Intervention de Hervé Maurey

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 22 février 2017 à 9h30
Table ronde sur les pollinisateurs autour de m. richard thiéry directeur du laboratoire pour la santé des abeilles et mme agnès lefranc directrice de l'évaluation des produits réglementés agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation de l'environnement et du travail anses m. luc belzunces directeur de recherche et responsable du laboratoire de toxicologie environnementale et m. jean-luc brunet directeur d'unité adjoint institut national de la recherche agronomique inra m. gilles lanio président de l'union nationale de l'apiculture française unaf m. michel perret chef du bureau de la faune et de la flore sauvages et mme jeanne-marie roux-fouillet chef de projet du plan national d'actions « france terre de pollinisateurs » ministère de l'environnement de l'énergie et de la mer

Photo de Hervé MaureyHervé Maurey, président :

La table ronde que nous organisons aujourd'hui porte sur les pollinisateurs et leur état de santé. Cette thématique a fait l'objet de nombreux travaux scientifiques ces dernières années. Elle a été récemment au coeur des débats législatifs à l'occasion de l'examen du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages qui a interdit l'usage des néonicotinoïdes à compter du 1er septembre 2018, dont les effets sur la morbidité et la mortalité des abeilles ont été mis en avant. À cette occasion, nous avions décidé que la commission consacrerait un peu plus de temps et d'attention à cette question complexe. Nous avons été souvent montrés du doigt de façon sommaire voire simpliste, certains d'entre nous ont été qualifiés de « tueurs d'abeilles », à la différence des gentils « protecteurs des abeilles ».

Le terme « pollinisateurs » regroupe plusieurs catégories d'insectes qui participent à la pollinisation des plantes, en particulier la famille des hyménoptères qui inclut les abeilles. Ces insectes sont indispensables à la reproduction des plantes : on estime que 80 % des cultures, notamment les cultures fruitières, légumières, oléagineuses et protéagineuses sont dépendantes des pollinisateurs.

Dès le milieu des années quatre-vingt, un phénomène préoccupant d'affaiblissement et de surmortalité des colonies d'abeilles a été observé dans plusieurs pays dont la France. Ce phénomène est allé croissant, avec des taux de mortalité hivernale des abeilles supérieurs au taux considéré comme normal, 10 %.

La question du déclin des colonies d'abeilles et de la production de miel a fait l'objet d'un intérêt croissant de la part du monde scientifique comme des décideurs publics. En 2008, l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa), devenue depuis l'Anses, a publié un rapport, Mortalités, effondrements et affaiblissements des colonies d'abeilles, qui dresse un bilan des causes de morbidité et de mortalité des abeilles.

Depuis, la recherche scientifique a continué de progresser, de même que la diffusion de la connaissance, grâce à la création de l'Institut technique et scientifique de l'apiculture et de la pollinisation (Itsap) en 2009, et à l'accréditation du laboratoire de Sophia-Antipolis de l'Anses comme laboratoire de référence de l'Union européenne pour la santé des abeilles en 2011, qui a bénéficié de financements européens pour produire des données objectives sur l'état de santé des abeilles.

Le programme de surveillance épidémiologique européen, « Epilobee », a pour objectif de mieux appréhender le phénomène de surmortalité des abeilles et d'identifier les agents pathogènes. Les premiers résultats de cette enquête, publiés en 2014, ont mis en avant des taux de mortalité hivernale très variables selon les pays européens, la France se situant en haut du classement des pays les plus touchés par le déclin des colonies.

Le phénomène de surmortalité des abeilles est complexe car ses causes sont multiples. Dans ses travaux, l'Anses a dégagé quatre principaux facteurs agissant seuls, ou en association, sur la santé des abeilles : des facteurs biologiques, c'est-à-dire la présence d'agents pathogènes comme le varroa ou de prédateurs comme le frelon asiatique qui menacent les abeilles ; des causes chimiques, l'exposition des pollinisateurs aux produits phytosanitaires présents dans l'environnement, soit de manière directe lors du traitement des plantes, soit indirectement à travers les résidus présents dans le sol et les plantes ; des causes environnementales, ensuite, à savoir la perte de la richesse florale qui réduit l'accès des abeilles à des apports en nourriture de qualité ou les perturbations climatiques qui menacent la survie des colonies ; les pratiques apicoles, enfin, qui ne favorisent pas toujours un bon développement des colonies.

Une grande diversité de facteurs menace la santé des abeilles. L'Anses a d'ailleurs mis en avant le rôle des coexpositions aux pesticides et aux agents infectieux dans l'effondrement des colonies dans un rapport paru en 2015.

Une des causes de mortalité a particulièrement focalisé l'attention ces dernières années : les substances néonicotinoïdes, classe d'insecticide qui agit en perturbant le système nerveux central des insectes. Selon une étude de l'Institut national de la recherche agronomique (Inra) de 2012, ces insecticides désorientent les abeilles butineuses, les empêchant de regagner leur ruche. En raison des travaux scientifiques montrant la nocivité de ces produits pour la santé des abeilles, la Commission européenne a, en 2013, décidé de restreindre l'utilisation de trois produits phytosanitaires à base de néonicotinoïdes.

En France, la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité a prévu l'interdiction de l'utilisation des néonicotinoïdes pour le traitement des semences à compter du 1er septembre 2018, avec des dérogations possibles pouvant être accordées jusqu'au 1er juillet 2020. La semaine dernière, un projet de décret relatif à la liste des néonicotinoïdes concernés par l'interdiction a été mis en consultation ; sept substances sont visées.

La grande diversité des menaces qui pèsent sur les abeilles rend l'action publique complexe, car elle doit porter sur de multiples sources de déclin des pollinisateurs. Les ministères de l'agriculture et de l'environnement ont respectivement mis en place un plan de développement durable de l'apiculture (PDDA) en 2012 et un plan national d'actions (PNA) en 2015 en faveur des insectes pollinisateurs, qui partagent de nombreux objectifs en termes de diminution de la mortalité due aux causes chimiques et biologiques et d'amélioration de la connaissance scientifique.

Les questions que nous souhaitons aborder au cours de cette table ronde sont : quel est l'état des connaissances actuelles sur la santé des pollinisateurs, notamment en termes d'évolution du taux de mortalité ? Quelles sont les causes de morbidité et de mortalité des pollinisateurs qui apparaissent prépondérantes ? Quel regard portez-vous sur l'interdiction des néonicotinoïdes votée l'année dernière, en termes d'efficacité escomptée de cette mesure et de la possibilité pour les agriculteurs de trouver des produits alternatifs pour protéger les plantes ? Quel bilan peut-on faire des actions menées dans le cadre du plan national d'actions « France, terre de pollinisateurs » ?

Nous sommes ravis d'accueillir M. Richard Thiéry, directeur du laboratoire pour la santé des abeilles, et Mme Agnès Lefranc, directrice de l'évaluation des produits réglementés, au sein de l'Anses ; M. Luc Belzunces, directeur de recherche et responsable du laboratoire de toxicologie environnementale et M. Jean-Luc Brunet, directeur d'unité adjoint, au sein de l'Inra ; M. Gilles Lanio, président de l'Union nationale de l'apiculture française (Unaf) ; M. Michel Perret, chef du bureau de la faune et de la flore sauvages et Mme Jeanne-Marie Roux-Fouillet, chef de projet du plan national d'actions « France, Terre de pollinisateurs » au sein du ministère de l'environnement, de l'énergie et de la mer. Malheureusement, M. Éric Lelong, président de la commission « apiculture » de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) a dû annuler sa participation à la table ronde à la suite du décès du président de la FNSEA, Xavier Beulin.

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