Le marché du tourisme et des voyages représente 10 % du PIB de l'Union européenne, soit 1,8 million d'entreprises et 5,2 % du nombre total de travailleurs. La directive 90/314/CEE du 13 juin 1990 est le premier texte à avoir réglementé la vente de voyages à forfait, réservés auprès d'une agence de voyage, comprenant au moins deux prestations, par exemple transport, hébergement ou location de voitures, et une nuit sur place. On parle communément de forfait touristique ou de voyage organisé.
Cette directive a favorisé l'émergence d'un marché unique, les consommateurs, bénéficiant de conditions comparables, quel que soit l'État membre dans lequel ils achètent leur forfait. Elle a généralisé la protection du voyageur-consommateur et précisé le contenu des brochures et informations qui lui sont destinées.
Cette législation européenne, qui date de plus de 20 ans, ignore Internet, les compagnies low cost, le développement du paiement en ligne et les nouvelles flexibilités de réservation, comme les réservations de dernière minute ou les forfaits dynamiques, personnalisés.
Les voyages à forfaits traditionnels, visés par la directive, ne représentent plus aujourd'hui que 23 % des voyages. Près de 120 millions de citoyens européens, 23 % des consommateurs, réservent des forfaits dynamiques, organisent chaque année leurs vacances via internet et personnalisent leur séjour. Selon un sondage récent, 67 % des consommateurs se pensent souvent protégés lors de ces achats en ligne de forfaits dynamiques, alors qu'ils ne le sont pas.
À l'inverse, la directive entraîne pour le vendeur des coûts élevés, non essentiels à une protection efficace du consommateur : impression papier obligatoire de brochures ; obligation, parfois illimitée, du vendeur d'assurer l'hébergement et la restauration du voyageur lorsqu'il est impossible d'assurer son retour en temps voulu en cas de force majeure.
Aussi, dès 2007, la Commission a-t-elle lancé une consultation, afin d'actualiser cette réglementation devenue, pour une large part, obsolète. De consultations en communications successives, le processus d'élaboration a duré plusieurs années pour aboutir à une refonte ambitieuse, tenant compte des évolutions du secteur, clarifiant le rôle et les responsabilités de chacun pour faciliter les recours des consommateurs, tout en améliorant le fonctionnement du marché unique.
La proposition de directive étend largement le champ d'application de la réglementation et tente de corriger les lacunes de la précédente directive. Conforme, dans ses grandes lignes, aux nouveaux défis posés par le passage à l'ère numérique, elle clarifie la réglementation, en définissant les différents types de contrats de voyage et l'adapte aux nouveaux produits. Elle apporte ainsi une sécurité juridique accrue, tout en réduisant le risque financier pour les différents intervenants : variations de prix encadrées, obligation d'information actualisée, introduction de plafonds en cas de prolongement du séjour du fait de circonstances exceptionnelles et inévitables.
Elle crée des droits nouveaux pour le consommateur : résiliation sans dédommagement en cas de circonstances exceptionnelles et inévitables, dédommagement du préjudice moral, minoration du prix en cas de diminution des coûts du voyage.
Elle modifie le régime de la responsabilité en imposant une harmonisation a maxima. Si le détaillant ou l'agence de voyage devient le point de contact auquel le voyageur adresse plaintes et réclamations en cas de mauvaise exécution ou d'inexécution des services, l'organisateur devient le seul responsable de l'exécution des services de voyage compris dans le contrat. Il doit remédier à la non-conformité des services fournis et apporter une aide aux voyageurs en difficulté.
Cependant, en voulant dans un même texte définir l'ensemble des possibilités et améliorer la protection du consommateur, la directive devient complexe, comptant 29 articles, là où 10 suffisaient.
Cette révision ne convainc pas. La spécificité des marchés nationaux inviterait à une harmonisation ménageant la possibilité d'améliorations nationales. Le nouveau régime de responsabilité proposé, qui désigne l'organisateur du voyage comme unique responsable de la bonne exécution des prestations souscrites, fait peser un risque systémique pour les professionnels du voyage sans pour autant améliorer la protection du consommateur. La Commission propose une harmonisation a maxima pour pallier les divergences constatées entre les États dans l'application de la précédente réglementation. Celle-ci renforcerait la protection du consommateur dans certains pays, mais l'affaiblirait, dans d'autres États dont la France, ayant fait le choix d'une responsabilité conjointe du détaillant et de l'organisateur : le consommateur peut se retourner selon son choix contre le détaillant ou l'organisateur, ceux-ci pouvant ensuite initier une action récursoire entre professionnels. Notre pays a été encore plus loin en mettant en place un système très protecteur de responsabilité de plein droit. La suppression de l'article 8, qui permet d'élaborer des dispositions plus strictes pour protéger le consommateur, rend incertaine la possibilité du maintien du régime de responsabilité français.
En France, les voyages à forfait font, en outre, l'objet de ventes successives jusqu'au consommateur. Cocontractant du voyageur, le détaillant est naturellement son interlocuteur privilégié. Faire de l'organisateur l'unique responsable dérogerait au droit commun de la responsabilité contractuelle, en excluant toute action en responsabilité à l'encontre du détaillant. Les détaillants, qui perdraient en légitimité face au consommateur, seraient aussi affaiblis. Les agences de voyage ne seraient plus l'interlocuteur de référence du consommateur. Or, contrairement à la Grande-Bretagne ou à l'Allemagne où le secteur du voyage est très concentré, le marché du voyage français est atomisé, avec 31 000 salariés répartis dans 3 700 agences de voyage, fortement fragilisées par l'essor d'internet. Les tour-opérateurs eux-mêmes se sont inquiétés du risque que fait peser ce projet de révision sur le modèle français, qu'ils jugent satisfaisant.
Ce texte bouleverserait les fondements du système de garantie financière de la profession, qui a mutualisé les risques, via des fonds de garantie comme l'Association professionnelle de solidarité du tourisme (APST) qui compte plus de 3 000 adhérents. Or la proposition de directive ne soumet que les organisateurs à une obligation de protection contre l'insolvabilité.
Pour les consommateurs, le nombre de détaillants diminue les risques, tandis que les fonds de garantie apportent l'assurance d'une indemnisation effective. Les organisateurs de voyage, de transport en particulier, présentent une structure de marché plus concentrée. Une responsabilité unique faisant peser un risque financier supplémentaire conduirait à une concentration, augmentant le risque de défaut pour le consommateur en cas de faillite d'un opérateur.
Plusieurs points mériteraient d'être clarifiés.
La définition de la prestation de voyage assistée reste ambiguë. Selon le projet, seul le moment de la facturation distinguerait concrètement la prestation de voyage assistée de la prestation de voyage combinée. Or toutes deux ne soumettent pas les professionnels aux mêmes obligations ni ne fournissent la même protection aux consommateurs.
Est-il utile d'introduire de nouvelles « circonstances exceptionnelles et inévitables », en plus de la force majeure ou des circonstances extraordinaires, mentionnées dans les textes relatifs aux droits des passagers aériens, notions que la Cour de justice de l'Union européenne a éclaircies au fur et à mesure de sa jurisprudence.
Si certains termes gagneraient à être précisés, d'autres pourraient être changés. Celui de voyageur risque de porter à confusion. Il pourrait être remplacé par celui de consommateur, contractant principal : celui qui achète n'est pas forcément celui qui voyage. De même, la notion de professionnel est à maintes reprises utilisée. Elle remplace à la fois celle d'organisateur, de détaillant et tout autre prestataire de services, mais son utilisation peut exclure les associations du champ de la directive.
Le droit de résilier le forfait souscrit sans aucun dédommagement en cas de « circonstances exceptionnelles et inévitables », notion très floue, risque d'entraîner une réaction excessive des voyageurs, en cas d'événement politique par exemple. Les professionnels pourraient compenser ce risque accru par une augmentation des prix.
En cas de majoration du prix lié au coût des carburants, aux taxes ou aux fluctuations des taux de change supérieures à 10 %, la directive ne prévoit rien. En cas de modifications significatives des clauses du contrat, elle ne mentionne qu'un accord tacite. Dans ces deux cas, un accord express du consommateur devrait être exigé et une résiliation sans frais proposée.
La responsabilité en cas de retour est limitée à trois nuits et 100 euros par nuit. Une telle indemnisation pose la question de l'articulation de ce texte avec le règlement relatif aux droits des passagers aériens, en cours d'élaboration, avec le règlement concernant les droits des passagers voyageant par mer ou par voie de navigation intérieure qui limite à 80 euros par nuit et à trois nuitées l'indemnisation des voyageurs, ou encore avec le règlement du 23 octobre 2007 sur les droits et obligations des voyageurs ferroviaires. Une harmonisation paraît indispensable.
La proposition de résolution, que je vous propose d'adopter, accueille favorablement le principe d'une nouvelle législation et approuve son extension aux nouvelles pratiques de réservation en ligne, doublant ainsi le nombre de voyageurs protégés. Elle juge néanmoins indispensable de maintenir la règle actuelle d'une responsabilité du détaillant et/ou de l'organisateur ainsi que le principe d'une harmonisation compatible avec les mesures nationales les plus favorables à la protection des consommateurs. Elle souligne la nécessité de préciser davantage les notions nouvelles de « prestation de voyage assistée » et de « circonstances exceptionnelles et inévitables », ainsi que l'articulation de ces dernières avec les « circonstances extraordinaires » du futur règlement sur les passagers aériens. Elle émet aussi des réserves sur l'utilisation des termes « voyageur » et « professionnel » en lieu et place des termes « consommateur » et « personne ». Elle appelle à la coordination des indemnisations proposées aux consommateurs avec celle des législations en vigueur ou en cours d'élaboration. Enfin elle invite le Gouvernement à soutenir ces orientations et à les faire valoir dans les négociations auprès des institutions européennes.