Intervention de Harlem Désir

Commission des affaires européennes — Réunion du 6 avril 2016 à 17h05
Institutions européennes — Audition de M. Harlem Désir secrétaire d'état chargé des affaires européennes sur les conclusions du conseil européen des 17 et 18 mars

Harlem Désir, secrétaire d'État aux affaires européennes :

Je comprends les interrogations que soulève la mise en oeuvre de cet accord. J'avais d'ailleurs insisté, avant sa conclusion, sur l'exigence de respect du droit - respect du droit des gens et de nos engagements internationaux, respect de notre droit interne. Face à la situation qui s'installait, il fallait mettre en place une alternative. C'est ce qui justifie cet accord. Le vice-président Timmermans, lors de nos débats préparatoire, a utilisé une image parlante : au cours de l'année 2015, une véritable autoroute d'immigration irrégulière s'est ouverte, qui commençait, avant d'emprunter la route des Balkans, par une traversée de la mer Égée dans des conditions aussi meurtrières qu'en Méditerranée : si la distance à parcourir est moindre, le flux de personnes entassées sur des bateaux pneumatiques est tel que c'est en permanence que l'on voir mourir de petits Aylan.

Une réalité s'est également imposée à nous : la fermeture de la frontière de la Macédoine, à la demande des autres pays des Balkans et de l'Autriche. En Allemagne, même si les autorités n'ont jamais promu une telle solution, la pression montait, non seulement en Bavière, premier Land d'arrivée, mais partout ailleurs, en vertu d'un système de répartition très solidaire. Il était devenu inimaginable de laisser la situation se reproduire en 2016. Ce système, lié à une insuffisance de la lutte contre l'immigration illégale et les trafiquants en Turquie, finissait par envoyer un signal non seulement aux réfugiés syriens mais à bien d'autres, en Afghanistan, au Pakistan et dans certains pays d'Afrique où cette route était perçue comme la façon d'entrer en Europe. Le sens profond de cet accord est de mettre fin à ce système et de faire passer le message que ce n'est pas de cette façon que l'on peut arriver en Europe. Il est vrai que les images que l'on a vues peuvent être dures, et c'est pourquoi nous devons être très attentifs aux conditions juridiques dans lesquelles s'organisent les réadmissions, mais il doit être clair, y compris pour les Syriens, qu'il y a d'autres façons d'arriver en Europe, en déposant une demande auprès des organismes de l'Union européenne en charge, en Turquie, en Jordanie, au Liban, tandis qu'à l'inverse, arriver illégalement en Grèce n'ouvre pas un droit au séjour. Cela suppose, pour fonctionner, que la Turquie déploie, dans le cadre de cet accord, un effort beaucoup plus important pour lutter contre les organisateurs de ce trafic, non seulement au départ des côtes turques mais aussi sur son territoire - car ces filières s'organisent depuis la frontière syrienne ou bien encore les grandes villes, où l'on arrive par avion avant de gagner la côte. On note déjà une diminution importante du nombre de traversées, même si le chiffre reste encore trop élevé : comme le faisait remarquer la Grèce, les 300 réadmissions intervenues lundi ont été plus que compensées, le même jour, par l'arrivée de 400 nouveaux entrants. Quel est notre but ? C'est bien qu'à terme, les gens cessent de partir, et qu'il ne soit plus nécessaire de procéder à autant de réadmissions. Quand on parle avec les autorités australiennes, qui ont été confrontées à des vagues importantes de migrations, on constate que le système mis en place, que nous avons d'abord considéré avec beaucoup de scepticisme...

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