Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, de la loi du 16 décembre 1964 relative au régime et à la répartition des eaux et à la lutte contre leur pollution à la loi du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques, dite « LEMA », en passant par la loi du 3 janvier 1992, le législateur a montré un souci constant des problématiques afférentes à l’eau.
Gouvernance de l’eau, gestion qualitative et quantitative de l’eau, simplification administrative : telles ont été, légitimement, les priorités de l’action publique. Pourtant, cette dernière est d’une complexité confondante. Pis, les résultats ne sont pas à la hauteur : conflits de compétences, moyens insuffisants, instabilité normative, conflits d’usages et qualité écologique défaillante sont le quotidien d’une politique publique devenue illisible.
Nous devrions pourtant avoir un objectif simple : concilier les différents usages de l’eau pour rendre les activités humaines soutenables économiquement et écologiquement.
Cet objectif est-il inaccessible ? Je ne le crois pas. D’ailleurs, nous l’atteignons dans bien des cas, et ce malgré un environnement normatif erratique. La France se situe en effet au-dessus de la moyenne européenne en matière de qualité des eaux.
De fait, la gestion de l’eau est un merveilleux exemple d’une politique dont les intrications perpétuelles nous font oublier le potentiel de notre pays.
S’agissant de la gouvernance, la division du travail entre l’Agence française pour la biodiversité, qui remplace notamment l’ONEMA, le Comité national de l’eau, les agences de l’eau, les comités de bassin, les commissions locales, le préfet coordonnateur de bassin et les syndicats communaux et intercommunaux n’a rien de cohérent.
Dans un esprit identique, la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages a consacré la fusion d’établissements publics, ainsi que le transfert de la compétence GEMAPI : je ne crois pas que la gestion de l’eau ait été la priorité de ces réformes de circonstance. Sinon, comment expliquer que les agences de l’eau voient leurs compétences élargies à la biodiversité terrestre ? Quoi qu’il en soit, c’est ainsi qu’un problème de gouvernance devient un problème budgétaire…
De plus, le problème de gouvernance entraîne des dommages collatéraux. Nous sommes spectateurs de la destruction en cours des 60 000 moulins de France, au nom de la continuité écologique et au mépris de la conciliation harmonieuse des différents usages de l’eau, dans le respect du patrimoine et des obligations de notre pays. Il nous faut bien sûr être attentifs à ce que les propriétaires des moulins respectent un mode de fonctionnement permettant la remontée des poissons. Pourquoi créer des instances consultatives au niveau national, au niveau de chaque bassin hydrographique et de chaque sous-bassin, pour en arriver à une situation aussi absurde ? J’aimerais que Mme la secrétaire d'État puisse apporter une réponse à cette interrogation, ma question écrite d’avril 2016, portant sur le même sujet, n’en ayant jamais reçu…
Le même constat vaut pour l’agriculture, le rôle de l’ONEMA, qui est à la fois un guichet pour accompagner des projets et un organe répressif, puisqu’il assure la police de l’environnement, suscitant beaucoup de confusion, et parfois de ressentiment.
Nous ne pourrons pas agir avec pragmatisme et discernement dans le domaine de l’eau, comme le souhaite notre collègue Rémy Pointereau, tant que nous ne serons pas venus à bout du péché originel, si j’ose dire, que constitue cette gouvernance illisible.
Pour cette raison, et pour beaucoup d’autres que je n’ai malheureusement pas le temps de développer, je voterai, comme mon groupe, cette proposition de résolution. D’ailleurs, je crois pouvoir dire que celle-ci rencontre une forte adhésion. En particulier, la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies, la FNCCR, qui a exprimé les mêmes griefs à l’endroit de la gestion de l’eau en France, formule des préconisations voisines de celles de notre collègue Rémy Pointereau. La FNCCR nous invite à poursuivre nos travaux sur ce sujet ; c’est ce que nous ferons, pour qu’enfin notre politique de l’eau soit rationnelle, d’abord, et ambitieuse, ensuite.