Commission des affaires européennes

Réunion du 7 avril 2016 à 9h40

Résumé de la réunion

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  • FEIS

La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Nous sommes heureux de vous accueillir au Sénat avec nos collègues de la commission des Finances. Merci d'avoir répondu à notre invitation. Le Président Juncker a demandé aux commissaires d'avoir des relations étroites avec les parlements nationaux. Au Sénat, nous avons veillé à concrétiser cette volonté en nouant des contacts avec un grand nombre de vos collègues. Ce dialogue régulier nous paraît essentiel, et nous avons reçu dernièrement M. Phil Hogan. Votre audition s'inscrit parfaitement dans cette démarche. Les sujets majeurs dont vous avez la charge la rendent d'autant plus intéressante.

Le plan d'investissement pour l'Europe doit ouvrir des financements à hauteur de 315 milliards d'euros sur trois ans. Nous l'avons examiné de près au Sénat, sur le rapport de nos collègues Jean-Paul Emorine et Didier Marie, pour la commission des affaires européennes, et du rapporteur général du budget Albéric de Montgolfier, au titre de la commission des Finances. Quel premier bilan tirez-vous de sa mise en oeuvre ? L'effet de levier, qui avait pu susciter quelques doutes, fonctionne-t-il ? C'est une nouvelle approche du financement, qui vise à drainer l'épargne privée, ce qui requiert de créer de la confiance.

Les porteurs de projets se sont bien mobilisés en France, où dix-sept projets ont été retenus en 2015. Quelle est votre appréciation sur le dispositif mis en place pour notre pays et sur les perspectives de mise en oeuvre du plan dans les prochains mois ? Nous avions insisté sur la nécessaire association des collectivités territoriales. Qu'en est-il concrètement ?

Nous avions aussi échangé avec votre collègue Phil Hogan, en charge de l'agriculture, sur la mobilisation du plan d'investissement pour des projets concernant la modernisation des structures agricoles. Pouvez-vous nous éclairer sur ce point, essentiel pour nos territoires dans le contexte de crise que nous connaissons ? Vous m'avez indiqué à l'instant que des projets pourraient être retenus dans la filière laitière. Je m'en réjouis.

Au-delà de ce plan, l'Union européenne doit mobiliser toutes les énergies au service de la croissance et de l'emploi. Avec la stratégie Europe 2020, elle a retenu cinq objectifs ambitieux à atteindre d'ici 2020 en matière d'emploi, d'innovation, d'éducation, d'inclusion sociale, d'énergie et de lutte contre le changement climatique. Pascal Allizard et Didier Marie suivent ce dossier au sein de la commission des affaires européennes, où j'ai mis l'accent sur l'Union de l'énergie : comment souhaiter accroître les échanges internationaux en signant le traité transatlantique sans réindustrialiser l'Europe ? Quelle est votre évaluation de la mise en oeuvre de cette stratégie ? Quelles sont les priorités que vous entendez promouvoir dans les prochains mois ?

Au service de ces objectifs, les États membres doivent mettre en oeuvre des réformes structurelles qui ne sont pas toujours bien acceptées par les opinions publiques mais sont indispensables. Un point régulier est fait par la Commission européenne dans le cadre du semestre européen. Quelle est votre appréciation globale ? Quelle est votre analyse pour ce qui concerne la France ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Je tiens à remercier Jyrki Katainen d'être présent parmi nous ce matin ainsi que le président de la commission des affaires européennes de nous avoir associés à cette audition. En tant que présidente de la commission des finances, je ne peux que me satisfaire de ce que nous puissions, de nouveau, aborder le plan d'investissement pour l'Europe. En effet, le « plan Juncker » vient s'inscrire au coeur de nos travaux relatifs à l'environnement de l'investissement, qui portent également sur l'Union bancaire et l'Union des marchés de capitaux. Il a, par ailleurs, fait l'objet d'initiatives communes des commissions des finances et des affaires européennes, en particulier à travers l'adoption de la résolution européenne concernant le principe du plan d'investissement pour l'Europe, en mars 2015, et de celle touchant aux modalités de mise en oeuvre de celui-ci, en décembre dernier.

Dès lors que la relance de l'investissement en Europe constitue une priorité absolue, nous avons accueilli favorablement ce plan. Malgré tout, de nombreuses interrogations subsistent, en particulier en ce qui concerne l'effet multiplicateur des investissements financés dans ce cadre et les conditions de déploiement du plan. Je vous prie d'excuser l'absence du rapporteur général de la commission des finances.

Debut de section - Permalien
Jyrki Katainen, vice-président de la Commission européenne

Merci de votre invitation. J'ai été membre du Parlement finlandais, et crois que les relations entre la Commission européenne et les décideurs politiques nationaux sont utiles et nécessaires.

Le plan d'investissement européen se compose d'un Fonds européen d'investissements stratégiques (FEIS), bien connu, d'un portail européen des projets d'investissement (PEPI) et d'une plateforme européenne de conseil en investissement (PECI).

Vous l'avez dit, les réformes structurelles sont souvent mal reçues. Ministre des finances, j'ai dû appliquer des restrictions budgétaires qui ont été mal comprises pour faire passer notre déficit sous les 3 % du PIB. L'objectif est de promouvoir une société plus humaine, alors que s'accroît le nombre de personnes retraitées. Mais il est difficile de faire accepter des changements, et ce quel que soit le pays considéré ! Pourtant, le monde évolue, et nos sociétés doivent s'adapter. Personne n'est à blâmer pour cette nécessité, et nul ne doit en avoir honte, ou se mettre sur la défensive. Au contraire, nous devons moderniser nos sociétés. C'est la condition de notre compétitivité.

Les réformes encouragées par la Commission visent à renforcer l'intégration européenne. S'il est aisé de vendre des cravates à travers l'Europe, le commerce des biens numériques est bien plus difficile. Quant au marché des capitaux, il est bien moins développé qu'aux États-Unis, où seuls 20 % des investissements sont financés par des banques - contre plus de 80 % chez nous.

La PECI a pour objectif de faciliter la rencontre entre les liquidités abondantes, notamment détenues par les compagnies d'assurance, et les projets d'investissements locaux en Europe. C'est un site Internet, qui donne à ces projets une grande visibilité, qu'ils concernent, par exemple, le ferroviaire ou le traitement des eaux. Lors de ma visite à Singapour, l'on m'a confirmé l'importance de telles plateformes numériques pour renforcer la concurrence entre les investisseurs potentiels.

Le FEIS fonctionne en créant des partenariats entre plusieurs acteurs. Les liquidités étant très abondantes, nous avons écarté les fonds publics, qui auraient évincé les investisseurs privés. En quelques mois, 54 projets ont été étudiés, pour un montant de 7,2 milliards d'euros. Plusieurs accords ont été signés avec des banques, notamment pour aider au financement de 14 000 petites et moyennes entreprises (PME). En France, 3,6 milliards d'euros seront consacrés à 40 000 PME. Au total, 76 milliards d'euros seront investis dans des PME.

Nous ne nous intéressons pas qu'aux projets industriels ! Par exemple, nous nous sommes inspirés d'un projet développé en Île-de-France, où une plateforme regroupe les projets nécessaires à la conversion de 40 000 habitations en sources d'énergie afin de faciliter leur financement par des banques. À Chypre, en Grèce, nous reproduisons ce modèle pour développer l'investissement dans le tourisme. Le Danemark a créé un fonds privé de 2 milliards d'euros, issus de fonds de pension, pour investir dans la transition énergétique en Europe du Nord : nous avons décidé que le FEIS en couvrirait les éventuelles pertes. Ce capitalisme modifié permet de faire revenir des montants importants dans l'économie réelle.

L'agriculture n'a pas beaucoup utilisé le FEIS pour l'instant. La France est en avance sur ce point, et je la citerai en exemple la semaine prochaine au Conseil agriculture, à Luxembourg. En effet, un projet d'amélioration d'une laiterie en France a été retenu. Nous réfléchissons, avec Phil Hogan, aux manières d'utiliser le FEIS pour protéger nos ressources en eau. L'essentiel est de développer l'emploi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Oui, le monde change, et n'attend pas l'Europe. Chaque pays s'adapte à son rythme - d'où la pertinence du concept de coopération renforcée.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Keller

Je vous remercie de votre attention aux relations entre la Commission européenne et les parlements nationaux de même que de cette présentation. Le chômage des jeunes en Europe est une préoccupation majeure. Ce « plan Juncker » le réduira-t-il ? Faut-il d'autres politiques, plus ciblées ? Quels sont, à votre avis, les leviers principaux pour recréer de l'emploi en France ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Comment est composé le comité d'investissement du FEIS, qui sélectionne les projets ? Lors d'une audition organisée par la commission des finances le 30 mars dernier, le Gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, a affirmé : « le `plan Juncker' a produit des résultats, mais ils sont insuffisants ». Partagez-vous ce jugement ? Quelles sont, selon vous, les principales insuffisances du plan ? Dans une résolution européenne du Sénat, adoptée en mars 2015, la commission des finances avait constaté que les dotations du budget de l'Union européenne reversées au profit du plan Juncker étaient initialement dédiées à des programmes susceptibles d'être à l'origine d'un effet de levier significatif, comme le Mécanisme pour l'interconnexion en Europe ou le programme-cadre « Horizon 2020 ». Ainsi notre commission s'était-elle interrogée sur la capacité du plan d'investissement pour l'Europe à faire mieux que ces programmes, en termes d'effet multiplicateur. Pouvez-vous nous confirmer que le « plan Juncker » a eu un effet multiplicateur supérieur à celui qui aurait été constaté si les crédits qui lui sont consacrés étaient restés affectés au budget de l'Union européenne ? Quel est l'effet multiplicateur moyen de ce plan à ce jour ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

Merci pour votre exposé pédagogique. Les investissements prévus sont importants pour l'activité en Europe, mais le montage des dossiers est compliqué, surtout pour les plus petites entreprises, qui n'ont pas toujours les bons relais.

Debut de section - Permalien
Jyrki Katainen, vice-président de la Commission européenne

Le FEIS ne se concentre pas sur une population particulière. Pour les jeunes, l'Union européenne a lancé trois initiatives ainsi qu'un programme d'amélioration des compétences : 20 % des adultes ont des problèmes d'alphabétisation ! Responsable de la compétitivité, je coordonne ce programme, qui répond aussi à une exigence d'égalité. Nous pouvons aider les États membres États membres à réformer leurs politiques d'éducation et d'emploi. J'ai suggéré hier à Donald Tusk de placer ces questions à l'ordre du jour du Conseil européen, car elles sont cruciales à long terme. Hélas, le Conseil européen se concentre toujours sur la gestion des crises.

En France, plusieurs réformes ont déjà eu un impact positif sur l'économie : la soutenabilité des systèmes de retraite a été renforcée, ainsi que les compétences des autorités locales, et le coût du travail a été réduit. Mais le déficit public est toujours trop fort, et la dette des administrations s'accroît. Cela ne nuit pas à la crédibilité du pays pour le moment, mais pourrait déclencher un jour une crise très grave, pour la France et pour toute l'Europe. Il faut aussi réduire les obstacles règlementaires et fiscaux qui entravent l'activité et le développement des entreprises. Cela ne devrait pas être trop difficile, et la France profiterait beaucoup mieux de ses atouts ! La réforme du marché du travail ne plaît pas, je le sais, ni en France ni ailleurs en Europe. Mais vu les atouts de la France - bon niveau d'éducation, base industrielle solide, innovation développée - elle ne devrait pas hésiter. Salaire minimum, prestations de chômage : il faut prendre des mesures fermes pour stimuler l'emploi et renforcer la compétitivité.

Les huit membres du comité d'investissement sont des experts indépendants recrutés par un concours ouvert. Le directeur général et son adjoint nous sont proposés par un comité directeur composé de membres du Parlement.

Le processus de constitution du comité d'investissement est indépendant de la Banque européenne d'investissement : Je le souligne, car l'absence de pressions politiques dans l'évaluation des investissements est indispensable. La Commission n'intervient pas dans le choix des projets, et je ne cherche aucunement à contacter les membres du comité.

Il est vrai que les résultats sont insuffisants, mais le FEIS ne peut pas tout faire. Le déficit d'investissement de l'Union européenne atteint 400 milliards d'euros par an. La somme de trois cent milliards que nous apporterons en trois ans ne comblera qu'une partie de ce déficit. Le reste proviendra des canaux habituels. Le manque de fonds n'est pas en cause : des réformes structurelles sont nécessaires. Le niveau d'investissement en France est resté supérieur à la moyenne pendant la crise mais, en dépit de cette résilience, il reste insuffisamment orienté vers l'amélioration de la compétitivité.

Nous avions débloqué huit milliards d'euros du budget européen, dont cinq devaient être consacrés à la couverture des risques. L'effet multiplicateur a bien eu lieu, mais il reste insuffisant. L'objectif n'est pas d'allouer des fonds sans contrepartie, mais de couvrir les pertes possibles.

Comment les PME peuvent-elles entrer dans le programme ? La question m'est posée dans tous les pays. Il faut d'abord passer par une banque commerciale ou de dépôts. Un accord est ensuite passé avec le FEIS pour l'allocation de fonds ; le reste est couvert par le crédit. Pour les projets plus importants, les chefs d'entreprises peuvent s'adresser au bureau de la BEI à Paris : pas besoin d'aller au Luxembourg... Les investisseurs potentiels ne manquent pas : l'important est de leur faire connaître ce mécanisme.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Votre réponse à la présidente sur le cadre financier pluriannuel manque de précision : la fongibilité de ces fonds pose un problème démocratique. Est-il réaliste d'élaborer une projection budgétaire à sept ans, alors que des redistributions d'opportunité sont effectuées en cours de route ? Un tel cadre est déconnecté de la durée des mandats du Parlement européen et de la Commission. Les investisseurs chinois font office de roue de secours pour certains projets. Ils ont des relations privilégiées avec l'Europe centrale et orientale en matière de projets de transports, d'infrastructures et d'agriculture. Comment s'organise avec eux la gouvernance des projets ? Sont-ils directement impliqués dans le comité d'investissement ? Leurs choix s'inscrivent-ils dans des programmes comme la nouvelle « route de la soie » ?

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

Le jour où une polémique sur les salaires soi-disant excessifs des présidents de Renault et Peugeot naissait, la nouvelle voiture de Tesla - dont la valorisation est égale à celle de Renault et Peugeot réunie - était dévoilée. L'entreprise a reçu 300 000 commandes. Peut-être nos rues seront-elles bientôt envahies de voitures Tesla...

Un rapport présenté par notre collègue Catherine Morin-Desailly l'a montré : l'Europe est inexistante et amorphe face aux « Gafa » (Google, Amazon, Facebook). De même, la défense européenne manque d'une base industrielle. En matière de drones, de dispositifs d'alerte avancée, notre retard nous contraint à vivre sous la protection américaine. Il y a quelques années, l'Europe a fortement investi dans l'aéronautique pour créer EADS, la plus grande compagnie du monde dans son domaine. Quel est le grand investissement qui nous fera entrer dans la nouvelle économie ? Pour le moment, nous en restons au saupoudrage.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

L'enjeu fondamental est de faciliter la rencontre entre l'investissement et l'épargne en Europe. Un récent recensement a mis au jour, dans les États membres, un besoin global de financement de 500 milliards d'euros en matière d'investissement. Or l'Allemagne dégage un excédent budgétaire de 30 milliards d'euros : l'Union européenne peut-elle orienter cette disponibilité de fonds vers l'économie réelle ?

Vous avez évoqué de nouveaux instruments destinés à orienter l'épargne vers les PME, notamment l'exemple de la plateforme danoise. Jusqu'à quel niveau de risque ces instruments peuvent-ils être mobilisés ? Quels montants envisagez-vous d'y engager ?

Dans le cadre du « plan Juncker », comment se déroule la collaboration entre la Banque européenne d'investissement (BEI) et les banques nationales ? Des initiatives sont-elles en préparation pour l'approfondir, notamment au bénéfice des PME et ETI ?

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Vous semblez appeler de vos voeux un allongement du temps de travail hebdomadaire et un recul de l'âge de la retraite. Mais, paramètre tout aussi essentiel, la productivité des Français est largement supérieure à celle de nos partenaires. Elle dépend aussi de la recherche et développement, de la formation des salariés, de l'innovation, des salaires qui pourraient relancer une demande trop faible. Ne faudra-t-il pas être plus nombreux à travailler plutôt que de travailler plus ?

La politique d'assouplissement quantitatif ne donne pas les résultats escomptés, le dispositif sera prolongé d'un an. Quelle analyse en faites-vous ?

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Les transports apparaissent en deuxième position dans les projets retenus dans le « plan Juncker ». Les critères de sélection d'analyse des projets du FEIS sont-ils moins sélectifs que les critères d'accès à d'autres instruments financiers européens, tels que les fonds structurels et le mécanisme pour l'interconnexion en Europe ? En d'autres termes, le « plan Juncker » n'est-il pas une forme de rattrapage pour des projets de second rang ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Chiron

Le projet Energies Posit'if, que vous avez évoqué, est une société d'économie mixte (SEM) réunissant la région Île-de-France, la mairie de Paris, d'autres collectivités et un pôle bancaire associant la Caisse des dépôts et consignations et les Caisses d'épargne. Il aide les propriétaires à conduire des travaux de rénovation énergétique, pour lesquels le retour sur investissement est très long. L'objectif est de financer la rénovation de 40 000 logements, en faisant entrer dans la démarche les collectivités et les grandes régions, avec à la clef des créations d'emplois au niveau local, notamment dans le secteur du BTP. C'est un bon exemple de dispositif ciblé sur des PME.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Canevet

La stimulation de l'économie suppose une accentuation des efforts de recherche : l'objectif a été fixé à 3 % du PIB par la stratégie de Lisbonne. Dans quelle mesure les investissements que vous financez y concourent-ils ? En France, le taux d'investissement ne dépasse pas les 2,25 %. Voyez-vous une amélioration au niveau européen ?

Comment l'Europe peut-elle dépasser l'addition de stratégies nationales pour mettre en place une organisation numérique indépendante des majors américaines ?

Debut de section - Permalien
Jyrki Katainen, vice-président de la Commission européenne

On critique à bon droit la durée du cadre financier pluriannuel. Certes, les plans chinois ne sont établis que pour cinq ans mais, comme Jean-Claude Juncker l'a rappelé, les Chinois n'ont pas besoin de passer par les deux ans de la procédure d'approbation ! Il est vrai que dans la vie réelle, la situation économique peut changer de façon radicale en sept ans. Néanmoins, aucune demande de correction ni critique de fond n'a été formulée au sein de la Commission, du Parlement européen ou des parlements nationaux. Nous prévoyons néanmoins une révision à mi-chemin, pour faire le point sur l'avancée des différents plans et apporter des corrections. D'un point de vue politique, cela peut se révéler difficile. Je reste néanmoins confiant.

La moitié des projets financés portent sur l'innovation et la recherche, avec des effets multiplicateurs attendus. Il faut en effet soutenir le transport, mais l'utilisation des instruments financiers n'est pas la même en France.

Nous avons envisagé, avec nos partenaires chinois, une participation à certains projets du FEIS dans une démarche purement pragmatique. Ceux-ci font l'objet, dans tous les cas, d'une évaluation préalable du risque financier par le FEIS. Les Chinois veulent se diversifier et sont particulièrement intéressés par les transports, notamment les projets qu'ils pourront reproduire par la suite. L'énergie les intéresse moins. Nous attendons des répercussions importantes.

Depuis le début du millénaire, une quarantaine d'entreprises européennes ont émergé dans le domaine des nouvelles technologies ; leur bénéfice dépasse le milliard d'euros. Le fait reste peu connu. Les success stories européennes devraient être plus nombreuses. Je ne crois pas que les ressources fassent défaut ; ce qui manque, c'est le financement du risque. Les capitaux moyens sont de 60 millions d'euros, contre 180 millions en moyenne aux États-Unis. Or la taille importe en l'espèce ! C'est pourquoi nous essayons de former des fonds de financement des investissements au niveau européen.

Les raisons du retard sont aussi structurelles. En trois ou quatre ans, Uber est passé de zéro à une capitalisation de plusieurs milliards. Son fonctionnement est simple : l'entreprise utilise des technologies existantes, associant en quelque sorte les pièces d'un puzzle. Les normes, les réglementations sont un frein, même si une régulation est nécessaire. Uber fait office de mouche du coche face aux taxis détenteurs d'une licence. Il faut trouver une solution. Face à ce modèle économique appelé à prendre de l'importance et bénéfique aux consommateurs, des règlements créés il y a vingt ou trente ans ont-ils encore un sens ? J'ai entendu hier quelqu'un parier cent mille euros qu'on ne trouverait aucune entreprise, dans la Silicon Valley, employant moins d'une moitié d'ingénieurs européens. C'est une véritable fuite des cerveaux vers un environnement beaucoup plus moteur pour l'innovation.

Quelle est la politique fiscale la plus appropriée ? Il faut protéger la confiance, tout en donnant une impulsion à l'économie. Notre rôle est de définir des priorités pour l'investissement.

Face à un projet, le comité d'investissement se pose les questions suivantes : est-il rentable ? Peut-on en tirer un bénéfice important ? Pourquoi ne trouve-t-il pas de financements privés ? Un mauvais projet ne devient pas un bon projet par la grâce des financements. Dans les bons projets, la capacité à prendre des risques fait la différence. Les banques commerciales sont chargées de trouver des partenaires et sont en mesure d'établir des plateformes à cette fin.

Vous placez vos espoirs, monsieur Bocquet, dans une augmentation de la population active. Or celle-ci se réduit, en France comme ailleurs. Quant à la productivité, je ne partage pas votre analyse : elle n'a pas évolué dans votre pays de manière aussi positive que chez vos voisins. L'investissement est essentiel, mais il doit être orienté vers la compétitivité : agissons à la racine en investissant dans le potentiel humain et dans l'éducation.

L'assouplissement quantitatif n'a pas donné les résultats attendus - non par manque d'argent, mais parce que cet argent restait sur les comptes en banque. Sur les raisons de ce constat, les avis divergent. La Commission européenne veut avant tout travailler sur la compétitivité. L'effort aurait été mieux accompagné si les États membres avaient conduit des réformes en profondeur. Mais sans l'assouplissement quantitatif, la situation serait bien pire.

Les critères de financement du FEIS sont très stricts. La Commission estime que les régions peuvent avoir accès à ces fonds structurels. Il est envisageable que leurs projets soient financés en partie par les fonds structurels et en complément par le plan d'investissement européen.

Le projet Énergies Posit'if est en effet un excellent modèle reproductible dans d'autres régions. L'objectif de 3 % du PIB consacrés à la recherche et au développement ne me semble pas suffisant. Il faut éviter les coupures dans le financement de la recherche, dues au fait qu'il est plus facile de réduire l'investissement que les salaires. Nous espérons augmenter l'effort dans ce domaine à l'horizon 2020.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Je vous remercie de la passion que vous avez mise dans votre exposé, comme vous avez dû en mettre dans l'exercice de vos fonctions de Premier ministre. J'y reconnais la Commission plus proche des problématiques humaines que Jean-Claude Juncker appelait de ses voeux. Vos propos vont utilement éclairer nos débats des prochaines semaines : fin avril, le Parlement se penchera sur le programme national de réformes et le programme de stabilité. Merci du temps que vous avez consacré au Sénat.

La réunion est levée à 11 h 05.