Intervention de Oleksandr Kupchyshyn

Commission des affaires européennes — Réunion du 6 février 2013 : 1ère réunion
Elargissement — Audition de M. Oleksandr Kupchyshyn ambassadeur d'ukraine en france

Oleksandr Kupchyshyn, ambassadeur d'Ukraine :

Merci beaucoup, Monsieur le Président, pour votre accueil et pour avoir organisé cette rencontre. Merci également à Monsieur le Président du groupe d'amitié France-Ukraine d'être présent.

Mesdames et Messieurs les Sénateurs, permettez-moi tout d'abord de présenter mes collaborateurs :

- Monsieur Yurii Pyvovarov, ministre-conseiller chargé des questions économiques;

- Monsieur Oleg Kobzystyi, conseiller pour les questions politiques ;

- Monsieur Oleksandr Shuiskyi, Premier Secrétaire en charge de la coopération interparlementaire.

Je voudrais vous exposer plusieurs points qui me paraissent importants : les grands objectifs de politique extérieure de l'Ukraine pour cette année, la situation politique interne à la suite des élections législatives du 28 octobre 2012, les relations bilatérales entre la France et l'Ukraine et enfin, la question sensible des relations entre l'Ukraine et la Russie.

Le projet stratégique principal de l'Ukraine est le rapprochement, puis l'intégration dans l'Union européenne. Et pour cette année, notre objectif est la signature de l'accord d'association avec l'Union européenne. Pour y parvenir, beaucoup a été fait : réforme de la fiscalité, réforme des systèmes de retraite, réduction de 50 % des démarches administratives, adoption d'un nouveau code pénal et d'un nouveau code du travail. Notre pays a commencé à exploiter son propre gaz. Nous avons modernisé les infrastructures de transport et hôtelières que les supporters de l'euro 2012 de football ont pu apprécier. C'est dire que tout a été mis en oeuvre pour que nous puissions signer l'accord de partenariat au sommet des 28-29 novembre à Vilnius. Bien sûr, il reste encore beaucoup à faire, mais toute la machine d'État est désormais engagée vers cet objectif ! Aujourd'hui, je vous demande de nous soutenir. Je ne vous demande pas de soutenir notre choix- c'est nous, les Ukrainiens, qui avons fait le choix de l'Europe- mais je vous demande de nous aider à réaliser ce choix.

Notre deuxième enjeu de politique extérieure est la présidence de l'OSCE que nous assumons depuis le 1er janvier. Cela passe par la résolution du conflit dormant en Transnistrie où réside près de 300 000 ressortissants ukrainiens. Notre ministre des affaires étrangères, M. Kojara, s'est rendu en Moldavie et Transnistrie, mais la situation est difficile.

Concernant la situation énergétique en Europe, nous ferons tout pour éviter que ne se renouvelle la situation de 2009. Mais comme on dit, « quand on danse le tango, il y a deux partenaires » ! Mais je reviendrai à ce sujet en évoquant la relation avec la Russie.

Pour ce qui est des élections législatives, pendant la campagne les passions étaient fortes. Mais les élections se sont tenues conformément à la loi : sans chaos, sans préférences artificielles en faveur du pouvoir et, bien sûr, sans violence. Au niveau de l'organisation, les élections se sont tenues presque sans défaut. C'est ce qu'ont pu constater non seulement les observateurs internationaux, mais aussi chaque internaute grâce aux webcaméras dans des bureaux de vote.

Là où j'accepte les critiques, c'est que le décompte des voix a été retardé de façon inadmissible dans certains bureaux de vote soi-disant problématiques. Malheureusement, c'est cette image qui a été diffusée par des chaînes européennes et mondiales, en déformant le bilan globalement positif des élections ukrainiennes. Le parlement ukrainien se compose de 450 députés. 225 députés sont élus d'après les listes proportionnelles de différents partis. Les autres 225 députés sont élus dans des circonscriptions uninominales. Dans 214 circonscriptions sur 225 les gagnants ont été définis sans scandale et rapidement. Dans les autres 11 circonscriptions, malheureusement, des scandales ont eu lieu. Dans les 5 circonscriptions les plus problématiques de nouvelles élections doivent être organisées.

Je veux souligner que le problème ne consistait pas, par exemple, dans les tentatives des autorités d'influencer les résultats du scrutin ou le refus de reconnaître leur défaite. Dans une des circonscriptions stratégiques un candidat de l'opposition a gagné face à un candidat loyal envers le pouvoir avec un écart infime de 191 voix. Il n'y a eu aucune contestation. Le problème réside dans le refus de certains candidats de reconnaître la volonté du peuple comme l'autorité supérieure de la démocratie. Certains croient qu'un siège au parlement peut être acheté ou pris de force. En démontrant sa disponibilité à organiser les réélections dans ces circonscriptions problématiques, les autorités ukrainiennes se sont distanciées de ces hommes politiques.

En général, c'étaient des élections vraiment démocratiques, et nous en sommes satisfaits. Nous avons pris note de tous les défauts, qui sont, d'ailleurs, propres à d'autres pays aussi, et nous allons travailler afin de les éliminer. La législation sera améliorée et les conclusions seront tirées. Mais l'essentiel, à mon avis, est que 99% des députés de la Verkhovna Rada ont été élus d'une manière honnête, transparente et sans scandale. Aucune irrégularité systémique n'a eu lieu. Cela suffit pour constater que les élections ont été démocratiques. Il y a désormais un paysage politique très hétérogène au Parlement, peut-être trop...

Pour ce qui est des relations de l'Ukraine avec la France, elles sont bonnes. Le Président de notre Parlement a été invité par M. Fabius et une visite en France de notre ministre des affaires étrangères est également prévue en avril ou en mai. Elle coïncidera avec l'adoption d'une nouvelle feuille de route pour la relation entre la France et l'Ukraine. Pour ma part, j'ai rencontré le ministre français de l'agriculture, Monsieur Stéphane Le Foll et l'ai invité, au nom de mon gouvernement, à se rendre en Ukraine à l'automne. J'ai également pu échanger avec Madame Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur, coprésidente de la commission mixte économique France-Ukraine et qui devrait se rendre à Kiev en novembre.

J'en arrive maintenant à la relation compliquée de l'Ukraine avec la Russie. Pourquoi compliquée ? Parce que d'un côté, c'est notre grand voisin, notre partenaire stratégique principal et il y a beaucoup de liens entre nos peuples : personnels, familiaux, religieux (en majorité, nous sommes des chrétiens orthodoxes). D'un autre côté, si on peut choisir ses amis ou sa femme, on ne choisit pas son voisin. Et s'il faut vivre en bonne intelligence avec lui, il y a deux problèmes principaux qui empêchent un dialogue fructueux entre nos deux pays.

Tout d'abord, il y a le choix géostratégique de l'Ukraine d'aller vers l'Europe. Formellement, la Russie n'est pas contre cette position. Mais chacun comprend que si elle est un pays puissant, sans l'Ukraine auprès d'elle, la Russie ne sera jamais une superpuissance. Et n'oublions pas que la Russie est un pays euro-asiatique, alors que l'Ukraine est un pays européen.

Deuxièmement, il y a le problème du prix du gaz naturel. Je vous le dis franchement, l'Ukraine ne peut pas vivre avec le prix du gaz naturel facturé par la Russie. Nous le payons plus cher que l'Allemagne qui est plus éloignée. C'est pourquoi, aussi paradoxal que cela paraisse, nous avons acheté du gaz russe à l'Allemagne ! Nous essayons de renforcer notre indépendance énergétique : en Crimée, nous avons construit la plus grande centrale solaire au monde, afin d'être moins dépendants du gaz russe. Mais ce problème économique est aussi un problème politique : le jour après que nous avons signé avec Shell un accord pour l'exploitation de gaz de schiste en Ukraine, Gazprom a demandé le règlement d'une facture de sept milliards de dollars ! C'est le résultat de l'accord qu'a signé Ioulia Timochenko lorsqu'elle était premier ministre, qui fait que nous devons payer du gaz que nous ne consommons pas. Et cet accord nous engage jusqu'en 2019...

Concernant la dernière accusation de Madame Timochenko, notre procureur général ne m'a pas donné d'information précise à vous transmettre. Je reste prudent car, sur le plan juridique, officiellement, je ne peux m'avancer plus. Tout ce que je peux dire, c'est que notre Président, Viktor Ianoukovitch, est en visite officielle en Lituanie. Lors d'une conférence de presse, il a déclaré avec le Président lituanien que ce problème était aussi politique et qu'il fallait y trouver une solution.

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