que l'approche générale retenue repose sur un règlement qui prévoit que ses objectifs principaux pourraient être atteints par des législations nationales ;
Et regrette :
l'absence de pertinence, au regard du principe de subsidiarité, du recours à un règlement dès lors qu'il est précisé que des lois nationales permettent d'obtenir les mêmes effets ;
le risque de précédent que constitue cette remise en cause du principe même d'un règlement qui est un outil d'harmonisation des législations nationales ;
l'amplification potentielle des distorsions de concurrence et ses conséquences sur la compétitivité du secteur financier européen, du fait de la reconnaissance des options nationales ;
Constate que l'octroi à un État membre du bénéfice de l'option nationale se fonde sur un accord tacite ou, en cas de refus, sur un acte d'exécution, de la Commission ;
Et regrette :
l'absence de justification par la Commission du bénéfice de l'option nationale ;
le recours à un acte d'exécution pour un aspect essentiel du règlement ;
Constate la détermination, dans le cours des discussions sur ce texte, de diverses exemptions aux exigences du règlement ainsi que de nouveaux seuils qui réduisent substantiellement le périmètre des établissements de crédit concernés par l'application des principes de séparation ;
Et regrette :
l'absence d'analyse d'impact de ces modifications substantielles qui interdit une prise de décision en toute connaissance de cause ;
la réduction potentielle du champ de la réforme et, partant, de son efficacité au regard des ambitions d'origine ;
Affirme, à la lumière des éléments mentionnés ci-dessus, sa préoccupation quant au fait que les caractéristiques de l'acte législatif, qui serait adopté au terme du trilogue institutionnel, puissent :
desservir les objectifs d'harmonisation et d'intégration du marché intérieur ;
mettre en cause les principes de subsidiarité et de proportionnalité ;
Rappelle l'ambition de la Commission européenne d'améliorer la qualité du processus législatif européen conformément au projet d'accord inter institutionnel (COM (2015) 216 final) et propose d'engager avec elle un dialogue concret sur les divers éléments de préoccupation exprimés sur le règlement de réforme structurelle du secteur bancaire ;
L'ordre du jour appelle une communication de Simon Sutour sur le troisième plan d'aide à la Grèce. Un accord a pu être trouvé au cours de l'été. Simon Sutour nous avait présenté, en juin dernier, un rapport d'information très complet à l'issue du déplacement qu'il avait effectué. Depuis, beaucoup de choses se sont passées. Comme nous en sommes convenus en juillet lors du débat en séance publique sur la Grèce, nous poursuivrons un travail en commun sur ce sujet avec la commission des Finances.
Après des semaines de négociations difficiles, virant parfois au psychodrame - on se souvient du référendum ou du conseil interminable du 12 juillet -, la Grèce et ses partenaires de la zone euro ont trouvé un accord, le 13 juillet, sur l'octroi d'une nouvelle aide internationale de 86 milliards d'euros sur trois ans. Un mémorandum d'accord signé le 12 août est venu le concrétiser. Ce terme était pourtant honni à Athènes...
Le nouveau programme est censé répondre aux besoins de financement du pays mais aussi aux difficultés du secteur bancaire. 10 à 25 milliards d'euros devraient être dégagés afin d'abonder un fonds de réserve destiné à recapitaliser les banques, affaiblies par les prêts non performants qui représentent plus de 35 % de leur encours. Il s'agit aussi d'éviter toute contagion aux pays où sont implantées des filiales des banques grecques : Bulgarie, Chypre, Roumanie, Royaume-Uni, d'autant que dans certains, elles sont d'importance systémique.
En attendant, les banques ont rouvert le 20 juillet, même si les retraits sont limités à 420 euros par semaine. Les établissements ont toujours accès au financement d'urgence de la Banque centrale, l'ELA.
L'accord du 13 juillet prévoit également la mobilisation, par la Commission européenne, de 35 milliards d'euros d'ici 2020 dans le cadre de différents programmes de l'Union européenne pour financer les investissements et l'activité économique, en particulier celle des PME. La Commission a précisé ses intentions le 15 juillet, en annonçant le lancement d'un Plan pour l'emploi et la croissance en Grèce, dont l'ambition première est d'attirer des investissements et de redonner des perspectives aux jeunes, en utilisant notamment le reliquat des fonds non consommés sur la période 2007-2013.
Le nouveau plan d'aide devrait être financé par trois canaux : le Mécanisme européen de stabilité, fonds de secours de la zone euro, le FMI et le produit des privatisations. Toutefois, le FMI conditionne son financement à une restructuration de la dette grecque, qu'il juge insoutenable - créancier prioritaire, il ne serait pas concerné par une éventuelle coupe. Les chefs d'États et de gouvernement de la zone euro espéraient une intervention du Fonds à hauteur de 16 milliards d'euros.
L'autre interrogation porte sur les privatisations. L'ambition affichée lors de la signature de l'accord était de parvenir à 50 milliards d'euros de recettes à moyen terme, dont 6 milliards d'euros d'ici 2017. Un fonds grec dédié va être mis en place pour monétiser les actifs, avec l'appui technique d'experts européens. L'objectif reste ambitieux, sachant que le produit des privatisations opérées depuis 2010 ne dépasse pas 8 milliards d'euros.
L'octroi de cette aide est conditionné à l'adoption par la Grèce de nouvelles réformes structurelles. Quatre axes sont définis dans le mémorandum : la soutenabilité financière, la stabilité financière, la relance de la croissance, de la compétitivité et de l'investissement et la réforme de l'État ; 57 actions prioritaires ont été identifiées.
Quatre textes majeurs ont été votés le 15 juillet, non sans mal. Ils concernaient la réforme de la TVA, notamment dans les îles, l'amélioration à long terme de la viabilité du régime des retraites, le renforcement de l'indépendance de l'Institut national de statistique et la transposition en droit grec de la « règle d'or » budgétaire qui figure dans le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG). L'accord du 13 juillet prévoyait également l'adoption d'un code de procédure civile ou la transposition de la directive de 2014 sur la résolution des défaillances bancaires, deux textes votés par le Parlement grec le 22 juillet. Deux nouvelles lois « omnibus » ont permis, le 14 août puis le 17 octobre, de concrétiser la réforme des régimes de retraite et la révision de la fiscalité. La Commission européenne estimait le 14 août que 38 actions prioritaires avaient déjà été adoptées par le Parlement. La Vouli a travaillé à marche forcée !
Le mémorandum d'accord fixe une trajectoire budgétaire ambitieuse à la Grèce, en établissant un objectif d'excédent primaire de 3,5 % en 2018, trajectoire qui repose sur une croissance proche de 3 % à partir de 2017. Les institutions européennes font néanmoins preuve de réalisme pour 2015 en escomptant une contraction de l'activité de plus de 2 %, malgré l'excellente saison touristique.
Les votes à la Vouli sur l'accord du 13 juillet puis le mémorandum d'accord ont été marqués par un certain nombre de défections au sein de la majorité parlementaire. Dans ces conditions, le Premier ministre a annoncé dans la foulée la démission de son gouvernement et la tenue d'élections législatives anticipées. Il s'agissait pour lui de se défaire de l'emprise de son aile gauche, incarnée notamment par Yanis Varoufakis. Lors des élections du 20 septembre, Syriza et son allié populiste ont vu leurs positions confirmées, avec respectivement 145 sièges et 10 sièges. En réalité, la majorité de M. Tsipras est plus large, puisque le plan d'aide est accepté par tous les partis sauf Aube dorée et le KKE, parti communiste. Le groupe parlementaire Syriza a été renouvelé : les opposants à l'accord, regroupés au sein d'un nouveau mouvement, Unité populaire, n'ont pas dépassé 3 % des suffrages et n'ont donc pu accéder à la Vouli. C'est le cas de l'ancienne présidente du Parlement, Mme Konstantopoulou.
Le vote du 14 août ayant porté à la fois sur l'ensemble du mémorandum d'accord et sur les mesures prioritaires, une première tranche d'aide de 26 milliards d'euros a été décaissée le 19 août. 23 milliards d'euros ont été versés immédiatement, pour rembourser une échéance de 3,4 milliards d'euros auprès de la BCE ainsi que le prêt de juillet 2015 de 7,16 milliards d'euros de l'Union européenne pour honorer les créances dues à la BCE et au FMI, et placer 10 milliards d'euros sur un compte à part en vue de renflouer à terme les banques grecques. Les 3 milliards d'euros restant devraient être versés en deux temps, 2 milliards d'ici quelques jours et le solde d'ici le 30 novembre. Une deuxième tranche de 15 milliards d'euros, destinée aux banques, pourrait être versée d'ici le 15 novembre. Ces versements seront effectués en fonction d'un rapport de la première mission de suivi à Athènes des représentants des institutions, nouveau nom de la « Troïka ».
Bien sûr, ce nouveau plan d'aide ne sera pas sans incidence sur le niveau de l'endettement attendu au cours des prochains exercices. M. Tsipras souhaitait un moratoire sur la dette, dont la Commission européenne estime qu'elle atteindra 200 % du PIB en 2016 avant de redescendre à 120 % à l'horizon 2030. Ce taux est considéré par le FMI comme la limite de soutenabilité. L'Eurogroupe estime néanmoins que la soutenabilité de la dette peut être assurée par un programme de réformes crédible et complet et par des mesures additionnelles ne conduisant pas à l'effacement d'une partie de la dette. Il ne se focalise pas, comme le fait le FMI, sur le ratio dette/PIB, mais sur la question des besoins bruts en financement. Selon le FMI, ceux-ci ne doivent pas dépasser 15 % du PIB pour que la dette reste soutenable. Ce seuil ne devrait pas être atteint pendant la période 2020-2030 mais au cours des décennies suivantes. Ce seront nos successeurs qui auront à traiter ce sujet. Dans ces conditions, le versement des produits des programmes de rachats de titres grecs par les banques centrales nationales de la zone euro et la BCE pourrait être envisagé. La question de la restructuration devrait être abordée, quoi qu'il en soit, dans les prochaines semaines.
Nous suivrons de près l'évolution de la situation grecque au sein d'un groupe de travail qui réunira la présidente et le rapporteur général de la commission des finances. Nous présenterons le résultat de nos auditions dans un rapport plus détaillé.
Merci pour cette communication sur un sujet qui restera d'actualité encore pendant un certain nombre d'années. La question de la restructuration de la dette sera inévitablement posée. Toutefois, il faut auparavant que la Vouli vote les réformes que les Grecs se sont engagés à mettre en oeuvre. Je souhaite d'ailleurs que nous rencontrions les experts de l'OCDE, et que nous nous rendions à Bruxelles.
La situation grecque reste difficile. La Grèce pourra-t-elle appliquer la totalité de l'accord ? Elle a fait le plus facile, même si c'était douloureux : augmenter la fiscalité sur les catégories populaires. La mise en place d'une taxe sur le foncier soulève bien des réticences, et les catégories socio-professionnelles visées par de nouvelles taxes commencent à se mobiliser. On annonce des privatisations, encore faut-il des acquéreurs, à un prix acceptable ! La réforme de l'État n'est à ce jour pas engagée, or la tâche est immense. Quant à la réforme fiscale, elle se heurte à de nombreux obstacles techniques.
Ma deuxième inquiétude porte sur l'insuffisante évaluation de l'impact des mesures imposées à la Grèce. Relanceront-elles l'économie ou auront-elles un effet récessif ? Personne ne peut certifier que cet accord se traduira par une sortie de crise de la Grèce.
Troisième inquiétude, la soutenabilité politique et populaire de l'accord. Le Premier ministre grec a certes dégagé une majorité, mais Nouvelle démocratie, la formation de centre droit qui gouvernait le pays jusqu'en 2015 et qui a perdu les élections, est aujourd'hui à contre-emploi, et dénonce une partie des mesures gouvernementales, jugées récessives. Malgré une certaine résignation, on voit poindre des mécontentements sectoriels qui se radicalisent. L'allongement de la durée du travail jusqu'à 67 ans sous peine d'importantes décotes réveille les inquiétudes des retraités déjà fortement touchés. Il faut souhaiter qu'Alexis Tsipras garde une majorité, mais le bateau tanguera.
Il en découle une triple exigence : suivre de près la situation pour anticiper de nouvelles crises entre la Grèce et ses partenaires ; apporter l'aide technique, si la Grèce le souhaite, de l'Union européenne et des pays membres pour mettre en place le plan de réformes ; aborder rapidement la question de la renégociation de la dette, sans quoi la Grèce aura du mal à s'en sortir. C'est une question économique, mais surtout politique : sans cette perspective, la résolution de la crise sera très fortement handicapée.
Quel dommage que la Grèce ne soit pas une banque d'affaires, elle aurait été sauvée depuis longtemps ! Les comportements sont extrêmement différents à l'égard des peuples et des banques, ce que je regrette profondément.
Je reste très inquiet. Le dispositif de réformes extrêmement sévère ne permet pas à la Grèce de relancer son économie. Les nouveaux prêts servant à rembourser les anciens prêts, l'argent n'est pas injecté dans l'économie. Soyons attentifs à ce que le moteur ne se grippe pas. Les recettes attendues des privatisations sont largement surestimées : l'État grec n'est pas capable, actuellement, de négocier dans de bonnes conditions la privatisation de larges pans de son économie. Des entreprises françaises sont sur les rangs, s'intéressant aux ports, aux aéroports, aux réseaux d'assainissement. Est-ce dans un intérêt mutuel, ou y aurait-il un effet d'aubaine ? Si l'on veut aider la Grèce à se réformer, il est indispensable de rééchelonner la dette et de réexaminer son poids.
Je salue le courage du Premier ministre grec qui, sachant qu'il n'était pas en mesure de tenir les engagements pris devant les électeurs, est retourné aux urnes. Son exemple devrait inspirer bien des dirigeants !
Son courage politique a payé. Continuera-t-il à payer, si les catégories populaires subissent encore les conséquences difficiles du plan imposé à la Grèce ? La zone euro a tangué. Je ne suis pas certain qu'elle supporte une nouvelle crise. La stabilité de la Grèce doit être assurée.
Rappelons que les élections grecques se sont déroulées sur fond de crise migratoire, à laquelle la Grèce est extrêmement exposée. L'Union européenne lui demande beaucoup, en lui accordant des contreparties moindres qu'à la Turquie. Le nombre de hot spots prévu en Grèce est déconnecté des réalités.
Le parallèle serait assez facile à dresser avec le Gouvernement français. Il pourrait revenir aux urnes pour promesses non tenues...
Ma question est technique : vous avez dit que le code civil grec avait été réformé. Était-ce une demande de l'Union européenne ? Quels domaines ont été modifiés ? Était-ce attendu de longue date en raison de manques flagrants ? Quelles sont les nouveautés ?
Il s'agissait de fluidifier l'activité économique, à la demande, en effet, de l'Union européenne. La complexité des procédures et les délais pour régler les litiges commerciaux empêchent l'application de la loi. Les sommes dues ne sont pas recouvrées. La procédure peut durer plus de dix ans et finir ensevelie sous le sable. L'argent ne rentre pas dans les caisses. Les modifications du code civil répondaient à une demande de réformes structurelles.
Didier Marie a rappelé que le Président de la République avait proposé l'appui technique de la France. Précédemment, la task force, censée aider à la réforme de l'État, était installée au Pirée. Nous y sommes allés avec des collègues députés. J'ai été atterré. Quand j'ai demandé leur bilan aux cinquante fonctionnaires européens au travail depuis 2010, je n'ai entendu que des balbutiements. C'est terrible.
Ce sont les mesures les plus faciles qui ont été prises. On a fait payer les plus captifs, et non les professions libérales. La réforme de la taxe foncière est importante. Certaines catégories argentées aux patrimoines considérables contribuent peu à la fiscalité et aucunement en matière foncière. L'État ne peut pas fonctionner.
Comme Michel Billout, je félicite le Premier ministre grec pour son courage politique. Sa tâche est immense, car rien n'a jamais été fait. Il faut accompagner ce pays, membre de l'Union européenne, berceau de notre civilisation, et dont la situation a des conséquences sur la zone euro et l'Union européenne.
Il faut savoir que les services fiscaux ne recouvrent pas correctement l'impôt existant. Le manque à gagner estimé est de l'ordre de 15 milliards d'euros, à rapporter aux besoins de financement actuel de la Grèce. Il existe un véritable problème d'organisation, contre lequel le Président de la République a proposé l'aide de la France. L'administration fiscale française, qu'on critique souvent, est efficace.
Le programme est sévère, c'est vrai, mais la Grèce a déjà consommé près de 350 milliards d'euros de crédits déboursés par les membres de l'Union européenne et le FMI. La moralisation devient nécessaire. Il n'est pas possible de fonctionner à fonds perdus. J'y ai été 48 heures, ce qui n'est pas suffisant pour tout voir. J'ai rencontré des gens très cultivés, francophiles. Avant de parler de restructuration avec la directrice du FMI, ce qui sera nécessaire un jour, il faut réformer. Il n'est pas exclu que le peuple se crispe davantage. S'il était absolument pertinent, d'un point de vue géostratégique, d'accueillir la Grèce dans l'Union européenne, son inclusion dans la zone euro était prématurée.
La Grèce et la Turquie sont en première ligne, l'une pour faire respecter l'espace Schengen, l'autre pour accueillir 2,2 millions de migrants, durablement installés sur son territoire. L'Europe ne peut pas être insensible au sort de la Grèce, mais les Turcs, peuple de rudes marchands, savent faire monter les enchères. J'approuve l'apparente coordination entre la chancelière allemande et le Président de la République, l'une se rendant en Turquie, l'autre en Grèce, afin d'aborder tous deux la situation dramatique des migrants.
Trois naufrages ont eu lieu ce matin entre la Turquie et l'île de Lesbos.
L'Union européenne a annoncé hier le relèvement des seuils d'émissions des moteurs diesel. Voilà un bien mauvais signal à la veille de la COP 21. Notre commission se saisira-t-elle de cette question ?
On a cédé au lobbying de Volkswagen. C'est choquant. Notre commission devrait envoyer un signal fort.
La réunion est levée à 9 h 50.