Intervention de Yves Coquelle

Réunion du 25 octobre 2006 à 15h00
Secteur de l'énergie — Article 11

Photo de Yves CoquelleYves Coquelle :

L'article 11 concerne la société gestionnaire du réseau de transport de gaz issue de la séparation d'avec la maison mère Gaz de France.

Jusqu'à présent, le gestionnaire du réseau de transport de gaz était une société anonyme filiale de GDF. Avec la possibilité de privatiser GDF prévue à l'article 10 de ce projet de loi, c'est maintenant également la privatisation du réseau de transport de gaz qui est en jeu.

De fait, la rédaction que vous proposez, qui confie à Gaz de France - entreprise privatisable -, à l'État ou à des entreprises ou organismes du secteur public la propriété du capital, n'apporte plus de garantie réelle quant à la maîtrise publique d'une activité pourtant hautement stratégique.

C'est donc à un vrai dépeçage des activités énergétiques que vous procédez !

Ce dépeçage apporte une preuve supplémentaire du fait que votre gouvernement ne sait pas tenir ses engagements. Lors des débats parlementaires de 2004, M. Nicolas Sarkozy s'était personnellement engagé à maintenir le transport de gaz dans le giron public. L'équipe gouvernementale à laquelle vous appartenez, monsieur le ministre, souffre-t-elle de troubles de la mémoire ou manque-t-elle tout simplement de parole ?

Quel que soit le diagnostic, la situation est grave et discrédite, une fois de plus, la politique menée par ce gouvernement.

Il est bon, pourtant, de rappeler à nos collègues de la majorité et à nos concitoyens les effets potentiels de ce dépeçage et de la privatisation de ce réseau de transport.

J'évoquerai tout d'abord les enjeux de sécurité.

Les installations de gaz naturel liquéfié présentent en effet des risques d'accidents particulièrement graves en raison de la concentration d'énergie et de la température du gaz naturel liquéfié. Nous ne devons absolument pas négliger les risques importants que constituent de telles installations.

Faut-il rappeler l'article du Monde en date du 23 mars 2006, qui revient sur l'accident de Dijon et les nombreux décès qu'il a causés ? Le jeudi 23 mars 2006, GDF a été reconnu coupable d' « homicides et blessures involontaires » par le tribunal correctionnel de Dijon, et condamné à 204 500 euros d'amende.

D'après le jugement, « GDF, qui connaissait le caractère fragile et dangereux des fontes grises dites cassantes, qui en avait décidé le remplacement et qui disposait des moyens financiers pour le faire, a négligé de poursuivre cet objectif, manquant ainsi à son obligation de sécurité imposée par sa mission de concessionnaire de service public, à l'origine du drame ».

Chacun doit également avoir bien conscience que ces installations jouent un rôle essentiel et spécifique dans l'alimentation de notre pays en gaz naturel. Elles contribuent de manière déterminante à la sécurité de nos approvisionnements.

En plein hiver, des défaillances sur le réseau de transport auraient des conséquences dramatiques. Certes, nous ne sommes pas en Ukraine, mais l'épisode de cet hiver en Ukraine ou tout simplement la tempête de 1999 en France, en plein hiver, ont montré les difficultés que pose à la population une rupture de fourniture en énergie et les soucis que cela entraîne. Autant dire que l'entreprise ne peut se permettre de « rogner » sur les dépenses d'entretien et de maintenance !

Le réseau de transport de gaz aura-t-il les moyens d'aller expliquer tout cela à ses actionnaires privés, dont le souci n'est pas vraiment la qualité du réseau de transport ?

Nous l'avons déjà dit, les institutions communautaires, appuyées par les approbations des chefs d'État et de gouvernement, ont procédé de façon similaire dans d'autres secteurs organisés en réseau, par exemple dans le secteur du rail.

La triste expérience britannique - la gestion des infrastructures ferroviaires a été confiée à une entreprise privée - montre qu'exigence de rentabilité immédiate et investissements dans la sécurité ne font pas bon ménage !

Faudra-t-il attendre un accident pour que votre majorité accepte de revenir sur la privatisation du principal réseau de transport de gaz ?

La maîtrise publique de l'énergie n'est pas un slogan en l'air. Elle vise à assurer une maîtrise des risques, à garantir l'existence d'un réseau de qualité, le critère principal de gestion étant non le taux de retour sur investissement, mais la qualité du service rendu.

Vous porteriez une lourde responsabilité vis-à-vis des habitants de ce pays en traitant le réseau de transport de gaz comme n'importe quelle entreprise de bonbons !

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