Intervention de Pierre Bernard-Reymond

Commission des affaires européennes — Réunion du 22 mars 2011 : 1ère réunion
Audition de M. Laurent Wauquiez ministre chargé des affaires européennes dans le cadre du débat préalable au conseil européen en commun avec la commission de l'économie du développement durable et de l'aménagement du territoire et est ouverte à tous les sénateurs

Photo de Pierre Bernard-ReymondPierre Bernard-Reymond :

Monsieur le ministre, je tiens tout d'abord à exprimer ma réelle satisfaction. Du point de vue de la seule construction européenne, je pourrais presque m'exclamer, si toutefois je l'osais : Vive la crise !

En ce qui concerne la gouvernance européenne, qui avait été oubliée ou, tout au moins, négligée au moment de la création de l'euro, nous avons franchi des étapes importantes, ce qui était inimaginable il y a de cela seulement trois ans.

Mes premières questions concerneront le Conseil européen des 24 et 25 mars prochain, et les suivantes les éventuelles étapes ultérieures, car il ne saurait être question de stopper cet élan à cette date.

S'agissant de la gouvernance économique, la principale critique que je formulerai, à ce stade, concerne la prise de sanctions dans le cadre du volet correctif du pacte. Pourquoi ne pas avoir adopté le principe de la majorité inversée, comme le préconisait la Commission ? Le Conseil conservait un droit de regard et une possibilité de refuser les sanctions, mais le caractère a priori automatique de celles-ci indiquait que l'on ne voulait plus en revenir aux errements du passé, sous forme de demande de dérogation ou d'arrangement entre États. Cela constituait un message plus fort et plus clair à l'égard des marchés.

J'ai tout de même le sentiment, malgré vos propos, monsieur le ministre, que les États sont encore très pusillanimes lorsqu'il s'agit de lâcher une petite parcelle de souveraineté, et que « l'intergouvernemental » pèse encore de tout son poids.

La réduction de la part de la dette supérieure à 60 % de 1/20e par an représente, pour la France, à peu près 18 milliards à 19 milliards d'euros par an. Des simulations ont-elles été faites par le ministère du budget ? Quels sont les secteurs qui réservent, de ce point de vue, des marges de productivité ?

Pour ce qui est du mécanisme européen de stabilité, le MES, les décisions seront prises par les États membres à l'unanimité. Ces aides seront accordées essentiellement sous forme de prêts, mais pourront revêtir aussi celle d'une souscription directe d'émissions obligataires de l'État défaillant. Est-il également prévu que le MES puisse prêter de l'argent à un État en difficulté pour lui permettre de racheter ses propres obligations, comme cela était envisagé à un moment donné ?

Il a été prévu, par ailleurs, la participation éventuelle de créanciers privés. Dans quelles circonstances pourra-t-elle avoir lieu ? Sous quelle forme ? Sous quelles conditions ?

En ce qui concerne l'Irlande, il me semblerait normal que ce pays accepte les deux principes de base suivants : d'une part, la mise en place d'une assiette commune et, d'autre part, l'inscription dans une fourchette européenne des taux de fiscalité de tous les États membres.

En contrepartie, ne faut-il pas laisser à l'Irlande le temps nécessaire pour mettre en oeuvre ces deux règles, qu'elle ne peut visiblement appliquer aujourd'hui pour des raisons politiques et surtout économiques. Il serait par trop contradictoire d'aider l'Irlande tout en lui maintenant la tête sous l'eau !

Sur le pacte pour l'euro, mes questions seront brèves.

S'agit-il d'un document d'orientation et de recommandation, ou bien ces objectifs seront-ils chiffrés et soumis à un calendrier ?

L'élaboration de ce pacte a-t-elle donné lieu à un contact avec les partenaires sociaux ?

Comment la France a-t-elle l'intention de transposer concrètement les règles de discipline budgétaire, qui doivent s'appliquer aussi aux collectivités territoriales ?

Enfin, la France a-t-elle déjà des propositions à faire en ce qui concerne les domaines prioritaires à retenir dans le pacte de l'euro ?

J'en arrive à la seconde partie de mon propos, qui concerne les étapes futures.

La prochaine étape consistera à faire un bilan des décisions que nous avons prises, en particulier sur la régulation. Or, de ce point de vue, le bilan n'est pas satisfaisant ; les bonus refleurissent - M. Barnier lui-même convient qu'il n'a pas été entendu sur ce sujet ! -, les marchés parallèles existent toujours, les paradis fiscaux n'ont pas tous été éliminés, et l'on en vient à se demander si le pouvoir politique et ses conseillers ont vraiment les moyens d'opérer une telle régulation. Il faut savoir, par exemple, que chaque titre fait l'objet de 600 ordres par seconde, dont 99,5 % sont annulés dans les 25 microsecondes qui suivent...

Par ailleurs, où en est-on en matière de lutte contre les CDS spéculatifs et les ventes à découvert ? Il est indispensable que le G20 dresse un bilan de cette situation et prenne, éventuellement, des mesures en conséquence.

Où en sommes-nous, enfin, en termes de « stress tests » des banques ? Comment réagiront les agences de notation si ces tests sont mauvais ? Tous les États se sont-ils bien engagés à recapitaliser les établissements défaillants ?

Pour conclure, j'évoquerai brièvement quelques points qui n'appellent pas nécessairement une réponse approfondie de votre part.

S'agissant de la taxe sur les transactions financières, a-t-on vraiment l'intention d'aller au-delà des déclarations de principe ? Que penser de l'évasion potentielle si cette taxe était mise en oeuvre dans la seule zone euro ?

Le budget européen représente environ 1 % du PIB de l'Union européenne : ce pourcentage ne contribue-t-il pas à décrédibiliser l'Europe ? On peut augmenter cette part en transférant certaines dépenses nationales à l'échelon européen et en intégrant davantage certaines politiques, sans pour autant élever globalement le niveau de dépenses actuel.

Par ailleurs, le moment n'est-il pas venu de reconstituer des ressources propres ?

Enfin, monsieur le ministre, pensez-vous à la possibilité d'emprunt donnée à l'Europe ?

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