Intervention de Nelly Tocqueville

Réunion du 21 février 2017 à 14h30
Économie circulaire : un gisement de matières premières et d'emploi — Débat organisé à la demande du groupe écologiste

Photo de Nelly TocquevilleNelly Tocqueville :

Si le concept est récent, il est précisément défini par le ministère de l’environnement comme un système économique qui s’inscrit dans le cadre du développement durable et dont l’objectif est de produire des biens et des services, tout en limitant la consommation et le gaspillage des matières premières, de l’eau et des sources d’énergie. Il s’agit effectivement de déployer une nouvelle économie, circulaire – en opposition à l’économie linéaire –, qui s’appuie sur le principe de « refermer le cycle de vie » des produits, des services, des déchets, des matériaux, de l’eau et de l’énergie.

Ce concept, qui a été introduit dans les années quatre-vingt-dix par les économistes de l’environnement Pearce et Turner, consiste en la prise de conscience, par l’homme, de la finitude de nos ressources et des impacts environnementaux de notre société de consommation.

En effet, depuis la révolution industrielle, qui a profondément bouleversé notre modèle économique, nous avions mis en place un système linéaire, basé sur l’extraction des ressources, la fabrication, la production, la consommation et les déchets, avec, pour conséquences, l’accumulation progressive et non négligeable de ceux-ci, mais aussi la pollution de l’eau, de l’air et des sols. Surtout, nous avons organisé l’épuisement inéluctable de nos ressources naturelles.

Nous sommes arrivés à un stade où il est de notre responsabilité de tirer la sonnette d’alarme.

Alors que l’économie mondiale utilisait 24 milliards de tonnes de ressources en 1970, elle en a consommé 68 milliards en 2009. Nous avons donc pratiquement triplé leur exploitation. Face à ce constat inquiétant, force est d’admettre que notre société doit aussi, parallèlement, relever plusieurs défis.

Le premier est celui de la hausse de la démographie. Nous sommes actuellement 7, 4 milliards d’individus sur la planète. D’après les estimations, nous serons près de 10 milliards en 2050, ce qui est considérable. Le risque d’épuisement accru des ressources dû à cette augmentation de la population est de plus en plus prégnant.

Le deuxième défi est celui de la finitude des ressources.

Le troisième défi est l’impact environnemental qu’entraîne le système économique linéaire.

Le lien entre la consommation et l’épuisement des ressources est donc irréfutable. En conséquence, il était devenu nécessaire, mais aussi responsable, de réfléchir à une solution à ces problèmes inscrivant l’objectif prioritaire d’une croissance économique durable. Telle est l’essence même du concept d’économie circulaire.

Ainsi, la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte consacre son titre IV à la lutte contre les gaspillages et à la promotion de l’économie circulaire. Elle prévoit notamment la mise en place d’une stratégie nationale de transition vers cette nouvelle démarche. Et, pour la première fois, cette notion est inscrite dans le code de l’environnement.

Contrairement au système linéaire auquel je faisais référence, cette économie d’un type nouveau précise clairement ses principes : utiliser les ressources le plus durablement possible, les économiser, en intégrant le recyclage, l’écoconception ou encore le remanufacturing.

Ce concept s’appuie principalement sur sept piliers : l’approvisionnement durable, l’écoconception, l’écologie industrielle et territoriale, la consommation responsable, l’allongement de la durée d’usage et le recyclage.

Il ne s’agit donc pas, contrairement à ce que nous pourrions parfois penser, d’une démarche axée uniquement sur la thématique des déchets, bien que ceux-ci constituent une préoccupation réelle lorsque l’on sait que, chaque année, un citoyen européen produit 444 kilos de déchets domestiques.

La COP 21, à Paris, puis la COP 22, à Marrakech, nous ont permis de comprendre que le modèle de croissance actuel n’est plus soutenable et que nous devons prendre collectivement conscience de cette réalité.

Toutefois, si nous souhaitons atteindre les objectifs des accords de Paris, il devient nécessaire d’adapter en urgence notre modèle de production, de transformation et de consommation à la réalité de l’augmentation exponentielle de cette dernière sur la planète et, ainsi, d’accélérer la transition vers le nouveau modèle d’économie circulaire à toutes les échelles de notre territoire, lequel doit être perçu comme un système permettant la poursuite de la production sans pour autant appauvrir les gisements de réserves naturelles, qui, eux, sont épuisables.

Ces dernières années, nous avons constaté que les collectivités se sont engagées, elles aussi, dans des démarches d’écologie industrielle et territoriale, s’inscrivant ainsi pleinement dans cette stratégie.

Les entreprises ont également un rôle essentiel à jouer dans cette démarche. En effet, si elles représentent manifestement une grande partie du problème, elles n’en sont pas moins aussi une grande partie de la solution. C’est la raison pour laquelle il est urgent de sensibiliser les acteurs économiques d’un même territoire et de les inciter à mettre en commun des ressources, afin d’économiser celles-ci, d’éviter le gaspillage et, en conséquence, d’améliorer la productivité.

Ce concept peut aussi bien s’appliquer dans le domaine des infrastructures d’équipements, comme les outils de production, que dans le secteur des services ou encore dans la gestion collective des déchets.

Au reste, le concept d’économie circulaire a un impact sociétal incontestable, car celle-ci peut créer de nombreux emplois, en particulier dans le secteur des entreprises spécialisées dans les éco-activités.

En effet, on estime que, en France, le secteur de la gestion des déchets peut représenter plus de 135 000 emplois, tandis que, en Europe, ce secteur ainsi que celui du recyclage représentaient déjà, en 2005, entre 1, 2 million et 1, 5 million d’emplois. L’économie circulaire est donc créatrice de richesses et d’emplois sur l’ensemble du territoire, notamment d’emplois locaux, non délocalisables, à l’instar de ceux qui relèvent du domaine de l’économie sociale et solidaire.

L’impact environnemental de l’économie circulaire pour les entreprises et les collectivités territoriales est donc démontré. Mais les consommateurs sont aussi concernés et doivent être des acteurs essentiels dans le développement de cette nouvelle forme d’économie. Ils doivent prendre conscience des enjeux environnementaux, car, s’il y va du devenir de la planète, il y va aussi de celui des hommes qui la peuplent. Et celui-ci ne peut se concevoir que dans la remise en cause du modèle de production et de consommation qui a prévalu jusqu’alors. C’est la raison pour laquelle l’économie circulaire incite aussi à l’innovation et à la collaboration, tant de la part des acteurs publics que des acteurs économiques.

Préserver notre planète et l’avenir des générations futures, dans la perspective d’une croissance économique durable, tel est l’objectif du concept d’économie circulaire.

Pouvez-vous, madame la secrétaire d'État, dresser un bilan des expériences menées ou abouties sur le territoire en la matière ?

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