Intervention de Jean Arthuis

Commission des affaires européennes — Réunion du 22 mars 2011 : 1ère réunion
Audition de M. Laurent Wauquiez ministre chargé des affaires européennes dans le cadre du débat préalable au conseil européen en commun avec la commission de l'économie du développement durable et de l'aménagement du territoire et est ouverte à tous les sénateurs

Photo de Jean ArthuisJean Arthuis, président de la commission des finances :

Monsieur le ministre, compte tenu des événements internationaux que vous venez d'évoquer, les principaux sujets qui seront débattus au Conseil européen des 24 et 25 mars ne seront probablement pas ceux que l'on imaginait voilà quelques semaines, lorsque le président de la commission des affaires européennes, M. Jean Bizet, a eu la très bonne idée de proposer à la commission des finances et à la commission de l'économie de s'associer au débat préalable à ce Conseil européen qui sera sans doute essentiel pour l'avenir de la zone euro.

Même si le Japon et la Libye seront légitimement au coeur de toutes les préoccupations, il n'en reste pas moins que ce Conseil devra entériner, à l'échelle des Vingt-Sept, plusieurs décisions très importantes prises par l'Eurogroupe le 11 mars dernier et précisées lors de sa réunion d'hier, portant sur la gouvernance économique, dont on a dit à quel point elle est pour l'heure évanescente, et sur la gouvernance budgétaire de la zone euro, ainsi que sur les outils destinés à assurer la stabilité de celle-ci.

Pour éviter les redondances, nous nous sommes réparti les rôles : le président de la commission de l'économie évoquera le nouvel instrument que constitue le pacte pour l'euro ; le rapporteur général abordera le fonctionnement des mécanismes de soutien aux États en difficulté ; pour ma part, au nom de la commission des finances, je centrerai mon propos sur les aspects liés à la gouvernance budgétaire et au pacte de stabilité, qui reste le « règlement de copropriété » de la monnaie unique.

Je ferai d'abord une observation sur le mécanisme communautaire et le processus de prise de décision.

Si, le 11 mars, un accord est bien intervenu entre les États sur le paquet législatif proposé par la Commission, accord devant aboutir fin juin, ce fut au prix de modifications substantielles des propositions initiales de la Commission, et à l'issue d'une démarche parallèle engagée par la France et l'Allemagne, qui, de la déclaration de Deauville à la présentation du pacte de compétitivité, devenu pacte pour l'euro, ont fait pression pour que l'architecture d'ensemble soit moins fédérale et plus intergouvernementale.

Cette évolution fait l'objet de critiques inhabituellement ouvertes de la part de la Banque centrale européenne. Ma question sera donc simple : les institutions européennes fonctionnent-elles bien ?

S'agissant de la gouvernance, le droit communautaire va nous conduire à revoir notre calendrier et nos procédures. Nous l'avons certes anticipé dans la dernière loi de programmation des finances publiques, mais il serait utile, monsieur le ministre, que vous nous indiquiez précisément ce que le semestre européen changera au calendrier parlementaire.

Par ailleurs, la prochaine révision constitutionnelle permettra de mieux articuler engagements européens et lois financières nationales. La commission des finances milite en ce sens depuis longtemps : c'est donc pour nous un réel motif de satisfaction qu'il puisse être mis un terme à une forme de duplicité, les programmes de stabilité étant adressés à Bruxelles dans une sorte d'allégresse convenue, mais se trouvant systématiquement démentis par la réalité et par nos lois de finances.

Les textes en cours d'examen ne se limitent pas à la procédure. Sur le fond, deux règles me semblent mériter que l'on s'y arrête.

La première de ces règles complète celle du déficit excessif, supérieur à 3 % du produit intérieur brut, et imposera aux États dont l'endettement dépasse 60 % du PIB de réduire celui-ci d'un vingtième par an, sous peine de sanctions. Comment ce dispositif fonctionnera-t-il ? A-t-on anticipé les effets sur la croissance en Europe de la mise en oeuvre simultanée de cette règle par tous les États ?

La seconde règle porte sur les sanctions financières. De telles sanctions existent aujourd'hui en théorie, mais elles ne sont pas appliquées. Chacun se souvient de cette « victoire » politique des années 2004 et 2005, quand on avait en quelque sorte, dans une Europe peu regardante, « tordu le cou » au pacte de stabilité et de croissance : au nom du respect de la souveraineté nationale, on avait posé le principe que chaque État membre, notamment la Grèce, était censé présenter des comptes sincères...

Le nouveau dispositif vise à rendre ces sanctions plus opérationnelles et, dans une certaine mesure, plus automatiques, car il faudra réunir une majorité inversée pour les écarter.

À ce sujet, je soulèverai trois questions.

Premièrement, en faisant payer les États en difficulté, ne risque-t-on pas d'aggraver leur situation ?

Deuxièmement, d'un point de vue juridique, M. Pierre Lellouche, alors qu'il était secrétaire d'État chargé des affaires européennes, s'était interrogé sur la conformité aux traités du principe de la majorité inversée : ces doutes juridiques ont-ils été levés, monsieur le ministre ?

Troisièmement, comment le nouveau dispositif, dès lors qu'il ne prévoit pas de sanctions automatiques, permettra-t-il d'éviter les écueils actuels et de faire en sorte que les chefs de Gouvernement osent décider de sanctionner l'un de leurs pairs ?

À ce stade, je suis tenté d'ajouter une quatrième question : au fond, l'Europe pourra-t-elle survivre sans se fédéraliser ?

Monsieur le ministre, je vous remercie par avance de vos réponses.

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