Je commencerai par les conséquences de l'accident de Fukushima.
Il est encore trop tôt pour tirer des leçons définitives de cette catastrophe. Il faudra certainement plusieurs années avant que toutes les données soient rassemblées. Cela ne signifie pas qu'il faille attendre aussi longtemps pour prendre des mesures. Les tests de résistance sont la réponse européenne la plus immédiate.
A plus long terme, il est aussi délicat d'évaluer les effets sur la filière nucléaire. Cet aspect n'est pas l'objet du présent rapport. Mais on peut penser sans trop se tromper que, du point de vue de la sûreté, il sera très difficile pour un État de se doter de nouveaux réacteurs nucléaires qui ne seraient pas de la troisième génération. L'Afrique du Sud qui hésitait encore sur la génération à adopter a tranché il y a quelques semaines en faveur de la troisième génération.
Ce qui est certain c'est que le Conseil européen s'est saisi directement de cette question, alors qu'en février encore, il citait péniblement le mot « nucléaire ».
Les conclusions du Conseil européen des 24 et 25 mars 2011 reconnaissent le travail et le rôle de WENRA et de l'ENSREG. Elles invitent la Commission européenne à examiner le cadre législatif en vigueur, y compris la directive « sûreté » de 2009 dont la date limite de transposition (le 22 juillet 2011) n'a pas encore expiré.
Surtout, elles décident de la réalisation de tests de résistance. Le Conseil confie à l'ENSREG, en coopération avec WENRA, la responsabilité de définir rapidement l'étendue et les modalités de ces tests dans un cadre coordonné. Le principe est retenu que ces tests, une fois définis, seront menés par les autorités nationales de sûreté, puis soumis à une évaluation par les pairs.
Ces tests reposent sur un simple engagement politique des États membres. Ils ne s'appuient sur aucun cadre législatif existant.
Le calendrier imposé est serré. Le 21 avril dernier, WENRA a adopté ses propositions pour les tests de résistance. Ces derniers devraient évaluer la robustesse des centrales devant trois aléas : l'agression par des phénomènes naturels (tempêtes, séismes, inondations), la perte de systèmes de sûreté (refroidissement ou alimentation électrique) et l'accident grave (endommagement du combustible dans le réacteur, refroidissement difficile des piscines d'entreposage du combustible usé).
L'ENSREG qui devait arrêter le 12 mai dernier les modalités et le champ de ces tests n'y est pas encore parvenu en raison d'un blocage avec la Commission européenne. Cette dernière souhaiterait inclure tous les risques possibles, en particulier les attaques terroristes, les attaques informatiques et les crashs d'avion.
Les premiers tests devraient démarrer le 1er juin.
Une fois dressé ce panorama en demi-teinte, se pose la question des améliorations possibles. Faut-il aller plus loin ? Oui, mais pas nécessairement en créant une agence européenne supplémentaire, même si nos auditions nous ont donné l'impression que ce monde restait très fermé. Les résistances sont très fortes, alors même que l'onde de choc de Fukushima aurait pu balayer les schémas actuels.
A côté de ces réticences traditionnelles, il faut s'interroger sur la plus-value réelle d'une intégration plus poussée.
Claude Birraux, président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, s'est exprimé très clairement contre la centralisation du contrôle de sûreté au niveau d'une agence communautaire, en dépossédant les autorités nationales de leur responsabilité. Une telle évolution aurait l'inconvénient d'affaiblir le contrôle de sûreté de deux manières. Tout d'abord, en éloignant géographiquement le contrôleur du contrôlé. Ensuite, en dotant le contrôleur d'un arsenal juridique probablement moins puissant que celui aujourd'hui en vigueur dans les pays les plus exigeants, puisque cet arsenal centralisé résulterait nécessairement d'un compromis européen. Ces critiques rejoignent d'ailleurs en partie les critiques du Sénat sur « l'agenciarisation » de l'Union.
Cette analyse a été partagée par les différentes personnes auditionnées. En outre, en brusquant les acteurs du secteur, il existe un risque de casser la dynamique actuelle.
Ces réserves ne signifient aucunement qu'il ne faut rien faire de plus. Nos propositions s'appuient d'abord sur ce qui marche, c'est-à-dire WENRA et l'ENSREG.
Nous avons situé nos propositions dans le cadre du traité Euratom, même s'il est difficile d'en discerner exactement les limites, compte tenu de la jurisprudence de la Cour de justice. De manière très grossière, on peut raisonnablement estimer que le traité permet d'adopter des normes de sûreté harmonisées et de développer les contrôles. En revanche, il limite certainement les possibilités de confier à une autorité européenne le pouvoir de mettre en oeuvre et de faire respecter les normes édictées.