Intervention de Simon Sutour

Commission des affaires européennes — Réunion du 29 octobre 2015 à 8h30
Économie finances et fiscalité — Plan d'aide à la grèce : communication de m. simon sutour

Photo de Simon SutourSimon Sutour :

Après des semaines de négociations difficiles, virant parfois au psychodrame - on se souvient du référendum ou du conseil interminable du 12 juillet -, la Grèce et ses partenaires de la zone euro ont trouvé un accord, le 13 juillet, sur l'octroi d'une nouvelle aide internationale de 86 milliards d'euros sur trois ans. Un mémorandum d'accord signé le 12 août est venu le concrétiser. Ce terme était pourtant honni à Athènes...

Le nouveau programme est censé répondre aux besoins de financement du pays mais aussi aux difficultés du secteur bancaire. 10 à 25 milliards d'euros devraient être dégagés afin d'abonder un fonds de réserve destiné à recapitaliser les banques, affaiblies par les prêts non performants qui représentent plus de 35 % de leur encours. Il s'agit aussi d'éviter toute contagion aux pays où sont implantées des filiales des banques grecques : Bulgarie, Chypre, Roumanie, Royaume-Uni, d'autant que dans certains, elles sont d'importance systémique.

En attendant, les banques ont rouvert le 20 juillet, même si les retraits sont limités à 420 euros par semaine. Les établissements ont toujours accès au financement d'urgence de la Banque centrale, l'ELA.

L'accord du 13 juillet prévoit également la mobilisation, par la Commission européenne, de 35 milliards d'euros d'ici 2020 dans le cadre de différents programmes de l'Union européenne pour financer les investissements et l'activité économique, en particulier celle des PME. La Commission a précisé ses intentions le 15 juillet, en annonçant le lancement d'un Plan pour l'emploi et la croissance en Grèce, dont l'ambition première est d'attirer des investissements et de redonner des perspectives aux jeunes, en utilisant notamment le reliquat des fonds non consommés sur la période 2007-2013.

Le nouveau plan d'aide devrait être financé par trois canaux : le Mécanisme européen de stabilité, fonds de secours de la zone euro, le FMI et le produit des privatisations. Toutefois, le FMI conditionne son financement à une restructuration de la dette grecque, qu'il juge insoutenable - créancier prioritaire, il ne serait pas concerné par une éventuelle coupe. Les chefs d'États et de gouvernement de la zone euro espéraient une intervention du Fonds à hauteur de 16 milliards d'euros.

L'autre interrogation porte sur les privatisations. L'ambition affichée lors de la signature de l'accord était de parvenir à 50 milliards d'euros de recettes à moyen terme, dont 6 milliards d'euros d'ici 2017. Un fonds grec dédié va être mis en place pour monétiser les actifs, avec l'appui technique d'experts européens. L'objectif reste ambitieux, sachant que le produit des privatisations opérées depuis 2010 ne dépasse pas 8 milliards d'euros.

L'octroi de cette aide est conditionné à l'adoption par la Grèce de nouvelles réformes structurelles. Quatre axes sont définis dans le mémorandum : la soutenabilité financière, la stabilité financière, la relance de la croissance, de la compétitivité et de l'investissement et la réforme de l'État ; 57 actions prioritaires ont été identifiées.

Quatre textes majeurs ont été votés le 15 juillet, non sans mal. Ils concernaient la réforme de la TVA, notamment dans les îles, l'amélioration à long terme de la viabilité du régime des retraites, le renforcement de l'indépendance de l'Institut national de statistique et la transposition en droit grec de la « règle d'or » budgétaire qui figure dans le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG). L'accord du 13 juillet prévoyait également l'adoption d'un code de procédure civile ou la transposition de la directive de 2014 sur la résolution des défaillances bancaires, deux textes votés par le Parlement grec le 22 juillet. Deux nouvelles lois « omnibus » ont permis, le 14 août puis le 17 octobre, de concrétiser la réforme des régimes de retraite et la révision de la fiscalité. La Commission européenne estimait le 14 août que 38 actions prioritaires avaient déjà été adoptées par le Parlement. La Vouli a travaillé à marche forcée !

Le mémorandum d'accord fixe une trajectoire budgétaire ambitieuse à la Grèce, en établissant un objectif d'excédent primaire de 3,5 % en 2018, trajectoire qui repose sur une croissance proche de 3 % à partir de 2017. Les institutions européennes font néanmoins preuve de réalisme pour 2015 en escomptant une contraction de l'activité de plus de 2 %, malgré l'excellente saison touristique.

Les votes à la Vouli sur l'accord du 13 juillet puis le mémorandum d'accord ont été marqués par un certain nombre de défections au sein de la majorité parlementaire. Dans ces conditions, le Premier ministre a annoncé dans la foulée la démission de son gouvernement et la tenue d'élections législatives anticipées. Il s'agissait pour lui de se défaire de l'emprise de son aile gauche, incarnée notamment par Yanis Varoufakis. Lors des élections du 20 septembre, Syriza et son allié populiste ont vu leurs positions confirmées, avec respectivement 145 sièges et 10 sièges. En réalité, la majorité de M. Tsipras est plus large, puisque le plan d'aide est accepté par tous les partis sauf Aube dorée et le KKE, parti communiste. Le groupe parlementaire Syriza a été renouvelé : les opposants à l'accord, regroupés au sein d'un nouveau mouvement, Unité populaire, n'ont pas dépassé 3 % des suffrages et n'ont donc pu accéder à la Vouli. C'est le cas de l'ancienne présidente du Parlement, Mme Konstantopoulou.

Le vote du 14 août ayant porté à la fois sur l'ensemble du mémorandum d'accord et sur les mesures prioritaires, une première tranche d'aide de 26 milliards d'euros a été décaissée le 19 août. 23 milliards d'euros ont été versés immédiatement, pour rembourser une échéance de 3,4 milliards d'euros auprès de la BCE ainsi que le prêt de juillet 2015 de 7,16 milliards d'euros de l'Union européenne pour honorer les créances dues à la BCE et au FMI, et placer 10 milliards d'euros sur un compte à part en vue de renflouer à terme les banques grecques. Les 3 milliards d'euros restant devraient être versés en deux temps, 2 milliards d'ici quelques jours et le solde d'ici le 30 novembre. Une deuxième tranche de 15 milliards d'euros, destinée aux banques, pourrait être versée d'ici le 15 novembre. Ces versements seront effectués en fonction d'un rapport de la première mission de suivi à Athènes des représentants des institutions, nouveau nom de la « Troïka ».

Bien sûr, ce nouveau plan d'aide ne sera pas sans incidence sur le niveau de l'endettement attendu au cours des prochains exercices. M. Tsipras souhaitait un moratoire sur la dette, dont la Commission européenne estime qu'elle atteindra 200 % du PIB en 2016 avant de redescendre à 120 % à l'horizon 2030. Ce taux est considéré par le FMI comme la limite de soutenabilité. L'Eurogroupe estime néanmoins que la soutenabilité de la dette peut être assurée par un programme de réformes crédible et complet et par des mesures additionnelles ne conduisant pas à l'effacement d'une partie de la dette. Il ne se focalise pas, comme le fait le FMI, sur le ratio dette/PIB, mais sur la question des besoins bruts en financement. Selon le FMI, ceux-ci ne doivent pas dépasser 15 % du PIB pour que la dette reste soutenable. Ce seuil ne devrait pas être atteint pendant la période 2020-2030 mais au cours des décennies suivantes. Ce seront nos successeurs qui auront à traiter ce sujet. Dans ces conditions, le versement des produits des programmes de rachats de titres grecs par les banques centrales nationales de la zone euro et la BCE pourrait être envisagé. La question de la restructuration devrait être abordée, quoi qu'il en soit, dans les prochaines semaines.

Nous suivrons de près l'évolution de la situation grecque au sein d'un groupe de travail qui réunira la présidente et le rapporteur général de la commission des finances. Nous présenterons le résultat de nos auditions dans un rapport plus détaillé.

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