Intervention de Didier Mandelli

Réunion du 21 février 2017 à 14h30
Économie circulaire : un gisement de matières premières et d'emploi — Débat organisé à la demande du groupe écologiste

Photo de Didier MandelliDidier Mandelli :

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, l’occasion m’est aujourd’hui donnée de prendre la parole, au nom du groupe Les Républicains, sur le sujet de l’économie circulaire et de sa capacité à agir comme gisement de matières premières et d’emplois.

L’économie circulaire relève du bon sens. Nous devons y voir une mécanique vertueuse en faveur d’une nouvelle croissance.

La question de l’épuisement de nos ressources naturelles et la solution de l’économie circulaire ne sont pas des nouveautés. En avril 1974, déjà, le professeur René Dumont, dans un contexte électoral, évoquait ces ressources précieuses et s’inquiétait que celles-ci ne viennent à manquer dès la fin du siècle si nous ne changions pas notre relation à la nature. De nombreux rapports internationaux, comme le rapport Meadows, en 1972, et le rapport Brundtland, en 1987, ont participé à cette réflexion internationale sur l’émergence d’un nouveau modèle économique, dans lequel la production, la consommation et la réutilisation des biens et services forment une boucle.

L’idée d’une circularité de l’économie, fondée sur des circuits courts et le réemploi des matériaux a, depuis lors, fait son chemin, nous invitant à repenser notre rapport au monde qui nous entoure.

Au cours des deux dernières décennies, la question de l’économie circulaire a été posée à de nombreuses reprises dans l’espace public français.

En 2007, à l’occasion du Grenelle de l’environnement, impulsé par le gouvernement de François Fillon, avait été posée une première définition de l’économie circulaire, définie comme une politique de réduction et de recyclage des déchets, et plus généralement une politique d’utilisation plus efficace des ressources à notre disposition. Moins consommer et mieux consommer, ce sont les deux idées au fondement de la politique de l’économie circulaire.

En tant que président du groupe d’études Gestion des déchets du Sénat, j’en mesure, chaque jour, l’importance et la pertinence, mais aussi la nécessaire adaptation à la réalité du terrain.

En 2013, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, a présenté une structuration de l’économie circulaire, qui résume bien ses enjeux à la fois politiques et techniques.

Cette structuration s’organise autour de quatre piliers : l’approvisionnement durable, c’est-à-dire l’exploitation raisonnée des ressources naturelles ; l’écoconception, à savoir l’ensemble des démarches de diminution de la quantité de matière utilisée, d’allongement de la durée de vie et de réemploi ; l’écologie industrielle et territoriale, c’est-à-dire un mode d’organisation interbasé sur des échanges de flux optimisés et une mutualisation des besoins ; l’économie de la fonctionnalité, enfin, à savoir le choix de privilégier l’usage à la possession.

Ces quatre piliers concourent à notre objectif de transition écologique et énergétique, avec le développement d’activités moins polluantes et d’une économie plus verte.

Avec 345 millions de tonnes de déchets produits annuellement en France, et seulement 17 millions de tonnes de matériaux recyclés utilisés, notre pays a encore beaucoup à accomplir dans ce domaine, mais ses efforts quotidiens méritent d’être salués.

En août 2015, la notion d’économie circulaire a été définitivement inscrite dans notre droit par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, avec, pour objectif, de « dépasser le modèle économique linéaire consistant à extraire, fabriquer, consommer et jeter en appelant à une consommation sobre et responsable des ressources naturelles et des matières premières primaires ».

L’engagement de la Commission européenne en faveur d’un paquet Économie circulaire, datant de décembre 2015, nous sert aujourd’hui de référentiel sur cette question.

Avec des objectifs ambitieux, comme la mise en œuvre de normes sur l’écoconception, la mise en place d’une législation relative au gaspillage alimentaire, le déploiement d’une initiative de soutien à l’innovation et l’investissement dans l’économie circulaire au sein du programme Horizon 2020 et de nouveaux objectifs de gestion des déchets à l’horizon de 2030, l’Union européenne est aujourd’hui un moteur de notre action en faveur de l’économie circulaire.

Le développement de cette économie constitue aussi une opportunité formidable sur le plan de la création d’activités et d’emplois pour nos territoires.

L’ambition de l’économie circulaire de réévaluer notre consommation de ressources naturelles impliquera des réallocations sectorielles de l’emploi entre les activités dites « intensives en matières » et les activités dites « économes en matières ».

Il est de notre devoir de nous assurer que ces changements en termes d’emploi ne délaissent personne, qu’ils proposent à chacun un accompagnement professionnel, c’est-à-dire une reconversion vers un secteur d’activité en développement. La formation, initiale et professionnelle, aux métiers de l’économie circulaire et du développement durable doit intégrer cette évolution.

L’économie circulaire concourt déjà à l’emploi en France, mais elle pourrait prendre une place décisive dans la nouvelle amorce d’une croissance durable.

D’après une note d’analyse de France Stratégie datant d’avril 2016, qui a été évoquée par M. Hervé Maurey, l’économie circulaire représente aujourd’hui 800 000 emplois en équivalent temps plein, soit 3 % de l’emploi global en France.

Près de la moitié de ces emplois sont des éco-activités, c’est-à-dire des productions de biens et de services permettant de mesurer, prévenir, limiter ou corriger les impacts environnementaux. L’assainissement de l’eau et des déchets représente environ 40 % de ces éco-activités.

À mesure que nous agissons, toutes ces activités devraient se démultiplier, avec des créations d’emplois non délocalisables à la clef. Elles appelleront donc une vigilance accrue de la part des pouvoirs publics.

Pour une autre moitié, les emplois de l’économie circulaire touchent à la réparation, la location et le marché de l’occasion. Ces métiers assurent effectivement la prolongation de la durée de vie des produits et services. Sont concernées des filières professionnelles en pleine croissance, comme les filières à responsabilité élargie du producteur, dites REP, les réseaux de proximité que constituent les associations pour le maintien d’une agriculture paysanne, les AMAP, ou encore la filière des innovations numériques.

Quant au secteur de la réparation, il représente, à lui seul, pas moins de 200 000 emplois équivalents temps plein, soit un quart des métiers de l’économie circulaire.

Aujourd'hui plus que jamais, nos territoires sont des acteurs de premier plan des politiques d’animation et de soutien des initiatives d’économie circulaire.

En conclusion, le passage d’une économie linéaire à une économie circulaire est un processus bien entamé, dans le respect des engagements de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

Cette dynamique de préservation de l’environnement est bonne pour l’emploi. Elle engendre des créations d’activité sur un spectre de filières professionnelles allant de la collecte et du recyclage des déchets à l’entretien et la réparation des équipements techniques.

Il nous reste à savoir comment encourager son développement.

Permettez-moi d’attirer brièvement votre attention, mes chers collègues, sur quelques pistes : la mise au point d’une fiscalité incitative, notamment lorsque le coût des matières premières n’invite pas au recyclage des matériaux, l’accélération du soutien public et privé aux démarches de recherche et de développement, au travers d’une orientation des crédits du programme d’investissements d’avenir, le PIA, ou encore une meilleure association des éco-organismes aux démarches de soutien à ce secteur.

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