Intervention de Michelle Demessine

Réunion du 25 octobre 2006 à 15h00
Secteur de l'énergie — Articles additionnels après l'article 10

Photo de Michelle DemessineMichelle Demessine :

Par cet amendement, les parlementaires du groupe communiste républicain et citoyen souhaitent appeler l'attention du Gouvernement sur les conséquences des politiques de libéralisation dans le secteur de l'énergie, politiques qui sont en réalité largement inspirées par les directives européennes, dont l'unique objectif consiste dans l'organisation d'un marché unique de l'énergie.

En ce sens, le projet de loi qui nous est soumis devrait également permettre de transposer une partie de ces directives en entérinant l'ouverture à la concurrence au 1er juillet 2007 pour les particuliers.

L'asservissement des secteurs de l'électricité et du gaz au libre échange et à la rentabilité à court terme détourne les pouvoirs publics de la recherche de solutions énergétiques pour la France, l'Europe et la planète.

Malgré ces lacunes évidentes, le gouvernement français applique avec un zèle tout particulier les directives européennes. Il a non seulement entériné l'entrée de nouveaux opérateurs sur le marché, mais également l'ouverture du capital des entreprises publiques EDF et GDF lors du vote de la loi d'août 2004.

Il souhaite aujourd'hui aller plus loin en revenant sur les promesses faites par le gouvernement Raffarin, en particulier par Nicolas Sarkozy, concernant le maintien du capital public à hauteur de 70 %. Ce seuil serait donc abaissé à 34 %. Cela montre que les promesses d'hier s'apparentaient à des manipulations, notamment à l'égard des organisations syndicales.

Selon les dogmes libéraux, l'instauration de la libre concurrence dans ce secteur devait permettre, par l'arrivée de nouveaux entrants, de baisser les prix pour les particuliers et les industriels. La réalité est tout autre, car l'entrée d'investisseurs privés dans le capital des entreprises historiques appelle nécessairement une rentabilité des capitaux investis. Or cette meilleure rentabilité se fait essentiellement par une hausse du tarif de la prestation, afin d'augmenter les marges bénéficiaires.

En Grande-Bretagne, par exemple, où la libéralisation est très développée, les clients industriels ont subi des hausses de tarifs de 24 %.

En France, ces politiques ont abouti à une augmentation notable de la facture des usagers, particuliers ou entreprises. Ainsi, depuis le début de la déréglementation du secteur, les tarifs de GDF ont progressé de 52 %, sans compter qu'une nouvelle hausse de 5, 8 % a été autorisée par le Gouvernement.

Les prix pratiqués par EDF vont également augmenter pour les particuliers de 7, 5 % en trois ans alors que, depuis dix ans, ils baissaient régulièrement.

Sur le marché déjà ouvert à la concurrence, les tarifs ont augmenté en une année de 48 %, y compris pour les entreprises nationales chargées de mission de service public, comme la SNCF.

Les avantages historiques dont bénéficiaient les industriels grâce aux choix nationaux de politiques énergétiques disparaissent donc au profit d'un nivellement par le haut des prix de l'électricité. La hausse des prix de l'énergie entraîne alors des risques considérables pour l'industrie en France. Dès lors, force est de constater la contradiction flagrante avec l'objectif d'amélioration de la compétitivité des entreprises que doit permettre, selon ses partisans, l'ouverture à la concurrence.

Cette hausse des tarifs, qui se fait sur le dos des particuliers et des industriels, permet de rémunérer le capital privé. En effet, les bénéfices de GDF et d'EDF explosent. Le résultat net de GDF est en augmentation de 13, 1 %. Quant aux dividendes versés aux actionnaires, ils progressent, eux, de 60 % !

Cette nouvelle politique d'entreprise est conforme au contrat de service public de GDF pour 2005-2007, qui prévoit un doublement des dividendes sur cette période grâce à l'alignement des tarifs de l'entreprise sur ceux de ses concurrents européens. Au passage, je souligne les bénéfices record de Total, qui atteignent 26 milliards d'euros : autant d'argent qui ne servira ni à développer le projet industriel ni à améliorer les conditions de travail des salariés du secteur.

À cet égard, je rappelle que la Commission européenne a chiffré à 30 % la perte d'emplois dans le secteur énergétique depuis le début de la libéralisation.

Je rappelle également que près de 100 milliards d'euros ont été dépensés ces deux dernières années par les géants européens de l'énergie en opérations dispendieuses de restructuration et d'acquisition, alors que peu d'investissements de production ont été engagés.

Ces politiques libérales sont donc purement idéologiques et ne répondent absolument pas à l'intérêt général. Qu'en sera-t-il quand les tarifs ne seront plus régulés et que l'ensemble du secteur sera ouvert à la concurrence ? D'ailleurs, certains parlementaires de la majorité s'inquiètent également de l'absence de contrôle par l'État des tarifs dans le cadre de cette nouvelle loi.

Vous qui nous exhortez sans cesse au pragmatisme, il serait peut-être temps d'en faire preuve en réalisant un bilan de la déréglementation des services publics. MM. Chirac et Jospin l'avaient demandé lors du sommet de Barcelone : nous l'attendons toujours !

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