Merci de votre invitation. J'ai été membre du Parlement finlandais, et crois que les relations entre la Commission européenne et les décideurs politiques nationaux sont utiles et nécessaires.
Le plan d'investissement européen se compose d'un Fonds européen d'investissements stratégiques (FEIS), bien connu, d'un portail européen des projets d'investissement (PEPI) et d'une plateforme européenne de conseil en investissement (PECI).
Vous l'avez dit, les réformes structurelles sont souvent mal reçues. Ministre des finances, j'ai dû appliquer des restrictions budgétaires qui ont été mal comprises pour faire passer notre déficit sous les 3 % du PIB. L'objectif est de promouvoir une société plus humaine, alors que s'accroît le nombre de personnes retraitées. Mais il est difficile de faire accepter des changements, et ce quel que soit le pays considéré ! Pourtant, le monde évolue, et nos sociétés doivent s'adapter. Personne n'est à blâmer pour cette nécessité, et nul ne doit en avoir honte, ou se mettre sur la défensive. Au contraire, nous devons moderniser nos sociétés. C'est la condition de notre compétitivité.
Les réformes encouragées par la Commission visent à renforcer l'intégration européenne. S'il est aisé de vendre des cravates à travers l'Europe, le commerce des biens numériques est bien plus difficile. Quant au marché des capitaux, il est bien moins développé qu'aux États-Unis, où seuls 20 % des investissements sont financés par des banques - contre plus de 80 % chez nous.
La PECI a pour objectif de faciliter la rencontre entre les liquidités abondantes, notamment détenues par les compagnies d'assurance, et les projets d'investissements locaux en Europe. C'est un site Internet, qui donne à ces projets une grande visibilité, qu'ils concernent, par exemple, le ferroviaire ou le traitement des eaux. Lors de ma visite à Singapour, l'on m'a confirmé l'importance de telles plateformes numériques pour renforcer la concurrence entre les investisseurs potentiels.
Le FEIS fonctionne en créant des partenariats entre plusieurs acteurs. Les liquidités étant très abondantes, nous avons écarté les fonds publics, qui auraient évincé les investisseurs privés. En quelques mois, 54 projets ont été étudiés, pour un montant de 7,2 milliards d'euros. Plusieurs accords ont été signés avec des banques, notamment pour aider au financement de 14 000 petites et moyennes entreprises (PME). En France, 3,6 milliards d'euros seront consacrés à 40 000 PME. Au total, 76 milliards d'euros seront investis dans des PME.
Nous ne nous intéressons pas qu'aux projets industriels ! Par exemple, nous nous sommes inspirés d'un projet développé en Île-de-France, où une plateforme regroupe les projets nécessaires à la conversion de 40 000 habitations en sources d'énergie afin de faciliter leur financement par des banques. À Chypre, en Grèce, nous reproduisons ce modèle pour développer l'investissement dans le tourisme. Le Danemark a créé un fonds privé de 2 milliards d'euros, issus de fonds de pension, pour investir dans la transition énergétique en Europe du Nord : nous avons décidé que le FEIS en couvrirait les éventuelles pertes. Ce capitalisme modifié permet de faire revenir des montants importants dans l'économie réelle.
L'agriculture n'a pas beaucoup utilisé le FEIS pour l'instant. La France est en avance sur ce point, et je la citerai en exemple la semaine prochaine au Conseil agriculture, à Luxembourg. En effet, un projet d'amélioration d'une laiterie en France a été retenu. Nous réfléchissons, avec Phil Hogan, aux manières d'utiliser le FEIS pour protéger nos ressources en eau. L'essentiel est de développer l'emploi.