Séance en hémicycle du 21 février 2017 à 14h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • circulaire
  • d’eau
  • l’eau
  • recyclage
  • transition

La séance

Source

La séance, suspendue à douze heures trente-cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de Mme Jacqueline Gourault.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Le Gouvernement a demandé d’avancer à dix heures, le jeudi 23 février, le débat sur le bilan du choc de simplification pour les entreprises, qui était initialement prévu à dix heures trente.

Il n’y a pas d’opposition ?…

Il en est ainsi décidé.

En conséquence, l’ordre du jour du jeudi 23 février 2017 s’établit comme suit :

À dix heures : débat sur le bilan du « choc de simplification » pour les entreprises.

À quinze heures : questions d’actualité au Gouvernement.

À seize heures quinze : proposition de loi pour le maintien des compétences « eau » et « assainissement » dans les compétences optionnelles des communautés de communes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat qu’il a été saisi le 21 février 2017, en application de l’article 61, alinéa 2, de la Constitution, par plus de soixante sénateurs, de la loi relative à l’extension du délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse.

Le texte de cette saisine est disponible au bureau de la distribution.

Acte est donné de cette communication.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

L’ordre du jour appelle l’examen, à la demande du groupe Les Républicains, de la proposition de résolution visant à agir avec pragmatisme et discernement dans la gestion de l’eau, présentée, en application de l’article 34-1 de la Constitution, par M. Rémy Pointereau et plusieurs de ses collègues (proposition n° 247).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Rémy Pointereau, auteur de la proposition de résolution.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémy Pointereau

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le rôle du législateur – notre rôle – est d’élaborer et d’évaluer les lois, mais il est également de les faire évoluer. Tel est précisément l’objet de la présente proposition de résolution, qui vise à bonifier la loi du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques, dite « LEMA ».

En effet, dix ans après l’adoption de cette loi, j’ai pu constater, au cours de mes travaux réalisés au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, que les quatre pans suivants pouvaient être améliorés : la gestion qualitative de l’eau, sa gestion quantitative, la simplification des procédures et l’allégement des normes, la planification et la gouvernance.

Je ne referai pas la genèse de la LEMA ; nous avons déjà eu l’occasion de la faire lors du débat sur l’eau du 19 octobre dernier. Aujourd’hui, je veux surtout prendre le temps de vous présenter chacune des préconisations formulées dans cette proposition de résolution, sachant que l’un des fils conducteurs de ma réflexion a été la simplification.

En ce qui concerne le premier pan, la gestion qualitative de l’eau, le « thermomètre » normatif change trop souvent, alors que l’ensemble des acteurs de l’eau, particulièrement les agriculteurs et les collectivités, ont fait et font encore des efforts considérables pour satisfaire aux critères fixés par la directive-cadre sur l’eau, la DCE, et par la loi Grenelle.

Je vous invite donc, madame la secrétaire d’État – je ne cesserai de le répéter –, à veiller à ce que les normes applicables s’en tiennent au strict respect des directives européennes.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémy Pointereau

Je vous invite également à fixer des objectifs réalistes, pragmatiques et stables, afin de pouvoir mesurer les progrès réels enregistrés en matière de politique de l’eau. Car des progrès, les acteurs de l’eau en font énormément.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémy Pointereau

Récemment, l’agence de l’eau Loire-Bretagne a indiqué que la qualité physico-chimique de l’eau s’était fortement améliorée depuis dix ans, ce qui prouve que les nouvelles pratiques agricoles contribuent fortement à l’amélioration de la qualité de l’eau. Pour que cela puisse continuer, une stabilité normative est évidemment nécessaire.

En outre, je considère que les ponctions sur les budgets des agences de l’eau au profit du budget de l’État font peser un réel danger sur l’investissement des collectivités, et donc sur l’emploi local. Elles ne peuvent que pénaliser les collectivités dans leurs travaux d’investissements, mais également dans la réalisation des engagements européens. C’est pourquoi je vous invite à supprimer ces ponctions, afin de garantir un financement stable de la politique de l’eau et le respect des objectifs de qualité de l’eau fixés à l’échelon européen. En mettant fin à ce prélèvement, dont le montant atteint 500 millions d’euros depuis 2014, nous pourrons redonner vie au principe, fondamental selon moi, selon lequel l’eau doit payer l’eau.

Lors des auditions que j’ai menées, j’ai pu observer un manque de concertation sur les décisions prises et de directives claires. J’ai également constaté que les diagnostics diffusés par les services du ministère, notamment par l’ONEMA, l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques, se fondent uniquement sur les points négatifs des ouvrages, sans jamais tenir compte de leurs apports positifs éventuels, comme le potentiel de production hydro-électrique ou le maintien d’un niveau d’eau, avec une humidité des sols, dans les parcelles jouxtant les ouvrages. Le Conseil général de l’environnement et du développement durable, le CGEDD, avait par exemple mis en évidence, en 2013, un manque de données, d’études et de concertation sur l’abaissement des seuils, lequel a en outre une incidence négative sur l’érosion des berges et sur la qualité agricole des sols. J’invite le Gouvernement à favoriser les solutions au cas par cas, acceptables économiquement et socialement.

Mes chers collègues, les moyens manquent pour assurer la mise en œuvre et le fonctionnement des aires d’alimentation des captages, ainsi que l’animation locale à même d’instaurer une dynamique vertueuse, en concertation avec les agriculteurs. Nous savons aussi que les collectivités chargées de la mise en œuvre des aires d’alimentation et des actions de lutte contre les pollutions manquent de moyens financiers.

Par ailleurs, je considère que la suppression, prévue dans le projet de loi de finances pour 2017, de la taxe finançant le Fonds de garantie du risque de développement lié à l’usage des boues en agriculture ou sylviculture risque de se traduire, sur le terrain, par la remise en cause des plans d’épandage, et donc par d’importantes difficultés, pour certaines collectivités, en matière d’élimination de leurs boues d’épuration.

C’est pourquoi je vous invite dans un premier temps, madame la secrétaire d’État, à renforcer les moyens financiers des collectivités territoriales pour la protection des captages, les réseaux d’assainissement et les stations d’épuration. Dans un second temps, je vous demande de rétablir ladite taxe, afin de maintenir ce fonds de garantie, voire d’étendre son champ d’intervention à d’autres matières résiduaires épandables, afin de satisfaire les besoins de sécurité exprimés par les acteurs agricoles de la filière.

En ce qui concerne le deuxième pan d’amélioration, à savoir la gestion quantitative de l’eau, les organismes auditionnés nous ont fait part d’une information inquiétante : 20 % de l’eau traitée et mise en distribution est perdue en raison des fuites dans les réseaux d’eau potable, ce qui représente une perte annuelle d’un milliard de mètres cubes d’eau, soit près d’un tiers des prélèvements d’eau destinés à l’irrigation, dont on sait qu’elle est trop souvent contestée.

Ces fuites peuvent être liées à la vétusté des installations et des canalisations, aux évolutions et aux mouvements des sols ou encore à la pression élevée de l’eau dans les canalisations. Je vous demande, madame la secrétaire d’État, de soutenir financièrement les collectivités, particulièrement en zone rurale, dans leur lutte contre ces fuites d’eau sur les réseaux d’eau potable. Je souhaite également que l’on puisse avoir une connaissance plus approfondie de ces réseaux.

Je souhaiterais aussi évoquer l’absence de sécurité juridique des organismes uniques de gestion collective, les OUGC. Ces organismes ont été créés afin de mettre en œuvre la gestion volumétrique prévisionnelle de l’eau instaurée par la LEMA. Malheureusement, j’ai pu constater que leur mise en œuvre pratique se heurte à un certain nombre de difficultés. Il n’y a, en effet, aucun lien contractuel entre les membres de ces organismes. Sur le terrain, les OUGC ont des formes juridiques variées. Pour le Conseil d’État, ces organismes sont des « objets juridiques non identifiés ». J’invite donc le Gouvernement à les sécuriser juridiquement en clarifiant les liens entre les OUGC et les irrigants. Il faut aussi renforcer la présence des acteurs et professionnels concernés au sein des comités d’orientation des organismes uniques de gestion collective.

Améliorer la gestion quantitative de l’eau nécessite également de mettre en place une meilleure gestion du stockage de l’eau. La quantité d’eau disponible sur notre planète ne varie pas, mais elle est de plus en plus mal répartie. Il faut donc stocker l’eau. Malheureusement, on constate, sur le terrain, une diminution des surfaces irriguées, à cause de la complexité des autorisations de pompage et des difficultés liées à l’instruction des dossiers de demande de stockage d’eau pour l’agriculture, personne n’ayant la même interprétation du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux, le SDAGE. Je considère que la ressource en eau pour l’agriculture doit redevenir une priorité et être reconnue comme une richesse en termes de diversification des cultures –c’est une obligation européenne – et une assurance pour les récoltes, notamment pour les semences.

Enfin, madame la secrétaire d’État, la réglementation française en matière de réutilisation des eaux usées, définie par l’arrêté du 25 juin 2014 qui fixe les prescriptions techniques particulières pour les systèmes d’irrigation et d’arrosage par aspersion, est beaucoup trop complexe.

Je vous invite donc à clarifier la définition des SDAGE. Les projets de stockage d’eau donnent lieu à de nombreux contentieux, comme on l’a vu dans les Charentes ou à Sivens.

Je vous demande également de définir des plans d’action conciliant protection de la qualité de l’eau et potentiel de production et prenant mieux en compte l’évaluation des risques – inondation, sécheresse –, en favorisant par exemple la création de bassins d’écrêtement des crues, de favoriser la recharge des nappes phréatiques en dehors des périodes d’étiage, ainsi que les retenues de substitution et collinaires, en permettant un remplissage dès lors que les niveaux d’eau sont suffisants ou excédentaires en période de crue.

Enfin, je vous invite à encourager la recherche en matière de techniques d’accroissement de la ressource en eau et la réutilisation des captages d’eau potable abandonnés pour des usages non alimentaires, tels l’irrigation ou l’arrosage public.

En ce qui concerne le troisième pan, à savoir la simplification des procédures et l’allégement des normes applicables à l’eau, mes travaux m’ont permis de constater que, selon la classification des cours d’eau – ruisseau, rivière, canal ou simple fossé –, les possibilités d’entretien diffèrent, qu’une demande préalable à l’entretien doit être effectuée par les services départementaux, que les procédures administratives ne sont pas toujours d’une rapidité suffisante, que le mauvais entretien des cours d’eau est pointé comme un facteur aggravant des inondations.

Au regard de cette complexité, je vous demande, madame la secrétaire d’État, de bien vouloir faire en sorte que l’ONEMA fasse plus de pédagogie et moins de répression, de simplifier au maximum toutes les autorisations dites « loi sur l’eau », à commencer par les procédures de nettoyage des rivières et des fossés, de raccourcir les procédures et d’alléger les contraintes d’autorisation de pompage et de mise en œuvre des OUGC, de réduire les délais d’instruction des dossiers de création de réserves en eau et de les sécuriser juridiquement.

J’invite également le Gouvernement à prévoir, dans le code de l’environnement, une application du principe de continuité écologique qui tienne compte de la petite hydroélectricité, laquelle est la première source d’énergie renouvelable, développée pour l’essentiel par les moulins. À cet égard, je voudrais que l’on agisse avec pragmatisme et discernement en matière d’arasement des seuils, afin de préserver le fonctionnement des moulins.

En ce qui concerne le quatrième pan, à savoir la gouvernance de l’eau, la complexité des SDAGE ne permet pas aux acteurs de l’eau d’en comprendre les fondements. Certains d’entre eux, comme les industriels, les irrigants, les jeunes agriculteurs, sont sous-représentés au sein des instances de bassin. J’invite donc le Gouvernement à revoir le contenu des SDAGE, en y intégrant notamment un volet prospectif sur l’anticipation du changement climatique, à rééquilibrer la composition des instances de bassin en prévoyant qu’elles seront constituées, par tiers, de représentants des consommateurs, des collectivités et des utilisateurs industriels et agricoles.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémy Pointereau

Il importe surtout de reconnaître les propriétaires ruraux comme des acteurs environnementaux.

Il s’agit d’agir avec discernement et pragmatisme. Telle est la feuille de route que nous proposons.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Alain Bertrand applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Bérit-Débat.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner la proposition de résolution présentée par notre collègue Rémy Pointereau, au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, cosignée par plusieurs de ses collègues. Elle fait suite au débat que nous avons eu ici même, le 19 octobre dernier, sur les conclusions de deux rapports publiés au printemps 2016 relatifs à la problématique de la gestion de l’eau. On me permettra de reprendre plusieurs des observations que j’avais formulées à cette occasion devant vous-même, madame la secrétaire d’État.

Avant d’en venir au fond du sujet et aux préconisations de cette proposition de résolution, il me semble opportun de réaffirmer que cette thématique nous oblige, en tant que citoyens, bien sûr, mais aussi et surtout en tant que législateurs. Il n’est pas vain de rappeler à quel point la gestion de l’eau est vitale, non seulement pour l’avenir de notre planète et de la biodiversité, mais aussi pour celui de l’espèce humaine.

L’accès à l’eau et la gestion durable de cette ressource sont des enjeux majeurs dans le contexte d’un réchauffement climatique de plus en plus prégnant, comme cela a été rappelé à maintes reprises au cours de nos précédents échanges.

Il ne fait aucun doute que la problématique des conflits d’usage liés à l’eau constitue l’un des grands défis que l’humanité devra relever au cours des prochains siècles, sous l’effet conjugué d’une baisse de la ressource en eau et de l’augmentation des demandes d’usages induite par la hausse continue de la population mondiale. À l’heure où 40 % de celle-ci ne bénéficie pas encore aujourd’hui d’un accès suffisant à l’eau potable, vous conviendrez aisément avec moi, mes chers collègues, qu’un partage plus équitable et une gestion plus économe de cette ressource sont des impératifs qui s’imposent d’eux-mêmes.

L’eau est, par essence, une ressource à usages multiples. Les ménages, l’industrie, l’agriculture, mais aussi les activités nautiques ou encore la pêche en sont dépendants, ce qui engendre une concurrence parfois forte dans certains territoires.

Certaines activités humaines, plus que d’autres, sont confrontées à des difficultés d’approvisionnement récurrentes, jusqu’à parfois courir le risque de disparaître. Je fais ici notamment référence à l’agriculture, secteur qui me tient particulièrement à cœur et auquel je consacrerai une partie de mon propos.

Venons-en au texte de la proposition de résolution qui nous est présentée aujourd’hui.

Le dixième anniversaire de la LEMA, que nous avons célébré à la fin de l’année 2016, nous a déjà donné l’occasion d’établir un premier bilan. Si je partage sur plusieurs points le constat dressé par notre collègue auteur de la proposition de résolution, notamment concernant la mise en œuvre de cette loi, encore largement imparfaite, je suis, sur le fond, comme un certain nombre de mes collègues, en désaccord avec plusieurs observations formulées.

Tout d’abord, je tiens à mettre en avant la nécessité de penser les politiques de l’eau sur le temps long. Dans cette perspective, mes chers collègues, je vous invite à apprécier les progrès réalisés à leur juste valeur avant de prôner de nouveaux chocs de simplification, qui risquent être sans lendemain, et de nouvelles réformes, qui risquent être vaines. Là où, hier, les différents acteurs ne dialoguaient pas, où l’administration imposait une gestion centralisée et où les conflits de voisinage étaient innombrables, la LEMA a apporté des solutions réelles.

Avec la loi NOTRe portant nouvelle organisation territoriale de la République, en 2015, et la loi MAPTAM de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, en 2014, une nouvelle étape nécessaire dans la réforme de la gouvernance de l’eau a été franchie. La gestion de l’eau et de l’assainissement a été confiée aux EPCI – pour l’heure tout au moins –, et la compétence GEMAPI – gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations – a été créée. Cette réforme prolonge un effort de décentralisation louable…

Debut de section - Permalien
Un sénateur du groupe Les Républicains

Avec quels moyens ?

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

… et améliore encore l’implication des élus, ce dont nous pouvons nous féliciter. Elle participe également – je voudrais insister sur ce point – à l’amélioration de la cohérence territoriale et à la régionalisation de la gestion de l’eau, engagée voilà déjà plusieurs années avec la création des comités de bassin.

Si l’empilement administratif a longtemps constitué un frein à la rationalisation de la gestion de l’eau, la technocratisation des structures et la complexité des démarches sont bien aujourd’hui, à mon sens, les véritables défis que la nouvelle gouvernance décentralisée que nous souhaitons doit permettre de relever. Dès lors, stabilité et rationalisation doivent aujourd’hui s’imposer, afin de permettre aux élus de s’approprier cette réforme et de s’adapter à ces évolutions.

J’aborderai maintenant l’aspect plus spécifique de la gestion qualitative de l’eau.

Les textes communautaires exigeaient le bon état écologique des deux tiers des masses d’eau de surface dans notre pays en 2015. Cet objectif n’a pour le moment pas été atteint. Est-ce faire preuve de zèle ou de velléités de surtransposition que de simplement vouloir s’y conformer ? Je ne le pense pas, mes chers collègues.

Les objectifs ambitieux qui sont les nôtres, nous les avons nous-mêmes définis dans la directive-cadre sur l’eau, tant au niveau national qu’au niveau communautaire, et la révision des SDAGE pour la période 2016-2021, voulue par le Gouvernement, devrait nous aider à les atteindre. Les remettre en cause serait, je le pense, un renoncement, au regard des marges de manœuvre existantes.

Ces priorités ont d’ailleurs été replacées au cœur des programmes d’intervention des agences de l’eau, qui bénéficient, quoi qu’on en dise, d’un important soutien financier de l’État.

Quant à l’extension des missions des agences de l’eau, si j’entends les réticences exprimées, ayant moi-même partagé certaines d’entre elles, je suis forcé de reconnaître que l’élargissement de leur champ d’action à la biodiversité terrestre permettra désormais de traiter la problématique de la gestion de l’eau dans sa globalité, au travers d’une extension des compétences et des types de financement.

À ce sujet, j’ai bon espoir que le discernement prôné par l’auteur de cette proposition de résolution permette de voir dans cet élargissement l’occasion d’instaurer une plus grande complémentarité dans l’intervention des services publics d’État, plutôt qu’une atteinte au principe, assez rigide parfois, selon lequel l’eau doit payer l’eau.

J’en viens à la délicate question de la gestion quantitative de l’eau, deuxième axe du texte examiné.

Élu d’un territoire éminemment rural, comme beaucoup de mes collègues, j’ai été, l’été dernier encore, singulièrement touché par les témoignages de nombreux agriculteurs de mon département, la Dordogne, gravement affectés par l’épisode de sécheresse qui a vu le déficit pluviométrique atteindre jusqu’à 85 % en juillet et 70 % en août.

La filière céréalière, l’élevage et même la trufficulture ont été particulièrement touchés : ces filières ont dû gérer les conséquences d’une baisse de production.

L’augmentation des moyens de stockage, grâce à la création d’un nombre de réserves en eau adapté aux besoins de chaque territoire, est un enjeu crucial, d’autant qu’une partie importante du Sud-Ouest, au premier chef le bassin Adour-Garonne, connaît une situation préoccupante en raison d’un très faible nombre de retenues et de très vastes surfaces cultivées. Or cette solution permet de sécuriser à la fois l’abreuvement des animaux et l’irrigation des cultures, tout en maintenant un étiage satisfaisant.

Sans être pour autant l’unique remède, les réserves et les retenues collinaires sont donc une alternative efficace aux prélèvements en milieu naturel en période de sécheresse. Prévue par la LEMA, la réalisation de telles réserves continue de relever du chemin de croix, malgré la levée du moratoire sur le financement de ces retenues par les agences de l’eau en 2013 ou l’affirmation du cofinancement de ces projets par ces mêmes agences dans l’instruction du 4 juin 2016.

Je ne peux que déplorer cette situation. Comme vous le savez, madame la secrétaire d’État, les agriculteurs n’ont pas la même échelle de temps que le législateur. Il nous revient de leur proposer des solutions adaptées. Le bon sens et le pragmatisme doivent prévaloir sur ce sujet, …

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

… de même que la prise en compte des réalités locales. Ensemble, ces éléments doivent concourir à privilégier les projets de territoire, idée qui, je m’en réjouis, semble aujourd’hui faire consensus.

Les écueils sont cependant toujours nombreux. La lourdeur de la réglementation, par exemple, demeure une réalité tenace, même si des efforts ont été réalisés, comme en atteste la simplification des procédures en matière d’autorisation unique pour les projets soumis à la loi sur l’eau.

Aussi, à mes yeux, ne pourrons-nous faire l’économie d’efforts supplémentaires en matière d’allégement de la législation, de simplification des démarches, de réduction des délais d’instruction des dossiers ou d’amélioration de la coordination des financements.

De même, un tel effort est particulièrement souhaitable dans le domaine de la mise en œuvre des organismes uniques de gestion collective, dont les procédures, malgré certains progrès, restent très indigestes et les périmètres encore trop souvent incohérents.

À ce stade, je voudrais dire un mot sur un autre sujet d’importance, cheval de bataille de nombreux élus ruraux : le curage des fossés, le nettoyage des rivières et le classement des cours d’eau. Je délivrerai là encore une mention « encouragement », eu égard à l’élaboration de la cartographie visant à distinguer cours d’eau et fossés lancée en 2015 par le Gouvernement. La lisibilité doit rester une priorité, afin de faire en sorte que les relations entre élus, agriculteurs et services de l’État soient les plus saines possible.

J’évoquerai enfin les moulins et installations hydroélectriques qui jalonnent les cours d’eau de notre pays. Très nombreux dans mon département, ils constituent un patrimoine unique au monde.

Je n’avais pas manqué, lors de ma précédente intervention, à l’automne dernier, d’exprimer un certain nombre d’inquiétudes relatives au conflit opposant préservation de la continuité écologique des cours d’eau et protection de ce patrimoine.

Très opportunément, l’adoption du projet de loi ratifiant deux ordonnances sur l’énergie est venue apporter, la semaine dernière, une solution de compromis, soutenue par la Mme Ségolène Royal ; je m’en félicite. En réservant la dispense des règles applicables aux moulins existants aux ouvrages situés sur les cours d’eau classés en liste 2, le dispositif adopté en commission mixte paritaire a écarté le risque d’effacement qu’ils couraient jusqu’à présent. C’est une belle avancée.

Enfin, sur la question de la gestion de l’eau, je souhaite redire une fois de plus qu’il nous appartient de ne pas opposer préservation de l’environnement et poursuite des activités humaines. La gestion durable de cette ressource, que seule une prise de conscience de l’ensemble des acteurs, économiques comme non économiques, peut permettre, doit être fondée sur des pratiques plus économes et respectueuses de l’environnement.

L’agriculture, par le développement de l’irrigation de précision, de l’agroécologie, de nouvelles pratiques culturales, a réalisé des progrès remarquables dans ce domaine, notamment au cours des cinq dernières années. Le volontarisme à toute épreuve de notre ministre de l’agriculture, Stéphane Le Foll, y est pour beaucoup : je tiens à lui rendre hommage.

Pour conclure, si le constat que j’ai esquissé semble globalement faire consensus sur nos travées, vous aurez compris que mon avis, comme celui de mes collègues du groupe socialiste et républicain du Sénat, sur un certain nombre des préconisations de cette proposition de résolution est bien plus nuancé. C’est pourquoi nous nous abstiendrons.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Alain Bertrand applaudit également.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Gremillet

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, moins d’un mois après le Forum mondial pour l’alimentation et l’agriculture, qui s’est tenu à Berlin du 19 au 21 janvier 2017, le Sénat se penche à nouveau sur la question de la gestion optimisée de la ressource en eau et de sa performance économique.

Je tiens tout d’abord à saluer la qualité des travaux de notre collègue Rémy Pointereau, …

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Gremillet

… dont les conclusions ont le mérite de proposer un certain nombre de pistes d’action à propos de cet enjeu stratégique pour notre pays. À cet égard, je regrette l’absence de Mme la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Gremillet

Cette proposition de résolution offre une feuille de route pour les années à venir. Si la gestion de l’eau est une urgence déclarée, elle est également une formidable chance pour la France et ses territoires, à condition de relever les défis avec pragmatisme, pour reprendre la formule de notre collègue Rémy Pointereau.

Agir avec pragmatisme signifie mettre en œuvre une véritable politique nationale de l’eau, une politique dynamique. Ne l’oublions pas, madame la secrétaire d'État, notre territoire a la chance de bénéficier d’une pluviométrie assez exceptionnelle. Dès lors que nous avons l’intelligence de gérer et de stocker l’eau à bon escient, la France dispose de capacités formidables en la matière.

Il y a un siècle, alors que notre pays comptait moins de 40 millions d’habitants, ceux qui nous ont précédés ont su créer un patrimoine, en termes de stockage de l’eau, autrement plus important que ce que nous parvenons à faire aujourd'hui, avec plus de 20 millions d’habitants supplémentaires.

À cet égard, l’amendement visant à assouplir les règles administratives relatives aux petits ouvrages et aux moulins pour favoriser le développement de la petite hydroélectricité va dans le bon sens. Je souhaiterais d'ailleurs que le travail réalisé par le Sénat lors de l’élaboration de la loi Montagne – je pense en particulier aux mesures visant à faciliter le recours à l’irrigation gravitaire en zones de montagne – soit placé au centre de la feuille de route.

Agir avec pragmatisme signifie aussi recentrer la politique de l’eau sur les territoires et les acteurs locaux. Sur ce point, je partage pleinement le point de vue de l’auteur de la proposition de résolution. Il est essentiel de redonner le pouvoir à celles et ceux qui agissent sur les territoires, aux maires, aux structures intercommunales. C’est l’échelon le plus adapté pour traiter la problématique de l’eau.

Agir avec pragmatisme signifie également capitaliser sur la recherche et l’innovation, ainsi que surmonter les barrières psychologiques et réglementaires. L’apport absolument formidable des technologies nouvelles nous permet d’être optimistes. Ainsi, dans l’industrie agroalimentaire, on est capable de récupérer 70 % de l’eau lors de la fabrication de poudre de lait. Malheureusement, madame la secrétaire d'État, la réglementation n’autorise pas la réutilisation de ces millions de mètres cubes d’eau à des fins alimentaires, parce qu’ils ne proviennent pas d’un réseau d’eau. C’est un véritable gâchis ! Je rappelle que certains pays autorisent l’emploi de cette eau, qui est tout à fait pure. Ainsi, comme l’avaient souligné Henri Tandonnet et Jean-Jacques Lozach dans leur rapport, la limite n’est pas technologique, elle est réglementaire.

En conclusion, la gestion de l’eau est un enjeu stratégique pour les années à venir, sur les plans économique et environnemental. Les générations précédentes ont su gérer la ressource en eau ; gageons que les générations futures le sauront également. C’est dans cet esprit que nous soutenons cette proposition de résolution.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Henri Tandonnet et Alain Bertrand applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Favier

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le texte qui nous occupe aujourd’hui est le premier d’une série de trois traitant de la question de l’eau, chacun sous un angle particulier. C’est la preuve, s’il en était besoin, de l’intérêt que nous portons tous à ce sujet. Droit à l’eau, gestion de la ressource, partage de celle-ci : chacun de ces aspects mérite qu’on s’y arrête, même si l’on peut regretter que nos débats restent parfois sans lendemain et qu’aucune vision globale ne se dégage.

« Agir avec pragmatisme et discernement dans la gestion de l’eau » : tel est l’intitulé choisi par notre collègue Rémy Pointereau pour cette proposition de résolution. Nous partageons cette ambition. Cependant, une lecture attentive du texte présenté nous amène à constater que la nécessaire adaptation aux changements climatiques n’y est pas évoquée. Or, la ressource ne se crée pas, elle se gère ; si elle se raréfie, nous devons nous adapter. L’anticipation de la raréfaction de la ressource, notamment dans le sud de la France, mais aussi à Mayotte, où la population est privée d’eau potable deux jours sur trois depuis la mi-décembre dans le sud de l’île, voilà le véritable défi qui s’impose à nous.

Concernant le texte de la proposition de résolution, si les trois premiers « attendus » se réfèrent à la Constitution, à la loi et au rapport d’information de notre collègue, les autres s’appuient sur des observations et des avis de M. Pointereau, qui, s’ils partent de faits objectifs, interprètent ces derniers d’une façon que nous ne pouvons pas reprendre à notre compte.

J’en viens maintenant aux mesures préconisées par cette proposition de résolution.

Tout d’abord, celles qui concernent la gestion qualitative de l’eau portent essentiellement sur les normes et les moyens. Nous avons nous-mêmes dénoncé à de nombreuses reprises les prélèvements opérés par l’État sur les fonds de roulement des agences de l’eau. Cette pratique et la dénonciation d’une fonctionnarisation au rabais avaient d’ailleurs motivé une grève des personnels de ces dernières, en décembre. Le sujet est d’autant plus important aujourd’hui que ces agences voient leurs missions s’élargir depuis le vote de la loi sur la biodiversité. Nous savons tous que les moyens des collectivités diminuent alors même que les besoins augmentent.

Cependant, la qualité de l’eau, c’est d’abord celle de l’eau telle que nous la trouvons. C’est pourquoi nous plaiderons une fois de plus pour des politiques préventives, visant à éviter la pollution de l’eau. Parler de la préservation de l’eau, qu’elle soit qualitative ou quantitative, sans parler des pollutions ne permet pas d’établir un diagnostic à la fois juste et partagé.

La moitié des masses d’eau est aujourd'hui dégradée du fait des pollutions diffuses, d’origine essentiellement agricole, liées à l’utilisation de produits divers et variés. Préserver la ressource impose donc de faire évoluer nos modes de production, en reconnaissant l’unicité du cycle de l’eau, quels que soient les usages. Préserver la ressource doit ainsi nous inciter à limiter l’emploi des pesticides, voire à l’interdire. Or, sur cette question, la position du groupe Les Républicains est claire : les amendements que nous avons déposés en ce sens n’ont jamais obtenu son soutien. Pourtant, interdire les pesticides, c’est protéger la santé de tous, en premier lieu celle des agriculteurs, parmi lesquels on ne compte plus les cas de cancers précoces.

J’évoquerai ensuite les propositions relatives à la gestion quantitative de l’eau. Lutter contre les fuites d’eau des réseaux et en donner les moyens aux collectivités est primordial ; nous sommes bien évidemment d’accord sur ce point. Le reste des propositions concernent essentiellement l’agriculture : c’est le cœur de cette résolution. Il s’agit au fond de faire en sorte que la ressource en eau soit gérée prioritairement par et pour l’agriculture. Or, nous avons toujours considéré que la ressource devait être partagée équitablement entre tous les acteurs, en répondant à la diversité des besoins. L’eau est un bien commun et assurer la consommation humaine d’une eau de qualité est notre priorité. Je le redis, la ressource ne peut, malheureusement, que diminuer. L’agriculture doit chercher non pas à augmenter sa part - ce qui se ferait immanquablement au détriment des autres utilisateurs -, mais à s’adapter à une ressource moindre, ce qui n’est pas contradictoire avec une meilleure gestion de la ressource sur toute l’année.

Par ailleurs, la simplification des procédures et des normes est le sujet privilégié de M. Pointereau. Il est certes souhaitable de simplifier les procédures de nettoyage des rivières et des fossés, mais l’on ne nettoie pas n’importe quand et n’importe comment, sauf à tout détruire, et parfois pour longtemps. Le sujet est complexe, et simplifier ne doit pas signifier laisser faire, libéraliser ou déréguler. La norme n’a pas que des aspects négatifs ; elle sert aussi, souvent, à protéger l’intérêt général.

Enfin, sur la question de la gouvernance, nous notons avec intérêt la demande d’un volet prospectif concernant les changements climatiques. Nous souscrivons à la proposition de gérer les milieux aquatiques et de prévenir les inondations au niveau des bassins versants, le transfert de cette compétence aux intercommunalités constituant un désengagement évident de l’État. Pour autant, nous souhaiterions que la responsabilité soit partagée en bonne intelligence entre les différents acteurs et l’État.

À la suite de l’entrée en vigueur des différentes lois de réforme territoriale, il est nécessaire de réintroduire de la cohérence et de la souplesse dans une architecture territoriale complexifiée, pour une meilleure rationalisation des services de l’eau et de l’assainissement.

Pour conclure, cette proposition de résolution constitue une réponse aux enjeux liés à l’eau bien trop limitée à nos yeux, tant en matière de protection de la ressource qu’en prévision des dérèglements climatiques.

En termes de gouvernance et de moyens, nous sommes pessimistes quant au soutien apporté aux collectivités, rien ne laissant présager une fin prochaine des politiques d’austérité auxquelles celles-ci sont aujourd'hui confrontées, si l’on en juge par les programmes défendus par certains candidats à l’élection présidentielle…

J’ajoute que cette proposition de résolution laisse de côté la question sociale, pourtant essentielle, de l’accès à l’eau et de la maîtrise publique.

Pour l’ensemble de ces raisons, nous ne soutiendrons pas cette proposition de résolution.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Bertrand

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, l’état écologique de seulement 44 % des masses d’eau de surface est jugé « bon » ou « très bon », ce qui signifie qu’il est mauvais pour près de 60 %… Quelques progrès ont été accomplis.

Notre collègue Rémy Pointereau nous soumet la présente proposition de résolution, fondée sur son rapport établissant un bilan dix ans après l’adoption de la loi LEMA sur l’eau et les milieux aquatiques.

Le groupe du RDSE partage une partie des constats dressés et les propositions formulées par les auteurs de ce texte. En effet, la gestion de l’eau demeure trop complexe, comme beaucoup de choses dans notre pays. La politique de l’eau implique par nature une gestion équilibrée, à laquelle nous sommes tous attachés.

Si la législation applicable est complexe, elle a fait régulièrement l’objet d’assouplissements ces dernières années. Pourtant, elle bloque ou freine les choses en matière de prévention des inondations, de travaux agricoles ou de valorisation du patrimoine et du milieu naturel ou halieutique.

Certes, il n’est pas évident de distinguer un cours d’eau d’un fossé ou d’une rase, comme on dit dans le Massif central. L’État a réuni récemment les agriculteurs, ses services, les fédérations de pêche en vue de la réalisation d’une cartographie. Cet exercice a été utile, parce qu’il a permis à chacun de réfléchir.

Des évolutions ont été récemment introduites pour ce qui est des moulins et de l’hydroélectricité, en évitant une déréglementation excessive qui porterait préjudice à tous, comme l’a souligné Claude Bérit-Débat. Pour autant, la restauration de la continuité écologique des cours d’eau, qui était une condition sine qua non posée par la directive « qualité », n’est pas assurée.

En matière de protection contre les inondations, mon groupe n’est pas d’accord avec les auteurs de la proposition de résolution. La compétence GEMAPI, chère à Pierre-Yves Collombat, apportera de la cohérence. Il est possible d’agir par bassin, par sous-bassin, par bassin versant, et d’instaurer une « taxe GEMAPI ».

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Bertrand

En ce qui concerne la quantité, mais aussi la qualité, des marges de manœuvre importantes existent, notamment dans le secteur agricole. On ne devrait plus voir, lorsque l’on circule sur les autoroutes du Sud-Ouest, des espèces de lances d’arrosage cracher d’énormes jets d’eau en plein soleil ! Il existe des dispositifs plus modernes. Les agriculteurs eux-mêmes sont d’accord pour améliorer leurs pratiques.

Par ailleurs, un soutien renforcé doit être apporté aux collectivités ; nous sommes tous d’accord sur ce point.

Pourquoi nous abstiendrons-nous ? Le texte de notre collègue Pointereau est excellent, mais il manque encore d’ambition.

Il conviendrait de réaffirmer la nécessité de donner la priorité à l’amont, c'est-à-dire de commencer la dépollution par les zones sommitales ou apicales.

Nous aurions aimé que soit abordée la question de la baisse considérable de la valeur patrimoniale nationale de nos cours d’eau. Qu’il s’agisse du Jura, des Alpes, des Vosges, de l’arc méditerranéen, de la zone frontalière avec la Suisse, de la Bretagne, du Sud-Ouest, des Pyrénées, …

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Bertrand

… notre patrimoine de rivières et de cours d’eau s’est déprécié grandement !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Bertrand

M. Alain Bertrand. En Haute-Marne, la Voire, qui est une excellente rivière à truites, est aujourd'hui dans une situation difficile. Je la connais, comme presque toutes les rivières de France, pour y avoir pêché !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Bertrand

Nous déplorons également l’absence, dans ce texte, de mesures permettant la restauration et les travaux en cours d’eau. Aux États-Unis, dans le Montana, où la pêche et l’agriculture tiennent une grande place, lorsqu’une rivière a été détournée par les crues, ensablée, qu’elle déborde et entrave l’agriculture, on autorise les travaux sur quinze ou vingt kilomètres. En France, c’est impossible. Il aurait fallu évoquer ce point.

Nous regrettons en outre une insuffisante affirmation du principe pollueur-payeur, l’absence de mention de solutions nouvelles, tels les barrages intelligents, les barrages de soutien d’étiage ou les nouvelles possibilités techniques de production hydroélectrique, ainsi que l’absence d’évocation des grandes plus-values économiques – je pense au plan saumon, qui avait été imaginé par M. Valéry Giscard d’Estaing. §L’Allier est fermé à la pêche, les gaves de Pau et d’Oloron sont menacés, de même que les rivières bretonnes : cela relève d’une véritable incurie ! J’aurais voulu que l’on nous parle de l’extinction des droits de pêche professionnelle contre rémunération, que l’on évoque une nouvelle doctrine d’emploi de la police de l’eau. Il faudrait creuser à la pelle mécanique le lit de certaines rivières menacées d’ensablement, mais on en reste à une situation de blocage, alors que tout le monde y a intérêt : l’agriculteur, l’aménageur, de même que le pêcheur, les caches et les habitats piscicoles ayant disparu.

Bref, cette proposition de résolution n’évoque pas la totalité des sujets qui me préoccupent ! Je rêve que les usiniers, les agriculteurs, les aménageurs, les pêcheurs, tous les utilisateurs de l’eau unissent leurs intelligences afin de forger un meilleur avenir pour nos eaux, nos poissons, nos rivières. C’est possible !

Nous nous abstiendrons sur votre proposition de résolution, mon cher collègue Pointereau, tout en soulignant que vous avez bien fait de la présenter.

Applaudissements sur certaines travées de l'UDI-UC, du groupe Les Républicains et du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Tandonnet

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, en 2006, la LEMA a tenté de prendre en compte la question de l’adaptation au changement climatique dans la gestion des ressources en eau. Depuis, le dérèglement climatique ne cesse de s’accentuer et emporte des conséquences extrêmes dans le domaine de l’eau. Nous devons prendre la mesure de l’urgence et anticiper ces évolutions pour ne pas les subir.

Je salue donc l’initiative de notre collègue Rémy Pointereau, qui a dressé un bilan de l’application de la loi sur l’eau et les milieux aquatiques dix ans après son adoption, en rappelant les grands principes posés par ce texte et en constatant que leur mise en œuvre concrète est parfois problématique.

Cette proposition de résolution décline des mesures de simplification, de planification, de gestion qualitative et quantitative de l’eau, dont bon nombre me paraissent intéressantes. Le temps qui m’est imparti ne me permettant pas de revenir sur chaque point, j’évoquerai principalement la gestion de la ressource et la gouvernance.

En matière de gestion de la ressource, la première des solutions qui vient à l’esprit est d’économiser l’eau. Cela paraît évident, mais ce n’est pas si simple.

D’abord, nous élus locaux le savons bien : les réseaux de distribution sont largement perfectibles, de 20 % à 25 % de l’eau prélevée n’arrivant pas à l’usager. Cette situation est d’autant plus préoccupante qu’il s’agit, le plus souvent, d’eau traitée et rendue potable, donc chère. Comme le souligne la proposition de résolution, un soutien financier aux collectivités serait nécessaire pour mettre en place un plan de contrôle et de renouvellement des canalisations en vue de lutter contre ces fuites.

Économiser l’eau doit aussi rester un objectif pour le monde agricole : il s’agit de produire plus, durablement, avec moins d’eau. L’engagement progressif de l’agriculture française dans des initiatives en faveur de l’irrigation de précision et de l’agrobiologie doit être encouragé et soutenu.

Nous devons cependant rester lucides : la simple gestion de la ressource existante ne suffira pas à répondre aux besoins durant les périodes de crise, qui vont se multiplier. Il faut favoriser la recherche et tracer de nouvelles pistes de réflexion sur la réutilisation des eaux usées, mais aussi et surtout sur les réserves d’eau.

Plutôt que de considérer les eaux usées comme étant chargées en polluants et dangereuses, il conviendrait de les traiter et de les réutiliser comme une ressource possible, dans le cadre d’une économie circulaire.

L’Espagne est actuellement le leader européen en matière de réutilisation des eaux usées. Barcelone, par exemple, réutilise déjà 300 000 mètres cubes d’eau recyclée par jour, pour l’irrigation, l’alimentation de la rivière et la recharge des nappes.

Je ne dis pas que nous devons appliquer la même politique ; je pense néanmoins que nous devons prendre en compte le fait que le marché du traitement des eaux usées connaît une croissance à l’international de plus de 20 % par an environ. Il représente une belle opportunité pour les entreprises françaises du secteur de l’eau, qui promeuvent des avancées technologiques en la matière et sont en mesure d’apporter des solutions permanentes au marché. La réglementation française ne laisse que très peu de marges de manœuvre pour les projets nationaux. Par conséquent, nos entreprises manquent de repères et d’expérience pour faire valoir leurs solutions sur ces marchés internationaux en attente de solutions innovantes. Nous devons donc franchir le cap de la réutilisation des eaux usées, déjà pratiquée dans de nombreux pays.

En matière d’amélioration de la gestion quantitative de l’eau, la proposition de résolution préconise de « favoriser les retenues de substitution et collinaires ». Je partage totalement l’idée de constituer des réserves d’eau en période d’abondance pour les utiliser en période de pénurie.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Tandonnet

Quelle que soit leur nature ou leur capacité, les réserves d’eau peuvent servir à de nombreux usages : irrigation, maintien du débit d’étiage, prévention des inondations, réponse aux besoins des ménages et de l’industrie, ainsi qu’à ceux de la production d’énergie d’origine hydraulique ou nucléaire pour les grosses réserves.

La création de réserves d’eau pour l’agriculture constitue une sécurité primordiale en vue d’assurer la pérennité et la contractualisation des récoltes. Les besoins de l’irrigation sont ceux de l’alimentation : sans eau, pas de nourriture ! Les consommateurs doivent prendre conscience que la production d’aliments représente des quantités d’eau importantes. On peut parler d’« eau virtuelle » pour évoquer le volume d’eau nécessaire à la production des biens de consommation, dont le consommateur final ignore souvent l’ampleur.

Notre indépendance alimentaire dépend beaucoup de la disponibilité de l’eau pour l’agriculture. Rien ne sert de se priver de nos ressources si nous devons importer d’autres pays bien plus fragiles que le nôtre nos produits alimentaires, et ainsi y provoquer des dégâts écologiques.

Enfin, je soutiens l’idée, avancée par les auteurs du texte, d’encourager « la recharge des nappes phréatiques en dehors des périodes d’étiage », autre forme de stockage pertinente.

Il faudra du temps pour que les mesures d’économie et de constitution de réserves produisent leurs effets, en vue d’une part de faire évoluer les mentalités et les comportements, d’autre part d’aboutir à la réalisation d’investissements coûteux. Il sera donc essentiel de prendre en compte ces réflexions lors de l’élaboration d’une prochaine loi structurante dans le domaine de l’eau.

Je souhaite maintenant aborder la question de la gouvernance, car il est aussi urgent de travailler sur la façon d’appréhender le partage commun de la ressource.

L’organisation autour des agences de bassin est pertinente. Elle permet d’avoir une vue d’ensemble de toute la problématique de l’eau sur la totalité du bassin. C’est un échelon cohérent tant au niveau technique que sur le plan environnemental. Si les résultats se sont fait attendre, cela tient à la gestion bien trop centralisée des bassins, qui est à remettre en cause.

Les comités de bassin, qui ont pour mission d’arrêter les grandes orientations pour l’eau dans leur secteur, ne peuvent malheureusement pas être assimilés à un parlement de l’eau : leur rôle reste purement consultatif. Il est grand temps de leur donner un réel pouvoir, pour organiser une gestion décentralisée par bassin et sous-bassin territorial, en lien avec une mobilisation de tous les acteurs autour de projets territoriaux partagés, et non imposés. Une maîtrise d’ouvrage décentralisée doit aller de concert avec une gouvernance réellement décentralisée, et non déconcentrée, recevant directement de Paris des instructions déconnectées des réalités du bassin.

Enfin, la création de la compétence GEMAPI me semble être une bonne piste puisque, sur le terrain, il faudra croiser les politiques agricoles, d’urbanisme, de gestion des milieux aquatiques pour adapter la ressource aux besoins, et mobiliser tous les acteurs autour des projets locaux.

La proposition de résolution évoque cependant le département comme échelon à favoriser pour l’exercice de la compétence GEMAPI ; je ne partage pas ce point de vue et préfère la solution actuelle, beaucoup plus souple.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Tandonnet

Pour conclure, aujourd’hui, la politique de l’eau reste marquée par une vision très anglo-saxonne, c’est-à-dire par l’idée que l’eau est une ressource abondante, dont nous ne manquons absolument pas.

La LEMA doit être révisée selon un prisme bien plus méditerranéen, en prenant vraiment en compte l’ampleur du changement climatique, qui s’accentue, et des conflits d’usage qui l’accompagnent. Si nous anticipons vraiment la situation, l’eau constituera une réponse à la crise climatique.

Le groupe UDI-UC soutient la majorité des mesures contenues dans cette proposition de résolution, qui nous permet d’envisager l’avenir et de réfléchir à des axes d’amélioration de la politique de l’eau. Nous la voterons donc.

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur certaines travées du groupe Les Républicains. – M. Alain Bertrand applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, chers collègues, nous examinons aujourd’hui une proposition de résolution visant à agir avec pragmatisme et discernement dans la gestion de l’eau.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Les ambitions des auteurs de ce texte à l’intitulé flatteur semblent louables.

Les précédents intervenants ont souligné la nécessité de préserver l’eau : d’une part, nos ressources en eau ne sont pas inépuisables et le réchauffement climatique accélère fatalement leur appauvrissement en ce qu’il entraîne un désordre de la pluviométrie ; d’autre part, en plus d’être reconnu comme un droit de l’homme par les Nations unies, l’accès à l’eau potable constitue une nécessité pour la survie de l’espèce humaine. Concilier ces deux enjeux nous semble indispensable. C’est pourquoi, sur le principe, nous ne pouvons que vous rejoindre, monsieur Pointereau, sur la nécessité d’une bonne gestion de ce que l’on appelle, à juste titre, l’« or bleu ».

Une partie du texte répond aux enjeux. Il est évident que nous devons encourager la recherche en matière de techniques d’accroissement de la ressource en eau, qu’il faut accorder un soutien financier aux collectivités pour lutter contre les fuites d’eau sur les réseaux d’eau potable et que le contenu des schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux doit tenir compte de l’anticipation du changement climatique.

À juste titre, vous préconisez de mettre fin à la politique de ponction des budgets des agences de l’eau pour alimenter celui de l’État. Ces établissements publics ont pour mission de contribuer à réduire les pollutions de toutes origines et de protéger les ressources en eau et en milieu aquatique. Eu égard aux enjeux, nous refusons que les budgets de ces établissements puissent jouer le rôle de variables d’ajustement.

Cependant

Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Le droit européen, certes, affirme que l’eau n’est pas un bien marchand, mais un patrimoine qu’il convient de défendre et de protéger comme tel.

À ce titre, la directive-cadre européenne sur l’eau du 23 octobre 2000 et les textes européens ultérieurs ont fixé un certain nombre d’objectifs en termes d’amélioration de la qualité de l’eau. L’affirmation de ces objectifs réalistes, qui ont ensuite été transposés en droit français, constitue une réponse au changement climatique qui s’impose à nous chaque jour.

Néanmoins, au regard de l’urgence de la situation, qui a été rappelée tout au long de la COP21, notre droit doit être encore plus ambitieux et contraignant pour garantir nos ressources en eau. Or votre proposition de résolution laisse planer un doute sur votre volonté d’instaurer des règles rigoureuses, monsieur Pointereau !

Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

La protection de l’eau implique le respect d’un certain nombre de procédures lors de son utilisation. Pour faciliter la gestion de l’eau, vous entendez modifier ces procédures, que vous jugez complexes. Je suis tenté de vous dire que c’est la vie qui est complexe !

Dans la majorité des cas, vous ne précisez nullement en quoi consisterait cette simplification. Ce flou nous inquiète, car nous refusons que les normes environnementales soient écartées ou amoindries au nom de la simplification. Nous vous voyons venir, monsieur Pointereau !

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

Vous nous faites un procès d’intention !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Simplifier le droit de l’eau ne doit pas signifier détruire les protections environnementales.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Or la seule mesure de simplification explicitée dans la présente proposition de résolution vient corroborer cette inquiétude. En effet, il est proposé d’alléger les contraintes de mise en œuvre des organismes uniques de gestion collective, notamment l’obligation de réaliser des études préalables pour l’obtention de l’autorisation unique de prélèvement de l’eau.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Si la gestion de l’eau doit être facilitée, cela ne doit être au détriment ni des usagers ni des normes environnementales. Sur ce sujet, il existe d’autres pistes de réflexion, qui seront abordées tout au long de la semaine.

En conclusion, si le groupe écologiste considère qu’il faut agir avec pragmatisme et discernement dans la gestion de l’eau

Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

M. Jean Desessard. … il considère également que ce pragmatisme et ce discernement doivent être dictés par un impératif de protection de l’eau face au réchauffement climatique. Cette proposition de résolution comporte des avancées, mais nous aurions aimé que soit levé le flou entourant la simplification préconisée et nous craignons une application a minima des directives européennes. C’est pourquoi nous nous abstiendrons.

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et sur certaines travées de l’UDI -UC. – M. Alain Bertrand applaudit également.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de René Danesi

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, chers collègues, ce débat sur la présente proposition de résolution est d’abord l’occasion de nous interroger sur les raisons qui ont souvent conduit à légiférer, en matière de gestion de l’eau, sans pragmatisme et avec peu de discernement.

La première raison, me semble-t-il, est la disparition progressive de l’acceptation du risque. Le risque n’a plus droit de cité, et l’État doit protéger de tout, tout le temps. Or l’État et ses administrations vont au plus simple : protéger en empêchant, notamment en empêchant d’habiter.

Riverain de l’Allemagne, je constate que, dans ce pays, on fait exactement le contraire : on protège pour mieux habiter, car on n’y oppose pas développement et protection.

Debut de section - PermalienPhoto de René Danesi

La deuxième raison est que les études d’impact, les multiples calculs ingénieux et normes réglementaires ont fini par se substituer au bon sens et à l’expérience. Le souvenir d’une crue, transmis de génération en génération, est remplacé par un calcul de risque dont les variables diffèrent en fonction d’intérêts bien défendus, quand ce n’est pas d’une idéologie.

La troisième raison est que la gestion de l’eau est devenue un enjeu financier entre l’État, les agences de l’eau et les collectivités locales. Devant l’absence d’une stratégie claire de subsidiarité, nous voilà avec une compétence partagée cahin-caha.

La proposition de résolution de notre collègue Rémy Pointereau pointe les atteintes au bon sens et préconise la mise en œuvre de trois principes.

Le premier consiste à laisser davantage de liberté. Il faut cesser de contraindre plus que de raison, pour s’en tenir à ce qui est strictement nécessaire en termes d’intervention.

En effet, au fil du temps et des lois successives, nous n’avons cessé de demander davantage d’interventions dans la gestion de l’eau, avec toujours plus de contraintes. La conséquence est simple : aujourd'hui, il faut trois mois à une équipe de juristes pour obtenir l’autorisation de réaliser un simple arasement de banc de gravier dans un fleuve !

Debut de section - PermalienPhoto de René Danesi

Devant cette situation, seules deux options sont possibles : accepter une augmentation non maîtrisée des coûts ou faire l’intervention discrètement, en espérant que la police de l’eau n’en sera pas informée… Trop de lois tuent la loi !

Debut de section - PermalienPhoto de René Danesi

Le deuxième principe est de revenir au bon sens. Plutôt que de détailler les directives européennes et de surréglementer, il serait plus utile d’effectuer une bonne retranscription des principes directeurs. En effet, les conséquences de l’application de certains textes de loi sont parfois surprenantes.

Par exemple, à cause de la règle de minimis, il est impossible pour une collectivité de faire simplement appel à un agriculteur pour des prestations de services environnementales, telles que le maintien en herbe, sans passer par la mise en place de « mesures agroenvironnementales ».

Le troisième principe est la subsidiarité dans la clarté. Dans un domaine aussi ondoyant et divers, mais toujours technique, que la gestion de l’eau, la subsidiarité doit être de mise. En France, la moitié des départements portent le nom d’un cours d’eau. En France, la plupart des grands gestionnaires de cours d’eau et de digues sont des syndicats mixtes dont les principaux contributeurs sont les départements. Dans ces conditions, pourquoi ceux-ci ont-ils été exclus de l’exercice de la compétence GEMAPI par la loi MAPTAM, ce qui déstabilise complètement des départements qui s’étaient bien organisés, tel le Haut-Rhin, où le conseil départemental apporte l’ingénierie et de 40 % à 70 % du montant des investissements à tous les syndicats mixtes.

Cette proposition de résolution appelle une traduction législative qui permettra aux territoires de s’organiser plus facilement, à moindre coût et souvent, in fine, pour mieux assurer la sécurité des populations urbaines et la qualité de leur alimentation en eau.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, de la loi du 16 décembre 1964 relative au régime et à la répartition des eaux et à la lutte contre leur pollution à la loi du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques, dite « LEMA », en passant par la loi du 3 janvier 1992, le législateur a montré un souci constant des problématiques afférentes à l’eau.

Gouvernance de l’eau, gestion qualitative et quantitative de l’eau, simplification administrative : telles ont été, légitimement, les priorités de l’action publique. Pourtant, cette dernière est d’une complexité confondante. Pis, les résultats ne sont pas à la hauteur : conflits de compétences, moyens insuffisants, instabilité normative, conflits d’usages et qualité écologique défaillante sont le quotidien d’une politique publique devenue illisible.

Nous devrions pourtant avoir un objectif simple : concilier les différents usages de l’eau pour rendre les activités humaines soutenables économiquement et écologiquement.

Cet objectif est-il inaccessible ? Je ne le crois pas. D’ailleurs, nous l’atteignons dans bien des cas, et ce malgré un environnement normatif erratique. La France se situe en effet au-dessus de la moyenne européenne en matière de qualité des eaux.

De fait, la gestion de l’eau est un merveilleux exemple d’une politique dont les intrications perpétuelles nous font oublier le potentiel de notre pays.

S’agissant de la gouvernance, la division du travail entre l’Agence française pour la biodiversité, qui remplace notamment l’ONEMA, le Comité national de l’eau, les agences de l’eau, les comités de bassin, les commissions locales, le préfet coordonnateur de bassin et les syndicats communaux et intercommunaux n’a rien de cohérent.

Dans un esprit identique, la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages a consacré la fusion d’établissements publics, ainsi que le transfert de la compétence GEMAPI : je ne crois pas que la gestion de l’eau ait été la priorité de ces réformes de circonstance. Sinon, comment expliquer que les agences de l’eau voient leurs compétences élargies à la biodiversité terrestre ? Quoi qu’il en soit, c’est ainsi qu’un problème de gouvernance devient un problème budgétaire…

De plus, le problème de gouvernance entraîne des dommages collatéraux. Nous sommes spectateurs de la destruction en cours des 60 000 moulins de France, au nom de la continuité écologique et au mépris de la conciliation harmonieuse des différents usages de l’eau, dans le respect du patrimoine et des obligations de notre pays. Il nous faut bien sûr être attentifs à ce que les propriétaires des moulins respectent un mode de fonctionnement permettant la remontée des poissons. Pourquoi créer des instances consultatives au niveau national, au niveau de chaque bassin hydrographique et de chaque sous-bassin, pour en arriver à une situation aussi absurde ? J’aimerais que Mme la secrétaire d'État puisse apporter une réponse à cette interrogation, ma question écrite d’avril 2016, portant sur le même sujet, n’en ayant jamais reçu…

Le même constat vaut pour l’agriculture, le rôle de l’ONEMA, qui est à la fois un guichet pour accompagner des projets et un organe répressif, puisqu’il assure la police de l’environnement, suscitant beaucoup de confusion, et parfois de ressentiment.

Nous ne pourrons pas agir avec pragmatisme et discernement dans le domaine de l’eau, comme le souhaite notre collègue Rémy Pointereau, tant que nous ne serons pas venus à bout du péché originel, si j’ose dire, que constitue cette gouvernance illisible.

Pour cette raison, et pour beaucoup d’autres que je n’ai malheureusement pas le temps de développer, je voterai, comme mon groupe, cette proposition de résolution. D’ailleurs, je crois pouvoir dire que celle-ci rencontre une forte adhésion. En particulier, la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies, la FNCCR, qui a exprimé les mêmes griefs à l’endroit de la gestion de l’eau en France, formule des préconisations voisines de celles de notre collègue Rémy Pointereau. La FNCCR nous invite à poursuivre nos travaux sur ce sujet ; c’est ce que nous ferons, pour qu’enfin notre politique de l’eau soit rationnelle, d’abord, et ambitieuse, ensuite.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Yves Détraigne et Alain Bertrand applaudissent également.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer le dépôt de cette proposition de résolution par notre collègue Rémy Pointereau. Elle fait suite à son rapport d’information établi au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.

L’eau est un bien précieux, une ressource qu’il faut préserver et bien gérer, qu’il s’agisse de la nappe phréatique, des fleuves, des rivières ou des ruisseaux. Parce qu’il est réellement indispensable de connaître parfaitement les réseaux, leur histoire, leur évolution, la participation active d’interlocuteurs de proximité et de l’ensemble des partenaires est nécessaire à cette bonne gestion.

L’eau et l’assainissement font partie des priorités de l’État, des collectivités territoriales et des agences de l’eau en matière de gestion, de travaux de maintenance et d’investissements.

L’analyse des factures d’eau fait apparaître des différences importantes en termes de prix de l’eau et de mode de calcul de celui-ci. Le coût réel de l’eau est de plus en plus significatif. Au prix de l’eau net, qui inclue le coût de l’assainissement et du traitement, s’ajoutent différentes taxes et redevances, d’où une complexité croissante et des écarts de prix au mètre cube allant de un à huit, voire davantage.

En milieu urbain, le service de l’eau est souvent confié à de grands groupes qui assurent l’entretien, les travaux, la gestion et la facturation aux abonnés. Pour ma part, je témoignerai modestement en tant que maire, depuis 2001, d’une commune de 170 habitants où le service de l’eau est géré en commune isolée. Avec une station de pompage, deux réservoirs et un réseau ancien en mauvais état, la gestion de l’eau est un réel problème : crainte de coupures d’eau ou de courant interrompant la distribution, analyses d’eau à la demande de l’agence régionale de santé, dont le coût pèse sur notre budget annexe… La lutte contre les fuites requiert un engagement de tous les jours et une bonne connaissance du réseau et de ses limites. Dans ma commune, la maintenance et le dépannage vingt-quatre heures sur vingt-quatre sont confiés à un syndicat qui gère au mieux et dont les interventions reposent souvent sur la compétence des fontainiers. Cette solution a certes un coût pour notre modeste budget annexe « eau potable », mais elle nous permet de conserver une gestion de proximité.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

C’est pourquoi de nombreux élus, en particulier dans le monde rural, souhaitent le maintien des petits syndicats. Ces derniers fonctionnent grâce à des bénévoles qui connaissent parfaitement le réseau.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

M. Marc Laménie. Gérer au mieux, économiser les ressources en eau reste une priorité et une responsabilité collectives. Je soutiens naturellement cette proposition de résolution, qui répond à des enjeux fondamentaux de développement durable.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC. – M. Alain Bertrand applaudit également.

Debut de section - Permalien
Hélène Geoffroy, secrétaire d'État auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargée de la ville

Madame la présidente, monsieur l’auteur de la proposition de résolution, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes réunis cet après-midi pour débattre de la politique de l’eau, sujet d’importance s’il en est, au travers de l’examen d’une proposition de résolution qui fait suite au rapport de M. Pointereau relatif au bilan de l’application de la loi de 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques. Ce rapport avait été débattu dans cette enceinte en octobre dernier ; j’étais alors déjà présente au banc du Gouvernement, de même que lorsque le Sénat a examiné la proposition de résolution sur les contrats de ressources. Nous poursuivons donc aujourd’hui un échange engagé il y a quelques mois.

L’exposé des motifs de la présente proposition de résolution rappelle les enjeux majeurs auxquels devait répondre la loi sur l’eau et les milieux aquatiques.

L’ensemble des orateurs l’ont rappelé, l’eau est une ressource précieuse, et sa gestion est un sujet complexe. Il s’agit de mettre en œuvre une politique publique permettant de répartir au mieux la ressource disponible, d’assurer sa bonne qualité pour tous les usages, y compris la production d’eau potable, de préserver les milieux aquatiques et tous les services qu’ils nous rendent, de gérer à la fois la pénurie et les inondations.

Pour être efficiente, une telle politique doit s’adapter aux réalités locales, qui sont, comme vous l’avez unanimement rappelé, très diverses. Elle doit également prendre en compte des contraintes économiques.

Nous avons parfois tendance à oublier ce caractère complexe, car, la plupart du temps, les enjeux que je viens d’évoquer sont pris en considération de façon équilibrée. Néanmoins, des crises, comme celle que connaît Mayotte actuellement, viennent parfois nous rappeler que rien n’est pleinement acquis. Le Gouvernement œuvre, avec les collectivités concernées, au rétablissement prochain d’une situation normale, ainsi que, sur le long terme, pour assurer une gestion durable de la ressource et un niveau de service d’eau potable et d’assainissement satisfaisant.

L’exposé des motifs de la proposition de résolution insiste sur la nécessité de la simplification. Je tiens à vous rassurer d’emblée : cet enjeu est partagé par le Gouvernement.

Debut de section - Permalien
Hélène Geoffroy, secrétaire d'État

Le Gouvernement a commencé à mettre la simplification en œuvre…

Debut de section - Permalien
Hélène Geoffroy, secrétaire d'État

… dans le domaine de l’eau comme dans d’autres, ainsi que le montrent plusieurs évolutions récentes.

Debut de section - Permalien
Hélène Geoffroy, secrétaire d'État

Par exemple, l’autorisation environnementale remplacera, à compter du 1er mars 2017, les autorisations au titre de la loi sur l’eau, avec des délais d’instruction réduits à neuf mois, au lieu de douze à quinze mois actuellement.

Cette autorisation sera notamment applicable aux projets de retenues ou aux prélèvements d’eau au-delà d’un certain seuil. Elle remplacera l’ensemble des autorisations, déclarations et dérogations environnementales requises, et permettra une analyse de l’ensemble des impacts du projet.

Vous avez demandé une application plus stricte des directives européennes : il va sans dire que le Gouvernement compte également aller dans ce sens.

Concernant la clarification entre les cours d’eau et les fossés et leurs règles d’entretien, une instruction du Gouvernement du 3 juin 2015 a demandé aux services déconcentrés de cartographier les cours d’eau, qui sont désormais définis dans le code de l’environnement. M. Alain Bertrand a signalé que, sur son territoire, ce processus était engagé ; je le remercie de ce témoignage.

Nous avons également précisé les bonnes pratiques en matière d’entretien. Je rappelle que l’entretien courant du cours d’eau et de ses berges – faucardage, élagage, enlèvement d’atterrissements ponctuels – peut être réalisé par le propriétaire riverain sans procédure préalable. En outre, l’entretien des fossés ne nécessite pas de procédure préalable particulière.

Comme l’ont rappelé MM. Bérit-Débat et Pointereau, en matière de politique de l’eau, seule une association de l’ensemble des acteurs permet d’atteindre l’efficacité.

Vous avez notamment souligné l’importance du rôle des agriculteurs dans la gestion de l’eau et vous proposez de développer des contrats avec les agriculteurs pour la prestation de services environnementaux. Pourquoi pas, mais cela devra se faire dans le respect de l’encadrement européen des aides d’État aux acteurs économiques et dans le cadre d’une démarche territoriale.

On peut constater que la politique de l’eau a une gouvernance adaptée aux différentes échelles pertinentes : au niveau national, avec le Comité national de l’eau, au niveau des bassins hydrographiques, avec les comités de bassin, au niveau des bassins versants, avec les commissions locales de l’eau.

Le débat parlementaire sur la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages a été l’occasion de faire évoluer la composition des comités de bassin. Je rappelle que les représentants des collectivités y ont conservé 40 % des sièges. De nombreux orateurs ont proposé de revoir cette composition. Mon avis sur ce point est extrêmement réservé. Il me semble qu’il convient maintenant de mettre en œuvre cette évolution de la composition des instances, sans y revenir sans cesse et sans affaiblir la place des collectivités dans les instances de bassin, aux côtés de l’État.

Sur un autre registre, M. Bérit-Débat a rappelé que la loi NOTRe a confié la gestion de l’eau et l’assainissement aux établissements publics de coopération intercommunale. Il faut laisser le temps à cette réforme de se mettre en place et accompagner les communes, qui peuvent se sentir seules face à ce champ d’intervention. Ce n’est qu’ensuite que nous pourrons en mesurer pleinement l’efficacité.

La compétence GEMAPI a été attribuée au bloc communal. Ce dernier dispose toutefois de la possibilité de la transférer aux syndicats de rivière, avec les ressources financières affectées, afin de garantir une cohérence hydrographique. Le schéma retenu par le Gouvernement est donc cohérent avec les préconisations de la proposition de résolution.

Cette organisation doit permettre de limiter le morcellement de cette compétence et de faire émerger des services d’eau plus robustes techniquement et financièrement. Les élus locaux y sont attachés. Étant moi-même élue d’une commune qui abrite les captages d’eau de son agglomération, je sais l’importance d’une gestion collective.

Monsieur Tandonnet, vous avez souligné la nécessité d’économiser l’eau. Il me semble que des services d’eau plus robustes techniquement et financièrement, plus aptes à assurer une gestion durable du patrimoine, peuvent y contribuer, notamment en matière de prévention des fuites sur les réseaux.

Plusieurs intervenants ont appelé à soutenir financièrement les collectivités dans la lutte contre les fuites d’eau et l’amélioration de la connaissance des réseaux d’eau potable. Je rappelle qu’entre 100 millions et 200 millions d’euros ont été ou seront consacrés à cette fin par les agences de l’eau entre 2015 et 2017.

Vous l’aurez compris, nos collectivités sont au cœur des démarches territoriales à mener avec les agriculteurs pour la reconquête de la qualité de l’eau de 1 000 captages d’eau potable prioritaires. L’Agence française de la biodiversité, créée par la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, apportera son aide, avec la mobilisation d’un centre de ressources qui permettra la diffusion d’exemples, d’outils et de méthodes pour accompagner les acteurs locaux.

En ce qui concerne les organismes uniques de gestion collective, l’eau est évidemment un facteur important pour l’agriculture, tout particulièrement dans un contexte de changement climatique qui va accroître la tension sur la ressource. Il importe donc de sécuriser le dispositif des organismes uniques de gestion collective. À ce titre, des consignes ont été données pour que leurs autorisations soient délivrées dès l’année dernière, afin qu’ils commencent à exercer leur mission.

Vous souhaitez renforcer la présence des acteurs et des professionnels au sein des comités d’orientation des organismes uniques de gestion collective. Nous y sommes favorables par principe. Je rappelle simplement que ces organismes ont été institués au cas par cas, sur proposition des irrigants. Ce sont souvent les chambres d’agriculture qui exercent ces missions. Les organismes uniques de gestion collective peuvent d’eux-mêmes modifier leur gouvernance interne, dans la limite du maintien des conditions d’égalité et d’équité de traitement entre tous les irrigants.

Par ailleurs, une instruction du Gouvernement du 4 juin 2015 a pour objet de permettre la création de retenues de substitution dans le cadre de projets de territoire partagés avec l’ensemble des acteurs concernés.

Au-delà de ces infrastructures artificielles qu’il nous faut continuer à construire, il ne faut pas oublier que la nature porte en elle-même des solutions : les zones humides permettent de stocker l’eau en période d’excédent, de favoriser la recharge des nappes et d’écrêter les crues ; leur préservation est essentielle.

L’accroissement de la ressource ne peut être le seul objectif en matière de gestion quantitative. Nous devons également travailler sur les impacts du réchauffement climatique, qui modifieront l’hydrologie et pourraient remettre en cause ces investissements assez rapidement. Les économies d’eau sont donc un levier essentiel, qui permettra de s’adapter à la rareté croissante de la ressource.

Je ne saurais achever mon propos sans parler de la politique de restauration de la continuité écologique, dont j’ai déjà eu l’occasion de débattre avec vous en octobre et en décembre. Je n’apporterai pas d’élément nouveau, car la position du Gouvernement est constante. L’objectif est de permettre la circulation des poissons migrateurs et des sédiments, tout en tenant compte des usages existants. Il n’est nullement question, je le redis, de faire table rase de tous les moulins de notre territoire !

L’effacement des seuils, solution économique et efficace sur le plan environnemental, est privilégié lorsqu’il ne remet pas en cause des usages, notamment la production hydroélectrique. Dans le cas contraire, d’autres mesures sont mises en œuvre, comme l’aménagement des seuils ou des règles de fonctionnement des ouvrages.

Dans l’ensemble de ces champs, les agences de l’eau apportent des soutiens financiers importants aux porteurs de projets : collectivités territoriales, agriculteurs, gestionnaires d’espaces naturels et particuliers. Je ne reviendrai pas sur la participation de ces agences au redressement des comptes de la Nation : nous en avons abondamment parlé lors de nos débats précédents. Je confirme simplement que, conformément à l’engagement pris par le Gouvernement, 2017 sera la dernière année où un prélèvement sera opéré sur les budgets des agences de l’eau.

Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Hélène Geoffroy, secrétaire d’État

Dans cet esprit, les agences de l’eau lancent des appels à projets en matière d’économies d’eau, pour permettre l’éclosion de démarches innovantes. La préservation et la restauration des zones humides sont là encore un enjeu essentiel.

Vous le voyez, monsieur Pointereau, le Gouvernement a entendu vos propositions. Certaines d’entre elles rejoignent nos intentions ; cela prouve que des convergences sont possibles… §D’autres, notamment en matière de gouvernance, appellent en revanche de notre part d’extrêmes réserves, voire un avis défavorable. Au demeurant, comme j’ai tâché de vous le démontrer, une partie des mesures que vous préconisez ont déjà reçu une traduction concrète.

Comme vous, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis convaincue que la préservation de l’eau, ce bien commun de la Nation, passe par une politique publique complète associant planification concertée, incitation financière, action régalienne et subsidiarité territoriale. Telle est la traduction concrète du pragmatisme et du discernement que nous appelons tous de nos vœux ! Le Gouvernement émet un avis de sagesse sur la présente proposition de résolution.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

La discussion générale est close.

Nous allons procéder au vote sur la proposition de résolution.

Le Sénat,

Vu l’article 34-1 de la Constitution,

Vu la Directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau (DCE) ;

Vu la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques (LEMA), ayant pour objectifs de doter la France des outils permettant d’atteindre, en 2015, l’objectif de « bon état des eaux » fixé par la DCE, d’améliorer le service public de l’eau et de l’assainissement, d’organiser l’accès à l’eau pour tous avec une gestion plus transparente et de prendre en compte l’adaptation au changement climatique dans la gestion des ressources en eau ;

Vu le rapport d’information de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, intitulé « Gestion de l’eau : agir avec pragmatisme et discernement », n° 807, 2015/2016 ;

Conscient que l’eau est une ressource rare, qu’elle n’appartient à personne et est la propriété de tous ;

Considérant que le thermomètre normatif en matière de gestion l’eau change trop souvent alors que l’ensemble des acteurs, usagers, consommateurs, professionnels, agriculteurs, industriels, contribuables, associations et collectivités ont fait et font des efforts considérables pour atteindre les critères fixés par la directive cadre sur l’eau (DCE) et ceux de la loi Grenelle ;

Considérant que les ponctions aux budgets des Agences de l’eau au profit du budget de l’État font peser un réel danger sur l’investissement des collectivités et donc sur l’emploi local, et ne peut que pénaliser les collectivités dans leurs travaux d’investissements, mais également dans la réalisation des engagements européens ;

Observant le manque de concertation et de directives claires sur les décisions prises, d’une diffusion de diagnostics se fondant uniquement sur les points négatifs des ouvrages, sans jamais tenir compte des apports positifs éventuels des différents ouvrages, comme par exemple la stabilité de biodiversité qu’elle permet, ou encore le potentiel de production hydro-électrique, ou le maintien d’un niveau d’eau (avec une humidité des sols) dans les parcelles jouxtant les ouvrages ;

Observant que les aires d’alimentation des captages (AAC) manquent de moyens pour leur mise en œuvre, leur fonctionnement, mais aussi d’animation locale à même d’instaurer une dynamique vertueuse, en concertation agricole; constatant que les collectivités en charge de la mise en œuvre des aires alimentations, des actions pour lutter contre les pollutions manquent de moyens financiers ;

Considérant que la suppression de la taxe finançant le fonds de garantie du risque de développement lié à l’usage des boues en agriculture ou sylviculture risque de se traduire sur le terrain par la remise en cause les plans d’épandage, et donc par d’importantes difficultés pour certaines collectivités en ce qui concerne l’élimination de leurs boues d’épuration; Observant que la profession agricole considère que cette taxe, pour les territoires où les boues sont épandues en agriculture, est une garantie nécessaire à la pérennité de cette pratique, dont les coûts de mise en œuvre sont bien supérieurs aux autres filières d’élimination des boues ;

Considérant que 20 % de l’eau traitée et mise en distribution est perdue en raison des fuites dans les réseaux d’eau potable, ce qui représente une perte annuelle d’un milliard de mètres cube, que les causes de ces fuites peuvent être liées à la vétusté des installations et des canalisations, à une corrosion naturelle, aux évolutions et mouvements des sols ou encore à la pression élevée de l’eau dans les canalisations, que le coût de financement des réseaux d’assainissement, particulièrement dans les territoires ruraux, justifient des investissements très importants, difficilement réalisable par certaines collectivités ;

Considérant le dispositif de gestion collective de l’eau introduit par la LEMA, et notamment la création des organismes uniques de gestion collective (OUGC) dans les secteurs en tension quantitative ; observant que les OUGC ne peuvent pas refuser l’accès à l’eau à un agriculteur hors de la zone de répartition des eaux (ZRE), que les périmètres de consommation restreinte ne respectent pas nécessairement les ressources ;

Considérant qu’environ un quart du territoire métropolitain est aujourd’hui inscrit en zones de répartition des eaux (ZRE), c’est-à-dire dans des sous-bassins hydrographiques caractérisés par une insuffisance chronique de la quantité d’eau mobilisable au regard des besoins à satisfaire, que ces ZRE ne sont pas tous justifiées ;

Constatant une diminution des surfaces irriguées à cause de la complexité des autorisations de pompage et des difficultés liées à l’instruction des dossiers de demande de stockage d’eau pour l’agriculture; considérant que la ressource en eau pour l’agriculture doit redevenir une priorité et considérée comme une richesse en termes de diversification des cultures (obligation européenne) et une assurance pour les récoltes, notamment pour les semences ;

Considérant la réglementation française en matière de réutilisation des eaux usées (REUT) et sa complexification par l’arrêté du 25 juin 2014 fixant des prescriptions techniques particulières pour les systèmes d’irrigation et d’arrosage par aspersion ;

Considérant que, selon la classification des cours d’eau – ruisseau, rivière, canal ou simple fossé –, les possibilités d’entretien diffèrent, qu’une demande préalable à l’entretien doit être effectuée et acceptée par les services départementaux, que les procédures administratives ne sont pas toujours d’une rapidité suffisante, que le mauvais entretien des cours d’eau est pointé comme un facteur aggravant des inondations ;

Considérant que l’arasement systématique des seuils des moulins menace de développement de la petite hydroélectricité qui représente en France une filière industrielle importante dans le domaine de l’énergie ;

Constatant que la complexité des schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux ne permet pas aux acteurs de l’eau d’en comprendre les fondements et de définir les modalités pratiques de mise en œuvre; observant que certains de ces acteurs semblent être sous-représentés, comme les irrigants, les jeunes agriculteurs ou les propriétaires ruraux, au sein des instances de bassin ;

Considérant que le niveau intercommunal n’est pas le mieux adapté pour l’exercice de la compétence relative à la gestion des milieux aquatiques et à la prévention des inondations (GEMAPI), pour des raisons financières et parce qu’il ne correspond pas à la notion de bassin versant ;

Affirme l’urgence de parvenir à une meilleure gestion qualitative et quantitative de la ressource en eau ;

En conséquence, invite le Gouvernement à engager les mesures suivantes.

Pour une meilleure gestion qualitative de l’eau :

Veiller à ce que les normes applicables s’en tiennent au strict respect des directives européennes et fixer des objectifs réalistes, pragmatiques et stables, afin de pouvoir mesurer les progrès réels effectués en matière de politique de l’eau ;

Interdire tout prélèvement par l’État sur le fonds de roulement des agences de l’eau, afin de garantir un financement stable de la politique de l’eau et d’atteindre les objectifs de qualité de l’eau fixés au niveau européen; appliquer le principe de « l’eau paye l’eau » ;

Favoriser les solutions au cas par cas, acceptables économiquement et socialement, ainsi que la combinaison de différentes techniques pour restaurer la continuité écologique ; inscrire les modifications de seuils dans le cadre d’actions plus globales de restauration du milieu aquatique dans son ensemble ;

Mieux utiliser les moyens du fonds de garantie boues mis en place par la loi du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques ;

Renforcer les moyens financiers pour les collectivités locales dans la protection des captages, des réseaux d’assainissement et stations d’épurations.

Pour une meilleure gestion quantitative de l’eau :

Soutenir financièrement les collectivités pour lutter contre les fuites d’eau sur les réseaux d’eau potable et mettre en place un plan d’action visant à acquérir une connaissance plus approfondie de ces réseaux, rechercher et réparer les fuites ou renouveler les conduites ;

Sécuriser juridiquement les organismes uniques de gestion collective (OUGC) en clarifiant les liens entre les OUGC et les irrigants ;

Renforcer la présence des acteurs et professionnels concernés au sein des comités d’orientation des organismes uniques de gestion ;

Promouvoir le développement de contrats avec les agriculteurs pour effectuer des prestations de services environnementaux ;

Définir des plans d’action qui concilient protection de la qualité de l’eau et potentiel de production et qui prennent mieux en compte l’évaluation des risques (inondations, sécheresse, etc.) en favorisant par exemple des bassins d’écrêtement des crues ;

Favoriser la recharge des nappes phréatiques en dehors des périodes d’étiages ou lorsque la situation le permet ;

Favoriser les retenues de substitution et collinaires avec la possibilité de remplissage dès lors que les niveaux d’eau sont suffisants ou excédentaires en période de crue ;

Encourager la recherche en matière de techniques d’accroissement de la ressource en eau ;

Réutiliser les captages d’eau potable abandonnés pour des usages non alimentaires (irrigation, arrosage public, etc.).

Pour une simplification des procédures et l’allégement des normes applicables à l’eau :

Simplifier les procédures de nettoyage des rivières et des fossés ;

Raccourcir les procédures et alléger les contraintes d’autorisation de pompage, et de mise en œuvre des organismes uniques de gestion collective, notamment les obligations en matière d’études préalables pour l’obtention de l’autorisation unique de prélèvement ;

Raccourcir les délais d’instruction pour les dossiers de création de réserves en eau et les sécuriser juridiquement ;

Compléter l’article L. 214-17 du code de l’environnement, qui concerne les obligations relatives aux ouvrages, afin de préciser que le classement des cours d’eau en liste, c’est-à-dire dans lesquels il est nécessaire d’assurer le transport suffisant des sédiments et la circulation des poissons migrateurs, doit permettre de concilier le rétablissement de la continuité écologique avec les différents usages de l’eau, et en particulier le développement de la production d’électricité d’origine renouvelable ;

Agir avec pragmatisme et discernement pour un arasement non systématique des seuils et préserver le fonctionnement des moulins qui font partie du patrimoine national.

Pour une meilleure gouvernance et planification de l’eau :

Revoir le contenu des schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux en y intégrant notamment un volet prospectif sur l’anticipation au changement climatique et en les simplifiant ;

Rééquilibrer la composition des instances de bassin sur la base d’une répartition prévoyant un tiers de consommateurs et associations agréés par l’État, un tiers de collectivités et un tiers d’utilisateurs industriels et agricoles ;

Reconnaître les propriétaires ruraux comme des acteurs environnementaux ;

Attribuer la compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (GEMAPI) à une collectivité correspondant davantage à un bassin versant (département ou syndicat de rivière) à condition de leur transférer les moyens financiers pour en assurer la mise en œuvre en lien étroit avec les agences de l’eau.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Mes chers collègues, je rappelle que la conférence des présidents a décidé que les interventions des orateurs valaient explications de vote.

Je mets aux voix la proposition de résolution.

La proposition de résolution est adoptée.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC. – M. Alain Bertrand applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe écologiste, sur le thème « Économie circulaire : un gisement de matières premières et d’emploi ».

La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, oratrice du groupe auteur de la demande.

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, chers collègues, le groupe écologiste a en effet demandé la tenue de ce débat sur l’économie circulaire pour faire suite à la mission d’information sur l’inventaire et le devenir des matériaux et composants des téléphones mobiles. Rapporteur de cette mission, je tiens à remercier Jean-François Longeot, qui l’a présidée, et tous nos collègues qui y ont participé, pour l’adoption unanime de notre rapport et l’ambiance studieuse et conviviale de nos travaux.

Il faut dire que ce tout petit sujet nous révéla de grandes lacunes dans la prise en compte des enjeux associés à la quarantaine de composants précieux, pour certains toxiques et pour quelques-uns nommés « minerais de sang » par les ONG, parce qu’extraits en zone de conflit aux dépens des droits humains.

Nos auditions et déplacements ont révélé un devenir des téléphones obsolètes laissé au hasard des tiroirs des particuliers, au vrac des déchets électriques et électroniques, les DEEE, à la timide reprise par les opérateurs et vendeurs, suivie d’irresponsables ventes aux enchères descendantes de grands sacs mélangeant le jetable et le réparable, ce qui est très commode pour faire franchir illicitement les frontières aux déchets.

Nous avons visité, dans les Deux-Sèvres, les Ateliers du bocage, partenaires d’Emmaüs, qui diagnostiquent, vident de leurs données, évaluent et réparent les téléphones, revendant ce qui est fonctionnel et envoyant aux fonderies spécialisées le reste, matière recyclable. Nous avons visité également une de ces grandes entreprises industrielles d’où sortent des lingots : elle est établie non pas sur les friches de Metaleurop ou à Florange, mais près d’Anvers…

L’engagement des investisseurs, de l’État et des éco-organismes reste bien insuffisant pour financer la nécessaire recherche-développement en vue de construire des filières industrielles durables, comme l’hydrométallurgie.

Pourtant, les faits sont là. Mes chers collègues, écoutez bien les chiffres ! Il y a 100 millions de téléphones usagés dans les tiroirs des Français, et on en remet chaque année 24 millions sur le marché. Le recyclage de 3 millions de téléphones permet de créer 120 emplois. Il y a 200 grammes d’or dans une tonne de cartes téléphoniques, contre seulement 2 grammes dans une tonne de minerai exploitable extraite d’une mine d’or de haut rendement…

C’est pourquoi notre mission d’information appelle de ses vœux la mise en place d’une véritable stratégie par les ministères de l’écologie, de l’industrie et de la consommation en vue de créer des emplois dans la réparation, des emplois industriels, et de récupérer ces métaux précieux.

Les leviers d’action sur les fabricants sont faibles, en revanche. Ils s’ingénient à rendre les téléphones non réparables : la sanction, consistant à porter de 1 centime à 2 centimes le montant de leur écocontribution en cas de non-conformité, les fait bien rire…

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Entre incitation exacerbée à l’achat du dernier modèle et injonction à mettre à jour son smartphone, le consommateur dépense beaucoup, encrasse lui-même la mémoire de son appareil et devient perméable aux publicités en faveur du renouvellement, malgré les conseils avisés des Amis de la Terre ou de Halte à l’obsolescence programmée.

Plus généralement, détruire des morceaux de planète à la recherche de la matière, transformer celle-ci en en jetant les trois quarts et accumuler les déchets toxiques ou les jeter à la mer fut longtemps une pratique banale, adossée aux intérêts extractifs et au laisser-faire en matière de rejets. Nous n’avons d’ailleurs pas renoncé à ces pratiques suicidaires. La raréfaction des ressources, les volumes de déchets produits et notre dépendance à l’égard des pays producteurs ont renchéri nos approvisionnements et affecté le niveau de robustesse de notre développement. Dans son rapport de 2013 sur les emplois verts, l’Organisation internationale du travail souligne que les coûts économiques liés aux pollutions, à l’épuisement des ressources ou à l’érosion de la biodiversité se traduisent par des pertes d’emplois.

Pourquoi donc persistons-nous ? Ces explorations et exploitations sont soutenues économiquement par le renchérissement des énergies et des matériaux. Cette course aux ressources naturelles est également soutenue par le manque d’enthousiasme politique à s’engager réellement dans la transition écologique, qui nécessite une forte mobilisation de gisements de courage et de fermeté face à des lobbies bien enracinés. La politique fondée sur cette course, coûteuse pour l’intérêt général, l’environnement, la santé, le climat et l’emploi, est, certes, extrêmement rentable à court terme pour les actionnaires de certaines entreprises.

Enfin, l’« extractivisme » en marche est dopé par l’exploration de nouveaux territoires, terrestres ou marins, rendus accessibles par le dérèglement climatique ou grâce aux progrès technologiques permettant d’aller plus loin ou plus profond. Nous n’avons pas définitivement réglé le sort des gaz de schiste et de houille que déjà certains ont les yeux de Chimène pour les hydrates de méthane…

Cependant on commence à parler d’économie circulaire, cette économie qui récupère les déchets des uns pour en faire la matière première des autres, tente une symbiose avec les écosystèmes, s’adosse à un système économique et industriel sobre en carbone et en ressources naturelles pas ou peu renouvelables, en se fondant sur l’écoconception et l’analyse du cycle de vie.

À travers l’économie et l’optimisation des ressources, le réemploi et le recyclage, la durabilité des produits, c’est, bien sûr, la préservation des services écosystémiques que nous favoriserons – stockage de carbone, énergies nouvelles, épuration de l’air et de l’eau –, mais aussi la réduction de notre dépendance géopolitique, la préservation de gisements stratégiques, la baisse des coûts de réparation et la réduction des charges pour les entreprises et les collectivités territoriales, ainsi que la relocalisation et la création d’emplois.

L’économie circulaire emploie déjà 600 000 personnes en France. Une réduction substantielle de notre consommation de ressources naturelles permettrait de créer de 200 000 à 400 000 emplois supplémentaires, selon la Commission européenne.

Les écologistes ne confondent pas l’économie de la sobriété heureuse avec le toilettage d’un modèle économique classique qui se contenterait d’adosser le recyclage à un modèle de consommation effrénée avec obsolescence programmée. L’écoconception, le choix du durable plutôt que du jetable et celui du recyclage plutôt que de l’extraction sont des options politiques.

Les constats de la mission d’information sur les téléphones mobiles et les atermoiements autour de la mise à jour du code minier, dont l’Assemblée nationale a été saisie mais pas le Sénat, sont deux exemples parmi d’autres illustrant les difficultés qu’a la France à appréhender stratégiquement ce contexte de raréfaction des ressources. Ce que notre modeste travail a laissé voir est un tout petit exemple de ce que nous avons à entreprendre pour gérer autrement la matière que nous transformons.

L’économie circulaire, garante d’emploi durable et de bonne gestion des ressources et des écosystèmes, que nous ne bouleverserons pas, peut aussi contribuer à la lutte contre la délinquance organisée et la mafia, très liée aux trafics de déchets.

Le rapport d’Interpol est sans appel à cet égard : seulement 35 % des déchets électriques et électroniques empruntent les filières légales. Traiter une tonne de déchets coûte 10 euros en Roumanie, 100 euros en Italie. Comment, dès lors, s’étonner de l’immonde décharge de Glina, près de Bucarest, et des liens sulfureux sur lesquels enquête le procureur antimafia de Naples ? La corruption est toujours voisine de la mafia des déchets.

Comment ne pas comprendre pourquoi l’émission d’investigation Publicus sur la décharge Sharra de Tirana a été déprogrammée en Albanie ? En octobre dernier, la population albanaise descendait dans la rue pour protester contre la loi d’importation des déchets. Là aussi finissent vos téléphones…

Il serait injuste de ne citer que les autres, quand éclatait à Dunkerque, en 2005, le scandale des déchets naphtalinés hautement cancérigènes d’Arcelor, ré-étiquetés en prétendus carburants par l’entreprise qui devait les traiter, puis exportés, en encaissant la TIPP au passage…

Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’économie circulaire n’est donc pas seulement la gestion des recyclables ; le recyclage est l’ultime maillon de la chaîne : économiser, écoconcevoir, réparer, réutiliser, puis recycler. Cette chaîne doit elle aussi se garder du travestissement en greenwashing.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Mme Marie-Christine Blandin. Je n’ai pas employé le mot français, mon cher collègue, parce que, le greenwashing étant une malversation, il ne saurait être français !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Si en revanche elle est transparente et bien pensée, éthique et de bon sens, cette chaîne préserve notre milieu de vie, stimule l’emploi et l’innovation et contribue à la démocratie en tarissant le carburant des filières illicites et les corruptions qui les accompagnent.

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC. – Mme Mireille Jouve et M. Jean-François Longeot applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Mme la présidente. La parole est à M. François Commeinhes, pour le groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de François Commeinhes

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, dans un monde confronté à la raréfaction des ressources, à l’augmentation de la population et à une crise économique prolongée, l’économie circulaire s’impose comme un nouveau modèle de développement et de croissance, par la création de produits, de services et de politiques publiques innovants.

Au cœur de l’économie circulaire se trouvent de nouvelles réponses aux problématiques économiques actuelles : en particulier, comment rendre possibles de nouveaux gains de productivité pour nos entreprises et relocaliser certains emplois ?

Nous ne parlons plus de destruction, mais nous nous recentrons sur la création de valeur à chaque étape, en repensant nos modes de consommation, la conception et la durée de vie des produits, en privilégiant l’usage sur la possession de biens, ainsi que la réutilisation et le recyclage des composants. C’est se préoccuper à la fois des matériaux et des modèles commerciaux.

Les territoires sont des terrains d’expérimentation privilégiés pour l’économie circulaire ; c’est sur cet aspect du sujet que je souhaite insister.

C’est dans la ville portuaire danoise de Kalundborg, au terme d’échanges informels entre industriels locaux, que serait apparu dans les années soixante ce que l’on peut qualifier de modèle de symbiose industrialo-environnementale, fondé sur une véritable chaîne de recyclage de déchets industriels et popularisé plus tard sous le nom de Kalundborg symbiosis.

Plus près de nous, je prendrai l’exemple de l’incinérateur de Sète, ville dont j’ai le bonheur d’être maire depuis 2001. Ce site s’est mué en unité de valorisation énergétique, ou UVE, avec la construction d’un premier réseau de distribution de vapeur surchauffée à un industriel voisin, producteur de soufre liquide pour la vulcanisation des pneus. Au prix de lourds travaux, un nouveau réseau de chaleur permet, depuis 2014, de valoriser la totalité de la chaleur produite par la combustion des ordures ménagères de l’agglomération, les recettes tirées de la vente de vapeur devant rentabiliser l’investissement en moins de cinq ans.

Nous mettons actuellement en place une synergie entre cette UVE et la future station d’épuration, alliant séchage des boues grâce à la chaleur, compostage et recyclage de l’eau traitée pour un usage industriel. De telles solutions innovantes sont source d’économies, dans le respect de l’environnement.

Dans le même esprit, la chambre de commerce et d’industrie de Midi-Pyrénées met en place le dispositif « Actif », suivant une démarche d’écologie industrielle et territoriale. En 2014, 100 entreprises régionales ont également été accompagnées par les chambres de commerce et d’industrie de Languedoc-Roussillon, dans le cadre d’une opération unique en France, pour réaliser un diagnostic énergétique personnalisé, en liaison avec l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie.

À Sète, c’est le recyclage de l’eau de mer qui permettra de chauffer le futur écoquartier d’entrée de ville et le centre balnéaire appelé à s’agrandir dans les années à venir. Ce système, appelé thalassothermie, permet une formidable mise en relation de l’urbanisme avec la configuration naturelle de la cité.

Je ne puis finir sans évoquer le recyclage des coquilles d’huîtres et de moules, emblématiques de mon territoire. Alors que les quelque 10 000 tonnes de coquilles issues de l’activité conchylicole du bassin de Thau finissaient, auparavant, dans l’étang, une collecte organisée et une unité de traitement ont vu le jour en 2000. Cette unité se charge d’« inerter » la matière organique, puis de broyer les coquilles pour en faire un matériau de granulométrie variable selon sa destination. Un des principaux débouchés est l’amendement calcique des terres agricoles, mais le broyat peut aussi servir de complément dans l’alimentation des volailles, entrer dans la fabrication de peintures de signalisation ou être employé pour le remblaiement de certains chemins.

On le voit, nos entreprises et nos territoires ne sont donc pas restés inertes, mais ces efforts ne sont pas encore à la hauteur des enjeux, ni à celle des atouts dont dispose la France, à commencer par ses matières premières cultivables et marines, lin et algues par exemple.

Si des alternatives à l’économie gaspilleuse ou linéaire ne sont pas très vite mises en œuvre, on risque d’aller au bout du bout de la ressource, qu’il s’agisse du sable coquillier ou de minéraux. Certaines impulsions politiques ont permis d’optimiser et de réduire notre impact sur l’environnement et ont déjà donné lieu à l’adoption par le Parlement de réglementations, dans le cadre de l’élaboration de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

Dans mon département, le Livre blanc de la chambre de commerce et d’industrie de Montpellier sur les économies productives aborde la question de l’économie circulaire, en ciblant particulièrement l’écologie industrielle et territoriale.

Par ces quelques exemples d’initiatives locales, publiques ou privés, j’ai entendu montrer que l’économie circulaire est une réalité dont se saisissent de plus en plus d’acteurs, en faisant primer le bon sens sur l’idéologie, loin des grand-messes théoriques ou des études coûteuses. Cela témoigne de la vitalité des territoires et de l’inventivité de leurs habitants. À nous d’être précurseurs en matière d’économie circulaire, pour tirer nos territoires vers un nouvel avenir !

Applaudissements sur de nombreuses travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, pour le groupe communiste républicain et citoyen.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bosino

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le programme des Nations unies pour l’environnement et bien d’autres organismes internationaux prévoient que, en raison du développement démographique et de la consommation de masse, le niveau de consommation des ressources naturelles deviendra inacceptable avant la moitié de ce siècle. Dans ce contexte, l’économie circulaire fait figure d’outil privilégié pour rompre avec notre manière actuelle de produire et de consommer.

Outre qu’elle doit permettre de réduire la consommation des ressources naturelles, l’économie circulaire serait également créatrice de nouvelles activités. Ainsi, selon d’éminents spécialistes, dont les auteurs de la note d’analyse de France Stratégie d’avril 2016, l’économie circulaire pourrait créer 800 000 emplois équivalents temps plein.

L’économie circulaire s’appuie sur sept piliers : l’approvisionnement durable, l’écologie industrielle et territoriale, l’économie de la fonctionnalité, qui privilégie l’usage à la possession, la consommation responsable, l’allongement de la durée d’usage, le recyclage et l’écoconception.

J’ajoute que la question de l’utilisation responsable des ressources naturelles est évidemment liée à la question énergétique, à la question climatique et à la question de la biodiversité.

Trois difficultés méritent d’être soulevées : comment concilier massification des flux et réduction à la source ? Comment concilier massification des flux et principe de proximité ? Comment mieux prendre en compte la question sociale ?

La première question est celle de la réduction de la production de déchets, qui doit demeurer notre première priorité.

Depuis quelques décennies, nous posons un nouveau regard sur ces matières devenues « matières premières secondaires ». Nos tonnes de déchets sont désormais considérées comme des mines, des gisements de matières premières.

Ainsi, dans son rapport d’information sur l’inventaire et le devenir des matériaux et composants des téléphones mobiles, Marie-Christine Blandin signale que, « sur 37 000 tonnes de cartes électroniques produites en France à l’état de déchets en 2012, le traitement de seulement 10 000 tonnes a conduit à une perte de valeur de 124 millions d’euros pour l’or, faute de recyclage. Obtenir par l’extraction minière une quantité d’or équivalente nécessitera 800 000 tonnes de minerai. »

Cet exemple, parmi tant d’autres, montre à quel point la réutilisation et le recyclage doivent être encore encouragés pour économiser les ressources naturelles.

Le bon déchet, c’est celui que l’on ne produit pas. Il nous faut donc renforcer la lutte contre l’obsolescence programmée et développer l’écoconception par un effort de recherche et de développement, afin de diminuer le recours non seulement à l’enfouissement, mais aussi à l’incinération.

La deuxième question est celle de la proximité. En suivant les flux de déchets, on s’aperçoit que la massification et la recherche du coût le plus bas conduisent à exporter certains d’entre eux. Le traitement en France permettrait pourtant de limiter les transports, de contrôler les procédés en matière sanitaire et sociale et de favoriser la création d’emplois.

Sensible à cette question, le Sénat avait adopté, sur l’initiative de ma collègue Évelyne Didier, en remplacement de laquelle je prends la parole cet après-midi, un amendement visant à intégrer explicitement cet objectif de proximité dans la proposition de résolution européenne de nos collègues Michel Delebarre et Claude Kern sur la proposition de directive européenne dite « paquet déchets ».

La troisième question est la question sociale. À ce sujet, je souhaite évoquer deux cas bien différents, mais tous deux symboliques.

Notre groupe a reçu au Sénat des salariés du groupe Samsung venus de Corée du Sud. Cette délégation de salariés nous a indiqué que le groupe Samsung avait menacé, placé sous surveillance, séquestré et licencié des représentants du personnel, en particulier le secrétaire général du syndicat Samsung, reconnu prisonnier politique par Amnesty International en 2007. Ces salariés avaient dénoncé des conditions de travail effroyables et un développement des maladies professionnelles, non reconnues comme telles par Samsung. En 2016, 223 employés ont été atteints de maladies graves telles que des scléroses en plaques, des leucémies et divers cancers ; 76 sont aujourd’hui décédés. De plus, Samsung contourne les règles de sécurité en faisant travailler les ouvriers chez eux. Une salariée a ainsi témoigné qu’elle et sa jeune sœur, décédée depuis lors des suites d’une leucémie, ont dû travailler à la maison sur un poste à soudure au nickel, sans aucune protection. Il s’agit là de production manufacturière : on imagine ce qui peut se passer dans le traitement des déchets… Notre consommation est fondée sur l’exploitation éhontée de salariés, dans des mines comme dans des usines, loin de chez nous. Raison de plus pour faire autrement !

Le second cas que je voulais évoquer concerne le traitement des déchets électriques et électroniques, un gisement en progression très forte. L’emploi créé dans notre pays dans le secteur des déchets et dans le cadre de l’économie solidaire est souvent peu qualifié et concerne un public fragile. Il faut être plus vigilants sur la protection des salariés exposés à des produits hautement toxiques. En l’absence de contrôles effectifs sur place, sérieux et répétés, on s’expose à des problèmes sanitaires graves, d’où l’importance de la présence active des syndicats, qui peuvent à tout instant alerter les pouvoirs publics et qui ne sont pas, comme certains le pensent, des freins à l’activité économique.

L’économie circulaire est certainement un gisement très intéressant de matières premières et d’emploi, si elle se développe en proximité. Il faudra mettre en place des filières cohérentes, en liaison avec les régions, désormais chargées du développement économique, des plans régionaux pour les déchets et de la formation professionnelle.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

La parole est à Mme Mireille Jouve, pour le groupe du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Mireille Jouve

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, chère Marie-Christine Blandin, mes chers collègues, à Jouques, dans les Bouches-du-Rhône, commune du pays aixois de 4 300 habitants, dont 140 chômeurs de longue durée, est expérimenté depuis novembre dernier, comme dans neuf autres communes de France, le dispositif « zéro chômeur de longue durée », qui favorise l’emploi en CDI de chômeurs de longue durée dans des entreprises de l’économie sociale et solidaire financées par l’État et les collectivités territoriales et positionnées sur des activités non concurrentielles.

Le financement suit une logique d’activation des dépenses sociales en s’appuyant sur une évaluation globale du coût du chômage de longue durée. Comme l’explique Isabelle Loss, conseillère municipale de Jouques à l’initiative du projet, « on réinvente le rapport à l’emploi. C’est un emploi dans lequel on s’épanouit, dans lequel on est écouté et entendu et dans lequel on capitalise sur ce qu’on sait faire et ce qu’on aime faire ».

Si l’on évoque souvent ses bénéfices environnementaux, on sait moins que l’économie circulaire représente aussi un vivier d’emplois, qui « permettrait de relancer l’économie des régions en perte de vitesse en recréant de l’emploi et des activités locales », selon un rapport réalisé par l’Institut de l’économie circulaire. C’est ce que l’on observe dans la commune de Jouques, avec l’emploi de chômeurs de longue durée dans des domaines aussi divers que le tourisme, la ressourcerie et le débroussaillement.

Je remercie nos collègues du groupe écologiste d’avoir inscrit ce débat à l’ordre du jour de nos travaux.

Pourquoi la transition vers l’économie circulaire devient-elle aujourd’hui une priorité ? Parce que la logique du « prendre, fabriquer, utiliser et jeter », quasi omniprésente dans notre économie, ne peut perdurer. Parce que le modèle économique actuel, dit « linéaire », est jugé non soutenable, eu égard à la croissance démographique et au développement de la consommation sur le modèle des pays développés. Parce que, enfin, il n’est plus acceptable que des produits soient conçus pour devenir défaillants dès l’expiration de la période de garantie.

Il paraît donc temps de s’interroger sur un mode de production et de consommation circulaire, c’est-à-dire une économie qui permette de préserver la valeur des matières premières et des produits aussi longtemps que possible, une économie où l’utilisation des ressources et la production des déchets sont réduites au minimum, une économie qui facilite la réutilisation constante des composants des produits arrivés en fin de vie pour recréer de la valeur, une économie à la recherche de nouvelles sources de croissance économique, qui participent à la création de nouveaux emplois, bref, un système économique davantage fondé sur la frugalité, la limitation de la consommation et le recyclage des matériaux ou des services.

Les exemples concrets abondent et les projets débordent très souvent d’ingéniosité. « Plus de matières grises pour moins de matières premières », tel est le credo des architectes Julien Choppin et Nicola Delon, auteurs d’une petite construction en bois appelée « pavillon circulaire », qui trône sur la place de l’Hôtel-de-Ville de Paris depuis la COP21 et a été réalisée grâce au réemploi de matériaux existants. Mieux, près d’Auxerre, une « Wagabox » collecte le biogaz issu d’un centre naturel d’enfouissement de déchets non dangereux, puis le traite, avant de le réinjecter dans le gaz de ville.

Debut de section - PermalienPhoto de Mireille Jouve

« On participe ainsi à l’économie circulaire en substituant au gaz naturel importé du gaz produit par des déchets locaux », résume l’ingénieur à l’origine de ce projet. Cette première mondiale, réalisée par d’anciens ingénieurs d’Air Liquide, est appelée à essaimer.

En France, mais aussi au niveau européen, la transition vers l’économie circulaire est encouragée à petits pas, avec la mise en place d’une réglementation plus contraignante et des incitations adaptées. Après un retrait controversé par la commission Juncker, le paquet européen « Économie circulaire » décline une série de mesures devant être discutées et précisées, pour un déploiement d’ici à 2019. Ces mesures ont d’ailleurs été renforcées par la commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire du Parlement européen le mois dernier, notamment sur les objectifs concernant le recyclage et la lutte contre le gaspillage alimentaire. Reste maintenant aux États membres à s’approprier ces mesures.

On peut souligner que la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte fixe déjà un objectif de recyclage de 70 % des produits de chantiers de construction routière d’ici à 2020 ou qu’une proposition de loi adoptée à l’unanimité par le Sénat cible la lutte contre le gaspillage alimentaire.

Toutefois, ces initiatives restent dispersées et, si elles s’avèrent bel et bien incitatives, leur aspect contraignant demeure, lui, encore relativement limité.

Comme l’indique Isabelle Delannoy, spécialiste du développement durable, il faut encourager une économie dite « symbiotique », c’est-à-dire réunissant les innovations économiques de ces dernières années, telles que l’économie circulaire, l’économie du partage, l’économie sociale et solidaire, etc. Cette économie symbiotique permettrait, selon elle, d’envisager un monde où nos activités ne détruiraient plus les écosystèmes, mais les régénéreraient, tout en répartissant plus équitablement les richesses.

En somme, « rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme », pour reprendre une célèbre maxime du chimiste Antoine Lavoisier, plus que jamais d’actualité.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Maurey, pour le groupe de l’UDI-UC.

M. Jean-François Longeot applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord saluer l’initiative de nos collègues du groupe écologiste, qui nous proposent un débat particulièrement intéressant sur un sujet tout à fait capital.

D'ailleurs, plusieurs rapports récents ont montré l’intérêt de promouvoir cette nouvelle économie, qu’il s’agisse de la note d’analyse de France Stratégie sur les emplois dans l’économie circulaire ou du rapport de l’Institut Montaigne, qui, en novembre dernier, a souligné la nécessité de favoriser la transition vers l’économie circulaire.

L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, publie également depuis longtemps des travaux approfondis et de grande qualité. Elle a d'ailleurs recommandé dernièrement d’intégrer l’économie circulaire dans la planification régionale et les démarches territoriales, en formulant des propositions concrètes et opérationnelles.

C’est dans le cadre de cette vaste réflexion que je souhaite que nos échanges d’aujourd’hui puissent, eux aussi, contribuer à définir quelques pistes prioritaires pour encourager le développement de cette économie dans les années qui viennent.

Nous le savons tous maintenant, les ressources naturelles de notre planète ne sont pas infinies. Nos prélèvements actuels dépassent même largement les biocapacités de la terre, c’est-à-dire la capacité à régénérer les ressources renouvelables, à fournir des ressources non renouvelables et à absorber les déchets.

Il est donc urgent de travailler à réduire notre impact environnemental et à modifier notre modèle actuel de production et de consommation économique en ce sens. Ce modèle, qui fonctionne depuis cent cinquante ans, est linéaire : il consiste à extraire, fabriquer, consommer, puis jeter. Il faut engager une démarche constructive en mettant en place un modèle plus dynamique, un nouveau modèle de création de valeur, positif aussi bien sur un plan économique que social et, bien sûr, environnemental.

Une meilleure efficience dans l’utilisation des ressources doit devenir synonyme de création de valeur.

C’est ce qu’ont compris les entreprises françaises, singulièrement les grands groupes, qui ont remis à Mme Ségolène Royal, ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, le 1er février dernier, un rapport intitulé « Trajectoires économie circulaire : 33 entreprises se mobilisent avec 100 engagements ». Il s’agit d’un engagement sur des actions concrètes, portant sur l’ensemble des leviers de l’économie circulaire.

L’engagement de ces groupes est d’autant plus important qu’il peut – et doit – avoir des effets d’entraînement sur leurs fournisseurs, leurs clients et leurs partenaires. J’espère, en outre, que la dimension des groupes permettra à ces propositions d’avoir une influence au-delà de nos frontières.

Nous devons saluer et encourager cette dynamique, qui, de surcroît, s’appuie sur de nouvelles modalités en termes de dialogue et de transparence, puisque ces entreprises ont décidé de soumettre leurs engagements et leurs actions au regard de spécialistes de l’économie circulaire, à savoir l’ADEME et l’association WWF.

Il nous reviendra de tirer les enseignements de cette démarche et de voir comment l’étendre et l’adapter à d’autres acteurs de notre pays.

La transition vers l’économie circulaire était également l’un des objets de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, au travers de son titre IV.

Je me permets de souligner que le Sénat a introduit dans cette loi une disposition majeure, dont tout le monde se félicite aujourd’hui : le principe d’une hiérarchie dans l’utilisation des ressources, qu’il a fait figurer en exergue du code de l’environnement, ce qui était une première européenne.

Nous avons également ajouté, à l’article 69, un rapport quinquennal sur la stratégie nationale de transition vers l’économie circulaire, incluant un plan de programmation des ressources nécessaires aux principaux secteurs d’activité. Malheureusement, madame la secrétaire d'État, dix-huit mois après la promulgation de la loi, nous n’avons toujours pas eu communication de ce rapport.

M. Jean Desessard s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Que représente le secteur de l’économie circulaire aujourd'hui dans notre pays ?

Selon France Stratégie, le volume d’emplois concernés pourrait s’élever à environ 800 000 équivalents temps plein, soit plus de 3 % de l’emploi général. Ces emplois se répartissent entre deux grands secteurs.

Premièrement, la réparation-location représente 200 000 emplois, notamment dans l’automobile. On assiste aujourd'hui à une transformation des modes de déplacement : l’usage est préféré à la possession. Le secteur de la vente d’occasion et de la revente d’équipements déjà utilisés est également en très forte progression. Tous ces métiers ont pour effet d’accroître la durée d’usage des biens, tout en limitant les matières en circulation.

Deuxièmement, les éco-activités, dominées par les secteurs de l’eau et des déchets, constituent l’autre gisement d’emplois. L’assainissement de l’eau et le traitement des déchets représentent, à eux seuls, plus de 320 000 emplois, suivis des métiers dans le domaine de la maîtrise de l’énergie et des énergies renouvelables et de la réhabilitation des sols, notamment dans le cadre de l’agriculture biologique, un secteur en plein développement.

Il faut noter que ces secteurs sont plus créateurs d’emplois que les secteurs industriels classiques. Il faut donc les encourager. Il faut également encourager la formation à ces métiers, d'autant que ces derniers sont relativement peu délocalisables. C’est la raison pour laquelle il nous faut progresser dans le déploiement de ces nouvelles filières, par exemple dans le traitement des déchets.

En France, seulement 60 % des déchets produits par les activités économiques et les ménages sont valorisés, soit par recyclage, soit par incinération-récupération d’énergie. Ce ratio est, certes, supérieur à la moyenne européenne, mais il reste très en deçà de ce que l’on observe en Allemagne ou au Danemark.

De plus, 30 % des déchets municipaux sont tout simplement mis en décharge ou incinérés sans valorisation énergétique. À lui seul, ce chiffre montre qu’il existe encore de vraies marges de progression, et nous devons les combler.

Pour ce faire, il faut mobiliser les collectivités, inciter les citoyens à améliorer leurs gestes de tri, ce qui passe par des campagnes d’information régulières. Par exemple, il faut expliquer qu’une tonne de papier recyclé permet d’économiser 19 arbres ou qu’une tonne de plastique recyclé permet d’économiser 5 barils de pétrole. Les déchets des entreprises et des administrations doivent être mieux valorisés.

Le soutien aux filières de production d’énergies renouvelables à partir d’eaux usées et de déchets serait lui aussi intéressant et utile, en termes à la fois économiques et d’emplois et dans le but d’accélérer la transition énergétique. Ces filières devront être fermement soutenues par la France dans le cadre de la négociation sur le paquet Économie circulaire.

Pour terminer, je voudrais insister sur le fait que l’économie circulaire constitue un levier important pour contribuer à lutter contre le réchauffement climatique. Valoriser les déchets pour les transformer en nouvelles ressources limite fortement les prélèvements de ressources naturelles, les consommations d’énergie, donc les rejets de carbone. Par exemple, lorsque l’on produit une bouteille en plastique à partir de plastique recyclé, on économise 70 % de CO2 par rapport à une production à partir de plastique neuf. Le meilleur moyen d’aller dans cette voie est de mettre enfin en place une politique ambitieuse en matière de taxation du carbone. Cette politique doit être menée a minima au niveau européen et idéalement, bien sûr, au niveau mondial.

Nous devons faire en sorte que l’économie circulaire devienne un schéma « gagnant-gagnant » : gagnant au niveau environnemental, mais aussi gagnant pour l’emploi et l’économie de nos territoires.

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, du groupe Les Républicains, du RDSE et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

La parole est à M. Jean Desessard, pour le groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je voudrais placer mon argumentation sous le sceau du bon sens, du pragmatisme et du discernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Nous n’avons qu’une planète et sommes de plus en plus nombreux. Nous avons donc intérêt à ne pas créer de lieux inhabitables à cause de la pollution des rejets, comme des extractions.

Le soleil et les écosystèmes travaillent pour nous, produisent de la nourriture, renouvellent les sols, l’air et l’eau. Nous avons donc intérêt à favoriser leur bon fonctionnement, plutôt qu’à l’enrayer.

L’heureux mariage de la nature et de la culture, la rencontre fertile de la biodiversité et du travail paysan nous ont nourris et abrités. Les retombées créatives de l’innovation nous ont habillés, chauffés, soignés, cultivés, mais ont aussi, au cours des derniers siècles, accéléré la production d’alliages, d’objets, de constructions, d’infrastructures, demandant toujours plus de sable, plus de métaux, plus d’énergie. On produit, on consomme, on emballe, on jette… On fabrique même du « jetable tout de suite » !

Nous voici arrivés à un point où, au lieu de vivre des dividendes de la planète, nous croquons le capital et le dilapidons chaque année plus vite.

Des chercheurs ont calculé le « jour du dépassement », date à laquelle l’humanité a consommé ce qui est renouvelable en un an. Chaque année, ce jour arrive plus tôt : en 2016, c’était le 8 août. Après cette date, on vit à crédit, et on n’est pas solvable.

L’économie circulaire participe du développement durable en ce qu’elle rallonge la durée de vie des matières. Cela demande de penser la production, non seulement du berceau au cercueil, mais aussi du berceau d’un objet au berceau d’un autre. Alors, les ordures ménagères cessent de polluer la mer ou de partir en fumées de dioxines : elles font rouler nos bus au méthane et font pousser nos légumes sur compost. Des plastiques nous rhabillent de « polaires ». Et l’or des cartes téléphoniques évite que nous ne massacrions le cœur de la Guyane pour enrichir des multinationales. Dans cette logique, certaines matières, comme le mercure ou les autres substances visées par la directive RoHS, à l’instar du plomb ou du chrome hexavalent, deviennent personæ non gratæ, car elles font plus de dégâts qu’elles ne rendent de services.

Mais, pour que ces images d’Épinal deviennent réalité, il faut beaucoup de volonté politique et beaucoup d’innovations techniques : l’écoconception ne s’improvise pas.

La responsabilité de l’origine des matières premières, le démontage, la réparation, le recyclage des éléments doivent être pensés dès le départ. Ce ne fut pas le cas du nucléaire, et le casse-tête de ses déchets…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

… comme celui du démantèlement montrent bien que l’on a fait décoller l’avion sans prévoir de piste d’atterrissage.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

L’économie circulaire nous conduit à nous interroger sur la finalité de la mise sur le marché des produits : par exemple, l’obsolescence programmée est incompatible avec l’économie circulaire. Dans le cas des téléphones, il est scandaleux que les fabricants rendent les batteries inamovibles, ce qui ne permet ni de les réparer ni de les réutiliser.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Dans certains cas, cela ne permet même pas de les recycler si l’on ne trouve pas d’alternatives aux plastiques bromés, dont on ne sait pas gérer la toxicité en bout de chaîne.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Il faudrait donc, à vos côtés, madame la secrétaire d'État, le secrétaire d'État chargé de la recherche ou celui qui est chargé de l’industrie !

Il faut aussi réfléchir au partage de la valeur de l’objet recyclé tout au long de sa vie. Selon un rapport de McKinsey, réalisé pour la fondation Ellen MacArthur, l’économie circulaire permettrait aux entreprises d’économiser annuellement plus de 240 milliards de dollars en Europe, par réduction des achats de matière première. À vos côtés, madame la secrétaire d'État, il faudrait donc aussi un représentant de Bercy !

Enfin, nous savons que des règles communes européennes font le poids face aux constructeurs et aux mises en décharge : c’est le 13 mars prochain que commencera, à Strasbourg, l’arbitrage sur le paquet de directives relatives à l’économie circulaire. Contre la timidité de la Commission européenne et pour soutenir les exigences du Parlement européen, il faudrait près de vous, madame la secrétaire d'État, le secrétaire d’État chargé des affaires européennes ! Par là même, je veux montrer ici que vous les représentez tous…

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

En revanche, les écologistes tiennent à préciser que l’économie circulaire n’équivaut pas à disséminer des poussières contaminées dans de la bonne terre arable, car la chaîne alimentaire a vite fait de tout reconcentrer et, in fine, les polluants se retrouvent dans nos assiettes. L’économie circulaire, ce n’est pas non plus fondre les aciers de faible radioactivité des vieilles centrales nucléaires pour en faire des casseroles, pas plus qu’il ne s’agit d’incorporer les boues rouges dans les remblais du BTP pour les répandre sous les routes, au risque de contaminer les nappes phréatiques.

Il ne suffit pas de rédiger un préambule pour décrocher son brevet d’économie circulaire. Celle-ci constitue une démarche complexe et exigeante. C’est aussi – et c’est ce qui nous motive – une démarche innovante et enthousiasmante. En ces temps de mutations inquiétantes et de perspectives assombries, dessiner un futur à vivre n’est pas un luxe.

Se dire que l’on peut cesser de mettre en tension des pays pauvres à l’autre bout du monde, en leur prenant leur lithium, leur uranium ou leur tantale, peut rendre espoir à la jeunesse. Se dire que l’on peut à la fois créer de l’emploi et cesser d’encrasser la planète est un beau programme, recyclable par tous, à condition d’y mettre de la sincérité et de la rigueur.

Enfin, en tant que président du groupe écologiste, je voudrais remercier Mme Marie-Christine Blandin de nous avoir soumis ce projet de débat. Je me réjouis de la qualité des interventions qui ont déjà eu lieu et je ne doute pas de celle des interventions à venir.

Pour nous, écologistes, voir que l’écologie est partagée est un pur bonheur !

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du RDSE. – M. Bruno Sido applaudit également.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

La parole est à Mme Nelly Tocqueville, pour le groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Nelly Tocqueville

Mme Nelly Tocqueville. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous débattons aujourd'hui – j’espère que M. Desessard se réjouira aussi de mon intervention !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Nelly Tocqueville

Si le concept est récent, il est précisément défini par le ministère de l’environnement comme un système économique qui s’inscrit dans le cadre du développement durable et dont l’objectif est de produire des biens et des services, tout en limitant la consommation et le gaspillage des matières premières, de l’eau et des sources d’énergie. Il s’agit effectivement de déployer une nouvelle économie, circulaire – en opposition à l’économie linéaire –, qui s’appuie sur le principe de « refermer le cycle de vie » des produits, des services, des déchets, des matériaux, de l’eau et de l’énergie.

Ce concept, qui a été introduit dans les années quatre-vingt-dix par les économistes de l’environnement Pearce et Turner, consiste en la prise de conscience, par l’homme, de la finitude de nos ressources et des impacts environnementaux de notre société de consommation.

En effet, depuis la révolution industrielle, qui a profondément bouleversé notre modèle économique, nous avions mis en place un système linéaire, basé sur l’extraction des ressources, la fabrication, la production, la consommation et les déchets, avec, pour conséquences, l’accumulation progressive et non négligeable de ceux-ci, mais aussi la pollution de l’eau, de l’air et des sols. Surtout, nous avons organisé l’épuisement inéluctable de nos ressources naturelles.

Nous sommes arrivés à un stade où il est de notre responsabilité de tirer la sonnette d’alarme.

Alors que l’économie mondiale utilisait 24 milliards de tonnes de ressources en 1970, elle en a consommé 68 milliards en 2009. Nous avons donc pratiquement triplé leur exploitation. Face à ce constat inquiétant, force est d’admettre que notre société doit aussi, parallèlement, relever plusieurs défis.

Le premier est celui de la hausse de la démographie. Nous sommes actuellement 7, 4 milliards d’individus sur la planète. D’après les estimations, nous serons près de 10 milliards en 2050, ce qui est considérable. Le risque d’épuisement accru des ressources dû à cette augmentation de la population est de plus en plus prégnant.

Le deuxième défi est celui de la finitude des ressources.

Le troisième défi est l’impact environnemental qu’entraîne le système économique linéaire.

Le lien entre la consommation et l’épuisement des ressources est donc irréfutable. En conséquence, il était devenu nécessaire, mais aussi responsable, de réfléchir à une solution à ces problèmes inscrivant l’objectif prioritaire d’une croissance économique durable. Telle est l’essence même du concept d’économie circulaire.

Ainsi, la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte consacre son titre IV à la lutte contre les gaspillages et à la promotion de l’économie circulaire. Elle prévoit notamment la mise en place d’une stratégie nationale de transition vers cette nouvelle démarche. Et, pour la première fois, cette notion est inscrite dans le code de l’environnement.

Contrairement au système linéaire auquel je faisais référence, cette économie d’un type nouveau précise clairement ses principes : utiliser les ressources le plus durablement possible, les économiser, en intégrant le recyclage, l’écoconception ou encore le remanufacturing.

Ce concept s’appuie principalement sur sept piliers : l’approvisionnement durable, l’écoconception, l’écologie industrielle et territoriale, la consommation responsable, l’allongement de la durée d’usage et le recyclage.

Il ne s’agit donc pas, contrairement à ce que nous pourrions parfois penser, d’une démarche axée uniquement sur la thématique des déchets, bien que ceux-ci constituent une préoccupation réelle lorsque l’on sait que, chaque année, un citoyen européen produit 444 kilos de déchets domestiques.

La COP 21, à Paris, puis la COP 22, à Marrakech, nous ont permis de comprendre que le modèle de croissance actuel n’est plus soutenable et que nous devons prendre collectivement conscience de cette réalité.

Toutefois, si nous souhaitons atteindre les objectifs des accords de Paris, il devient nécessaire d’adapter en urgence notre modèle de production, de transformation et de consommation à la réalité de l’augmentation exponentielle de cette dernière sur la planète et, ainsi, d’accélérer la transition vers le nouveau modèle d’économie circulaire à toutes les échelles de notre territoire, lequel doit être perçu comme un système permettant la poursuite de la production sans pour autant appauvrir les gisements de réserves naturelles, qui, eux, sont épuisables.

Ces dernières années, nous avons constaté que les collectivités se sont engagées, elles aussi, dans des démarches d’écologie industrielle et territoriale, s’inscrivant ainsi pleinement dans cette stratégie.

Les entreprises ont également un rôle essentiel à jouer dans cette démarche. En effet, si elles représentent manifestement une grande partie du problème, elles n’en sont pas moins aussi une grande partie de la solution. C’est la raison pour laquelle il est urgent de sensibiliser les acteurs économiques d’un même territoire et de les inciter à mettre en commun des ressources, afin d’économiser celles-ci, d’éviter le gaspillage et, en conséquence, d’améliorer la productivité.

Ce concept peut aussi bien s’appliquer dans le domaine des infrastructures d’équipements, comme les outils de production, que dans le secteur des services ou encore dans la gestion collective des déchets.

Au reste, le concept d’économie circulaire a un impact sociétal incontestable, car celle-ci peut créer de nombreux emplois, en particulier dans le secteur des entreprises spécialisées dans les éco-activités.

En effet, on estime que, en France, le secteur de la gestion des déchets peut représenter plus de 135 000 emplois, tandis que, en Europe, ce secteur ainsi que celui du recyclage représentaient déjà, en 2005, entre 1, 2 million et 1, 5 million d’emplois. L’économie circulaire est donc créatrice de richesses et d’emplois sur l’ensemble du territoire, notamment d’emplois locaux, non délocalisables, à l’instar de ceux qui relèvent du domaine de l’économie sociale et solidaire.

L’impact environnemental de l’économie circulaire pour les entreprises et les collectivités territoriales est donc démontré. Mais les consommateurs sont aussi concernés et doivent être des acteurs essentiels dans le développement de cette nouvelle forme d’économie. Ils doivent prendre conscience des enjeux environnementaux, car, s’il y va du devenir de la planète, il y va aussi de celui des hommes qui la peuplent. Et celui-ci ne peut se concevoir que dans la remise en cause du modèle de production et de consommation qui a prévalu jusqu’alors. C’est la raison pour laquelle l’économie circulaire incite aussi à l’innovation et à la collaboration, tant de la part des acteurs publics que des acteurs économiques.

Préserver notre planète et l’avenir des générations futures, dans la perspective d’une croissance économique durable, tel est l’objectif du concept d’économie circulaire.

Pouvez-vous, madame la secrétaire d'État, dresser un bilan des expériences menées ou abouties sur le territoire en la matière ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Mandelli, pour le groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Mandelli

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, l’occasion m’est aujourd’hui donnée de prendre la parole, au nom du groupe Les Républicains, sur le sujet de l’économie circulaire et de sa capacité à agir comme gisement de matières premières et d’emplois.

L’économie circulaire relève du bon sens. Nous devons y voir une mécanique vertueuse en faveur d’une nouvelle croissance.

La question de l’épuisement de nos ressources naturelles et la solution de l’économie circulaire ne sont pas des nouveautés. En avril 1974, déjà, le professeur René Dumont, dans un contexte électoral, évoquait ces ressources précieuses et s’inquiétait que celles-ci ne viennent à manquer dès la fin du siècle si nous ne changions pas notre relation à la nature. De nombreux rapports internationaux, comme le rapport Meadows, en 1972, et le rapport Brundtland, en 1987, ont participé à cette réflexion internationale sur l’émergence d’un nouveau modèle économique, dans lequel la production, la consommation et la réutilisation des biens et services forment une boucle.

L’idée d’une circularité de l’économie, fondée sur des circuits courts et le réemploi des matériaux a, depuis lors, fait son chemin, nous invitant à repenser notre rapport au monde qui nous entoure.

Au cours des deux dernières décennies, la question de l’économie circulaire a été posée à de nombreuses reprises dans l’espace public français.

En 2007, à l’occasion du Grenelle de l’environnement, impulsé par le gouvernement de François Fillon, avait été posée une première définition de l’économie circulaire, définie comme une politique de réduction et de recyclage des déchets, et plus généralement une politique d’utilisation plus efficace des ressources à notre disposition. Moins consommer et mieux consommer, ce sont les deux idées au fondement de la politique de l’économie circulaire.

En tant que président du groupe d’études Gestion des déchets du Sénat, j’en mesure, chaque jour, l’importance et la pertinence, mais aussi la nécessaire adaptation à la réalité du terrain.

En 2013, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, a présenté une structuration de l’économie circulaire, qui résume bien ses enjeux à la fois politiques et techniques.

Cette structuration s’organise autour de quatre piliers : l’approvisionnement durable, c’est-à-dire l’exploitation raisonnée des ressources naturelles ; l’écoconception, à savoir l’ensemble des démarches de diminution de la quantité de matière utilisée, d’allongement de la durée de vie et de réemploi ; l’écologie industrielle et territoriale, c’est-à-dire un mode d’organisation interbasé sur des échanges de flux optimisés et une mutualisation des besoins ; l’économie de la fonctionnalité, enfin, à savoir le choix de privilégier l’usage à la possession.

Ces quatre piliers concourent à notre objectif de transition écologique et énergétique, avec le développement d’activités moins polluantes et d’une économie plus verte.

Avec 345 millions de tonnes de déchets produits annuellement en France, et seulement 17 millions de tonnes de matériaux recyclés utilisés, notre pays a encore beaucoup à accomplir dans ce domaine, mais ses efforts quotidiens méritent d’être salués.

En août 2015, la notion d’économie circulaire a été définitivement inscrite dans notre droit par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, avec, pour objectif, de « dépasser le modèle économique linéaire consistant à extraire, fabriquer, consommer et jeter en appelant à une consommation sobre et responsable des ressources naturelles et des matières premières primaires ».

L’engagement de la Commission européenne en faveur d’un paquet Économie circulaire, datant de décembre 2015, nous sert aujourd’hui de référentiel sur cette question.

Avec des objectifs ambitieux, comme la mise en œuvre de normes sur l’écoconception, la mise en place d’une législation relative au gaspillage alimentaire, le déploiement d’une initiative de soutien à l’innovation et l’investissement dans l’économie circulaire au sein du programme Horizon 2020 et de nouveaux objectifs de gestion des déchets à l’horizon de 2030, l’Union européenne est aujourd’hui un moteur de notre action en faveur de l’économie circulaire.

Le développement de cette économie constitue aussi une opportunité formidable sur le plan de la création d’activités et d’emplois pour nos territoires.

L’ambition de l’économie circulaire de réévaluer notre consommation de ressources naturelles impliquera des réallocations sectorielles de l’emploi entre les activités dites « intensives en matières » et les activités dites « économes en matières ».

Il est de notre devoir de nous assurer que ces changements en termes d’emploi ne délaissent personne, qu’ils proposent à chacun un accompagnement professionnel, c’est-à-dire une reconversion vers un secteur d’activité en développement. La formation, initiale et professionnelle, aux métiers de l’économie circulaire et du développement durable doit intégrer cette évolution.

L’économie circulaire concourt déjà à l’emploi en France, mais elle pourrait prendre une place décisive dans la nouvelle amorce d’une croissance durable.

D’après une note d’analyse de France Stratégie datant d’avril 2016, qui a été évoquée par M. Hervé Maurey, l’économie circulaire représente aujourd’hui 800 000 emplois en équivalent temps plein, soit 3 % de l’emploi global en France.

Près de la moitié de ces emplois sont des éco-activités, c’est-à-dire des productions de biens et de services permettant de mesurer, prévenir, limiter ou corriger les impacts environnementaux. L’assainissement de l’eau et des déchets représente environ 40 % de ces éco-activités.

À mesure que nous agissons, toutes ces activités devraient se démultiplier, avec des créations d’emplois non délocalisables à la clef. Elles appelleront donc une vigilance accrue de la part des pouvoirs publics.

Pour une autre moitié, les emplois de l’économie circulaire touchent à la réparation, la location et le marché de l’occasion. Ces métiers assurent effectivement la prolongation de la durée de vie des produits et services. Sont concernées des filières professionnelles en pleine croissance, comme les filières à responsabilité élargie du producteur, dites REP, les réseaux de proximité que constituent les associations pour le maintien d’une agriculture paysanne, les AMAP, ou encore la filière des innovations numériques.

Quant au secteur de la réparation, il représente, à lui seul, pas moins de 200 000 emplois équivalents temps plein, soit un quart des métiers de l’économie circulaire.

Aujourd'hui plus que jamais, nos territoires sont des acteurs de premier plan des politiques d’animation et de soutien des initiatives d’économie circulaire.

En conclusion, le passage d’une économie linéaire à une économie circulaire est un processus bien entamé, dans le respect des engagements de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

Cette dynamique de préservation de l’environnement est bonne pour l’emploi. Elle engendre des créations d’activité sur un spectre de filières professionnelles allant de la collecte et du recyclage des déchets à l’entretien et la réparation des équipements techniques.

Il nous reste à savoir comment encourager son développement.

Permettez-moi d’attirer brièvement votre attention, mes chers collègues, sur quelques pistes : la mise au point d’une fiscalité incitative, notamment lorsque le coût des matières premières n’invite pas au recyclage des matériaux, l’accélération du soutien public et privé aux démarches de recherche et de développement, au travers d’une orientation des crédits du programme d’investissements d’avenir, le PIA, ou encore une meilleure association des éco-organismes aux démarches de soutien à ce secteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Mandelli

M. Didier Mandelli. Nous avons tendance à oublier la formidable capacité de l’homme à s’adapter aux évolutions de son environnement. Je le déplore, car je vois dans cette capacité d’adaptation les raisons d’être optimiste quant à la mise en place rapide d’un nouveau modèle économique, qui serait tout simplement… une économie circulaire !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, de l'UDI-UC et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, pour le groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bonnefoy

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la transition vers une économie circulaire vise à dépasser le modèle économique linéaire consistant à extraire, fabriquer, consommer et jeter, en appelant à une consommation sobre et responsable des ressources naturelles et des matières premières primaires, ainsi que, par ordre de priorité, à la prévention de la production de déchets, notamment par le réemploi des produits, et, suivant la hiérarchie des modes de traitement des déchets, à une réutilisation, à un recyclage ou, à défaut, à une valorisation des déchets.

La loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, en son article 70, a ainsi défini l’économie circulaire, et l’a fait entrer pour la première fois dans notre droit.

L’économie capitaliste intensive, bâtie sur le cycle linéaire « extraction, production, consommation, rejet », n’est en effet plus soutenable.

Il n’est pas nécessaire de s’étendre longuement sur le diagnostic de l’épuisement de nos ressources, de l’augmentation des pollutions diverses issues du modèle de production dominant et des conséquences néfastes qui affectent l’environnement, la biodiversité et le climat. Nous le connaissons, et nous le partageons.

Toutefois, il demeure souvent utile de faire un détour et de rappeler ce point : cette économie fondée sur l’émission d’externalités négatives est source d’injustice, puisqu’elle conduit essentiellement à une privatisation des profits et à une diffusion communément subie des conséquences sanitaires et environnementales. Les coûts induits de la pollution de l’eau, de l’air et des sols, des émissions de gaz à effet de serre et des atteintes multiples à la biodiversité, occasionnés par l’agriculture intensive, la surexploitation des ressources halieutiques ou forestières, la production d’énergie carbonée sont ainsi partagés par toute la société.

L’économie circulaire propose une sortie de ce cycle, en vue d’un retour à un cycle plus fermé, minimisant la consommation de ressources et les rejets associés par l’optimisation de l’utilisation des matières premières, l’augmentation de la durée de vie des produits et la limitation des pertes induites en ressources. Cette évolution doit conduire à découpler la consommation des ressources et l’émission de rejets et d’externalités du volume d’activité économique.

La transition vers une économie circulaire implique des réallocations sectorielles entre les activités intensives en matières et celles qui contribuent à les économiser. Cela concerne l’approvisionnement durable, l’écoconception des produits, les progrès de la productivité matière et de l’efficacité énergétique, l’utilisation d’énergies ou de matériaux renouvelables moins polluants, l’agriculture biologique et l’agro-écologie plus économes en sols, les technologies environnementales réduisant les risques de pollution.

Plus simplement, la sobriété se retrouve également dans la réparation des produits, l’extension de leur cycle de vie par le recours à l’occasion, le partage et la location, qui diminuent le nombre de biens à produire.

Le développement de l’économie du partage facilite cette évolution de l’économie et est aujourd’hui fortement créateur d’emplois.

L’« ubérisation » de l’économie constitue d’ores et déjà un fort gisement d’emplois, mais il est indispensable d’aborder pleinement, et au plus vite, les problématiques qui en découlent en termes de qualité d’emplois. Celles-ci relèvent, en effet, de la précarisation accélérée des jeunes générations et de la polarisation exponentielle des ressources au bénéfice de quelques plateformes détentrices de rentes de situation.

Dans sa note d’analyse d’avril 2016, France Stratégie souligne que la production moyenne de déchets par habitant est supérieure à la moyenne des pays de l’Union européenne et qu’une marge de progression importante existe pour aboutir à un taux plus important de valorisation par le recyclage de la matière et la récupération d’énergie.

Au sein de notre système mondial d’échanges, de plus en plus intégré et productif, notamment depuis les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, avec la montée en puissance du marché unique européen et des accords commerciaux impulsés par l’Organisation mondiale du commerce, le secteur secondaire de notre économie, comme celui de plusieurs pays dits « développés », souffre de nombreuses pertes d’emploi, qui ne sont qu’en partie compensées par un accroissement du secteur tertiaire.

Dans ce contexte, le recours aux circuits courts est à même de redynamiser notre économie affectée par les délocalisations, de constituer un gisement d’emplois et de requalifications. De plus, le moindre recours aux importations que suppose la relocalisation de la production de biens conduit à une réduction induite des émissions de gaz à effet de serre et autres polluants.

Depuis 2012, le Gouvernement a souhaité accélérer l’engagement du pays dans la voie de l’excellence environnementale et de l’économie circulaire, via des initiatives telles que l’appel à projets « territoires zéro déchet zéro gaspillage » ou le lancement d’un nouveau programme de prévention des déchets pour la période 2014-2020, prévoyant la mise en place d’actions concrètes pour réduire notre production de déchets et promouvoir leur réemploi et leur recyclage.

Surtout, la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte a été une occasion réussie d’introduire de nombreux objectifs et dispositifs à l’horizon de dix ans. La réduction de 10 % des déchets ménagers et assimilés, la lutte contre l’obsolescence programmée des produits manufacturés grâce à l’information des consommateurs, l’augmentation de la part de déchets valorisés ou la réduction de 50 % des quantités de produits manufacturés non recyclables avant 2020 sont autant d’objectifs à même d’encourager le développement de l’économie circulaire en France.

La réduction du recours aux sacs et emballages en plastique, le renforcement du principe de proximité et d’autosuffisance en matière de gestion des déchets ou la mise en place d’incitations financières par les éco-organismes pour la prévention des déchets et leur gestion à proximité des lieux de production sont parmi les mesures concrètes qui complètent ce train d’objectifs.

C’est là une avancée significative, qui devra nécessairement être amplifiée par les futurs gouvernements et parlementaires de la législature à venir.

Aussi, mes chers collègues, je vous remercie les uns et les autres pour le travail que nous avons su mener, ici, ensemble, tout en rappelant, bien sûr, qu’il reste encore beaucoup à faire sur le sujet.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste. – M. Yves Détraigne applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Husson, pour le groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Hervé Maurey applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je veux tout d’abord remercier nos collègues du groupe écologiste d’avoir pris l’initiative de ce débat. Je fais effectivement partie de ceux qui voient dans l’économie circulaire un « gisement de matières premières et d’emplois ».

Le concept d’économie circulaire naît de l’idée selon laquelle un déchet convenablement traité peut redevenir une ressource, formant ainsi une boucle dans la chaîne de production et de consommation.

Le dérèglement climatique, le ralentissement économique et la réforme des territoires créent un contexte dans lequel notre pays doit convertir son industrie en faveur de la croissance, de l’emploi, de la préservation et de la valorisation des ressources. Il va donc falloir changer notre logiciel, et passer d’une économie dite « linéaire » à une économie circulaire.

Pour cela, nous devons déployer une approche plus globale, impliquant l’ensemble de la société, du producteur au consommateur.

Nous devons également, et dans le même temps, faire preuve de sobriété, lutter contre le gaspillage ou les gaspillages, concevoir tous les déchets comme autant de ressources potentielles – en clair, en faire des produits.

Il s’agit en fait de promouvoir le développement de l’économie de la fonctionnalité, comme cela a été dit, c'est-à-dire un modèle privilégiant la fourniture d’un usage, plutôt que la vente d’un bien. Chacun, à son échelle et à son niveau, devra d’ailleurs assumer ses responsabilités, en étant attentif tout au long de la chaîne de production ou de consommation à la rareté de la ressource et à la nécessité de rechercher, en permanence, de la création de valeur.

Zéro déchet, zéro gaspillage. Il nous faut réintroduire du bon sens, mais également oublier certains classiques. Il me semble que ces orientations nous offriront un important effet de levier en termes de croissance et, j’y insiste, d’emplois.

Nous nous trouvons à un tournant, mes chers collègues, où il nous faut réconcilier l’économie et l’écologie, en faire des alliées, et non des ennemies. La consommation de ressources naturelles limitées ne peut plus être la seule source de croissance économique. C’est ce que nous rappelle Christian de Perthuis lorsqu’il écrit que, au-delà du recyclage et de la réutilisation des matériaux, le problème est de « nous assurer que nos comportements, en termes de production et de consommation, sont compatibles avec les fonctions régulatrices naturelles qui constituent le véritable capital naturel ». Dès lors, « le véritable enjeu de l’économie circulaire est celui de remettre nos cycles de production et de consommation en phase avec ces fonctions régulatrices naturelles, […] reconstruire une économie qui utilise ces cycles naturels comme de véritables facteurs de production ».

Vous le devinez, le vivier d’emplois se situe donc dans l’innovation technologique et la recherche. C’est la raison pour laquelle, me semble-t-il, il serait judicieux de rendre l’économie circulaire éligible aux programmes d’investissements d’avenir, les fameux PIA.

Un État converti à l’économie circulaire sera effectivement moins tributaire des ressources naturelles dont, d’ailleurs, il ne dispose pas forcément. Dans le même temps, il sera plus indépendant. Choisir des matières premières aux externalités négatives limitées libère du temps et de l’énergie. C’est donc source d’économies pour les acteurs publics.

Toutefois, il faut le reconnaître, on risque aussi de voir certains emplois disparaître du fait de l’innovation et d’une reconfiguration des chaînes de valeur. Cette évolution est inévitable. Mais – et ce n’est pas contradictoire –, les études font état d’un apport grandement positif de l’économie circulaire pour l’économie française, avec quelque 800 000 nouveaux emplois créés.

Permettez-moi de citer rapidement quelques exemples.

Je salue tout d’abord la création de l’Institut de l’économie circulaire en 2013 et le travail réalisé depuis lors par cet organisme. Je salue ensuite la remise, par l’Association française des entreprises privées, l’AFEP, d’un document dévoilant 100 engagements d’une trentaine d’entreprises en faveur de l’économie circulaire. Je salue enfin l’ensemble des avancées apportées au travers de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, avec, notamment, des objectifs concernant la valorisation et le recyclage des déchets.

Malgré cela, les matières recyclées ne sont pas aujourd'hui assez compétitives face aux matières vierges. Il faut donc prendre certaines mesures, parmi lesquelles je citerai : la mise en place d’un prix du carbone suffisant pour permettre d’accélérer la transition vers les technologies « bas carbone » ; un travail sur une TVA à taux réduit pour les matériaux issus du recyclage ; le développement des mécanismes amortissant les fluctuations des cours de matières premières pour encourager l’industrie du recyclage ; le soutien à la création de plateformes d’économie circulaire entre industriels pour développer le dialogue et les synergies.

La Commission européenne vient de rappeler son intention de voir « définitivement adopté en 2017 » son plan d’actions en faveur de l’économie circulaire. L’objectif est d’atteindre, d’ici à 2030, un taux de recyclage de 65 % des déchets municipaux et de 75 % des déchets d’emballage, alors qu’aujourd'hui seuls 40 % des déchets des ménages européens sont recyclés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

J’en arrive à ma conclusion, madame la présidente.

La France doit donc engager, avec force, vigueur, audace et vitalité, sa conversion en faveur d’une écologie au service de l’économie et de l’emploi, pour un avenir dans une sobriété heureuse !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, de l'UDI-UC et du groupe écologiste.

Debut de section - Permalien
Barbara Pompili, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargée de la biodiversité

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d’abord de vous remercier pour l’organisation de ce débat.

Celui-ci illustre une réalité dont chacun doit être conscient : il n’y aura pas de transition écologique possible sans transition vers l’économie circulaire. C’est bien pourquoi la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte a consacré un chapitre entier à ce sujet. Cette prise de conscience a permis de très importantes avancées, la France ayant pour ambition, ainsi, d’être pionnière en la matière, au niveau tant européen que mondial.

Mme Jouve et M. Mandelli ont mentionné le plan d’action européen sur l’économie circulaire proposé le 2 décembre 2015, qui comporte de nombreux travaux à engager entre 2016 et 2018. Grâce à la loi précitée, la France dispose d’un temps d’avance. Elle peut être proactive et force de proposition.

Parce qu’elle permet des réductions substantielles des émissions de gaz à effet de serre, l’économie circulaire représente un enjeu essentiel pour l’environnement. À titre d’exemple, 3, 2 millions de tonnes d’emballages sont recyclés en France chaque année, ce qui évite l’émission de 2, 1 millions de tonnes de gaz à effet de serre.

Les économies sont aussi conséquentes sur le plan des matières. On estime ainsi que le volet portant sur l’économie circulaire dans la loi de transition énergétique permettra d’éviter, à partir de 2025, le gaspillage de 8, 6 millions de tonnes de matières et de 4 200 gigawattheures d’énergie chaque année.

L’économie circulaire représente également un enjeu en termes de développement économique, car elle crée des emplois pérennes et non délocalisables.

Je confirme le chiffre avancé par Mme Blandin, ce sont déjà 545 000 emplois qui sont mobilisés. Les dispositions concernant la gestion des déchets dans la loi de transition énergétique permettront, à elles seules, de créer au moins 10 000 emplois pérennes supplémentaires.

Les économies de matières, quant à elles, améliorent de manière significative notre balance commerciale.

Cette ambition de rendre la France pionnière dans le domaine de l’économie circulaire a trouvé son illustration dans la discussion parlementaire sur la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Elle mobilise fortement nos territoires : l’appel à projets « territoires zéro déchet zéro gaspillage », lancé par Ségolène Royal, et que Nicole Bonnefoy a mentionné dans son propos, rassemble désormais 153 territoires pionniers, couvrant plus de 30 millions d’habitants.

Les initiatives des industriels ont été mentionnées notamment par M. Maurey et Mme Tocqueville. Les ministères de l’environnement et de l’industrie les soutiennent fortement, avec, par exemple, la signature d’engagements pour la croissance verte. Les secteurs industriels s’engagent ainsi à mettre en œuvre des actions d’économie circulaire, avec l’accompagnement de l’État. Ségolène Royal a organisé, le 1er février dernier, une cérémonie de signatures de cette nature, associant, notamment, les entreprises de l’AFEP.

À l’attention de M. Husson, je confirme que le PIA est un outil essentiel. En 2016, les dépenses ont atteint 98 millions d'euros, pour 66 projets aidés.

Ce qui est en jeu, de nombreux orateurs l’ont relevé, c’est une véritable révolution copernicienne. Nous passons d’un modèle économique linéaire, qui consistait à extraire, produire, consommer et jeter, à un modèle d’économie intégrant l’ensemble du cycle de vie des produits : depuis leur production écoconçue jusqu’à la gestion des déchets en résultant, en passant par leur phase de consommation.

L’objectif consiste à « boucler la boucle », en réutilisant ou recyclant un maximum de matières.

Cela suppose de nombreuses mesures très opérationnelles. J’en rappellerai quelques-unes, parmi les plus emblématiques, tout en soulignant que, à la fin de l’année 2016, l’ensemble des textes d’application du titre « Économie circulaire » de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte ont été adoptés, soit 14 décrets – l’ensemble du dispositif est donc pleinement opérationnel.

La disposition la plus symbolique, peut-être, est l’interdiction progressive des sacs plastiques à usage unique.

La loi organise cette avancée en deux étapes : le remplacement des sacs de caisse par des sacs réutilisables, devenu une réalité dès le 1er juillet 2016, puis, à partir du 1er janvier 2017, le remplacement des autres sacs, notamment les sacs « fruits et légumes », par des sacs en papier ou des sacs compostables en compostage domestique et biosourcés, garantis par une norme spécifique.

Il est facile de constater opérationnellement la mise en place de cette mesure dans les magasins. Je parlais d’emplois : elle doit permettre d’en créer environ 3 000 dans le secteur de la plasturgie, en réorientant la production française vers des sacs compostables.

Nous nous attaquons ainsi à un important enjeu environnemental. Les déchets plastiques sont, de loin, les plus répandus dans l’environnement marin, où ils représentent entre 60 % et 80 % des déchets. On estime qu’il y a actuellement environ 5 000 milliards de particules plastiques qui flottent à la surface des mers. Ces déchets ont un fort impact sur la biodiversité marine : plus de 600 espèces marines sont impactées. Cette pollution coûte 13 milliards de dollars par an, selon le programme des Nations unies pour l’environnement.

C’est pourquoi la France est allée plus loin : la loi prévoit aussi l’interdiction des sacs oxo-fragmentables et la suppression des assiettes et gobelets jetables en plastique à partir du 1er janvier 2020.

Pour être complète, je rappelle que la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, que j’ai fait adopter, a prévu l’interdiction des microbilles de plastique dans les cosmétiques et des cotons-tiges en plastique à compter du 1er janvier 2020. Je profite de ce débat pour indiquer que le décret concrétisant cette mesure sera publié dans les jours à venir et saluer le rôle du Sénat sur ce sujet, puisque cette mesure a été introduite par un amendement sénatorial.

Cet engagement résolu dans la lutte contre les déchets plastiques s’est prolongé au niveau international.

Avec Ségolène Royal, nous avons demandé à la Commission européenne de nous emboîter le pas. La ministre a lancé, lors de la COP22, une coalition internationale pour la lutte contre les sacs plastiques et les pollutions marines, déjà rejointe par de nombreux pays. J’ai moi-même porté cette initiative lors de la treizième conférence des parties à la convention internationale sur la diversité biologique, en décembre dernier, ce qui a permis à d’autres pays de nous rejoindre à cette occasion. La conférence Méditerranée, qui se tiendra demain et après-demain, offrira une nouvelle occasion d’avancer sur ce sujet.

Plus généralement, la loi de transition énergétique prévoit des objectifs structurants, qui orientent la France sur une trajectoire vertueuse. Ainsi, la loi inclut un objectif de réduction de 30 % du ratio entre le produit intérieur brut et la consommation de ressources d’ici à 2030. Il s’agit véritablement de découpler la croissance de la consommation de ressources.

En réponse à une interrogation formulée par M. Maurey, j’indique que la loi a prévu la mise en place d’une stratégie nationale de transition vers l’économie circulaire, qui doit être proposée tous les cinq ans par le Gouvernement. Nous envisageons de construire cette stratégie en deux parties.

La première sera particulièrement consacrée à la prévention et la gestion des déchets. Elle a fait l’objet d’une proposition formelle auprès du Conseil national des déchets le 6 décembre 2016, sur le fondement, notamment, des avancées de la loi. Le résultat en a été la publication, à la fin du mois de janvier dernier, de la brochure intitulée « Plan de réduction et de valorisation des déchets 2025 », qui constitue une première contribution à la stratégie nationale de transition vers l’économie circulaire.

Par ailleurs – ce point était particulièrement cher, je le sais, à votre collègue Chantal Jouanno, qui avait insisté pour qu’il soit explicitement introduit dans la loi –, nous devons élaborer un plan de programmation des ressources. Des travaux ont été engagés en ce sens, depuis 2016, par le Commissariat général au développement durable du ministère.

La discussion, associant les parties prenantes, s’est focalisée autour des thèmes clés identifiés comme les plus importants : plan de mobilisation de la biomasse, ressources minérales et métaux stratégiques, lutte contre l’artificialisation des sols. Ce plan doit être finalisé dans les semaines à venir. Il me semble important qu’il fasse l’objet d’une transmission au Parlement et d’une discussion avec les parlementaires.

Reconnaissons-le, il n’existe pas à ce jour de véritable structure de concertation nationale concernant l’économie circulaire.

Le Conseil national des déchets est, certes, prévu réglementairement, mais son champ d’intervention reste limité au thème des déchets dans ses missions et dans sa composition. Le Conseil national de la transition écologique est légitime sur tous les sujets, dont l’économie circulaire, mais il ne s’est pas réellement saisi de cette question précise.

C’est pourquoi le Gouvernement souhaite qu’une réflexion soit engagée sur ce thème : le Conseil national des déchets devra s’en saisir lors de sa prochaine rencontre. Les orientations données par les parlementaires sur ce sujet seront naturellement utiles à ce débat.

Un autre objectif essentiel est la diminution de moitié de la mise en décharge d’ici à 2025. Cela implique d’améliorer la prévention des déchets et d’augmenter fortement le recyclage. Une part encore trop importante de déchets qui pourraient être valorisés restent pour l’instant incinérés ou mis en décharge. Le premier chantier doit donc consister à améliorer le tri des déchets pour permettre leur valorisation.

Ce point est également lié à l’importance du développement du recyclage de proximité, à la fois pour minimiser les impacts environnementaux et développer des emplois locaux. À ce titre, je salue le travail de votre collègue Évelyne Didier, ayant permis l’intégration, dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, d’une définition du principe de proximité, consensuelle entre tous les acteurs.

Un chantier essentiel est la mise en place progressive de l’extension des consignes de tri pour les particuliers à tous les emballages en plastique d’ici à 2022.

La loi, dans ce cadre, prévoit également la généralisation du tri à la source des biodéchets. Cela signifie que, d’ici à 2025, toutes les collectivités devront proposer à leurs ménages des solutions pour trier leurs déchets de cuisine et leurs déchets verts. C’est une évolution d’ampleur pour les collectivités, et je me réjouis que nombre d’entre elles aient déjà engagé ces démarches. C’est notamment le cas parmi les collectivités lauréates de l’appel à projets « territoires zéro déchet, zéro gaspillage ». Je pense également aux collectivités du réseau Compost plus, mais aussi à la Ville de Paris, qui lance actuellement une expérimentation de tri à la source des biodéchets dans certains arrondissements.

Enfin, la loi prévoit que toutes les entreprises et administrations devront désormais trier leurs déchets pour les orienter vers le recyclage. C’est, là encore, un défi important, mais aussi une source d’économies, de ressources et de développement de l’emploi.

L’enjeu de l’amélioration du tri est particulièrement important s’agissant des professionnels du BTP. Ce dernier est le plus gros producteur de déchets, et il lui reste d’importantes marges de progrès. La loi prévoit donc le développement d’un réseau de déchetteries professionnelles accueillant les déchets du BTP.

À cette fin, elle confie aux distributeurs de matériaux de construction la responsabilité d’organiser la reprise des déchets du BTP. Certains distributeurs pratiquaient déjà cette reprise à titre volontaire et en tiraient des revenus complémentaires, en plus d’offrir un nouveau service à leurs clients. Toutefois, d’autres professionnels du secteur du BTP se sont opposés à cette réforme et ont engagé un contentieux.

Je me réjouis que le Conseil constitutionnel ait récemment confirmé la validité de cette mesure structurante, et je souhaite que les professionnels concernés s’engagent dans l’application de celle-ci sans tarder.

Par ailleurs, MM. Commeinhes et Mandelli ont souligné l’importance de l’écologie industrielle et territoriale, c’est-à-dire l’organisation d’échanges de matière et d’énergie à l’échelle d’une zone industrielle par lesquels les déchets des uns deviennent les ressources des autres. Je confirme l’importance de ce sujet : la loi elle-même affirme la nécessité de développer de telles synergies. En outre, le ministère de l’environnement et l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, soutiennent les initiatives des collectivités en ce sens.

Pour que ces différentes réformes puissent aboutir, il est important que l’ensemble des parties prenantes reçoivent des signaux économiques cohérents et incitatifs. Le Gouvernement a donc mis en place à la fin de l’année 2016, dans le cadre de la loi de finances rectificative, une réforme de la taxe sur la mise en décharge et l’incinération. La loi prévoit maintenant que ces taxes vont être progressivement augmentées d’ici à 2025, afin d’inciter les acteurs à s’orienter davantage vers le recyclage.

De la même manière, il est important que les citoyens qui trient se voient récompensés de leurs efforts. C’est pourquoi la loi de transition énergétique tend à développer la tarification incitative. Ce système permet à la collectivité d’adapter le prix que paye chaque citoyen pour la gestion de ses déchets, en fonction des quantités de déchets que celui-ci produit.

Dans les collectivités qui l’ont déjà mis en place, lesquelles représentent près de 5 millions d’habitants, ce dispositif s’avère particulièrement efficace : il permet à la collectivité d’améliorer fortement ses performances de tri et de recyclage, et donc de diminuer le coût total de la gestion des déchets. La loi prévoit que cette tarification incitative concernera 15 millions d’habitants en 2020 et 25 millions en 2025.

Outre ces évolutions importantes dans le domaine de la gestion des déchets, la grande nouveauté de la loi de transition énergétique est d’adopter une approche intégratrice sur l’ensemble du cycle de vie des produits. Ainsi, la loi prévoit des mesures importantes portant sur l’amont, l’écoconception des produits et leur réutilisation, comme l’a souligné Mme Bonnefoy.

Parmi ces mesures importantes, je citerai l’obligation pour les professionnels de la réparation automobile de proposer aux consommateurs qui le souhaitent d’avoir recours à des pièces de rechange issues de l’économie circulaire. Ce dispositif permet de renforcer fortement le marché des pièces issues de la déconstruction des véhicules hors d’usage dans les centres agréés et ainsi de renforcer les professions de la déconstruction et de la réparation automobiles. Il me semble important de noter que les activités liées à la réparation sont les plus pourvoyeuses d’emplois – 275 000 au total – parmi les métiers de l’économie circulaire. Ce sont des emplois locaux et non délocalisables, souvent liés à l’économie sociale et solidaire.

Debut de section - Permalien
Barbara Pompili, secrétaire d'État

Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État. De la même manière, la loi prévoit la mise en place d’une filière de déconstruction des bateaux de plaisance, à l’image de ce qui existe depuis longtemps sur les véhicules hors d’usage. À la suite de la parution du décret organisant cette filière, le cahier des charges des éco-organismes va paraître très prochainement. Cela permettra d’apporter des réponses concrètes aux détenteurs de bateaux hors d’usage et aux collectivités qui se retrouvent souvent submergées par des bateaux abandonnés. Cela permettra aussi de créer une filière industrielle et un savoir-faire français dans ce domaine, et ainsi de créer de nombreux emplois.

M. Jean Desessard s’exclame.

Debut de section - Permalien
Barbara Pompili, secrétaire d'État

Avec la loi de transition énergétique, mais également avec une loi dédiée portée avec Guillaume Garot en février 2016, notre majorité a mis en place une série de mesures de lutte contre le gaspillage alimentaire. La plus emblématique concerne l’obligation pour les distributeurs de produits alimentaires de proposer des conventions de don de leurs invendus encore consommables à des associations caritatives. Cette mesure est maintenant une source d’inspiration pour plusieurs autres pays européens.

En conclusion, je dirai un mot sur la durée de vie des produits.

Je confirme à M. Desessard, qui a notamment abordé ce sujet essentiel, que l’économie circulaire est un sujet éminemment transversal. Cela est particulièrement important dans un contexte où le Sénat a publié voilà quelques semaines, comme vous l’avez relevé, un rapport visant à alerter sur la durée de vie des téléphones portables. À cet égard, je tiens à saluer l’excellent travail de la sénatrice Marie-Christine Blandin qui, avec son groupe, a pris l’initiative de ce débat parlementaire.

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - Permalien
Barbara Pompili, secrétaire d'État

Madame la sénatrice, les chiffres que vous rappelez dans votre propos sont édifiants et appellent, à l’évidence, un renforcement de notre arsenal.

De manière générale, je vous rejoins sur l’importance de ce sujet, en raison à la fois de son caractère symbolique pour tous les citoyens – aujourd’hui, une très grande partie de la population est équipée de smartphones ou de téléphones portables et constate leur durée de vie très limitée –, et de son importance environnementale : ces appareils contiennent en effet de grandes quantités de métaux rares ou stratégiques, dont l’approvisionnement peut être source de tensions entre les pays et de pollutions environnementales. Il est effectivement surprenant que l’on nous demande actuellement d’ouvrir de nouvelles mines d’or en Guyane, alors que les téléphones portables et les cartes téléphoniques qui se trouvent dans nos poubelles ou dorment dans nos placards en contiennent de très fortes quantités !

M. Joël Labbé opine.

Debut de section - Permalien
Barbara Pompili, secrétaire d'État

La loi de transition énergétique définit, pour la première fois au monde, un cadre législatif à la notion d’obsolescence programmée. De telles pratiques, consistant à concevoir délibérément un produit de manière à réduire sa durée de vie, sont maintenant clairement définies par la loi, et deviennent un délit condamnable pénalement.

M. Jean Desessard s’exclame.

Debut de section - Permalien
Barbara Pompili, secrétaire d'État

L’allongement de la durée de vie des produits doit aussi passer par d’autres mesures.

La loi prévoit notamment l’expérimentation de l’affichage en magasin de la durée de vie prévisionnelle des produits. Une telle expérimentation est en cours de préparation par les services du ministère de l’environnement.

Plus généralement, le rapport du Sénat pointe l’importance de plusieurs actions à l’instar de la structuration de la filière de collecte et de recyclage des déchets d’équipements électriques et électroniques. À ce sujet, la loi de transition énergétique a prévu l’obligation, pour tous les opérateurs de traitement des déchets issus des équipements électriques et électroniques, d’être en contrat avec un éco-organisme de la filière de responsabilité élargie des producteurs, ou REP, concernée.

Cette mesure est importante, car elle permettra de limiter très fortement la filière illégale de traitement de ces déchets, qui aboutit souvent à des exportations illégales vers des pays d’Afrique, d’Asie ou autres, afin de récupérer les métaux stratégiques de ces déchets. Cette mesure permettra aussi d’augmenter la transparence de cette filière.

Le renforcement des modulations des écocontributions de la filière REP, pour donner des bonus aux producteurs améliorant l’écoconception de leurs équipements électriques est un point important. Nous rejoignons les conclusions du rapport : si la modulation est déjà une réalité, elle doit être accentuée et approfondie, en particulier s’agissant de la durée de vie des produits.

Je citerai également la mise en place opérationnelle d’un dispositif de sanctions à l’encontre des producteurs de téléphones portables et, plus généralement, d’équipements électriques et électroniques ne respectant pas le cadre réglementaire. Ce dispositif de sanctions a été renforcé par la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages afin de prévoir des amendes dissuasives pour les producteurs n’adhérant pas à un éco-organisme, ne pratiquant pas la reprise « un pour un » des déchets en magasin ou ne respectant pas les réglementations concernant l’export de déchets.

Enfin, la question de l’opportunité d’augmenter les durées de garantie des produits de deux ans à cinq ans, voire dix ans pour certaines catégories de produits, a clairement été posée dans la loi de transition énergétique. Aux termes de la loi, le Gouvernement doit transmettre au Parlement un rapport sur ce sujet. Ce dernier est en cours de concertation interministérielle et sera publié très prochainement.

J’ai bien noté que le Sénat a lui-même proposé, lors de ses récents travaux, un passage de deux à quatre ans pour les téléphones portables, rejoignant ainsi les revendications de certaines associations environnementales. En tout état de cause, il semble important que de tels débats puissent être organisés à une échelle européenne, pour maximiser leur effet et éviter les distorsions de concurrence entre fabricants et distributeurs au sein des différents États membres.

Debut de section - Permalien
Barbara Pompili, secrétaire d'État

Le rapport gouvernemental prévoira également d’autres pistes d’action, largement convergentes ou inspirées du rapport du Sénat.

La première consiste à renforcer la garantie légale de conformité en faisant obligatoirement figurer en toutes lettres sur la facture d’achat d’un produit une mention selon laquelle l’achat du produit s’accompagne d’une garantie légale de conformité de deux ans.

La deuxième vise à encourager la réparation des biens, en donnant la priorité à la réparation du bien, au lieu de procéder à un échange standard dans le cas d’un défaut de conformité : le ministère de l’environnement souhaite proposer une évolution de la directive européenne affirmant cette priorité à la réparation.

La troisième tend à renforcer l’affichage de la disponibilité des pièces détachées, y compris l’absence de garantie de disponibilité des pièces détachées, ce qui n’est pas le cas actuellement.

Je conclurai sur ce point en réagissant aux propos de M. Bosino concernant l’importance des syndicats dans le repérage des difficultés que rencontrent les travailleurs dans la réparation ou le recyclage des équipements électriques, avec l’exemple édifiant de Samsung.

Je partage votre point de vue, monsieur le sénateur, car il est essentiel de veiller aux bonnes conditions de travail et de s’assurer que le dialogue social permettra de repérer les éventuelles difficultés. Ce point rejoint, du reste, la question des lanceurs d’alerte chère à Mme Blandin.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ce débat n’est pas une fin : il s’inscrit dans une réflexion qui ne demandera qu’à s’enrichir de nouvelles pratiques, de nouvelles expériences, mais aussi de nouvelles ambitions et de nouveaux défis. Le débat, lui aussi, doit devenir circulaire.

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Sourires.

Debut de section - Permalien
Barbara Pompili, secrétaire d'État

Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État. Permettez-moi de reprendre, pour conclure, quelques expressions prononcées aujourd’hui, qui me paraissent frappées au coin du bon sens : « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. » – nous revenons aux fondamentaux – ; « faire primer le bon sens sur l’idéologie » – nous sommes tous d’accord –, « plus de matière grise pour moins de matières premières. » Tout est dit !

Applaudissementssur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur quelques travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Nous en avons terminé avec le débat sur le thème : « Économie circulaire : un gisement de matières premières et d’emploi. »

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants, afin de permettre à chacun de rejoindre la salle Clemenceau, où va se dérouler le débat sur le bilan de l’application des lois.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-sept heures quarante, est reprise à dix-sept heures quarante-cinq, en salle Clemenceau, sous la présidence de M. Gérard Larcher.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L’ordre du jour appelle le débat sur le bilan de l’application des lois (rapport d’information n° 396).

Monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président Claude Bérit-Débat, mesdames, messieurs les présidents de commission, mes chers collègues, notre séance plénière se tient dans la salle Clemenceau. Je rappelle que le groupe de réflexion sur les méthodes de travail du Sénat avait proposé, sur l’initiative de ses deux rapporteurs, Roger Karoutchi et Alain Richard, de recourir plus souvent à cette possibilité. Nous ne l’utilisons pas assez souvent ; il en sera peut-être autrement dans quelques semaines.

Nous sommes réunis pour effectuer le bilan de l’application des lois, qui prend cette année une forme un peu particulière, puisqu’il portera sur l’ensemble du quinquennat, plus exactement sur 47 lois qui ont été considérées par les commissions comme les plus significatives. C’est un moment essentiel, dans la mesure où, comme vous le savez, le Sénat attache une importance particulière au contrôle de l’application des lois, qui constitue depuis 1972 une spécificité de notre assemblée.

Sur la suggestion d’Alain Richard, la conférence des présidents a prévu cette année une organisation plus interactive de la discussion, afin que le dialogue s’engage, monsieur le secrétaire d’État, de manière dynamique et constructive sur les points essentiels que soulèveront les présidents de commission et les orateurs des groupes. Vous pourrez réagir immédiatement pour une durée équivalente.

Avec votre autorisation, je tiens à saluer l’attention portée par Marc Guillaume, secrétaire général du Gouvernement, à la publication dans les meilleurs délais des nombreux textes d’application. Cette séance est souvent l’occasion d’adresser des reproches, mais je dis les choses telles qu’elles sont, monsieur le secrétaire d'État ! M. le secrétaire général du Gouvernement a été entendu le 24 janvier dernier par le président Claude Bérit-Débat, en présence des présidents de commission ou de leurs représentants.

Sans plus attendre, je donne la parole pour dix minutes à M. Claude Bérit-Débat, président de la délégation du Bureau chargée du travail parlementaire, du contrôle et des études. Je le remercie pour la qualité de son rapport d’information sur le bilan de l’application des lois du quinquennat au 31 décembre 2016.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mesdames, messieurs les présidents de commission, mes chers collègues, la séance publique de cet après-midi va nous permettre de faire le point sur l’application des lois. Je tiens à vous remercier de votre présence, monsieur le secrétaire d’État.

Ce rendez-vous annuel vise cette année un objectif bien précis. Il est, en effet, question ici non pas seulement de débattre, comme à l’accoutumée, de l’application des lois à l’aune des chiffres de la session parlementaire précédente ou de la législature en cours – cet exercice viendra dans les mois à venir –, mais également de faire un focus sur l’application des lois considérées comme significatives par les commissions permanentes et promulguées au cours du quinquennat qui touche à sa fin.

Tous les chiffres relatifs à ces lois significatives figurent dans mon rapport d’information écrit. Aussi me contenterai-je d’en récapituler les points essentiels.

Ces données, je vous le rappelle, ont été établies à partir des bilans détaillés des commissions permanentes, dont je salue la qualité, et des statistiques de la direction de la législation et du contrôle du Sénat, après recoupement avec les chiffres concordants du secrétariat général du Gouvernement.

Comme en 2015 et 2016, dans le cadre du contrôle annuel de l’application des lois, nous avons eu l’honneur d’auditionner M. le secrétaire général du Gouvernement, M. Marc Guillaume, le 24 janvier dernier, comme vient de le préciser M. le président.

Au vu de ces informations et des spécificités méthodologiques inhérentes à cet exercice un peu particulier, quatre points semblent devoir être soulignés.

Tout d’abord, les sept commissions permanentes ont sélectionné 47 lois considérées comme significatives et dont le détail est fourni au sein du rapport. Les dispositions cumulées nécessitent près de 1 600 mesures d’application de toute nature. À l’exception de deux textes, le choix des commissions s’est porté sur des lois d’origine gouvernementale.

La taille des lois sélectionnées est variée. Alors que certaines illustrent bien le phénomène souvent décrit selon lequel les textes législatifs sont de plus en plus volumineux, d’autres lois significatives sont, à l’inverse, de taille plus modeste, mais revêtent néanmoins une portée politique forte, justifiant leur entrée dans notre champ d’étude.

La loi la plus ancienne retenue a été promulguée fin décembre 2012, alors que les textes les plus récents datent du mois d’août dernier. Le délai de six mois que s’est fixé le Gouvernement pour appliquer les lois n’était donc pas échu, en ce qui concerne ces derniers textes, à la date du 31 décembre 2016, date d’établissement des statistiques du rapport – nous en avons tenu compte.

Si le champ d’étude du rapport porte bien sur 47 lois significatives, son champ statistique est, lui, réduit à 33 textes. En effet, en ont été logiquement soustraites sept lois d’application directe étudiées sous leurs seuls aspects qualitatifs par les commissions, trois collectifs budgétaires analysés sous l’angle de quelques dispositions seulement, ainsi que quatre lois promulguées après le 1er juillet 2016.

Ensuite, le taux d’application des mesures entrant dans ce champ statistique est notable. Il atteint, en effet, 86 % au 31 décembre 2016, selon les données de la base APLEG. À titre de comparaison, le taux de mise en application de l’ensemble des dispositions législatives de la XIIIe législature prescrivant un texte réglementaire était de 73 % à la fin du mois de décembre 2011, selon cette même source.

Le taux d’application de 86 % est donc élevé. Les développements des bilans des commissions permanentes ne manquent d’ailleurs pas de le souligner pour les lois qui les concernent, même si les réserves habituelles sur la portée relative des taux d’application sont une nouvelle fois souvent rappelées.

S’il ne s’agit pas d’un taux global, ce taux attaché à un échantillon de lois significatives semble cohérent avec la tendance à la hausse que connaît le taux d’application des lois depuis le début du quinquennat. Cette tendance est illustrée par l’évolution des taux d’application session par session présentée par les rapports d’information annuels du Sénat sur le sujet, mais également par les bilans semestriels et désormais mensuels produits par le Gouvernement. Le prochain bilan annuel sur l’application des lois qui prendra place au printemps prochain nous permettra, je l’espère, de constater une nouvelle fois cette tendance.

Par ailleurs, j’émettrai un léger bémol concernant, comme chaque année, le taux de dépôt des rapports que le Gouvernement doit, le cas échéant, remettre au Parlement, qu’il s’agisse du rapport de « droit commun » sur la mise en application des lois prévu par l’article 67 de la loi de simplification du droit du 9 décembre 2004 ou des rapports ad hoc éventuellement prévus par certains textes. En effet, pour les 33 textes considérés, le taux de dépôt des rapports relevant de l’article 67 précité avoisine seulement 60 %.

Pour conclure, monsieur le secrétaire d’État, je reprendrai, si vous m’y autorisez, le sens de votre communication en conseil des ministres le 8 février dernier. Outre un taux d’application des lois de 90 %, le compte rendu mentionne que « l’ensemble des ministères poursuivront leurs efforts jusqu’à la fin du quinquennat, afin de maintenir le taux d’application des lois à un très haut niveau ».

Il est vrai que la qualité des taux d’application résulte du travail particulièrement significatif mis en œuvre par le Gouvernement pour les obtenir. Le niveau très satisfaisant atteint par les chiffres actuels ne sera néanmoins maintenu que si les efforts et la vigilance nécessaires sont conservés jusqu’à la fin de ce quinquennat et par les futurs gouvernements.

Les enjeux de la qualité de l’application des lois dépassent de loin les seules questions juridiques qui y sont souvent attachées. Bien qu’administratif, le travail d’application des lois est en réalité empreint d’une profonde portée politique, puisqu’il recèle en son sein la garantie de la crédibilité de nos institutions démocratiques.

La qualité de l’application des lois est, en effet, une réponse définitive aux critiques populistes fréquentes qui remettent en cause l’effectivité des textes que nous votons et, par là même, l’essence du travail parlementaire.

Il n’est plus aujourd’hui possible de reprendre l’idée facile, mais fausse, selon laquelle les lois ne sont pas appliquées, car les faits sont là.

Debut de section - Permalien
André Vallini, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement

Monsieur le président, monsieur le président Claude Bérit-Débat, mesdames, messieurs les présidents de commission, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie tout d’abord de m’accueillir pour le dernier exercice annuel de la législature qui consiste à établir un bilan et instaurer un dialogue autour de la question, essentielle, de l’application des lois.

Tout d’abord, je tiens à remercier M. Claude Bérit-Débat, l’ensemble des présidents de commission ainsi que les services du Sénat qui, grâce à leur remarquable expertise, nous permettent de suivre avec précision le travail réalisé et les efforts restant à fournir afin que les lois votées ne restent pas lettre morte et puissent se traduire en réalités concrètes pour nos concitoyens.

Cet enjeu, vous le savez, est au cœur des préoccupations du Président de la République depuis 2012 et des gouvernements successifs. Outre la mise en place du comité interministériel de l’application des lois, que j’ai réuni voilà deux semaines et que je réunirai de nouveau dans la deuxième quinzaine du mois de mars avec le secrétaire général du Gouvernement, le suivi de l’application des lois fait toujours l’objet de communications régulières en conseil des ministres et d’une grande attention, mêlée d’un peu d’inquiétude, de la part de mes collègues membres du Gouvernement.

Les bonnes pratiques, de même que les travaux conduits chaque année avec le Sénat, nous ont permis d’atteindre les excellents résultats que vous avez soulignés, monsieur le président Bérit-Débat.

Bien que les méthodologies de calcul de l’application des lois diffèrent à la marge, notamment pour la prise en compte des mesures de nature infradécrétale et des décrets dits « spontanés », les résultats du Sénat et du Gouvernement vont dans le même sens. Le taux d’application de l’ensemble des textes adoptés depuis le début de la législature et promulgués depuis plus de six mois est en constante amélioration, et, comme vous l’avez également relevé, il est supérieur de plus de dix points à celui de la fin de la précédente législature.

Au-delà de ce taux global, prenant en compte la règle des six mois, les sénateurs ont collectivement décidé cette année, en cette fin de mandat, d’effectuer un bilan plus ciblé et plus qualitatif, portant sur quarante-sept lois particulièrement représentatives de l’action du Gouvernement. Dans le rapport d’information, M. Jean Bizet a également fait état du bilan de la prise en compte des positions du Sénat dans la législation et les négociations européennes.

Sur ces deux périmètres, l’amélioration des résultats du Gouvernement est également indéniable.

Pour autant, une fois ce bilan positif établi, nous ne devons pas relâcher notre effort dans les derniers mois et les dernières semaines de ce quinquennat pour mettre en œuvre les mesures ayant pris du retard et celles que contiennent les lois qui seront adoptées jusqu’à la fin de cette semaine : je rappelle que la session parlementaire s’achèvera après-demain. Je vais donc continuer à veiller activement à la mobilisation de nos services et des cabinets ministériels pour améliorer encore le taux d’application de certaines d’entre elles.

Je citerai tout d’abord quatre textes déjà anciens, puisque promulgués il y a plus d’un an, pour lesquels des retards persistent et doivent être comblés dans les meilleurs délais : tout d’abord, la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, la loi ALUR, pour laquelle une dizaine de mesures restent encore à prendre ; ensuite, la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, qui nécessite encore onze mesures d’application ; puis, la loi du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement, pour laquelle dix mesures restent encore à prendre ; et, enfin, la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, qui nécessite encore quarante-sept mesures d’application.

En outre, trois lois plus récentes exigent encore un nombre important de mesures d’application.

La loi relative à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine présente d’importants retards d’application : trente-huit mesures restent à prendre. Concernant la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, vingt-trois mesures restent en attente de décrets d’application, ce texte présentant un taux d’application de 23 %. Enfin, pour la loi Travail, vingt-deux mesures restent à prendre. Ce dernier texte est toutefois applicable à plus de 80 %, le ministère du travail ayant déjà pris 102 des 124 mesures prévues. Cet effort a représenté un très lourd travail pour ce ministère, que vous connaissez bien, monsieur le président du Sénat.

Le Gouvernement ne ménagera pas non plus ses efforts sur les lois qui, bien que n’entrant pas dans le périmètre de nos bilans en vertu de la règle des six mois, doivent pourtant recevoir leurs mesures d’application dans les prochains mois.

Parmi les plus emblématiques de ces textes, je pense notamment à la loi pour une République numérique, à la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, à la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, à la loi relative à l’égalité et citoyenneté, qui vient d’être adoptée, à la loi pour l’égalité réelle des outre-mer, qui a également été adoptée très récemment, ou encore à la loi relative à la sécurité publique, adoptée la semaine dernière.

En conclusion, comme vous, monsieur le président Bérit-Débat, je regrette que le taux de remise des rapports au titre de l’article 67 reste faible, bien qu’il présente une amélioration, en atteignant 61 %. Je ne manquerai pas d’en faire part à mes collègues à l’occasion du conseil des ministres de la semaine prochaine, ainsi qu’à leurs directeurs de cabinet dans le cadre des travaux que je mène activement pour que les lois soient appliquées. Je le répète, les semaines à venir nous réservent encore beaucoup de travail en ce sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Nous allons maintenant procéder au débat interactif. Je rappelle que chaque orateur peut intervenir pour deux minutes et que le Gouvernement peut, s’il le souhaite, répondre à chaque orateur pour une durée équivalente.

Je vais tout d’abord donner la parole aux présidents des commissions ou à leurs représentants.

La parole est à Mme la présidente de la commission des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Monsieur le président, monsieur le président Bérit-Débat, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il est bien subjectif de sélectionner les lois significatives votées au cours d’un quinquennat qui restera notamment marqué par de nombreuses et importantes réformes fiscales.

Au-delà du décompte des textes d’application, la commission des finances, par ses travaux de contrôle, suit la manière dont les lois sont mises en œuvre.

L’application de certaines lois est un travail de longue haleine. La révision des valeurs locatives des locaux d’habitation a été relancée, sur l’initiative du Sénat, dans des conditions précisées depuis cinq ans par plusieurs lois de finances. M. le secrétaire d’État chargé du budget, Christian Eckert, présentait d’ailleurs le bilan de cette expérimentation, il y a quelques instants, à la commission des finances. Il s’agit d’un sujet dont le prochain gouvernement devra se saisir.

Il y a aussi les lois qui sont appliquées, mais dont la mise en œuvre ne produit pas les effets attendus. Je pense, par exemple, aux dispositions relatives à la gouvernance des finances publiques, qui figurent dans les lois de programmation des finances publiques. Ainsi, les revues de dépenses devaient permettre d’identifier des gisements d’économies budgétaires, mais aucune n’a débouché sur des réformes d’ampleur.

Monsieur le secrétaire d’État, quel jugement portez-vous sur cette expérience ?

Il y a également les lois qui ne sont pas appliquées complètement comme prévu. Par exemple, une loi de 2012 a créé la Banque publique d’investissement, la BPI, qui devient un acteur économique incontournable, mais qui ne verse toujours aucun dividende à l’État, contrairement à la Banque de France ou à la Caisse des dépôts. Le Gouvernement pense-t-il que cette situation sera durable ?

Il y a aussi les lois voulues par le Parlement et dont la mise en œuvre est interrompue par des décisions du Conseil constitutionnel, saisi de questions prioritaires de constitutionnalité. Nos auditions organisées à la suite de l’affaire des « Panama papers » ont montré que le registre des trusts créé en 2013 constituait un outil très utile dans la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales. Or, en octobre 2016, le Conseil constitutionnel a censuré le caractère public de ce registre. Depuis lors, nous attendons un nouveau décret. Ce vide juridique pénalise-t-il l’action des services du contrôle fiscal ?

Je conclurai en insistant sur le caractère parfois utile des rapports demandés au Gouvernement – un point qui pourrait être considéré comme une quasi-provocation.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

En 2014, François Marc, alors rapporteur général de la commission des finances, a demandé un rapport sur l’application de la loi Eckert portant sur les contrats d’assurance et les comptes bancaires en déshérence. Déposé en 2016, ce document a permis à son successeur, Albéric de Montgolfier, de découvrir que 6, 7 milliards d’euros de retraites supplémentaires n’étaient pas versés à leurs bénéficiaires, et donc d’amender la loi Sapin II, en prévoyant une obligation pour les compagnies d’assurances d’informer les bénéficiaires de ces contrats. Les rapports sont donc aussi un outil d’évaluation de l’application des lois !

Debut de section - Permalien
André Vallini, secrétaire d'État

Madame la présidente de la commission des finances, j’ai dit à l’instant que le taux de remise des rapports demandés au Gouvernement restait insatisfaisant et qu’il fallait absolument fournir un effort supplémentaire.

Le Gouvernement considère que les revues de dépenses sont un exercice pleinement utile, qu’il convient de poursuivre. En 2016, 500 millions d’euros d’économies provenant des revues de dépenses étaient proposés dans les textes financiers. En 2017, ce sont 400 millions d’euros qui ont été proposés. Ces montants peuvent certes paraître faibles, mais les revues de dépenses ne concernent pas que l’État. Par exemple, 22 % des recommandations pour 2016 étaient adressées aux collectivités, et environ la moitié des recommandations ne produisent des économies qu’à moyen ou long terme.

J’ajoute que l’apport des revues de dépenses est moins directement comptable : c’est en effet sur la diffusion progressive de l’idée selon laquelle les économies relèvent de la responsabilité de l’ensemble des administrations publiques qu’est construite notre stratégie de finances publiques.

La BPI a été créée en 2013 et, comme vous le savez, son actionnariat est composé de la Caisse des dépôts et consignations et d’un établissement public, l’EPIC Bpifrance. Ces deux structures versent des dividendes ou font remonter leurs réserves par arrêté. Les mécanismes sont donc difficiles à suivre, compte tenu de décalages temporels qui peuvent être importants entre les différentes étapes.

L’État a perçu de Bpifrance 66 millions d’euros pour l’exercice 2014, 118 millions d’euros pour 2015, et devrait percevoir entre 115 et 120 millions d’euros pour les années 2016 et 2017.

Enfin, la censure du registre public des trusts pour atteinte au droit au respect de la vie privée n’affecte pas notre capacité à lutter contre la fraude.

D’un point de vue général, nous avons ensemble, Parlement et Gouvernement, réalisé une rupture depuis 2012 dans la lutte contre la fraude fiscale, dont les résultats sont incontestables. À l’échelle internationale, avec le G20, à l’échelle de l’Union européenne et, enfin, au niveau national, avec l’adoption de 80 mesures législatives depuis 2012, nous avons amélioré les résultats du contrôle exercé, lesquels sont passés de 16 milliards d’euros avant 2012 à plus de 21 milliards d’euros en 2015.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Élisabeth Lamure, vice-présidente de la commission des affaires économiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Lamure

Monsieur le secrétaire d’État, la commission des affaires économiques, par le bilan qu’elle a établi, a étudié l’application de six lois promulguées depuis 2012. Je souhaite attirer votre attention sur l’application de deux de ces textes, la loi ALUR et la loi de transition énergétique.

Le taux d’application de la loi ALUR était de 84 % au 31 décembre 2016.

Pour ce qui concerne les dispositions relatives au logement, on constate que la majeure partie des modifications portant sur les rapports entre locataires et bailleurs sont applicables. La quasi-totalité des mesures relatives à la formation, à la déontologie et au contrôle des professionnels de l’immobilier a été prise. En matière de prévention des expulsions et de facilitation des parcours de l’hébergement au logement, l’ensemble des mesures attendues ont été publiées. La quasi-totalité des dispositions relatives à l’habitat participatif, plusieurs mesures d’application pour lutter contre l’habitat indigne et l’ensemble des mesures relatives à l’Agence nationale de contrôle du logement social, l’ANCOLS, ont été prises.

Si l’on examine, dans le même texte, les dispositions relatives à l’urbanisme, on constate que 98 % des articles normatifs sont applicables.

Parallèlement, un dispositif emblématique de la loi ALUR, la garantie universelle des loyers, a été abandonné, et plusieurs mesures d’application de cette loi restent à prendre, notamment le décret relatif à l’adaptation des caractéristiques de décence aux établissements d’hébergement, qui pourrait conduire à faire sortir du parc de logements de nombreux appartements. Monsieur le secrétaire d’État, pourriez-vous nous dire précisément quand cette mesure sera prise ?

Par ailleurs, au 31 décembre 2016, 83 % des dispositions de la loi de transition énergétique étaient devenues applicables. Ce bilan est globalement satisfaisant, mais il n’en reste pas moins en deçà des objectifs très volontaristes affichés par le Gouvernement, qui s’était engagé à publier tous les textes avant la fin de l’année 2015.

Des mesures d’application importantes ont été publiées, comme celles qui sont relatives à la programmation pluriannuelle de l’énergie, à la réglementation des concessions hydroélectriques ou en faveur des industries électro-intensives. Mais il reste que plusieurs dispositions demeurent inapplicables : quatre mesures portant sur l’effacement électrique sont encore attendues pour en définir les modalités générales, lister les différentes catégories d’effacement, arrêter le régime dérogatoire de versement au fournisseur effacé et fixer les règles des appels d’offres à venir. Là encore, pouvez-vous nous indiquer précisément quand ces mesures seront prises ?

Debut de section - Permalien
André Vallini, secrétaire d'État

Pour ce qui concerne la loi ALUR, le projet de décret relatif à l’adaptation aux locaux loués à usage de résidence principale dans les établissements recevant du public aux fins d’hébergement des caractéristiques du logement décent a été rédigé en concertation avec la fondation Abbé Pierre. Ce travail a donc exigé un peu de temps. Je ne suis malheureusement pas en mesure de m’engager ce soir sur une date de publication ; les discussions étant encore en cours sur certains points de ce projet de décret.

Pour ce qui concerne la loi de transition énergétique, les mesures portant sur l’effacement électrique sont regroupées dans le projet de décret relatif à la valorisation des effacements de consommation conduisant à des économies d’énergie significatives. Ce texte précise les catégories d’effacement et encadre pour chacune d’elles la part du versement qui peut être prise en charge par le gestionnaire du réseau public de transport.

Ce décret doit être examiné par le Conseil d’État aujourd’hui même – c’est un pur hasard du calendrier. Le ministère de l’environnement m’indique qu’il pourrait y avoir un point d’achoppement avec le Conseil d’État quant au pourcentage de l’un des taux ; nous en saurons plus ce soir. S’il y a accord avec la direction générale de l’énergie et du climat, la DGEC, sur une version modifiée, ce qui est possible, le décret pourra être signé rapidement. Dans le cas contraire, ce processus risque d’être un peu plus long. Toutefois, je m’engage à ce que le décret soit signé avant la fin du quinquennat.

Enfin, j’évoquerai les arrêtés. Le premier, qui définit les catégories d’effacement, est conditionné par la sortie du décret. Il devrait être publié dans les deux ou trois semaines suivant sa parution. Le second, qui précise les modalités des appels d’offres, n’est pas prévu avant plusieurs mois, car il concerne des appels d’offres qui seront publiés en 2018 et exige donc des négociations avec les parties prenantes.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Christian Cambon, vice-président de la commission des affaires étrangères.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, pour ce bilan quinquennal de l’application des lois, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a tout naturellement choisi la loi de programmation militaire, la LPM, de 2013, actualisée en 2015.

La commission est satisfaite de l’application de ces deux lois. En effet, elles ont reçu toutes leurs mesures réglementaires, à l’exception d’un seul arrêté – nous en donnons acte au Gouvernement. Néanmoins, la commission souhaite faire part de deux regrets.

Le premier regret, qui est de taille, est de n’avoir reçu aucun des bilans annuels politiques, opérationnels et financiers des opérations extérieures, les OPEX, en cours. Le Gouvernement aurait dû les transmettre, chaque année, en application de l’article 4 de la loi de programmation de 2013. Ce rapport est la contrepartie indispensable des modalités d’autorisation des opérations extérieures sous la Constitution de la Ve République : une fois que le Parlement a voté, en application de l’article 35 de la Constitution, au bout de quatre mois, l’autorisation de poursuivre une opération extérieure, cette autorisation est en quelque sorte éternelle. Le Parlement ne se prononce plus.

Ce système présente une efficacité que l’on pourrait qualifier de « gaullienne », mais il a aussi quelques limites en termes de contrôle parlementaire.

Le rapport annuel avait pour objet de rééquilibrer cette architecture en donnant lieu à un bilan et à un débat, qui doit théoriquement se tenir chaque année. Faute de rapport, notre commission a choisi d’élaborer elle-même son propre bilan dans un rapport d’information en juillet 2016.

Chacun se rappelle que le Gouvernement a finalement décidé de tenir ce débat, pour la première fois, trois ans après l’entrée en vigueur de la LPM, en octobre dernier, mais nous n’avons toujours pas de rapport.

Le second regret est que la programmation militaire n’ait pas été actualisée après les attentats du Bataclan.

Le Président de la République avait annoncé une augmentation sensible des moyens des forces armées pour protéger le territoire national. Toutefois, cette augmentation n’a pas été gravée dans le marbre de la loi de programmation.

Notre commission a réclamé une nouvelle actualisation conforme aux annonces du Congrès du 16 novembre 2015 et aux décisions du conseil de défense du 6 avril 2016. Il reviendra vraisemblablement au prochain gouvernement de la réaliser. À ce stade, nous savons que la programmation comporte une impasse financière de plusieurs milliards d’euros.

Telles sont les quelques observations que notre commission souhaitait formuler.

Debut de section - Permalien
André Vallini, secrétaire d'État

Monsieur Cambon, le ministère de la défense n’a en effet pas rendu, au début de 2016, le rapport sur le bilan annuel politique, opérationnel et financier prévu par l’article 4 de la loi d’actualisation de la loi de programmation militaire de juillet 2015.

Pour autant, mon collègue Jean-Yves Le Drian m’a indiqué son attachement à tenir le Parlement constamment informé au sujet des OPEX. Depuis juillet 2012, le ministre de la défense a été entendu 93 fois par les trois commissions permanentes du Parlement compétentes sur ces questions : la commission de la défense nationale et des forces armées et la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, et la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, que je connais pour y avoir siégé avec beaucoup de plaisir il y a quelques années - et où j’espère bien revenir au mois de juin prochain !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. Votre désir figure déjà au compte rendu intégral de nos débats, qui sera publié au Journal officiel, monsieur le secrétaire d'État !

Nouveaux sourires.

Debut de section - Permalien
André Vallini, secrétaire d'État

Plus précisément, Jean-Yves Le Drian a été entendu 24 fois par votre commission : 7 fois en 2013, 8 fois en 2014, 5 fois en 2015 et 4 fois en 2016. À chacune de ces occasions, il a présenté aux sénateurs un point complet, sur le plan opérationnel, cartes à l’appui, que sur le plan des effectifs déployés et du coût financier des opérations extérieures. À partir de 2015, le point sur les OPEX devant la commission s’est également enrichi d’un point opérationnel et financier sur l’opération Sentinelle.

En parallèle de ces auditions en commission, neuf déclarations du Gouvernement suivies de débats au titre de l’article 35 de la Constitution ont été organisées, pour les opérations Serval, en 2013, Sangaris, fin 2013 et début 2014, Chammal, fin 2014 et début 2015, et pour ce qui concerne le survol de la Syrie, en septembre et novembre 2015.

S’agissant de l’actualisation de la LMP, vous comprendrez que je ne puisse pas vous répondre sur le fond, mais je ferai bien sûr part de vos observations au ministre de la défense et au Premier ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les lois suivies par la commission des affaires sociales enregistrent un taux de mise en application satisfaisant.

Un seul texte antérieur au 1er octobre 2015 affiche un taux inférieur à 90 % : il s’agit de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015.

De plus, monsieur le secrétaire d’État, je note que deux mesures dont votre prédécesseur avait annoncé la parution imminente des décrets d’application lors du débat de juin dernier sont, à notre connaissance, toujours en attente : l’une sur les achats groupés de vaccins, l’autre sur la régulation par l’assurance maladie des transports de patients par taxi.

Pour les textes plus récents, nous avons relevé l’effort de mise en application des lois relatives au travail et à l’emploi, y compris la loi du 8 août 2016, même si la majorité des membres de la commission considère que les dispositifs retenus ne sont pas à la hauteur de la situation de notre pays.

Nous suivons très attentivement la mise en œuvre de la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement, à laquelle le Sénat a apporté une contribution importante. Certains textes réglementaires soulèvent des interrogations, tel celui sur les résidences-services. D’autres sont encore en attente, notamment concernant les procédures de transmission d’informations.

Nos observations portent principalement sur la loi de modernisation de notre système de santé.

Malgré le rythme accéléré de parution des textes réglementaires au cours des derniers jours, plusieurs dispositions demeurent sans application. C’est le cas, par exemple, des mesures relatives aux compétences de plusieurs professions de santé, notamment aux conditions d’exercice en pratique avancée – il s’agit de l’article 119 de la loi –, pourtant particulièrement attendues par les infirmiers.

Au cours des débats, notre commission avait critiqué le caractère inflationniste de ce texte et mis en doute l’applicabilité même de certaines mesures ajoutées en cours de discussion. Je pense, par exemple, à l’obligation pour les industriels du tabac de déclarer l’ensemble des dépenses liées à des activités d’influence, aux dispositions sur le contrôle de la traçabilité des produits du tabac ou encore à l’interdiction du bisphénol A dans les jouets. Peut-être l’absence de parution des mesures réglementaires est-elle liée aux difficultés que nous avions soulevées à l’époque ?

Enfin, sur d’autres points, les mesures réglementaires ont bien été prises, mais nous exprimons des réserves – il en est ainsi des conditions retenues pour la définition du projet médical des groupements hospitaliers de territoire –, voire une opposition réitérée, en particulier pour ce qui concerne le tiers payant généralisé.

Debut de section - Permalien
André Vallini, secrétaire d'État

Monsieur le président de la commission des affaires sociales, pour ce qui concerne la loi, déjà ancienne, il est vrai, de financement de la sécurité sociale pour 2015, le décret portant la mesure sur les achats groupés de vaccins est prêt, mais il reste en attente de l’avis du Conseil national d’évaluation des normes, le CNEN, que préside Alain Lambert, lequel est bien connu dans cette assemblée. Le CNEN doit se prononcer le 9 mars prochain, ce qui devrait permettre une publication du texte à la fin du mois de mars ou au début du mois d’avril.

Sur la régulation par l’assurance maladie des transports de patients par taxi, la période actuelle, vous le savez, n’est pas propice à une concertation approfondie avec la profession – d’autres sujets de discussion sont en cours actuellement. La concertation a été reportée, mais elle aura bien lieu. Je ne dispose malheureusement pas d’éléments plus précis à ce jour. Je ne manquerai pas de rappeler à Marisol Touraine la nécessité d’avancer sur ce point.

S’agissant de la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement, le décret d’application de l’article 74, comprenant trois mesures sur la transmission des données, est au Conseil d’État. Son examen est programmé en section le 21 février prochain ; le décret pourrait donc être publié en mars.

Les textes d’application des articles 73 et 75 sont en cours de rédaction. La mesure prévue à l’article 43 a fait l’objet d’un projet de décret précisant les éléments du dispositif relevant de la compétence de la direction générale des finances publiques, la DGFiP, mais une interrogation demeure quant à l’organisme pouvant assumer le rôle d’interface dans l’échange de données au bénéfice des départements. À ce jour, la DGFiP aurait identifié un tel organisme. Néanmoins, une validation officielle doit encore être sollicitée. Une saisine du Conseil d’État n’est donc pas encore prévue, mais les travaux de rédaction se poursuivent.

Enfin, la loi de modernisation de notre système de santé présente à ce jour un taux d’application de 70 %. Je l’ai dit en préambule, 47 mesures restent à prendre sur les 153 initialement prévues.

Pour ce qui concerne les dispositions relatives aux conditions d’exercice en pratique avancée des professions de santé, une large place est donnée à la concertation avec les professionnels. Les premières réunions de concertation ont eu lieu à la fin de l’année 2016 et les projets de décret seront publiés mi-2017.

Concernant l’obligation, pour les industriels du tabac, de déclarer l’ensemble des dépenses liées à des activités d’influence, le décret est sorti du Conseil d’État ; il est en cours de contreseing et devrait donc être publié au début du mois de mars.

Enfin, le contrôle de la traçabilité des produits du tabac a été abrogé par l’article 3 de l’ordonnance du 19 mai 2016 portant transposition de la directive sur la fabrication, la présentation et la vente des produits du tabac et des produits connexes.

Je dirai un mot de l’interdiction du bisphénol A dans les jouets. Des expertises techniques sont en cours afin de déterminer le seuil de limite de migration du BPA dans les jouets et d’examiner ses conséquences dans le cadre du vote de la nouvelle directive adoptée le 14 novembre 2016 et modifiant celle de 2009, relative à la sécurité des jouets, qui n’est pas publiée à ce jour.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme la présidente de la commission de la culture.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je concentrerai mon propos sur la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, dont la discussion a constitué le cœur de nos travaux la session passée.

Concernant l’application de ce texte, je formulerai deux remarques.

La première remarque est positive. Nous avons été sensibles au fait que les services du ministère de la culture prennent l’initiative de présenter à Françoise Férat, le rapporteur de notre commission pour le volet patrimoine de ce texte, les projets de décret d’application en cours de concertation avant leur soumission au Conseil d’État. Je n’avais pas observé cette pratique par le passé, et je ne peux que formuler le vœu qu’elle se développe à l’avenir pour d’autres textes législatifs. C’est une manière d’associer le Parlement au devenir des lois sans que ce dernier interfère dans un processus qui reste, évidemment, l’apanage de l’exécutif.

Cela étant – c’est ma seconde remarque –, je ne peux que regretter qu’autant de retard ait été pris dans la publication des textes réglementaires par rapport au calendrier que le Gouvernement a lui-même annoncé sur le site de Legifrance. Monsieur le secrétaire d’État, vous l’avez vous-même reconnu en soulignant que trente-huit mesures restaient à prendre.

Plusieurs dizaines de décrets, dont la publication devait intervenir avant la fin de l’année dernière, ne devraient pas paraître avant le mois de mars prochain. Je veux bien comprendre que le Conseil d’État ait fort à faire en cette fin de législature, mais pourquoi ne pas avoir pris en compte cette difficulté au moment de fixer l’échéancier ?

Dans le même ordre d’idées, le délai d’un mois envisagé entre la publication du décret instituant la commission nationale du patrimoine et de l’architecture et celui qui établit la liste et le périmètre des domaines nationaux me semble bien optimiste, sachant que ladite commission doit obligatoirement donner son avis sur le projet de décret relatif aux domaines nationaux.

Pensez-vous que l’ensemble des mesures réglementaires pourront être publiées avant la fin du mois d’avril 2017 ? Pour certaines de ces mesures, l’urgence est, j’y insiste, réelle. Je pense en particulier aux labels, qui attendent depuis des mois la publication des décrets et arrêtés. Ces textes, qui fixeront le nouveau cadre du partenariat des établissements concernés et des collectivités territoriales dont ils dépendent avec l’État, sont indispensables pour permettre dès aujourd’hui de construire leurs projets. Dès lors, vous comprendrez que tout retard est préjudiciable.

Debut de section - Permalien
André Vallini, secrétaire d'État

Madame la présidente de la commission de la culture, vous l’avez dit, et je l’avais rappelé en introduction, de nombreuses mesures – trente-huit au total – restent à prendre au titre de la loi relative à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine. À ce jour, le taux d’application de ce texte n’est encore que de 12 %. Un projet de décret est au Conseil d’État depuis le 6 février dernier pour une quinzaine de mesures, dont le décret d’application de l’article 5 relatif aux labels que vous avez évoqué. Il doit fixer la liste de ces derniers, leurs conditions d’attribution, de suspension ou de retrait et la procédure de sélection du projet artistique et culturel et du dirigeant de la structure labellisée. Si tout se passe bien, ces dispositions pourront être publiées en avril 2017.

À ce propos, je vous le confirme, le Conseil d’État est surchargé de textes à examiner : 250 décrets seraient en attente. Comme nous tous, les membres du Conseil d’État croulent sous le travail.

Au total, six décrets correspondant à sept mesures sont dans le circuit des contreseings et devraient paraître rapidement, dont le décret relatif au médiateur de la musique ou encore le décret relatif à l’établissement du projet architectural, paysager et environnemental d’un lotissement. Les autres textes sont déjà rédigés, mais font encore l’objet de concertations ou sont encore soumis aux instances de consultation, qui sont nombreuses dans les domaines de l’architecture et de l’urbanisme et, plus généralement, de la culture et du patrimoine.

Aux termes des engagements pris par le ministère, une dizaine de mesures devraient être appliquées d’ici à la fin du mois de mars, une quinzaine d’ici à la fin du mois d’avril 2017. Les autres sont attendues d’ici à la fin du quinquennat.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, dans le temps très bref qui m’est imparti, je tiens à formuler trois remarques.

Premièrement, le taux d’application des lois constaté cette année est effectivement élevé, plus élevé qu’il ne l’a jamais été. Je n’irai pas jusqu’à dire comme le secrétaire général du Gouvernement qu’il n’y a plus de sujet en matière d’application des lois, mais le taux est élevé.

Cela étant, devons-nous durablement nous satisfaire d’une situation où 10 % des textes ne sont pas appliqués, où le Gouvernement ne met pas en œuvre certaines lois et où le Parlement ne contrôle pas suffisamment le Gouvernement ? Je n’en suis pas sûr.

Deuxièmement, je tiens à insister sur un aspect qualitatif qui, par définition, ne transparaît pas de ces statistiques. Un certain nombre de dispositifs, qui ne sont pas négligeables, ne sont toujours pas en vigueur. Je prendrai pour seul exemple la fameuse « règle d’or », introduite en 2014 dans la loi portant réforme ferroviaire et destinée à plafonner la dette de la SNCF. Cette règle d’or est l’une des raisons qui ont conduit le Sénat à voter ce texte. Elle a été ensuite réaffirmée via la loi Macron.

Monsieur le secrétaire d’État, pourquoi le Gouvernement tarde-t-il toujours à prendre ce décret et semble-t-il ne pas tenir compte, sur le sujet, des avis de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières, l’ARAFER ? J’ajoute que, avant même d’appliquer cette règle, le Gouvernement y a dérogé dans le cadre du financement du Charles-de-Gaulle Express.

Troisièmement, je souhaite formuler une remarque peut-être plus grave encore : divers dispositifs méconnaissent la volonté du législateur. Je ne citerai qu’un exemple : le décret du 1er mars 2016, qui précise les modalités de renforcement du contrôle du secteur autoroutier. Malgré les recommandations de l’ARAFER et la volonté du législateur, ce décret ne prévoit pas que les commissions des marchés soient présidées par une personnalité indépendante. Or il ne s’agit pas d’un détail : ce sujet est au cœur des enjeux soulevés par les plans de relance autoroutiers et de la mobilisation des petites et moyennes entreprises de notre pays.

Je m’en tiendrai là, vous renvoyant au rapport d’information écrit, dans lequel ces différents points sont largement détaillés.

Debut de section - Permalien
André Vallini, secrétaire d'État

Monsieur le président de la commission de l’aménagement du territoire, pour ce qui concerne les autoroutes, je ne dispose pas d’éléments de réponse.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

D’autant que ces interrogations ont été publiées !

Debut de section - Permalien
André Vallini, secrétaire d'État

Néanmoins, je vous ferai parvenir ces éléments dès que Bercy me les aura communiqués.

Pour ce qui concerne SNCF Réseau et la règle d’or, l’ARAFER a remis le 30 novembre 2016 un avis sur le projet de décret, texte que lui a soumis le Gouvernement et dont nous attendons tous l’entrée en vigueur. La rédaction tenant compte de l’avis de l’ARAFER est désormais en cours d’examen par le Conseil d’État. Le décret devrait être publié dans le courant du mois de mars 2017.

La règle d’or entrera ainsi en application à très court terme, et conduira à interdire la participation de SNCF Réseau au financement d’opérations de construction de lignes nouvelles tant que sa situation financière ne sera pas rétablie.

Le contrat de performance, qui sera prochainement conclu entre l’État et SNCF Réseau, donnera les moyens nécessaires à son redressement durant la prochaine décennie.

Comme vous le relevez, une dérogation législative a été prévue, afin de permettre à SNCF Réseau d’investir dans la société concessionnaire qui réalisera l’infrastructure CDG Express. J’étais intervenu à la tribune du Sénat en remplacement de mon collègue Alain Vidalies, et j’avais expliqué aux sénateurs que cela n’avait rien à voir avec le financement d’infrastructures à fonds perdu par SNCF Réseau, dont la dette s’élève aujourd’hui à plus de 40 milliards d’euros.

Ce dont il est question ici, c’est d’autoriser SNCF Réseau à engager des fonds propres dans la société de projet, avec des actifs en contrepartie et des actionnaires à ses côtés, dont Aéroports de Paris. Il faut ajouter que ce projet nécessitera l’implication des banques, qui seront extrêmement vigilantes sur la qualité et la robustesse du montage financier.

En outre, la présence de SNCF Réseau au capital de cette société de projet est justifiée par le fait qu’une part importante des travaux prévus portera sur le réseau existant. SNCF Réseau, de par ses compétences, notamment en matière d’ingénierie, est un partenaire nécessaire d’Aéroports de Paris.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le président de la commission des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission des lois a établi un triple constat.

Premier constat : l’accroissement du volume des lois, très net en fin de législature, complique naturellement leur application.

Le coefficient multiplicateur du nombre d’articles en cours de navette parlementaire a ainsi été de trois à quatre pour plusieurs textes, comme la loi Macron, passée de 106 à 308 articles, et la loi NOTRe, passée de 37 à 136 articles. Par rapport aux législatures précédentes, le coefficient moyen est ainsi passé de 1, 83 entre 2007 et 2014 à 2, 14 en 2015-2016.

Même si le Parlement doit lui aussi accomplir sa part du chemin, la responsabilité de cette boursouflure législative incombe d’abord au Gouvernement, lequel conserve une large maîtrise du processus législatif. Il devrait cesser d’encombrer le calendrier parlementaire avec des textes de circonstance et renoncer à parasiter la discussion de ses propres projets par des dizaines d’amendements préparés ou acceptés dans l’improvisation.

À titre d’exemple, la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle est passée de 54 à 115 articles, avec l’insertion de 55 articles additionnels par l’Assemblée nationale en première lecture, dont les deux tiers à l’initiative du Gouvernement.

Deuxième constat : si la plupart des mesures d’application des lois promulguées sous la XIVe législature ont été prises, leurs délais d’adoption ont parfois été trop longs – même s’ils se sont en moyenne améliorés –, alors que le pouvoir exécutif se plaint régulièrement de la durée, excessive à ses yeux, du processus législatif. Ainsi, près de 60 % des mesures d’application des lois promulguées au cours de la législature et relevant de la compétence de la commission des lois ont été prises plus de six mois plus tard.

Troisième et dernier constat : si, fort heureusement, la plupart des mesures d’application respectent la volonté du Parlement, il est regrettable que certaines d’entre elles soient allées à son encontre.

Ainsi, les décrets pris par le Gouvernement en application de la loi Macron concernant les tarifs et les règles d’installation des professions réglementées du droit ont créé un mécanisme de régulation plus administré, plus lourd et plus complexe qu’auparavant, ont restreint la liberté d’activité dans ces professions et ont dénaturé les intentions affichées lors de l’adoption de la loi.

Pour les seuls notaires, 1 002 offices supplémentaires doivent être créés. Environ 28 000 candidatures ont été recueillies. La procédure de tirage au sort choisie par le Gouvernement a provoqué un grand désordre, en permettant aux sociétés existantes de présenter leur candidature, au détriment de la promesse de renouvellement et d’accès des jeunes à la profession de notaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

La sélection par tirage au sort vaut renoncement à apprécier les mérites des candidats ; cette procédure a donc suscité une grande incompréhension. Pour rétablir la confiance, ces textes devraient être revus profondément et rapidement.

Debut de section - Permalien
André Vallini, secrétaire d’État

Sur le sujet des notaires, que vient d’évoquer le président Philippe Bas, le Conseil d’État a rejeté le recours en suspension du décret du 9 novembre 2016 relatif aux sociétés constituées pour l’exercice de la profession de notaire, considérant que celui-ci n’allait pas à l’encontre de l’objectif de la loi.

Concernant le tirage au sort, il faut rappeler qu’il vise non pas à attribuer des offices notariaux, mais à fixer l’ordre d’examen des dossiers. C’est le Conseil d’État lui-même qui a suggéré ce dispositif, permettant d’assurer l’égalité entre tous les candidats.

S’agissant des zones d’installation des notaires, une précision doit être apportée et l’arrêté établissant des zones contient une clause de réexamen, un an après l’ouverture des candidatures.

La responsabilité de l’inflation du nombre d’articles dans les lois est, comme vous le soulignez, partagée entre le Gouvernement et le Parlement. Plus que dans la version initiale des projets et des propositions de loi, cette réalité se manifeste principalement à l’issue de la discussion parlementaire, aussi bien au Sénat qu’à l’Assemblée nationale.

Les nombreux amendements adoptés au cours de la navette y sont pour beaucoup. Si ces ajouts résultent souvent de la prise en compte des positions des parlementaires, par l’adoption de leurs amendements ou d’amendements de compromis ou d’ajustement déposés par le Gouvernement pour rapprocher les points de vue de l’Assemblée nationale et du Sénat ou des tendances au sein de l’un ou l’autre des hémicycles, certains sont parfois bien éloignés du domaine législatif ou des dispositions initiales du texte.

C’est pourquoi le Gouvernement se félicite de l’initiative du Sénat de se saisir pleinement de ses prérogatives constitutionnelles. Vous m’aviez fait part, monsieur le président, dès ma nomination, de la volonté du Sénat de ne plus se contenter de l’examen de la recevabilité financière des amendements, prévu par l’article 40 de la Constitution, mais de s’attacher également à vérifier la conformité des amendements aux articles 41 et 45 de la Constitution, afin de s’assurer qu’ils relèvent respectivement du domaine législatif et qu’ils ont un lien avec le texte en discussion.

Nul doute que ces bonnes pratiques vont perdurer, contribuant progressivement à diminuer l’inflation législative dont vous vous plaignez à juste titre, monsieur le président Bas.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Je me réjouis que la commission des affaires européennes ait toute sa place dans ce débat interactif sur le bilan de l’application des lois. D’un rapport d’information que j’ai présenté récemment sur le suivi des résolutions européennes adoptées sur le fondement de l’article 88-4 de la Constitution, il ressort que le Sénat est vigilant sur les affaires européennes, qu’il est écouté et, plus encore, entendu.

Ces résolutions européennes ont des conséquences directes sur les négociations qui conduisent à l’élaboration de la législation européenne et donc, du fait de la transposition des directives, sur la législation française.

Dans environ deux tiers des cas, nos résolutions ont été prises totalement ou très largement en compte. Je peux citer le plan Juncker, les conséquences du traité transatlantique, ou TTIP, pour l’agriculture et l’aménagement du territoire, la réglementation viticole, la réforme de l’espace Schengen et la crise des réfugiés, le volet méditerranéen de la politique de voisinage, les perspectives de la politique de sécurité et de défense commune, la PSDC, ou encore l’accord commercial relatif à la banane.

Dans un peu plus de 25 % des cas, les positions du Sénat ont été partiellement suivies, par exemple sur la lutte contre le terrorisme, les sanctions européennes contre la Russie, le détachement des travailleurs ou encore la phase I de l’approfondissement de l’Union économique et monétaire.

Par ailleurs, nos résolutions constituent un instrument efficace dans l’établissement d’un véritable dialogue avec le pouvoir exécutif. Je me félicite de la réelle amélioration de l’information délivrée par le Secrétariat général des affaires européennes, qui nous adresse désormais des fiches de suivi en nombre plus important, de façon plus régulière et sur un champ plus large que précédemment, puisqu’elles portent aussi, dans certains cas, notamment pour des textes relatifs à des négociations commerciales, sur des résolutions qui ne concernaient pas des actes législatifs.

En outre, notre commission a récemment organisé une audition de M. Harlem Désir, spécifiquement consacrée au suivi des résolutions européennes, comportant aussi un débat interactif auquel de nombreux collègues ont participé.

Je suis persuadé que, à l’avenir, le progrès se poursuivra, compte tenu de l’évolution des recommandations que nous avons formulées, avec Jean-Pierre Raffarin, dans le rapport d’information sur le renouveau de l’Union européenne impliquant davantage les parlements nationaux.

Debut de section - Permalien
André Vallini, secrétaire d’État

Nous nous félicitons également de la bonne coopération de nos services et des bonnes pratiques qui se sont progressivement instaurées, notamment avec le Secrétariat général aux affaires européennes. Celles-ci permettent de maintenir le dialogue et de mettre autant que possible en cohérence les positions exprimées par la représentation nationale et celles du Gouvernement, dans le cadre des négociations avec nos partenaires européens.

La reprise par le Gouvernement des positions exprimées par les résolutions du Sénat, totale pour les deux tiers d’entre elles et partielle pour les autres, illustre l’intérêt de préserver un dialogue constant et constructif entre nos deux institutions. Le Gouvernement partage donc votre volonté d’affirmer le rôle des parlements nationaux dans la construction européenne.

En ce qui concerne les avis politiques et les avis motivés, je ne pourrai cependant pas vous apporter de réponse, le traitement de ces avis étant du seul ressort des institutions de l’Union européenne. Je ne manquerai toutefois pas d’en informer mon collègue Harlem Désir.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Je vais maintenant donner la parole aux représentants des groupes politiques.

La parole est à M. Thierry Foucaud, pour le groupe communiste républicain et citoyen.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Le 24 mars 2016, après avoir modifié à plusieurs reprises le texte finalement présenté, le Gouvernement déposait sur le bureau de l’Assemblée nationale le projet de loi relatif au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, dit loi Travail ou loi El Khomri.

Ce texte, particulièrement long et touffu, a provoqué de profonds clivages dans la société, avivant d’autant plus la colère du monde du travail que la procédure utilisée pour son adoption s’est avérée, selon nous, peu respectueuse des droits du Parlement.

Comprenant un grand nombre de dispositions réglementaires – près de 150 articles ou dispositions de la loi en nécessitaient –, assorti de quatre articles d’habilitation à légiférer par ordonnances, truffé d’une bonne quinzaine de rapports, ce texte m’inspire un certain nombre de questions.

Sans juger sur le fond des mesures d’accompagnement déjà validées, force est de constater que trois des ordonnances prévues, tous les rapports et une quarantaine de mesures réglementaires se font encore attendre.

Du strict point de vue formel, vingt-huit décrets d’application ont été promulgués le 18 novembre et le 28 décembre dernier, et un examen de la seconde partie du code du travail démontre l’inutilité de certains articles votés, des dispositions figurant déjà dans le code. Un article a même confirmé une mesure prévue depuis 1979 !

Des chapitres essentiels du texte ne sont cependant toujours pas couverts par des mesures d’application, comme ceux qui concernent l’intervention des inspecteurs du travail, la situation des travailleurs détachés ou les droits des salariés des plates-formes de type Uber.

Ma question est à la fois simple et double.

Le Sénat, notamment la commission des affaires sociales, ne devrait-il pas se préoccuper de la mise en œuvre effective de ce texte, au-delà de ses nombreux défauts, sauf à démontrer l’inanité de l’examen de pareilles énormités législatives ?

Ne pourrait-on pas, à la lumière des dispositifs contenus dans cette loi, s’interroger quant à l’efficacité réelle sur la situation de l’emploi, de la production, voire de la préservation de l’environnement, d’une loi qui in fine n’a pu empêcher, depuis son dépôt jusqu’à sa promulgation, la consolidation d’un chômage de masse marqué par la hausse de la précarité de l’emploi et la relance des offres de stages ?

Debut de section - Permalien
André Vallini, secrétaire d’État

Ce n’est pas le lieu pour débattre du fond de la loi Travail, monsieur le sénateur, mais la campagne présidentielle offre l’occasion d’en parler de nouveau.

Concernant la nécessité pour le Sénat de veiller à l’application de cette loi, je partage votre avis. Le Sénat doit poursuivre son bon travail de suivi de l’application de cette loi. L’application de ce texte progresse de façon rapide. En effet, 84 % des 124 mesures prévues ont déjà été prises, dont 104 dans le délai des six mois.

Congé de proche aidant, avancement de la période de référence pour l’acquisition des congés, mise en place du compte personnel d’activité, développement de l’apprentissage dans la fonction publique, garantie jeunes, aide à la recherche du premier emploi sont autant de mesures importantes et appréciées par nos concitoyens, dont les décrets d’application ont été publiés dans les six mois suivant la promulgation de la loi.

En outre, sept mesures importantes sont actuellement au Conseil d’État. La ministre du travail s’est engagée à ce que l’ensemble de ces mesures soient publiées avant la fin du mandat, et donc à porter le taux d’application de cette loi à 100 % en mai 2017.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Yvon Collin, pour le groupe du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

De session en session parlementaire, on constate une amélioration du taux effectif d’application des lois, une évolution qui garantit la crédibilité de la loi et des réformes, et qui instaure également une meilleure sécurité juridique. Le Parlement ne peut que s’en féliciter.

Parmi les lois concernées, je citerai la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt. Au regard des crises sévères traversées par certaines filières, nous devons, me semble-t-il, envoyer un signal positif en matière d’accompagnement des mutations de l’agriculture.

Je pense aussi au volet travail de la loi Macron, dont toutes les mesures réglementaires ont été prises, rendant ainsi effectifs de nombreux leviers institués pour doper la croissance et l’emploi. Leurs effets commencent tout juste à se faire sentir.

Enfin, je terminerai par la loi NOTRe, qui a naturellement mobilisé le Sénat, au point de nous conduire plus récemment à examiner de multiples propositions de loi pour corriger les manquements, les oublis et autres effets pervers de cette réforme, dont l’application ne cesse de poser des difficultés sur le terrain. Mon groupe ne regrette pas de s’y être opposé !

Au moins deux des nombreuses propositions de loi de correction de la loi NOTRe ont pour origine le RDSE et ses membres : la proposition relative à la protection des forêts contre l’incendie dans les départements sensibles et celle qui vise à rallonger d’un an le délai d’entrée en vigueur des nouvelles intercommunalités.

Si le premier texte a été adopté par le Sénat, puis par l’Assemblée nationale pour être promulgué en mars 2016, le second a été adopté par la Haute Assemblée en avril dernier, mais n’a pas encore été inscrit à l’ordre du jour des travaux de l’Assemblée nationale, ce que nous regrettons.

Monsieur le secrétaire d’État, pourquoi le Gouvernement n’a-t-il pas permis aux députés de se prononcer sur cette proposition de loi qui, si elle avait été adoptée par l’Assemblée nationale, aurait soulagé les élus locaux dans les territoires, en leur garantissant le temps nécessaire à la mise en œuvre complexe des nouvelles intercommunalités ?

Si, durant ce quinquennat, les décrets d’application paraissent dans des délais tout à fait raisonnables, le Gouvernement peut mieux faire, dans le respect du bicamérisme et la prise en compte des travaux de bon sens du Sénat, surtout lorsqu’il s’agit de corriger les méfaits de la loi NOTRe.

Debut de section - Permalien
André Vallini, secrétaire d’État

Permettez-moi de commencer ma réponse par un peu d’autosatisfaction collective, comme l’a fait M. Collin. Le Sénat, grâce à son travail assidu – cette séance le prouve –, a permis de maintenir la pression sur le Gouvernement. Le taux global d’application des lois s’est ainsi amélioré de près de quinze points par rapport à l’an dernier et de plus de vingt-cinq points par rapport au bilan de la session 2013-2014.

Ce résultat est le fruit d’un important travail de mes prédécesseurs : réunions interministérielles présidées par le secrétaire général du Gouvernement, réunions bilatérales ou trilatérales de suivi, comités interministériels de l’application des lois – j’en ai réuni un la semaine dernière, un autre se tiendra dans quinze jours –, communications régulières en conseil des ministres, etc. Ces bonnes pratiques ont porté leurs fruits, et nous pouvons tous nous en féliciter.

Concernant l’inscription à l’ordre du jour des deux propositions de loi citées, le Gouvernement ne dispose plus, depuis la révision constitutionnelle de 2008, que de deux semaines d’ordre du jour sur quatre. L’ordre du jour gouvernemental est très chargé, comme en atteste le grand nombre de réformes adoptées par le Parlement. Une quarantaine de lois ont en effet été adoptées au cours de la session qui va s’achever cette semaine.

Ces textes, d’initiative parlementaire, auraient pu être inscrits à l’ordre du jour des travaux de l’Assemblée nationale, sur l’initiative de sa majorité ou d’un groupe minoritaire ou d’opposition, dans le cadre d’une journée réservée. La faute n’en incombe donc pas au seul Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Michel Canevet, pour le groupe de l’UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Canevet

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les membres de notre groupe se réjouissent de l’organisation de ce débat sous une forme dynamique, car il est important que le contrôle parlementaire puisse s’exercer.

Nous nous satisfaisons aussi de voir l’évolution du taux d’application des mesures contenues dans les lois atteindre 86 %, contre 73 % lors de la précédente législature, même si nous considérons qu’il est possible de faire encore mieux.

Les membres du groupe sont également attentifs à l’interprétation réglementaire des textes ; je pense en particulier à la loi Macron. Le président Bas évoquait la question des notaires. Nous ne pouvons pas nous satisfaire de la manière dont le processus se déroule.

Nous nous interrogeons aussi sur l’interprétation jurisprudentielle de certains textes, comme la loi Littoral, qui oblige le Sénat à trouver des véhicules législatifs pour donner du sens à son application.

De même, on peut s’interroger sur l’inflation législative, avec les demandes de rapports et l’augmentation du nombre d’articles ainsi que l’instauration de normes nouvelles qui pénalisent l’agriculture et les entreprises.

Le groupe UDI-UC est particulièrement sensible à une question relative à l’urbanisme. La loi NOTRe, que mon collègue Yvon Collin a évoquée précédemment, entraîne un changement de compétences au niveau des communes et des intercommunalités, et les communes qui, aujourd’hui, ne sont dotées que de plans d’occupation des sols, les POS, risquent de relever du règlement national d’urbanisme, le RNU, au 27 mars prochain.

Monsieur le secrétaire d'État, que pouvez-vous faire pour éviter qu’un grand nombre de communes ne se retrouvent contraintes à appliquer le RNU, alors qu’elles étaient dotées d’un POS.

Debut de section - Permalien
André Vallini, secrétaire d’État

La question de la caducité des POS a été soulevée dans le cadre des débats sur le projet de loi Égalité et citoyenneté et, à chaque reprise, le Gouvernement a rappelé son opposition à son report.

En effet, cette caducité est programmée depuis la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, la loi SRU, de 2000 et elle a été organisée par la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, la loi ALUR, en 2014. Les communes concernées ont donc eu largement le temps nécessaire pour se mettre en conformité et remplacer leur POS par un plan local d’urbanisme, un PLU.

De plus, un report a déjà été autorisé pour permettre aux communautés, qui sont devenues compétentes et qui ont lancé l’élaboration d’un plan local d’urbanisme intercommunal, un PLUI, avant le 31 décembre 2015, de conserver les POS jusqu’à l’approbation du PLUI et, au plus tard, jusqu’au 31 décembre 2019, ce qui laisse du temps. En dehors de ces cas particuliers, rien ne justifie le maintien des POS et, à défaut, c’est le RNU qui s’appliquera.

Par ailleurs, l’Assemblée nationale a adopté, dans le projet de loi Égalité et citoyenneté, un amendement du Gouvernement assouplissant les modalités de « grenellisation » des documents d’urbanisme. Les dates butoirs fixées par les lois Grenelle II, ALUR et Mandon ont été supprimées au bénéfice de l’introduction d’un principe général de « grenellisation » des documents d’urbanisme au plus tard à leur prochaine révision.

Plutôt que de repousser une nouvelle fois le délai de mise en conformité des documents d’urbanisme, cette disposition prend acte du fait que de nombreux plans locaux d’urbanisme et schémas de cohérence territoriale, les SCoT, sont en cours de révision. De nouvelles révisions seront rapidement engagées, la stabilisation de la carte intercommunale étant intervenue au 31 décembre dernier.

De ce fait, la « grenellisation » ne sera pas significativement retardée par cette nouvelle mesure, mais le Gouvernement a tout de même tenu compte du retard qui a pu être pris en raison de la recomposition territoriale et entend rassurer les collectivités et les acteurs de l’aménagement inquiets des éventuelles conséquences contentieuses du non-respect de cette échéance.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour le groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Bouchoux

Mme Corinne Bouchoux. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mesdames, messieurs les présidents de commission, mes chers collègues, après le speed dating, voici le quick speaking !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Bouchoux

J’aborderai trois points non liés.

Tout d’abord, nous avons constaté dans certains départements que des arbres ont été abattus ou sont abattus pour des motifs de « sécurité routière ».

Or l’article 172 de la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages ne prévoit les abattages qu’en cas de risque sanitaire ou mécanique. Cet article ne requérant aucun décret d’application, ce dont le groupe écologiste se réjouissait, nous souhaitons savoir comment le Gouvernement compte s’assurer, via les services déconcentrés de l’État, que les dispositions seront bien appliquées.

Ensuite, ma deuxième question concerne les questions de mixité.

Nous sommes ici très attachés, depuis une quinzaine d’années, à rendre plus mixte la vie publique. Néanmoins, nous sommes parfois soumis à des injonctions contraires. Ainsi, lorsque nous avons réfléchi – longuement ! – sur la taille des intercommunalités – 10 000, 15 000 ou 20 000 habitants ? –, avons-nous pris en compte leur future présidence, en réalisant des études d’impact ? Dans de nombreux départements où des femmes étaient parfois à la tête d’intercommunalités, il n’y a plus aujourd’hui que des hommes. Qu’en est-il ?

Enfin, nous votons des lois, c’est bien ; les décrets sont pris, c’est formidable, mais se pose la question des moyens. La Commission d’accès aux documents administratifs, la CADA, joue un rôle très important pour l’examen et le devenir des documents administratifs ; et la loi pour une République numérique renforce ses missions. Cette instance disposera-t-elle de moyens supplémentaires, notamment pour vérifier l’application de la loi en cas de refus de publication ou de communication entre autorités publiques, ainsi que nous l’avons prévu dans la loi ?

Pour conclure – tous nos collègues partageront cette appréciation ! –, nous saisissons l’occasion de cette séance pour remercier tous les personnels du Sénat, quels que soient leurs grades et leurs fonctions, ainsi que les collaborateurs parlementaires et les collaborateurs de groupes, sans qui nous n’aurions pas travaillé aussi bien !

Debut de section - Permalien
André Vallini, secrétaire d’État

Madame la sénatrice, vous avez évoqué la loi Biodiversité et l’abattage des arbres, qu’elle proscrit. Je ferai part de vos remarques à mes collègues Ségolène Royal et Barbara Pompili : s’il apparaissait que la loi n’était pas respectée, il reviendrait aux préfets de punir les contrevenants.

En ce qui concerne la question de la parité à la tête des EPCI, il est exact que les fusions induites par la loi NOTRe ont entraîné une diminution du nombre de places de conseillers communautaires disponibles pour chaque commune. Il est également vrai que les femmes ont été particulièrement touchées, notamment dans les petites communes, l’élu restant étant en général le maire, qui est encore un homme dans 85 % des communes françaises.

Toutefois, l’application de la loi sur le non-cumul des mandats devrait permettre d’améliorer un peu la situation, puisqu’elle obligera certains élus, députés ou sénateurs, qui cumulent les mandats de maire et de parlementaire à renoncer à leur poste de chef d’un exécutif local.

En 2020, les élections municipales et communautaires devraient encore améliorer la situation, puisque la place des femmes en tête de liste municipale ne cesse de s’accroître depuis une quinzaine d’années.

Concernant la CADA, votre question a été anticipée par le Gouvernement dans le projet de loi de finances pour 2017, avec une augmentation substantielle des moyens de cette commission. Celle-ci dispose d’un schéma d’emplois positif, lui permettant de recruter un agent supplémentaire, ce qui représente un effort important en période de pénurie budgétaire.

Les crédits de fonctionnement de la CADA sont en hausse de 168 % et l’arrêté du 8 septembre 2016, publié au Journal officiel du 10 septembre 2016, revalorise le montant des indemnités des membres de cette autorité, et lui permet aussi de disposer de deux rapporteurs adjoints, contre un seul auparavant, et de dix chargés de mission, contre six auparavant. Nous avons donc pris en compte la nécessité d’augmenter les moyens de cet organisme.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Alain Richard, pour le groupe socialiste et républicain. Je profite de l’occasion pour remercier notre collègue, car cette interactivité est le fruit de ses travaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Nous avons rendu hommage au travail massif et de grande qualité réalisé par les services du Sénat pour nous permettre de débattre. J’y ajoute un hommage à ce que j’appellerai « le nouveau ministère des relations avec le Parlement », car ce ministère a profondément changé : simple porte-parole il y a encore vingt ou vingt-cinq ans, il est devenu un maillon essentiel de la machine gouvernementale, notamment par la vigilance qu’il exerce sur l’application des lois.

Si nous avons toutefois encore des problèmes dans ce domaine, ne serait-ce pas parce que nous n’avons pas forcément fait les lois les plus facilement applicables ? §Dans la sélection des 47 lois, ne figure pratiquement aucun projet de loi de finances, de financement de la sécurité sociale ni de loi de finances rectificative. Or nous légiférons beaucoup trop dans ces supports, qui sont des véhicules législatifs surchargés.

Du point de vue du bicamérisme, le déroulement du débat sur ces textes particuliers rend le contenu du dialogue entre les deux assemblées particulièrement pauvre.

En outre, lors des prochains exercices, nous devrions produire une nouvelle statistique : la proportion des dispositions législatives votées sur lesquelles le législateur, sur son initiative ou sur celle du Gouvernement, est amené à revenir six mois, un an ou dix-huit mois après. Cela me semble presque aussi intéressant que les débats sur les textes d’application.

N’oublions pas, de surcroît, que, lorsque l’on adopte une disposition législative, le compromis final laisse parfois un peu de flou ou renvoie au décret des problèmes que tout le monde sait compliqués.

Le président Milon évoquait précédemment le sujet des transports sanitaires en taxi, qui est à l’ordre du jour depuis au moins une demi-génération. Nous savons bien que, en confiant au Gouvernement le soin de régler le problème au travers d’un décret, on lui envoie, selon l’expression consacrée, une patate chaude, qu’il va devoir manipuler.

Les différents ministères ont des partenaires de concertation plus ou moins importants et plus ou moins maniables. Si vous entendez sortir un décret dans des conditions à peu près acceptées, des discussions sont encore nécessaires.

Enfin, dernier point : tous les ministères n’ont pas la même capacité de produire des textes. Quand on voit le retard significatif du ministère de la culture, on se demande aujourd’hui quel est l’état de sa direction juridique – en possède-t-il une, d’ailleurs ? Dans nos administrations centrales, la compétence pour produire des textes est assez inégalement distribuée.

Je forme un dernier vœu, monsieur le président. Nous nous plaignons que les multiples rapports que nous demandons ne soient pas tous rendus, mais, quand ils le sont, quel temps de débat consacrons-nous à leur exploitation, ne serait-ce qu’en commission ? Si nous le faisions davantage, les rapports que nous sollicitons seraient peut-être plus souvent rendus dans les temps.

Debut de section - Permalien
André Vallini, secrétaire d'État

Monsieur Richard, vous savez à quel point le Conseil d’État, que vous connaissez bien, ainsi que d’autres organismes consultatifs comme la CNIL sont surchargés de travail, ce qui ne facilite pas la mise en œuvre rapide des lois qui sont votées.

Je retiens votre suggestion d’étaler le contrôle du Parlement sur un temps plus long, plusieurs années après le vote d’une loi, pour voir ce qu’elle est devenue, si elle a été modifiée…

Enfin, je partage évidemment votre avis sur l’intérêt du bicamérisme, et je vous livrerai à cet égard deux chiffres intéressants pour cette législature. Premièrement, sur 205 lois adoptées définitivement depuis 2012, pas moins de 38 procédaient d’initiative sénatoriale. Deuxièmement, plus des deux tiers des textes adoptés l’ont été à la suite d’un compromis entre les deux assemblées, soit par une adoption conforme, soit par un accord en CMP. C’est le cas de 67 % des textes adoptés pendant la seule session 2016–2017.

C’est dire si le bicamérisme est utile aux yeux du Gouvernement !

Murmures sur différentes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Et le Sénat, constructif !

La parole est à M. Philippe Dallier, pour le groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Je reviens sur l’adoption de la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté, dont le Conseil constitutionnel a censuré, me semble-t-il, 46 articles.

On nous reproche parfois le délai d’examen des textes. Manifestement, celui-ci contenait beaucoup de cavaliers, introduits tant par le Gouvernement que par les parlementaires. Ne pourrions-nous pas, collectivement, essayer de nous autodiscipliner pour limiter autant que faire se peut l’introduction de cavaliers dans les textes qui nous sont proposés ? Ces dispositions sont au final censurées par le Conseil constitutionnel et ne figurent plus dans la loi, alors même qu’elles sont parfois utiles. Il est regrettable qu’elles n’aient pas été insérées dans le bon texte.

Debut de section - Permalien
André Vallini, secrétaire d'État

Je partage votre réflexion, monsieur Dallier. J’ai moi-même indiqué dans mon propos introductif que le Sénat avait bien raison de mettre l’accent sur le respect non seulement de l’article 40, mais aussi des articles 41 et 45 de la Constitution. C’est notamment parce que ces articles n’avaient pas été respectés que le Conseil constitutionnel a censuré beaucoup de dispositions de la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté.

Il faut renforcer encore la vigilance des sénateurs, tous groupes confondus, mais aussi des gouvernements à venir pour que la loi soit moins bavarde à l’avenir, qu’elle soit seulement et purement législative.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

N’oublions pas non plus nos collègues députés, sous l’œil attentif du Secrétariat général du Gouvernement !

Je vous remercie, les uns et les autres, pour ce débat. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, pour vos quinze interventions : vous êtes vraiment un coordonnateur. Je remercie également le président Claude Bérit-Débat pour son rapport et son intervention. Nous publierons en juin le bilan annuel de l’application des lois arrêté au 31 mars 2017.

Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous en avons terminé avec le débat sur le bilan de l’application des lois.

L’ordre du jour de cet après-midi étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures cinq en salle Clemenceau, est reprise à vingt-et-une heures dans l’hémicycle, sous la présidence de Mme Françoise Cartron.