Intervention de Harlem Désir

Commission des affaires européennes — Réunion du 6 avril 2016 à 17h05
Institutions européennes — Audition de M. Harlem Désir secrétaire d'état chargé des affaires européennes sur les conclusions du conseil européen des 17 et 18 mars

Harlem Désir, secrétaire d'État aux affaires européennes :

En effet. On constate que ce système s'est révélé efficace et qu'aujourd'hui, plus un bateau n'accoste. Lorsqu'un bateau est intercepté, les migrants sont renvoyés, dans le cadre d'accords passés avec la Papouasie-Nouvelle-Guinée et le Cambodge. S'ils veulent accéder à l'immigration, ils doivent s'enregistrer dans le système d'immigration légale. L'Australie est un pays qui continue d'accueillir beaucoup de migrants, y compris européens, mais il n'y a plus de naufrages au large de ses côtes. Personne n'ira payer un passage s'il sait qu'il n'y a aucun moyen, par cette voie, d'accéder à l'Australie. Il est vrai que le contrôle sera plus complexe en Europe, pour des raisons géographiques, mais telle est bien l'idée.

Le système d'échange « un pour un » ne saurait être automatique. Car nous devons montrer qu'il existe une voie légale qui passe par le dépôt d'une demande en Turquie, au Liban ou en Jordanie. On ne saurait indexer cette possibilité sur le nombre de personnes réadmises, autrement dit sur le nombre de ceux qui arriveraient frauduleusement sur les côtes grecques. Même en l'absence d'arrivées illégales, dont nous souhaitons qu'elles se tarissent, on acceptera des entrants. Il faut donc souhaiter que l'on arrive au-delà du un pour un. Dans le cadre des relocalisations, nous pouvons accueillir 72 000 personnes au cours des deux prochaines années. Il faut montrer clairement que cette voie est ouverte, alors que l'autre est fermée. Il est cependant fort possible que parmi les Syriens qui continueront d'arriver en Grèce, au terme de l'examen individuel qui aura lieu, sachant que la procédure restera dans un premier temps suspensive, certains ne soient pas renvoyés en Turquie. C'est la justice qui le décidera. Qu'est-ce qui nous permet de considérer que la notion de « pays tiers sûr » nous autorise à ne pas examiner leur demande d'asile et à renvoyer des réfugiés en Turquie, pour y déposer une demande d'asile par voie légale ? C'est que cette notion de pays sûr n'est pas à comprendre au sens qui est le sien dans le régime d'asile européen. Elle signifie que le pays tiers concerné peut offrir une protection internationale conforme aux règles de la Convention de Genève : que les demandeurs n'ont pas à craindre pour leur vie ou leur liberté en raison de leur origine ou de leur religion, et qu'ils ne subiront pas dans ce pays les conditions qui les ont fait fuir leur pays d'origine. La Turquie est le premier pays d'accueil de réfugiés syriens dans le monde : entre 2,5 et 2,7 millions de Syriens s'y trouvent. Et la communauté internationale considère qu'ils y ont trouvé refuge. Les y renvoyer est tout autre chose que les renvoyer en Syrie. Il faut évidemment s'assurer qu'ils n'y subissent pas un traitement inhumain et que prévaut bien le principe qui veut qu'ils ne soient pas refoulés vers leur pays. Un syrien kurde qui demanderait l'asile en Europe et qui serait identifié comme un proche du parti de l'union démocratique, le PYD, l'organisation syrienne proche du PKK, que combattent ardemment les autorités turques, peut être exposé à un risque. D'où l'exigence d'une procédure individuelle et d'un suivi précis des conditions dans lesquelles cet accord sera mis en oeuvre.

S'agissant de la protection des données, il est vrai, ainsi que l'a souligné Simon Sutour, que le processus a été long. Aujourd'hui, le Comité des représentants permanents, le Coreper, a lancé la procédure écrite, au terme de laquelle, c'est à dire vendredi prochain, si aucune opposition ne s'est déclarée, le texte sera considéré comme adopté par le Conseil des ministres. Il ira ensuite devant le Parlement européen, qui souhaite, comme vous l'avez rappelé, une adoption conjointe avec le PNR. Nous insistons désormais auprès du Parlement européen pour que ce soit fait avant la fin de ce mois. Plus aucune raison ne s'y oppose : il est face à ses responsabilités.

La Commission européenne a émis ce matin deux séries de propositions, l'une sur le paquet « frontières intelligentes », visant à renforcer les dispositifs technologiques communs de contrôle, qui va dans le sens de nos préconisations et ne devrait poser aucun problème, l'autre sur le règlement de Dublin, sur lequel s'interroge Jean-Yves Leconte. Sur ce point, la Commission a volontairement laissé deux options ouvertes. L'une serait d'aller vers un mécanisme automatique, qui pose le problème de la responsabilité de l'État de première entrée ; l'autre, qui s'inspire de ce que nous avons fait avec le système de relocalisation, tendrait à conserver le principe de Dublin - qui veut que le pays de première demande soit responsable du traitement de la demande d'asile - sauf en situation exceptionnelle de crise où l'on pourra procéder à une répartition dès lors qu'une décision collective serait prise en ce sens. Nous considérons que si l'on sort de cette dernière logique, on s'expose à voir tel ou tel État membre décider, pour des raisons qui lui sont propres, de laisser venir les réfugiés, tandis que la règle voudrait ensuite qu'ils soient automatiquement répartis.

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