Intervention de Gilles Lanio

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 22 février 2017 à 9h30
Table ronde sur les pollinisateurs autour de m. richard thiéry directeur du laboratoire pour la santé des abeilles et mme agnès lefranc directrice de l'évaluation des produits réglementés agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation de l'environnement et du travail anses m. luc belzunces directeur de recherche et responsable du laboratoire de toxicologie environnementale et m. jean-luc brunet directeur d'unité adjoint institut national de la recherche agronomique inra m. gilles lanio président de l'union nationale de l'apiculture française unaf m. michel perret chef du bureau de la faune et de la flore sauvages et mme jeanne-marie roux-fouillet chef de projet du plan national d'actions « france terre de pollinisateurs » ministère de l'environnement de l'énergie et de la mer

Gilles Lanio, président de l'Union nationale de l'apiculture française (Unaf) :

Lorsque je rencontre mes homologues apiculteurs d'autres pays européens, ils se moquent de nous : pour eux, les Français sont fous de pesticides. Nous enrobons même les graines de salade ! C'est une addiction très dangereuse parce qu'elle entraîne des résistances. De plus, dans 90 % des cas, le traitement appliqué n'est pas nécessaire. C'est comme si des antibiotiques étaient administrés à toute la population au début de l'hiver pour éviter les infections...

Lorsque le frelon asiatique a été repéré pour la première fois, il y a douze ans dans la région de Bordeaux, le phénomène n'a pas été pris au sérieux. La lutte a ensuite été axée sur la destruction des nids par des pesticides. Or le frelon est citadin : la fondatrice a d'abord besoin d'un toit et de glucides. Ce ne sont pas les abeilles qui l'attirent : piéger les ruchers, qui sont majoritairement en campagne, ne sert à rien. C'est lorsqu'ils ne trouvent pas de nourriture en ville que les frelons se rendent dans les campagnes, pillant les ruches.

Lorsque l'on trouve les nids, généralement à la chute des feuilles, il est trop tard : les reines partent du nid dès la fin août pour aller en fonder d'autres. De plus, une fois traités aux produits chimiques, les nids situés trop en hauteur restent accrochés aux arbres, ce qui facilite un saupoudrage de ces produits sur la population. Il faut donc piéger au printemps, lorsque les fondatrices sont encore dans les nids. Travaillons sur des pièges plus sélectifs. Les oiseaux, qui attaquent les nids en hiver, seront peut-être nos alliés de demain ; ne les empoisonnons pas !

Les pertes moindres dans les bois s'expliquent par l'éloignement plus grand des cultures, avec leur flot de pesticides abusivement répandus. Les besoins en eau d'une ruche sont très importants - jusqu'à 100 litres par an - surtout pour le couvain. Or le traitement d'un champ aux néonicotinoïdes ou autres produits contamine les mares d'eau, intoxiquant les abeilles. Plus le nid est éloigné de ces eaux contaminées, mieux il est préservé. Les villes sont elles aussi moins touchées, parce qu'il y a moins d'insecticides.

Éloigner les ruches des cultures est donc une solution possible, mais l'abeille est un pollinisateur : agriculteurs et apiculteurs sont faits pour travailler ensemble et ont besoin les uns des autres. Cette collaboration se traduit par l'implantation de ruches aux abords des champs de colza ou de tournesol.

Plusieurs d'entre vous ont évoqué le manque d'organisation de la profession, et le nombre important d'amateurs. Il y a quinze ou vingt ans, les apiculteurs étaient dans leur coin ; compte tenu des récoltes à l'époque, ce n'était pas plus mal... Nombre d'entre eux avaient des connaissances assez modestes et intervenaient peu ; on les appelait des « poseurs de hausses ». Depuis, les apiculteurs ont fait des efforts de sélection, de recherche, ils ont échangé avec leurs homologues d'autres pays. Ceux d'aujourd'hui ne sont pas des ignares. Tous les responsables de rucher ont reçu une formation préalable. Depuis vingt ans, les ruchers-écoles se sont multipliés. Les apiculteurs ne sont plus dans leur bulle.

Au dernier congrès de la Fédération des apiculteurs de la Méditerranée (Fedapimed), au Maroc, mes homologues de ce pays m'ont dit que là où des pesticides modernes étaient employés, le varroa et le nosema ceranae faisaient autant de ravages que chez nous. En revanche, les zones où les pratiques ancestrales prédominent ne sont pas touchées. Ce n'est pas une question de race, mais de milieu. Ainsi les abeilles d'Ouessant se portent très bien, avec des reines qui vivent cinq à six ans ; mais sur le continent, elles ne dépassent pas les deux ans.

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