L'agriculture française est en crise à cause de la sécheresse, des orages de grêle et de la crise sanitaire qui, dans l'Union européenne a gravement affecté le secteur des fruits et légumes. C'est pourquoi, avec le président de la République et le Premier ministre, nous avons pris des mesures le plus vite possible. A ce propos, je regrette les propos tenus par certains élus à l'Assemblée nationale. La démocratie, ce n'est pas le mensonge ! Le Gouvernement est intervenu dès la fin du mois d'avril, il n'a pas attendu pour venir en aide aux agriculteurs en difficulté.
Face à la sécheresse, nous avons donné la priorité à la filière élevage. C'est l'urgence première. Avec la ministre de l'écologie, nous avons décidé, en avril, de lever tous les obstacles règlementaires pesant sur l'alimentation animale, en autorisant sans restriction l'utilisation des jachères et des bandes enherbées inutilisées. Nous avons aussi levé les contraintes liées aux engagements des mesures agro-environnementales territorialisées pour permettre le fauchage des parcelles avant le 15 juin.
Dès avril également, j'ai demandé aux préfets d'organiser la solidarité entre céréaliers et éleveurs. Près de 40 départements ont déjà mis en place des contrats inter-filières qui garantissent la mise à disposition de plus d'1 million de tonnes de foin et de paille à 25 euros maximum la tonne. J'ai cependant donné aux préfets l'autorisation d'interdire le broyage des pailles au cas par cas, si certains ne jouaient pas le jeu.
Avec Nathalie Kosciusko-Morizet, nous avons mis en place une cellule de crise afin de coordonner les transports de paille des régions céréalières vers les régions d'élevage. Tous les modes sont concernés : fluvial, maritime, routier, ferroviaire. C'est un transport difficile et dangereux : en chemin de fer, par exemple, la moindre étincelle pouvant provoquer un incendie, il est nécessaire de bâcher tous les convois de paille. Le ministère de la défense apportera l'appui de l'armée à ces transports. Nous avons ainsi répondu positivement à la demande des responsables agricoles.
La deuxième urgence était de soulager la trésorerie des éleveurs. Je ne crois pas à un nouvel impôt sécheresse, d'abord parce qu'il pèserait sur le contribuable, ensuite parce qu'il ne permettrait pas d'identifier clairement le montant des pertes des producteurs. Nous avons préféré miser sur la solidarité.
D'abord, et évidemment, sur la solidarité de l'État. J'ai demandé aux préfets de lancer le processus d'indemnisation au titre du Fonds national des calamités agricoles et je réunirai la commission des calamités le 15 juin. Jamais ce Fonds n'aura été réuni aussi tôt. Cela permettra de prendre les arrêtés de reconnaissance dès le 12 juillet et de faire les premiers versements à partir du 15 septembre.
Mais nous misons aussi sur la solidarité des acteurs privés. J'ai obtenu du Crédit agricole le versement de 700 millions de prêts aux éleveurs en difficulté, à des taux préférentiels : 1,5 % pour les jeunes agriculteurs et 2 % pour les autres. Les compagnies d'assurance, comme Groupama, ont accepté d'étendre la garantie de responsabilité au transport, au stockage et à la manipulation des pailles. La Mutualité sociale agricole a accepté de reporter des appels à cotisation de juin pour tous les éleveurs, ce qui représente un effort de 80 millions. J'ai demandé à la grande distribution d'appliquer l'accord du 3 mai sur la répercussion du prix des matières premières pour compenser les surcoûts subis par les éleveurs.
C'est enfin la solidarité européenne qui doit jouer. J'ai obtenu de l'Union européenne le versement anticipé de 50 % des droits à paiement unique, de 80 % de la prime au maintien de la vache allaitante et de 50 % des aides aux ovins et caprins. Ces aides seront versées avec huit semaines d'avance dès la mi-octobre. J'ai rallié onze pays à notre proposition de créer un groupe à haut niveau sur l'avenir de la filière bovine en Europe. Je me réjouis que M. Dacian Ciolos ait annoncé qu'il reprenait cette idée à son compte et qu'il ferait dès le mois de juillet des propositions pour renforcer la filière dans le cadre de la PAC de l'après-2013.
Au-delà des mesures d'urgence, c'est un signal très important de notre conviction que l'élevage a un avenir en Europe. Beaucoup d'éleveurs, découragés de travailler 7 jours sur 7 pour perdre de l'argent, se sentent abandonnés et sont tentés de jeter l'éponge. Il faut leur donner des signaux de long terme, montrant que nous sommes convaincus du caractère stratégique de leur filière, source de richesse, vivier de dizaines de milliers d'emplois et secteur disposant - ce qui est rare - de la garantie d'une forte augmentation de la demande, notamment de la part des pays émergents ou en voie de développement. Il faut choisir : soit nous abandonnons ce secteur à l'Argentine, soit nous nous battons pour le maintenir en France.
Il faudra tirer les leçons de ces sécheresses à répétition. Nous n'avons pas tiré les leçons de la tempête de 1999, pensant que c'était la tempête du siècle et qu'un système assurantiel n'était pas nécessaire. Dix ans après, Klaus a eu des conséquences encore plus dramatiques sur nos forêts, surtout dans le sud-ouest. Il serait naïf de croire qu'une telle sécheresse ne se reproduira pas ; il serait irresponsable de ne pas prendre les mesures nécessaires pour s'y préparer. Il faut donc multiplier les retenues d'eau sur notre territoire, en respectant les nécessités environnementales mais en supprimant les complications administratives insensées. Il nous faut aussi développer des cultures moins exigeantes en eau et, dans les zones les plus touchées, adapter les productions. Il nous faut enfin moderniser nos systèmes d'irrigation pour les rendre plus efficaces et plus économes en eau.
Sur la PAC, depuis un an, nous avons renversé la tendance. Chacun a maintenant conscience qu'elle est stratégique pour l'Union européenne et que nous avons besoin de dispositions communautaires, par exemple pour faire face à la crise sanitaire d'Allemagne. Ceux qui plaident pour que l'on renationalise devraient en mesurer les conséquences pour l'environnement et pour les normes sanitaires. Mieux vaut aller vers davantage de communautarisation que vers une renationalisation. Mais, pour cela, il faut maintenir à l'euro près le budget de la PAC. Le Président de la République et le Premier ministre l'ont redit au Président de la Commission européenne, qui présentera ses propositions budgétaires pour l'après-2013 à la fin de ce mois.
Au delà de la question budgétaire, je continue à me battre pour que la régulation soit au coeur de la nouvelle PAC. Avant qu'on obtienne le paquet Lait, la Commission n'avait aucun moyen d'intervention pour régler la crise de cette filière. La Commission doit avoir les moyens d'intervenir sur les marchés. Sur les fruits et légumes nous n'avons pas de moyens de réaction de grande ampleur. De même la crise de l'élevage impose davantage de régulation. C'est la France qui porte cette idée à laquelle je tiens beaucoup, notamment encore pour la viticulture. La libéralisation des droits de plantation en Europe est une absurdité. On ne peut demander aux viticulteurs de faire de la qualité et libéraliser ces droits. Sur ce sujet, je souhaite que la Commission revoie sa position. Les Allemands sont d'accord, les Italiens aussi, les Espagnols se sont également ralliés.
Au-delà de l'Europe, il faut prendre les mesures qui s'imposent pour lutter contre la volatilité des prix agricoles à l'échelle mondiale. Depuis un an, je négocie un plan d'action contre cette volatilité dans le cadre du G20. Cette négociation est difficile ; il nous faut être lucide sur la position des autres membres de ce G20 : ils ne sont pas prêts à envisager une gouvernance agricole mondiale. Mais nous progressons. Partis de zéro, nous sommes arrivés à entrevoir la possibilité d'un accord les 22 et 23 juin. Mais, pour ces États, il est encore difficile de signer un accord contraignant.
En conclusion, il n'y a pas d'agriculture nationale, européenne ou mondiale ; il y a un problème agricole mondial. Nous produisons de moins en moins, avec des crises et des catastrophes dues aux changements climatiques de plus en plus fréquentes, alors que la population augmente sans cesse. C'est la quadrature du cercle. Soit nous réglons ce problème collectivement, soit nous optons pour le repli sur nous-mêmes et allons, ainsi, vers une crise agricole majeure.