Récemment, l’agence de l’eau Loire-Bretagne a indiqué que la qualité physico-chimique de l’eau s’était fortement améliorée depuis dix ans, ce qui prouve que les nouvelles pratiques agricoles contribuent fortement à l’amélioration de la qualité de l’eau. Pour que cela puisse continuer, une stabilité normative est évidemment nécessaire.
En outre, je considère que les ponctions sur les budgets des agences de l’eau au profit du budget de l’État font peser un réel danger sur l’investissement des collectivités, et donc sur l’emploi local. Elles ne peuvent que pénaliser les collectivités dans leurs travaux d’investissements, mais également dans la réalisation des engagements européens. C’est pourquoi je vous invite à supprimer ces ponctions, afin de garantir un financement stable de la politique de l’eau et le respect des objectifs de qualité de l’eau fixés à l’échelon européen. En mettant fin à ce prélèvement, dont le montant atteint 500 millions d’euros depuis 2014, nous pourrons redonner vie au principe, fondamental selon moi, selon lequel l’eau doit payer l’eau.
Lors des auditions que j’ai menées, j’ai pu observer un manque de concertation sur les décisions prises et de directives claires. J’ai également constaté que les diagnostics diffusés par les services du ministère, notamment par l’ONEMA, l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques, se fondent uniquement sur les points négatifs des ouvrages, sans jamais tenir compte de leurs apports positifs éventuels, comme le potentiel de production hydro-électrique ou le maintien d’un niveau d’eau, avec une humidité des sols, dans les parcelles jouxtant les ouvrages. Le Conseil général de l’environnement et du développement durable, le CGEDD, avait par exemple mis en évidence, en 2013, un manque de données, d’études et de concertation sur l’abaissement des seuils, lequel a en outre une incidence négative sur l’érosion des berges et sur la qualité agricole des sols. J’invite le Gouvernement à favoriser les solutions au cas par cas, acceptables économiquement et socialement.
Mes chers collègues, les moyens manquent pour assurer la mise en œuvre et le fonctionnement des aires d’alimentation des captages, ainsi que l’animation locale à même d’instaurer une dynamique vertueuse, en concertation avec les agriculteurs. Nous savons aussi que les collectivités chargées de la mise en œuvre des aires d’alimentation et des actions de lutte contre les pollutions manquent de moyens financiers.
Par ailleurs, je considère que la suppression, prévue dans le projet de loi de finances pour 2017, de la taxe finançant le Fonds de garantie du risque de développement lié à l’usage des boues en agriculture ou sylviculture risque de se traduire, sur le terrain, par la remise en cause des plans d’épandage, et donc par d’importantes difficultés, pour certaines collectivités, en matière d’élimination de leurs boues d’épuration.
C’est pourquoi je vous invite dans un premier temps, madame la secrétaire d’État, à renforcer les moyens financiers des collectivités territoriales pour la protection des captages, les réseaux d’assainissement et les stations d’épuration. Dans un second temps, je vous demande de rétablir ladite taxe, afin de maintenir ce fonds de garantie, voire d’étendre son champ d’intervention à d’autres matières résiduaires épandables, afin de satisfaire les besoins de sécurité exprimés par les acteurs agricoles de la filière.
En ce qui concerne le deuxième pan d’amélioration, à savoir la gestion quantitative de l’eau, les organismes auditionnés nous ont fait part d’une information inquiétante : 20 % de l’eau traitée et mise en distribution est perdue en raison des fuites dans les réseaux d’eau potable, ce qui représente une perte annuelle d’un milliard de mètres cubes d’eau, soit près d’un tiers des prélèvements d’eau destinés à l’irrigation, dont on sait qu’elle est trop souvent contestée.
Ces fuites peuvent être liées à la vétusté des installations et des canalisations, aux évolutions et aux mouvements des sols ou encore à la pression élevée de l’eau dans les canalisations. Je vous demande, madame la secrétaire d’État, de soutenir financièrement les collectivités, particulièrement en zone rurale, dans leur lutte contre ces fuites d’eau sur les réseaux d’eau potable. Je souhaite également que l’on puisse avoir une connaissance plus approfondie de ces réseaux.
Je souhaiterais aussi évoquer l’absence de sécurité juridique des organismes uniques de gestion collective, les OUGC. Ces organismes ont été créés afin de mettre en œuvre la gestion volumétrique prévisionnelle de l’eau instaurée par la LEMA. Malheureusement, j’ai pu constater que leur mise en œuvre pratique se heurte à un certain nombre de difficultés. Il n’y a, en effet, aucun lien contractuel entre les membres de ces organismes. Sur le terrain, les OUGC ont des formes juridiques variées. Pour le Conseil d’État, ces organismes sont des « objets juridiques non identifiés ». J’invite donc le Gouvernement à les sécuriser juridiquement en clarifiant les liens entre les OUGC et les irrigants. Il faut aussi renforcer la présence des acteurs et professionnels concernés au sein des comités d’orientation des organismes uniques de gestion collective.
Améliorer la gestion quantitative de l’eau nécessite également de mettre en place une meilleure gestion du stockage de l’eau. La quantité d’eau disponible sur notre planète ne varie pas, mais elle est de plus en plus mal répartie. Il faut donc stocker l’eau. Malheureusement, on constate, sur le terrain, une diminution des surfaces irriguées, à cause de la complexité des autorisations de pompage et des difficultés liées à l’instruction des dossiers de demande de stockage d’eau pour l’agriculture, personne n’ayant la même interprétation du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux, le SDAGE. Je considère que la ressource en eau pour l’agriculture doit redevenir une priorité et être reconnue comme une richesse en termes de diversification des cultures –c’est une obligation européenne – et une assurance pour les récoltes, notamment pour les semences.
Enfin, madame la secrétaire d’État, la réglementation française en matière de réutilisation des eaux usées, définie par l’arrêté du 25 juin 2014 qui fixe les prescriptions techniques particulières pour les systèmes d’irrigation et d’arrosage par aspersion, est beaucoup trop complexe.
Je vous invite donc à clarifier la définition des SDAGE. Les projets de stockage d’eau donnent lieu à de nombreux contentieux, comme on l’a vu dans les Charentes ou à Sivens.
Je vous demande également de définir des plans d’action conciliant protection de la qualité de l’eau et potentiel de production et prenant mieux en compte l’évaluation des risques – inondation, sécheresse –, en favorisant par exemple la création de bassins d’écrêtement des crues, de favoriser la recharge des nappes phréatiques en dehors des périodes d’étiage, ainsi que les retenues de substitution et collinaires, en permettant un remplissage dès lors que les niveaux d’eau sont suffisants ou excédentaires en période de crue.
Enfin, je vous invite à encourager la recherche en matière de techniques d’accroissement de la ressource en eau et la réutilisation des captages d’eau potable abandonnés pour des usages non alimentaires, tels l’irrigation ou l’arrosage public.
En ce qui concerne le troisième pan, à savoir la simplification des procédures et l’allégement des normes applicables à l’eau, mes travaux m’ont permis de constater que, selon la classification des cours d’eau – ruisseau, rivière, canal ou simple fossé –, les possibilités d’entretien diffèrent, qu’une demande préalable à l’entretien doit être effectuée par les services départementaux, que les procédures administratives ne sont pas toujours d’une rapidité suffisante, que le mauvais entretien des cours d’eau est pointé comme un facteur aggravant des inondations.
Au regard de cette complexité, je vous demande, madame la secrétaire d’État, de bien vouloir faire en sorte que l’ONEMA fasse plus de pédagogie et moins de répression, de simplifier au maximum toutes les autorisations dites « loi sur l’eau », à commencer par les procédures de nettoyage des rivières et des fossés, de raccourcir les procédures et d’alléger les contraintes d’autorisation de pompage et de mise en œuvre des OUGC, de réduire les délais d’instruction des dossiers de création de réserves en eau et de les sécuriser juridiquement.
J’invite également le Gouvernement à prévoir, dans le code de l’environnement, une application du principe de continuité écologique qui tienne compte de la petite hydroélectricité, laquelle est la première source d’énergie renouvelable, développée pour l’essentiel par les moulins. À cet égard, je voudrais que l’on agisse avec pragmatisme et discernement en matière d’arasement des seuils, afin de préserver le fonctionnement des moulins.
En ce qui concerne le quatrième pan, à savoir la gouvernance de l’eau, la complexité des SDAGE ne permet pas aux acteurs de l’eau d’en comprendre les fondements. Certains d’entre eux, comme les industriels, les irrigants, les jeunes agriculteurs, sont sous-représentés au sein des instances de bassin. J’invite donc le Gouvernement à revoir le contenu des SDAGE, en y intégrant notamment un volet prospectif sur l’anticipation du changement climatique, à rééquilibrer la composition des instances de bassin en prévoyant qu’elles seront constituées, par tiers, de représentants des consommateurs, des collectivités et des utilisateurs industriels et agricoles.