Intervention de Bernard Fournier

Réunion du 21 février 2017 à 21h00
Entre réforme territoriale et contraintes financières : quels outils et moyens pour les communes en zones rurales — Débat organisé à la demande du groupe communiste républicain et citoyen

Photo de Bernard FournierBernard Fournier :

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, les petites communes rurales sont plus que jamais à la croisée des chemins. En tant que président de l’Union des communes rurales de la Loire, je vois tous les jours qu’elles sont victimes d’un effet de ciseaux dévastateur, très bien résumé par l’intitulé de ce débat qu’a souhaité le groupe CRC.

Les moyens des communes rurales sont réduits à peau de chagrin ! Partout, nous voyons réellement l’effet de la baisse des dotations. Les maires, désormais, réduisent les services rendus aux habitants.

Concrètement, dans ma commune de Saint-Nizier-de-Fornas, qui compte 677 habitants, la DGF a baissé de 16 % entre 2014 et 2016 – elle est passée de 91 000 euros en 2014 à 76 611 euros en 2016. Et il y a bien pire !

Le projet de loi de finances pour 2017 entérine, pour la quatrième année consécutive, la baisse des dotations de l’État aux collectivités territoriales. En cumulé, sur l’ensemble du quinquennat, ce sont 27 milliards d’euros en moins pour les budgets des collectivités territoriales.

Même si, face à la fronde des maires, François Hollande a décidé, cette année, de pondérer la pression supportée par les communes et les intercommunalités en la réduisant de moitié, il n’en reste pas moins que, en 2014, 2015 et 2016, l’effort financier consenti par le bloc communal a été considérable.

Il faut bien sûr mettre cet effort en relation avec les nouvelles charges imposées par le Gouvernement aux collectivités locales, par exemple, avec la réforme des rythmes scolaires dont la part du coût restée à la charge du bloc communal est estimée à 70 %.

Les capacités d’investissement des petites communes, et donc leurs moyens, subissent une forte contrainte. Voici un exemple très simple, mais pour moi extrêmement révélateur : il y a cinq ou six ans, je recevais à peu près une quinzaine de demandes par an de subventions au titre de la réserve parlementaire. Aujourd’hui, je reçois environ cinquante demandes par an de maires de petites communes, parfois pour des montants de 2 000 euros ou 3 000 euros.

On l’oublie souvent, les communes rurales représentent 22 millions d’habitants. Leurs dépenses moyennes d’équipement par habitant, en 2013, s’élevaient à 406 euros, alors qu’elles n’atteignaient que 396 euros dans les communes de plus de 3 500 habitants. On ne peut donc que constater une véritable inégalité.

Dans son très bon rapport intitulé Concours financiers de l’État et disparités de dépenses des communes et de leurs groupements, la Cour des comptes a très justement relevé plusieurs injustices, notamment sur la dotation globale de fonctionnement. En effet, la DGF par habitant est parfois de 1, 5 à 2, 5 fois plus élevée dans une commune urbaine que dans une commune rurale – 62 euros par habitant dans certaines communes rurales, contre 124 euros par habitant dans les villes.

Ce rapport démontre très clairement l’effet de redoublement qu’ont les différentes dotations forfaitaires sur les inégalités initiales de richesse fiscale, contribuant à figer les inégalités de dépenses par habitant qui en découlent.

Les premières analyses sur la réforme territoriale soulignent déjà que les incitations budgétaires pour encourager le développement de l’intercommunalité ont favorisé l’engagement de dépenses nouvelles plutôt que la recherche d’économies d’échelle.

Nous avons beaucoup parlé des moyens, mais les outils, eux aussi, sont de plus en plus faibles. Nos collectivités arrivent de moins en moins à assumer l’ensemble de leurs missions et sont de plus en plus souvent délaissées par les services déconcentrés de l’État.

En outre, lorsque les maires participent aux conseils communautaires, ils réalisent qu’ils n’ont malheureusement plus grand-chose à arbitrer. Il n’est plus question pour les communes de décider ensemble, en fonction du contexte et des possibilités locales, des compétences qui seront mises dans le « pot commun ». Dorénavant, c’est la loi qui fixe la liste, de plus en plus longue, des compétences communales qui doivent obligatoirement être transférées au niveau communautaire.

Dans toute la France, nous voyons les communes se dessaisir de leurs compétences – si j’ose dire – au profit des intercommunalités.

Alors que l’urbanisme était un domaine incontournable de la gestion des communes, le transfert aux communautés de la compétence relative aux plans locaux d’urbanisme illustre parfaitement cet effacement historique. Les communes rurales minoritairement représentées au sein du conseil communautaire n’auront plus aucun moyen de s’opposer à des décisions pourtant déterminantes pour l’avenir de leur territoire. Elles deviennent des coquilles vides !

Mes chers collègues, même si nous manquons encore de recul pour évaluer certaines réformes, j’ai bien peur que nous ne soyons en train de créer des usines à gaz qui découragent les maires ruraux et qui ne soient source d’aucune économie, bien au contraire !

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