L'excessive instabilité des marchés agricoles, et d'une manière générale, des marchés des matières premières, constitue aujourd'hui un immense défi auquel nous devons apporter des solutions. Les prix de ces produits se caractérisent en effet par une très grande volatilité, exacerbée depuis 2007 et qui déstabilise l'ensemble des agricultures du monde.
Je voudrais tout d'abord très brièvement rappeler quelques repères, simples, qui permettent de se rendre compte de l'ampleur des conséquences d'une telle situation.
La production agricole représente aujourd'hui 1,3 milliard d'emplois à travers le monde. C'est la première activité mondiale. J'ajouterai que plus de 40 % de la population active mondiale dépend directement des marchés agricoles. Quant aux produits de l'agriculture, ils représentent 10 % du commerce mondial.
Vu l'importance de ce phénomène de volatilité des prix, la commission des affaires européennes et la commission de l'économie ont su, une nouvelle fois, travailler ensemble en bonne intelligence sur cette question. Le groupe de travail sur la PAC que nous avons mis en place en mai 2010 avec le président Jean Bizet et co-présidé également avec Mmes Odette Herviaux et Bernadette Bourzai, s'inscrit dans cette logique. Je suis pour ma part très attaché à cette méthode de travail en commun : c'est un bon modèle de fonctionnement qui permet au Sénat de se prononcer en connaissance de cause et avec force.
Cette fois-ci, nous avons choisi, avec M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes, de co-signer une proposition de résolution qui est présentée aujourd'hui devant votre commission, dans la mesure où cette dernière constitue le point d'aboutissement de travaux menés conjointement sur la question de la volatilité des prix agricoles.
Nos deux commissions ont en effet organisé, le 27 avril dernier, une table ronde fort intéressante sur ce thème, qui réunissait l'ensemble des acteurs concernés (la FAO, des représentants du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux, du Ministère de l'Agriculture, de la FNSEA, de l'ANIA ainsi que M. Serge Guillon, contrôleur général et co-auteur avec M. Jean-Pierre Jouyet, d'un rapport relatif à la gestion de l'instabilité des marchés agricoles.)
Cette table ronde fut très instructive. Elle nous a permis de mieux cerner les difficultés posées par ce phénomène volatilité des prix, qui, s'il n'est pas ancien, semble aujourd'hui durablement amplifié par la spéculation existant sur les marchés dérivés et qui a des répercussions sur les marchés physiques.
Elle nous a permis aussi de dégager un certain nombre de pistes qui pourraient utilement être prises en compte afin d'atténuer les effets de cette volatilité excessive, qui peuvent être désastreux, vous le savez.
C'est pourquoi mes chers collègues, dans le prolongement de ces travaux, nous avons souhaité déposé une proposition de résolution européenne qui puisse émettre des recommandations en ce sens, en vue notamment du prochain G20 des 22 et 23 juin prochains.
Je voudrais, mes chers collègues, souligner l'importance de l'imbrication, sur un sujet comme celui-là, de trois niveaux d'action :
- le niveau national : c'est ce que la LMAP s'est attachée à faire via la contractualisation, l'encouragement aux assurances contre les aléas climatiques et sanitaires ou encore l'organisation et la structuration de filières ;
- le niveau européen : avec le défi de la PAC pour 2013 ;
- et enfin le niveau international par le biais de cette mise à l'agenda des négociations et de la volatilité des prix agricoles.
Les défis qui devront être abordés lors de ce sommet sont au nombre de quatre.
Le premier défi concerne la solidité de la croissance économique. Les fluctuations excessives des prix génèrent de l'incertitude et le manque de transparence des marchés des matières premières en général et des produits agricoles en particulier accentuent ce phénomène.
Le second défi concerne la sécurité alimentaire. Environ 40 pays ont connu des émeutes de la faim en 2007-2008 suite à la flambée des prix de plusieurs produits de base comme le blé ou le riz. Or les niveaux atteints aujourd'hui s'en rapprochent dangereusement.
Le troisième défi est celui de la libéralisation des marchés, qui a marqué la période récente et changé le contexte institutionnel. Le retrait de l'intervention publique s'est traduit principalement par la diminution des stocks, qui connaissent donc aujourd'hui des niveaux historiquement bas. Cette diminution a rendu les marchés très sensibles aux chocs externes.
Ce constat est apparu très clairement lors de notre table ronde : les réformes de la PAC ont accru le phénomène de volatilité des prix agricoles. L'idée directrice en a été le recul de toute forme de régulation. Les prix réglementés ont disparu et les stocks ont fondu, avec l'idée que les phases de baisse des prix permettraient de faire émerger des champions compétitifs tandis que les phases de hausse des prix permettraient d'engranger des bénéfices. Cette alternance est en réalité au fondement même du fonctionnement des marchés financiers.
Le dernier défi, d'ailleurs, porte sur la financiarisation des marchés des matières premières agricoles.
Plusieurs éléments y ont contribué. Les fondamentaux poussent à une hausse du prix des produits agricoles, ce qui ne peut qu'inciter les placements dans ces valeurs. De même, le prix des produits agricoles et le prix des autres matières premières ont été de plus en plus liés. Ce qui a conduit les opérateurs financiers à proposer des placements constitués de panels de matières premières regroupant à la fois métaux, énergie et produits agricoles.
La spéculation fut d'ailleurs une question centrale de la table ronde. Si la volatilité des prix est structurelle, tous les économistes s'accordent à dire que la spéculation contribue à amplifier ce déséquilibre. Mais la spéculation vient moins de la hausse elle-même que du risque de l'anticipation. Alors que jusque dans les années 2000, les agriculteurs pouvaient espérer vendre une récolte sur pied à un horizon de un an. Aujourd'hui, on prend des options sur les récoltes de 2013, soit deux ans à l'avance !
A ces quatre défis, l'on peut ajouter les initiatives de certains États qui accentuent parfois l'instabilité, comme les restrictions aux exportations par exemple. C'est ce qu'on a vu au cours de l'été 2010 en Russie : à la suite d'une flambée des prix provoquée par des prévisions de mauvaises récoltes, le gouvernement a instauré un embargo sur ses exportations de blé, ce qui a amplifié la hausse des prix.
Par ailleurs, la situation actuelle ne semble pas devoir s'améliorer dans les années qui viennent. En effet, d'après les prévisions d'un rapport commun, l'OCDE et la FAO considèrent que les prix réels et nominaux des produits agricoles baisseront par rapport aux niveaux record atteints au début de 2008 mais qu'ils resteront plus élevés pendant les dix prochaines années que pendant la décennie précédente.
D'autres éléments vont dans le même sens : ainsi la demande de biocarburants et le prix élevé du pétrole devraient entraîner un maintien des prix à un niveau tout de même élevé.
De la même manière, la conjugaison de la demande croissante provenant d'Asie et des pays émergents et de la croissance démographique importante laissent entrevoir une accentuation de la variabilité des prix sur les marchés agricoles.
A cela s'ajoute enfin l'intensification des aléas climatiques qui laisse penser que du côté de l'offre aussi l'instabilité devrait s'accroître toujours davantage.
Autant d'éléments qui prouvent que la définition d'une réponse coordonnée au niveau international est aujourd'hui indispensable.
J'ajouterai pour finir que si l'on parle souvent de l'importance des marchés de matières premières, il me paraît néanmoins important d'étudier spécifiquement les marchés de produits agricoles.
Mais je laisse la parole à M. Jean Bizet pour présenter notre proposition de résolution.
Je me réjouis à mon tour de cette réunion commune des deux commissions. Elle est logique, dans la mesure où c'était déjà en commun que nous avions organisé le 27 avril dernier, une table ronde sur la volatilité des prix agricoles avec la participation de six experts.
Notre réunion d'aujourd'hui est le prolongement de cette table ronde. Il nous est apparu nécessaire, au président Emorine et à moi-même, que le Sénat en tire les enseignements et prenne position avant que le G20 n'aborde ces sujets. Et lorsque la Commission de l'économie se sera prononcée définitivement, nous aurons une base pour notre contrôle de l'action du Gouvernement, et une position que nous pourrons communiquer aux autres parlements.
Face à l'instabilité des prix, quelles régulations sont envisageables ? Comment limiter le phénomène et comment limiter ses effets ?
La première voie envisagée est celle de l'encadrement des marchés physiques par la constitution de stocks régulateurs. Cette solution souvent préconisée par les Français a été discutée.
La gestion moderne des entreprises allant vers les flux tendus, l'idée de stocks de régulation a reculé. Plusieurs expériences ont été très négatives et ont entraîné une grande suspicion à l'égard de cette procédure. Dans l'esprit de l'opinion de plusieurs de nos partenaires, le stockage est même l'illustration de ce que la PAC administrée peut faire de pire. Le souvenir de cette époque est cette image désastreuse de « montagnes de beurre » à la fin des années 80 ; immanquablement rappelée à quiconque évoque le retour d'une politique de régulation par le stockage.
Si le stockage devait s'imposer, et j'insiste sur ce point, il devrait plutôt s'appliquer aux pays de consommation pour faire baisser le prix des produits alimentaires, et non aux pays de production.
Enfin, le stockage international pose des quantités de problèmes pratiques : qui paye ? Qui gère les stocks ? Où sont-ils ? Il est presque certain que les États ne s'entendraient pas sur ce sujet.
Tous les intervenants ont donc exprimé leurs doutes sur cette piste préconisée par la France. Il faudra beaucoup d'inventivité pour faire passer cette notion, à travers, par exemple, l'idée de stocks d'urgence, préférable à celle de stocks régulateurs, pratiquement condamnée.
L'autre voie est celle du contrôle des marchés financiers.
L'expérience américaine mérite d'être rappelée et peut donner quelques repères. Aux États-Unis, les marchés agricoles ont 150 ans d'histoire et n'ont cessé de se développer. Le plus grand marché américain de Chicago représente des volumes de transactions considérables. Plus de 100 000 contrats de céréales sont échangés en une journée. A Chicago, l'équivalent de la production annuelle de blé américain s'échange en cinq séances.
Le principal atout d'un marché organisé porte sur la transparence des transactions. Les marchés organisés se distinguent en cela des marchés de gré à gré, des OTC - over the counter - qui ne sont connus que des seules parties contractantes. Le deuxième atout est que, contrairement aux marchés OTC, les marchés organisés imposent de disposer des garanties auprès des chambres de compensation qui s'assurent que le vendeur détient des provisions suffisantes, avant d'opérer sur le marché.
Ces règles sont complétées par un dispositif public d'encadrement. Les deux structures les plus connues sont la CFTC et la DOA.
La CFTC - la Commodity Futures Trading Commission - est une agence indépendante créée en 1974. Elle publie les positions des différents types de traders. Elle applique des limites de position. Elle dispose d'un pouvoir d'enquête. Elle peut même imposer des limites de variations journalières de prix, voire fermer les cotations. Certains traders américains ont ainsi été conduits à quitter les États-Unis pour Londres, où les contraintes étaient moins sévères sur les marchés !
La CFTC a été renforcée par le Dodd Frank Act du 21 juillet 2010. Il vise à encadrer les marchés de gré à gré avec une obligation de compensation. Cette dernière met fin à l'un des intérêts du marché de gré à gré qui permettait aux vendeurs de swap de prendre des positions sans avoir à mobiliser des capitaux, ce qui était provocateur et déstabilisant.
Cette expérience américaine peut être utile aux Européens.
Il est absolument nécessaire de mettre en place une régulation financière des marchés dérivés sur les produits agricoles.
Cela suppose une mobilisation des acteurs agricoles et financiers, un encadrement des intermédiaires agissant sur ces marchés, ainsi qu'une transparence des marchés dérivés qui permette d'avoir une vue d'ensemble sur le fonctionnement des marchés, y compris sur les marchés de gré à gré.
L'amélioration passera aussi par une chambre de compensation qui centralise les options et impose des limites afin que les positions prises sur les marchés dérivés ne soient pas déconnectées des livraisons attendues.
Ces pistes sont régulièrement évoquées. Il faut néanmoins en reconnaître les limites. L'organisation des marchés profite-t-elle aux agriculteurs ou aux places financières ? En outre, pourra-t-on justifier longtemps le maintien d'une dotation annuelle de plus de 50 milliards d'euros à des agriculteurs qui vont consacrer une grande partie de leur travail à surveiller les options et les swaps à Chicago ? Il ne serait pas admissible que l'argent du contribuable aille massivement vers des agriculteurs traders tandis que les éleveurs loin de ces marchés resteraient au bord de la faillite.
Cette évolution posera la question cruciale de l'équité de la PAC. La PAC ne peut se transformer, sans débat, en un complément de revenus pour opérateurs financiers.
Ces questions seront passées en revue lors du G20 des 22 et 23 juin 2011 à Paris.
Cette réunion est un succès français. Le mérite du G20 est d'avoir remis l'agriculture dans l'agenda international. Cette initiative a été très bien perçue par nos partenaires. Cet enthousiasme doit être cependant tempéré. L'accord va probablement se faire sur le plus petit dénominateur commun, sur la transparence des échanges, des productions, des stocks. En revanche, un accord sur les stocks mondiaux est peu probable.
Cette réunion peut permettre de sortir l'agriculture de l'ornière dans laquelle elle est enfermée. Coup sur coup, la volatilité des prix et la nouvelle crise sanitaire ont montré que la sécurité alimentaire en prix, en quantité et en qualité devait être au coeur de la PAC. L'insistance sur la compétitivité et le verdissement ne doivent pas faire oublier que la priorité doit rester sur l'alimentation. Il est temps de revenir à une stratégie agricole. Ce sera sans doute demain le message du G20 et c'est, aujourd'hui, notre appel.
Au vu de ce constat, la proposition de résolution que nous vous présentons aujourd'hui propose au Gouvernement cinq pistes qui pourraient utilement être abordées au sommet du G20 :
- en premier lieu, au niveau européen, la future PAC 2013 devra faire de la sécurité de l'approvisionnement alimentaire et de la sécurité sanitaire des aliments des objectifs fondamentaux ;
- au niveau international, un certain nombre d'outils devront être mis en place pour pouvoir lutter contre l'instabilité excessive des marchés agricoles ;
- troisième point, ces outils devront accroître de manière significative la transparence de la production et des stocks et permettre un système d'alerte rapide afin de prévenir les crises alimentaires ;
- la transparence sur les marchés dérivés doit être améliorée pour ne pas engendrer de dysfonctionnements sur le marché des produits agricoles ; des règles prudentielles consistant par exemple à exiger que les opérateurs financiers couvrent une fraction de leur position en détenant des stocks devront être mises en place ;
- enfin, la constitution de stocks d'urgence en Europe et de stocks alimentaires stratégiques dans les grandes zones de consommation les plus pauvres pourrait être prévue.
Concernant les stocks, je crois qu'il est important en effet d'éviter de les qualifier de « régulateurs » et de privilégier l'appellation « stock d'urgence » ou « stocks de garantie pour l'alimentation » pour les zones de consommation les plus fragilisées. Cela sera plus compris par l'opinion et nos partenaires de l'Union européenne, réticents à ce concept de régulation administrative. Je voudrais également insister sur l'importance de la réunion du G20 sur cette thématique agricole. Réunir 19 pays, plus l'Union européenne, sur ce thème est une performance qu'il faut saluer.
Cette proposition intervient au bon moment, le timing est parfait. Nous sommes favorables à la transparence au niveau mondial. Des progrès sur ce point seraient déjà considérables. Les difficultés vont arriver en discutant des détails : à quelle hauteur mettre des filets de sécurité, à quelle hauteur fixer les stocks stratégiques ? En revanche, je suis assez réservé sur l'idée de mettre des stocks dans les pays de consommation. Les événements récents dans le monde arabe montrent qu'il y a beaucoup d'instabilité, voire des risques de guerre civile. Installer des stocks dans ces pays, c'est prendre le risque de pillage. Il est utile d'insister sur l'importance des stocks pour les pays consommateurs, mais il serait prudent de les mettre en Europe.
La crise alimentaire s'éloigne, mais attention à ne pas retomber dans un optimisme naïf. La volatilité des prix est un phénomène complexe qui dépend beaucoup de l'aléa climatique, des crises sanitaires, de la spéculation, des décisions publiques, des compétitions nationales qui vont bien au-delà des seules gestions de stocks, puisqu'il y a aujourd'hui une concurrence pour l'achat de terres.
Comme l'a fait le président Emorine, il faut distinguer les différents niveaux d'intervention, communautaire et mondial. L'Union européenne garde une indéniable capacité d'action dès lors que les États manifestent leur volonté d'agir. En cas de crise, les États n'ont pas d'amis, ils n'ont que des intérêts. Certains États du monde ne se sont pas embarrassés avec cela et le revendiquent ouvertement. L'Europe semble gênée à se positionner clairement. J'en veux pour preuve cette grande prudence vis-à-vis de la régulation. On évite d'employer le mot alors que cela a été au centre des débats pendant plusieurs années.
Je note également une contradiction dans les pratiques : ainsi, avec la technique des marchés à terme, on peut vendre sa récolte à l'horizon de deux ans alors qu'elle est, par définition, très aléatoire, tandis que, dans le même temps, on ne peut stocker ce qui existe ! C'est absurde !
Nous avons été, Odette Herviaux et moi-même, surprises de découvrir, au travers d'une convocation, que nous étions considérées comme co-signataires d'un texte dont nous n'avons pu prendre connaissance que cinq jours après l'envoi de cette même convocation. Cette méthode ne nous paraît pas acceptable, d'autant plus que notre participation à un rapport sur la PAC ne saurait impliquer a priori une collaboration automatique sur toutes les initiatives parlementaires dans le domaine agricole. Même si nous sommes prêtes à débattre du contenu.
La proposition de résolution avance plusieurs pistes dans l'intérêt des producteurs et des consommateurs. Néanmoins, la tonalité générale nous paraît trop défaitiste et pas assez combative. L'influence des marchés financiers sur les produits agricoles paraît acquise, admise. Certaines présentations sont contestables. Tel cet argument selon lequel, je cite, « il n'y avait aucune raison pour que l'agriculture ne suive pas le courant de libéralisation des échanges appliquée globalement avec succès aux produits industriels et aux services ».
Il y a une sorte d'écart entre l'objectif de sécurité alimentaire revendiqué et l'acceptation de la situation actuelle marquée par la percée des marchés financiers. De même, vous relevez justement que le prix mondialisé ne dépend plus de la confrontation entre une offre et une demande alimentaire, et est désormais connecté au prix de l'énergie, sans aller jusqu'au bout de l'argument : pourquoi aurait-on des stocks stratégiques de pétrole et pas de stock alimentaire ?
Pour finir, la fin de l'exposé me semble étriquée, vous vous contentez de demander le minimum. Si le Sénat veut peser, il doit être plus ambitieux. Cette proposition de résolution a minima ne répond qu'imparfaitement aux enjeux du moment.
Nous avons pensé vous associer à cette proposition par courtoisie et parce que nos travaux en commun avaient été, à mon sens, un succès. Mais j'accepte volontiers vos arguments et votre franchise.
Cette proposition de résolution vient au bon moment et j'adhère globalement à l'exposé des motifs et au dispositif. Malgré certains manques. L'examen de ce sujet par le G20 ne doit pas nous exonérer d'une réflexion interne à l'Union. Il me semble qu'un des objectifs de la PAC doit être de sortir l'Union de la dépendance vis-à-vis de l'extérieur, et de revenir à des règles adaptées à notre situation. Les règles de l'Organisation mondiale du commerce sont inadaptées à l'agriculture et cela doit être rappelé dans les considérants de la proposition. La notion de prix mondial s'applique très mal à l'agriculture, car il y a, en vérité, très peu d'échanges internationaux. L'essentiel des productions est consommé en interne, par grandes zones, et la part des échanges ne porte que sur 4 à 10 % des productions. De surcroît, ce sont souvent des exportations d'excédents dont les prix s'écartent des règles traditionnelles des marchés.
Je pense qu'il faut aller plus loin dans la résolution, notamment concernant les banques. De même que les banques proposent des SICAV sans que personne ne sache vraiment quelles sont les actions concernées, les placements sur les matières premières devraient être détaillés. Il faudrait que les établissements financiers inscrivent leurs positions dans leur bilan. La transparence si justement évoquée dans la proposition ne doit pas concerner les seuls échanges et les stocks, mais doit s'appliquer aussi aux opérateurs financiers qui interviennent sur le marché des matières premières agricoles. Il faut aller jusqu'au bout de la logique de transparence.
Les stocks régulateurs sont une garantie et une protection des pays les plus pauvres, afin d'assurer leur sécurité alimentaire. Il faut plus de transparence d'autant plus que les échéances des positions sur les marchés à terme sont lointaines. Quand on se positionne aujourd'hui sur des récoltes à deux ans, on ouvre la voie à la spéculation.
La proposition de résolution devrait rappeler, dans un considérant, le défi alimentaire mondial. Il faut remettre l'alimentation au coeur de la stratégie agricole. Je m'interroge sur l'articulation entre le G20 et la réforme de la PAC. Peut-on parler de volatilité des prix au G20 et rester inerte en Europe, puisqu'aujourd'hui, rien n'est encore annoncé dans le cadre de la PAC ?
Je comprends mal les réticences exprimées par nos deux présidents sur la régulation, alors que tous la demandent. Les marchés à terme sont-ils incompatibles avec la régulation des quantités et des prix ?
J'ajoute qu'il y a une guerre naissante sur les questions agricoles, entre les États-Unis et la Chine. L'Union européenne, absente, compte les points.
Je souhaiterais ajouter un considérant d'actualité. En effet, dès lors que l'aléa climatique est un facteur décisif du prix des productions agricoles, le changement climatique dont nous commençons à voir les effets sur l'agriculture ne peut qu'avoir des conséquences majeures sur les productions et sur les prix. La volatilité des prix sera donc accrue par le changement climatique, et je crois que cela mériterait d'être rappelé dans un considérant.
L'alimentation doit être au coeur de la stratégie agricole. L'enjeu est mondial, on le sait. L'arrivée de la Chine sur ce secteur est un élément capital pour l'agriculture du monde. La Chine a 140 millions d'hectares de surface agricole utile, pour 1,3 milliard d'habitants, alors que la France, par comparaison a 30 millions d'hectares pour 64 millions d'habitants. Nous arrivons à produire tandis que les Chinois ne le peuvent tout simplement pas. Ils sont obligés d'aller chercher ailleurs les terres qu'ils n'ont pas chez eux. Il y aura inévitablement des tensions sur les terres agricoles, et par là, sur les prix.
Plusieurs intervenants ont regretté notre prudence sur la régulation et l'idée de stocks régulateurs.
Tout d'abord, il y a une confusion entre stock stratégique et stock régulateur. Le premier est admis et peut être revendiqué. Même s'il y a des problèmes à régler. Où constituer des stocks stratégiques ? J'entends bien les réticences de M. César sur les risques de pillage. Certains évoquent même le risque de corruption. Autant d'arguments qui ne plaident pas, d'ailleurs, en faveur d'une politique de stockage. Je crois tout simplement que ce n'est pas à nous de nous prononcer sur les lieux. Il semble logique que ce soit la FAO qui le fasse.
En revanche, c'est le concept de régulation par les stocks qui fait débat. Nous l'expliquons dans l'exposé des motifs. Certains croient que tous la demandent. Ce n'est pas tout à fait exact. C'est un mot qui fait peur à nos partenaires. Il y a trop de mauvais souvenirs, trop d'appréhensions. Le mot même de régulation est débattu. Ceux qui ont participé à nos travaux en commun avec le Bundestag se souviennent sans doute que nous sommes restés une heure sur ce concept, rejeté par nos amis allemands, pour finalement s'accorder sur un « cadre de régulation ». Il nous semble que nous devons prendre acte de ces réticences, en cherchant à ne pas provoquer inutilement nos partenaires, en proposant de nouveaux concepts, plus fédérateurs. Il y a un combat idéologique derrière le combat des mots. C'est pourquoi nous avons pensé que le concept de stocks d'urgence pouvait passer.
L'achat par la Chine de 56 millions d'hectares est évidemment un signal qui ne peut que nous conforter dans l'idée qu'il faut protéger les terres agricoles. C'est d'ailleurs tout le mérite de votre commission de l'économie d'avoir créé les outils à cet effet dans la LMA.
Je comprends bien aussi vos inquiétudes sur les dérives des marchés à terme. Nous n'approuvons pas cette évolution contrairement à ce que certains pensent. Notre proposition explique le phénomène : dès lors que les produits agricoles ont rejoint les panels de matières premières, les mêmes techniques financières s'y sont engouffrées. Il y avait des marchés à terme sur les matières premières, il y a et il y aura des marchés à terme sur les produits agricoles. Ces marchés sont devenus instables. C'est presque mécanique. Il peut y avoir un jugement moral, mais il y a, au départ, un lien économique qui se décrypte très bien.
Pour répondre à Mme Bourzai, le passage qu'elle cite sur la libéralisation n'était qu'une présentation de ce que la plupart des pays pensaient. La demande de libéralisation était générale, qu'elle vienne des pays d'Amérique du Sud ou de l'OMC. Nous avons d'ailleurs pris nos distances avec cette évolution, en évoquant « la foi, l'aveuglement dans la libéralisation en Europe ».
De même, plusieurs intervenants ont considéré que notre proposition était timide ou a minima. Cela a été rappelé par le président Emorine, nous nous sommes mis dans une stratégie d'alliance, en cherchant le consensus. Bien sûr, nous nous adressons au Gouvernement mais si l'on veut que nos positions soient écoutées par nos partenaires, il nous faut montrer une capacité d'écoute et d'ouverture. Même si cela ne va pas aussi loin que nous le souhaiterions. Mais il va de soi que tous vos amendements sont bienvenus. C'est le cas de M. Deneux qui veut renforcer les contraintes sur les banques, de M. Raoult qui veut rappeler l'importance du défi alimentaire, de M. Bailly qui veut rappeler le lien entre volatilité des prix et changement climatique. C'est l'objet même d'un examen en deux temps, par les deux commissions ainsi que le prévoit notre règlement. L'examen définitif par la commission de l'économie permettra d'améliorer le texte.
A l'issue de ce débat, la commission des affaires européennes a conclu au dépôt de la proposition de résolution suivante, parue sous le n°579.
Le Sénat,
Vu l'article 88-4 de la Constitution,
Vu la communication de la Commission européenne du 18 novembre 2010 sur la réforme de la politique agricole commune (PAC),
Vu la communication de la Commission européenne du 2 février 2011 « Relever les défis posés par les marchés des produits de base et les matières premières »,
Considérant que l'article 39 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne fixe parmi les objectifs de la PAC des revenus équitables à la population agricole et des prix raisonnables pour les consommateurs,
Considérant que l'instabilité excessive des prix agricoles est dommageable tant aux producteurs qu'aux consommateurs,
Considérant que les réformes de la PAC depuis 1992 ont limité les outils de régulation,
Considérant que la déclaration franco-allemande du 3 février 2011 signée par les délégations du Sénat, de l'Assemblée nationale et du Bundestag rappelle que la volatilité des prix impose le maintien d'un cadre de régulation,
Invite le Gouvernement :
à mettre au coeur de la future PAC, dans l'intérêt de tous, les agriculteurs comme les consommateurs européens, les concepts de sécurité de l'approvisionnement alimentaire et de sécurité sanitaire des aliments ;
à faire adopter dans le cadre européen et à promouvoir plus largement dans le cadre du G20 un panel d'outils permettant de lutter efficacement contre le fléau de l'instabilité excessive des marchés agricoles ;
à faire en sorte que ces outils permettent d'améliorer au niveau mondial la transparence de la production et des stocks de matières premières agricoles, actuels et futurs, et de mettre en place des instruments d'alerte rapide pour prévenir les crises ;
à faire en sorte que ces outils favorisent la transparence sur les marchés dérivés, en particulier les marchés de gré à gré, et permettent une bonne application des règles de régulation des marchés financiers, comme les limites de position, afin de lutter contre la spéculation financière incontrôlée ;
Nous sommes heureux d'être parvenus à organiser cette réunion avec vous, Monsieur le ministre, malgré votre agenda chargé et vos nombreux déplacements en Europe. Ces déplacements ont été utiles : l'idéologie anti-PAC a beaucoup régressé, même à la Chambre des Communes.... Nous venons de discuter de la volatilité des prix agricoles et de la proposition de résolution européenne du Sénat et voulions avoir votre sentiment sur l'avenir des négociations sur la future PAC, sur les sujets d'actualité - sécheresse et crise sanitaire - et sur l'avenir de la politique de cohésion.
L'agriculture française est en crise à cause de la sécheresse, des orages de grêle et de la crise sanitaire qui, dans l'Union européenne a gravement affecté le secteur des fruits et légumes. C'est pourquoi, avec le président de la République et le Premier ministre, nous avons pris des mesures le plus vite possible. A ce propos, je regrette les propos tenus par certains élus à l'Assemblée nationale. La démocratie, ce n'est pas le mensonge ! Le Gouvernement est intervenu dès la fin du mois d'avril, il n'a pas attendu pour venir en aide aux agriculteurs en difficulté.
Face à la sécheresse, nous avons donné la priorité à la filière élevage. C'est l'urgence première. Avec la ministre de l'écologie, nous avons décidé, en avril, de lever tous les obstacles règlementaires pesant sur l'alimentation animale, en autorisant sans restriction l'utilisation des jachères et des bandes enherbées inutilisées. Nous avons aussi levé les contraintes liées aux engagements des mesures agro-environnementales territorialisées pour permettre le fauchage des parcelles avant le 15 juin.
Dès avril également, j'ai demandé aux préfets d'organiser la solidarité entre céréaliers et éleveurs. Près de 40 départements ont déjà mis en place des contrats inter-filières qui garantissent la mise à disposition de plus d'1 million de tonnes de foin et de paille à 25 euros maximum la tonne. J'ai cependant donné aux préfets l'autorisation d'interdire le broyage des pailles au cas par cas, si certains ne jouaient pas le jeu.
Avec Nathalie Kosciusko-Morizet, nous avons mis en place une cellule de crise afin de coordonner les transports de paille des régions céréalières vers les régions d'élevage. Tous les modes sont concernés : fluvial, maritime, routier, ferroviaire. C'est un transport difficile et dangereux : en chemin de fer, par exemple, la moindre étincelle pouvant provoquer un incendie, il est nécessaire de bâcher tous les convois de paille. Le ministère de la défense apportera l'appui de l'armée à ces transports. Nous avons ainsi répondu positivement à la demande des responsables agricoles.
La deuxième urgence était de soulager la trésorerie des éleveurs. Je ne crois pas à un nouvel impôt sécheresse, d'abord parce qu'il pèserait sur le contribuable, ensuite parce qu'il ne permettrait pas d'identifier clairement le montant des pertes des producteurs. Nous avons préféré miser sur la solidarité.
D'abord, et évidemment, sur la solidarité de l'État. J'ai demandé aux préfets de lancer le processus d'indemnisation au titre du Fonds national des calamités agricoles et je réunirai la commission des calamités le 15 juin. Jamais ce Fonds n'aura été réuni aussi tôt. Cela permettra de prendre les arrêtés de reconnaissance dès le 12 juillet et de faire les premiers versements à partir du 15 septembre.
Mais nous misons aussi sur la solidarité des acteurs privés. J'ai obtenu du Crédit agricole le versement de 700 millions de prêts aux éleveurs en difficulté, à des taux préférentiels : 1,5 % pour les jeunes agriculteurs et 2 % pour les autres. Les compagnies d'assurance, comme Groupama, ont accepté d'étendre la garantie de responsabilité au transport, au stockage et à la manipulation des pailles. La Mutualité sociale agricole a accepté de reporter des appels à cotisation de juin pour tous les éleveurs, ce qui représente un effort de 80 millions. J'ai demandé à la grande distribution d'appliquer l'accord du 3 mai sur la répercussion du prix des matières premières pour compenser les surcoûts subis par les éleveurs.
C'est enfin la solidarité européenne qui doit jouer. J'ai obtenu de l'Union européenne le versement anticipé de 50 % des droits à paiement unique, de 80 % de la prime au maintien de la vache allaitante et de 50 % des aides aux ovins et caprins. Ces aides seront versées avec huit semaines d'avance dès la mi-octobre. J'ai rallié onze pays à notre proposition de créer un groupe à haut niveau sur l'avenir de la filière bovine en Europe. Je me réjouis que M. Dacian Ciolos ait annoncé qu'il reprenait cette idée à son compte et qu'il ferait dès le mois de juillet des propositions pour renforcer la filière dans le cadre de la PAC de l'après-2013.
Au-delà des mesures d'urgence, c'est un signal très important de notre conviction que l'élevage a un avenir en Europe. Beaucoup d'éleveurs, découragés de travailler 7 jours sur 7 pour perdre de l'argent, se sentent abandonnés et sont tentés de jeter l'éponge. Il faut leur donner des signaux de long terme, montrant que nous sommes convaincus du caractère stratégique de leur filière, source de richesse, vivier de dizaines de milliers d'emplois et secteur disposant - ce qui est rare - de la garantie d'une forte augmentation de la demande, notamment de la part des pays émergents ou en voie de développement. Il faut choisir : soit nous abandonnons ce secteur à l'Argentine, soit nous nous battons pour le maintenir en France.
Il faudra tirer les leçons de ces sécheresses à répétition. Nous n'avons pas tiré les leçons de la tempête de 1999, pensant que c'était la tempête du siècle et qu'un système assurantiel n'était pas nécessaire. Dix ans après, Klaus a eu des conséquences encore plus dramatiques sur nos forêts, surtout dans le sud-ouest. Il serait naïf de croire qu'une telle sécheresse ne se reproduira pas ; il serait irresponsable de ne pas prendre les mesures nécessaires pour s'y préparer. Il faut donc multiplier les retenues d'eau sur notre territoire, en respectant les nécessités environnementales mais en supprimant les complications administratives insensées. Il nous faut aussi développer des cultures moins exigeantes en eau et, dans les zones les plus touchées, adapter les productions. Il nous faut enfin moderniser nos systèmes d'irrigation pour les rendre plus efficaces et plus économes en eau.
Sur la PAC, depuis un an, nous avons renversé la tendance. Chacun a maintenant conscience qu'elle est stratégique pour l'Union européenne et que nous avons besoin de dispositions communautaires, par exemple pour faire face à la crise sanitaire d'Allemagne. Ceux qui plaident pour que l'on renationalise devraient en mesurer les conséquences pour l'environnement et pour les normes sanitaires. Mieux vaut aller vers davantage de communautarisation que vers une renationalisation. Mais, pour cela, il faut maintenir à l'euro près le budget de la PAC. Le Président de la République et le Premier ministre l'ont redit au Président de la Commission européenne, qui présentera ses propositions budgétaires pour l'après-2013 à la fin de ce mois.
Au delà de la question budgétaire, je continue à me battre pour que la régulation soit au coeur de la nouvelle PAC. Avant qu'on obtienne le paquet Lait, la Commission n'avait aucun moyen d'intervention pour régler la crise de cette filière. La Commission doit avoir les moyens d'intervenir sur les marchés. Sur les fruits et légumes nous n'avons pas de moyens de réaction de grande ampleur. De même la crise de l'élevage impose davantage de régulation. C'est la France qui porte cette idée à laquelle je tiens beaucoup, notamment encore pour la viticulture. La libéralisation des droits de plantation en Europe est une absurdité. On ne peut demander aux viticulteurs de faire de la qualité et libéraliser ces droits. Sur ce sujet, je souhaite que la Commission revoie sa position. Les Allemands sont d'accord, les Italiens aussi, les Espagnols se sont également ralliés.
Au-delà de l'Europe, il faut prendre les mesures qui s'imposent pour lutter contre la volatilité des prix agricoles à l'échelle mondiale. Depuis un an, je négocie un plan d'action contre cette volatilité dans le cadre du G20. Cette négociation est difficile ; il nous faut être lucide sur la position des autres membres de ce G20 : ils ne sont pas prêts à envisager une gouvernance agricole mondiale. Mais nous progressons. Partis de zéro, nous sommes arrivés à entrevoir la possibilité d'un accord les 22 et 23 juin. Mais, pour ces États, il est encore difficile de signer un accord contraignant.
En conclusion, il n'y a pas d'agriculture nationale, européenne ou mondiale ; il y a un problème agricole mondial. Nous produisons de moins en moins, avec des crises et des catastrophes dues aux changements climatiques de plus en plus fréquentes, alors que la population augmente sans cesse. C'est la quadrature du cercle. Soit nous réglons ce problème collectivement, soit nous optons pour le repli sur nous-mêmes et allons, ainsi, vers une crise agricole majeure.
Lors de la discussion de la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche, nous avions insisté sur la nécessité d'une assurance contre les aléas, climatiques ou sanitaires. Certaines organisations professionnelles, notamment du secteur céréalier, n'étaient pas d'accord. On constate aujourd'hui qu'une agriculture moderne ne peut se passer d'un système assurantiel. Il faut saisir l'opportunité - malheureuse - de cette sécheresse pour parvenir à l'organisation d'un système assurantiel. Ce système devient indispensable dès lors qu'on parle PAC ; d'autant que, plus l'assiette est large, plus l'assurance peut couvrir d'aléas. En raison du réchauffement, les aléas climatiques et sanitaires se renouvelleront et se succèderont : l'État doit s'engager sur un système de réassurance. Il faut revoir le dossier et profiter d'une aide européenne à hauteur de 65 % sur les contrats d'assurance.
La semaine dernière, nous avons auditionné des présidents des Centres d'économie rurale qui représentent 250 000 exploitations agricoles sur 320 000. Ils nous ont livré des chiffres, des réalités comptables. Nous avons la chance d'avoir de jeunes agriculteurs bien formés, professionnels. Notre agriculture est spécialisée. Ne laissons pas croire à ces jeunes qu'on peut tout faire à coup de ventes directes et de circuits courts. Notre agriculture a besoin d'exporter.
Je suis convaincu qu'il faut mettre à profit cette sécheresse pour faire avancer le dossier de l'assurance. Malheureusement, il y a encore des agriculteurs qui ne veulent pas s'assurer et qui, ensuite, demandent l'aide de l'État. L'assurance contre les calamités agricoles devrait être obligatoire, comme celle de la voiture ou de l'habitation.
Dans certaines régions, il est impossible de stocker l'eau l'hiver, faute de retenues collinaires. Ce stockage serait bien utile, surtout pour les cultures maraîchères. Dans le Sud-Ouest, on réclame ces retenues depuis des années mais on se heurte à l'opposition doctrinaire de certaines administrations.
Le projet de résolution adopté à l'unanimité par notre commission demande qu'on mette en place des filets de sécurité au niveau européen et, pourquoi pas, dans le cadre de l'OMC.
Sur les droits de plantation, nous avons organisé un colloque au Sénat. Grâce à ce colloque qui a lancé le débat, grâce à votre action et à celle du Président de la République, nous avons pu avancer. Neuf ou dix pays sont maintenant sur notre position ; il faut convaincre la Commission de rouvrir ce dossier.
Parallèlement à la création de l'Autorité alimentaire européenne, il serait pertinent d'imaginer un organe de contrôle et de gestion des crises alimentaires au niveau de l'Union.
Il faut faire de la politique agricole de la France un objectif stratégique. Nous produisons de moins en moins alors qu'il y aura bientôt 9 milliards d'humains à nourrir. Arthus Bertrand peut bien nous raconter que l'agriculture biologique peut y pourvoir. En réalité, il nous faudra produire de plus en plus et on ne pourra le faire sans eau. Il nous faut donc être prudents. La ministre de l'écologie souhaite diminuer de 20% à terme notre niveau d'irrigation. Cette décrue ne peut être une fin en soi parce qu'il faut de l'eau pour les semences, pour les céréales. Cessons d'être doctrinaires : les retenues collinaires sont une nécessité. On n'a pas tiré les conséquences des précédentes sécheresses. Ne renouvelons pas cette erreur ! Mme Voynet nous a aussi obligés à abandonner des projets de barrages qui auraient permis d'alimenter les rivières, y compris pour la sécurité de nos centrales nucléaires. Il faut favoriser toutes ces retenues. Mais les moyens de l'Agence de l'eau sont bien insuffisants...
Quelle est la position française sur la politique de cohésion régionale ? L'Allemagne et l'Espagne lui accordent la priorité sur la PAC. Et nous ? Voulons-nous mener les deux politiques de front ? Il sera peut-être difficile de maintenir cette position jusqu'au bout.
Sur les droits de plantation, nous sommes tous d'accord. Si la Commission ne cédait pas, nous pourrions créer un rapport de forces au Parlement européen. La France envisage-t-elle d'amener certains États sur ses positions ?
Pensez-vous que les 150 millions, débloqués par l'Union européenne pour compenser les pertes dues à la crise sanitaire, sont suffisants ?
Je pense, moi aussi, qu'il serait bon de développer les retenues collinaires : ne laissons pas l'eau aller se gaspiller dans la mer ! Mais cela nécessite d'importants financements et certains agriculteurs se plaignent qu'on multiplie les complications administratives pour y faire obstacle. En outre, la ligne budgétaire relative à l'hydraulique aurait diminué. Quelle initiative entendez-vous prendre à ce sujet ?
Notre groupe d'études réalise, pour le 1er juillet, un rapport sur l'élevage bovin, qui reprend votre point de vue ; nous y présenterons aussi quelques propositions. Face à la sécheresse, votre vigilance a été reconnue et on n'a pas entendu de protestations à ce sujet. Cela dit, cette crise a déjà des conséquences sur le prix de la viande, qui s'effondre. Au marché d'Ussel en Corrèze, la baisse est de 30 centimes par kilo. A qui cela va-t-il profiter ? Certainement pas aux éleveurs, et sans doute pas non plus aux consommateurs. On décapitalise énormément les troupeaux et cela représente des sommes considérables. Quel maillon de la filière en tirera bénéfice ? J'aimerais qu'on pousse un peu l'analyse sur ce point. Nous avons un Observatoire national des coûts de production ; il en faudrait également un au niveau européen car, si les prix à la production stagnent ou baissent, les prix à la consommation ne cessent de monter. Il nous serait utile de disposer de ces évolutions de coûts comparatifs.
La régulation est une nécessité. La future PAC, dit-on, proposera six mesures de verdissement. Le verdissement, c'est moins de production, c'est davantage de coûts et de contraintes. Les agriculteurs ont déjà fait de considérables efforts d'adaptation. En un moment où leur situation économique - notamment celle des éleveurs - est inquiétante, il ne faut pas les décourager encore davantage ! Je sais que votre travail n'est pas facile, face aux intégristes du ministère de l'environnement, mais je tiendrai les mêmes propos lorsque Mme Kosciusko-Morizet sera devant nous.
Que comptez-vous faire face au blocage de nombreux projets de barrages ? Et quelle implication de l'État envisagez-vous par rapport à celle des collectivités locales ou des particuliers ?
J'ai apprécié vos propos sur la crise et sur le découragement des jeunes agriculteurs. Et je ne peux qu'apprécier votre volonté de vous opposer à la vision très libérale qui a tendance à être celle de la Commission.
De quels montants dispose le Fonds national de garantie ? Il a très peu de réserves. Aurez-vous les moyens de l'engagement que vous venez de prendre ? Il ne faudrait pas décevoir les espoirs d'agriculteurs qui ont tant besoin de la solidarité nationale.
Il y a consensus entre nous sur les causes de la crise et aussi sur certaines solutions à y apporter. Par exemple, nous considérons tous que davantage de régulation affermirait le socle européen que constitue la PAC. Nous savons aussi qu'il sera difficile d'en convaincre le G20 agricole. A Rennes, nous avons tenu une réunion début mai sur l'avancement de la future PAC ; on y a défendu la nécessité de renforcer la régulation publique et de rééquilibrer les pouvoirs au sein des filières. La Chambre d'agriculture de Bretagne a été unanime sur un point : puisque les aides directes du premier pilier vont être redéployées, pourquoi ne pas mettre en place une assurance publique de revenu financée par la diminution des aides directes à l'exploitation ? La Chambre de Bretagne a proposé que les crédits dégagés abondent un fonds à cette fin et a intégré cette suggestion concrète dans une motion. Qu'en pensez-vous ?
J'ai pu, hier à Ussel en Corrèze, mesurer les conséquences de la sécheresse sur l'élevage bovin. Après quatre semaines de décapitalisation des troupeaux, les prix s'effondrent et les compensations accordées ne suffisent plus à assurer un revenu aux agriculteurs. Au-delà de toutes les mesures qui sont prises, il faut penser à l'avenir de l'élevage bovin allaitant afin d'éviter qu'il ne finisse en viande chez Charal. Il faudra du temps pour reconstituer les troupeaux, la PAC devra fixer des priorités selon les secteurs de production ; pour l'élevage bovin, le découplage des aides est une mauvaise chose.
L'apport des agriculteurs à l'aménagement du territoire et à l'environnement ne doit pas être considéré comme une contrainte mais comme un atout potentiel : même le président Vasseur de l'APCA est maintenant acquis à cette idée.
Je souhaite que nous ne sacrifiions pas la politique de cohésion à la PAC : toutes deux sont des politiques communautaires anciennes et reconnues. Certaines régions intermédiaires méritent d'être davantage aidées que d'autres : la répartition des aides doit être adaptée à la réalité de notre territoire.
Dans le cadre de la négociation en cours sur la PAC, le commissaire Ciolos souhaitait que figure au projet qu'il a présenté le 18 novembre dernier un protocole d'accord sur le plafonnement des aides. Il n'a pu l'obtenir mais n'a pas renoncé. Le plafonnement ne serait-il pas l'occasion de répondre à d'autres attentes, alors qu'il n'y aura pas d'enveloppe additionnelle ? De fait, les disparités sont fortes d'une région à l'autre. Ne pourrait-on tendre vers une meilleure égalisation ? La position de la France, qui n'a pas été, jusqu'à présent, très favorable, peut-elle évoluer ?
J'ai eu plaisir à vous écouter et à entendre un ministre dire qu'il faut renouer avec les lacs de réserve. Depuis quinze ans, nous préconisons ce remède pour résoudre le problème de l'eau, sans être jamais entendus. J'ai bataillé pour que la création et non le seul entretien de réserves soit mentionnée dans la loi sur l'eau. Je suis revenu à la charge avec la loi sur l'environnement.
Sur la question des assurances, je rejoins le président Emorine et Gérard César. Les problèmes que nous rencontrons cette année nous engagent d'autant plus à avancer. Je ne sais s'il faut aller vers l'assurance obligatoire. Peut-être faudrait-il songer, en effet, à lier Fonds assurantiel et Fonds de crise. Mais pour cette année, est-il envisageable que la DPA ne soit pas liée à la question assurantielle ? Compte tenu du faible nombre d'assurés, il serait malheureux que ceux qui ont mis de l'argent de côté le voient englouti sans pouvoir l'utiliser.
Le président Emorine a reçu comme vous les producteurs de concombres et de tomates. Je sais que vous vous êtes livré à un exercice public (sourires) pour restaurer la confiance dans la production nationale. Je vous en remercie : il est important que les pouvoirs publics témoignent de leur confiance. Les producteurs comptent sur vous pour les défendre, à Bruxelles et à Paris.
Je ne reviendrai pas sur la question de l'eau, pour ne dire qu'un mot sur l'interdiction du broyage de paille : si votre position a d'abord fait débat, dans mon département, parmi les professionnels, les instructions transmises aux préfets sont satisfaisantes. Un clin d'oeil, enfin, sur la question de l'élevage : dans les groupes d'amitié du Sénat, je préside aux relations avec la Tanzanie, qui ont donné lieu à un projet bovin, viande et lait, bien fait pour porter loin les couleurs de la France.
Les discussions à venir au sein du G20 en matière agricole peuvent-elles avoir une influence sur l'évolution des négociations au sein de l'OMC ou convient-il d'agir en tenant compte des difficultés que nous connaissons, avec la prudence nécessaire ? Sur le stockage de l'eau, l'un d'entre nous a déploré un frein idéologique dans l'administration. Il est aussi, j'en porte témoignage, dans la justice administrative, qui casse les enquêtes publiques pour de mauvaises raisons, retardant des projets portés quatre ou cinq ans durant. Sur cette question du stockage, des décisions courageuses s'imposent. Des stations de sports d'hiver ont su le faire pour alimenter leurs canons à neige. Les agriculteurs sont largement aussi qualifiés. Il y a une covariance à trouver entre évolution des méthodes de production et autorisation du stockage : il ne suffit pas de dire aux agriculteurs qu'ils doivent produire autrement pour consommer moins d'eau ; il faut aussi ouvrir le dialogue avec les écologistes sur la question du stockage.
Dernier sujet de préoccupation : les loups. Vos services savent que je vous adresse chaque semaine des articles de la presse locale des Hautes-Alpes sur leurs ravages : on ne peut s'en tenir au statu quo dicté par la convention de Berne. Les loups prospèrent, et il est interdit de les tuer, au grand désespoir des éleveurs de moutons, mais aussi de bovins, car ils s'attaquent à présent aux jeunes veaux. Ils ont même tué deux ânes : ils s'attaqueront bientôt aux hommes, comme au XIXème siècle.
Bravo, Monsieur le ministre, pour la rapidité, la progressivité, la lisibilité des aides contre la sécheresse. Ceci doit nous engager à faire en sorte que la baisse des prix à la production profite aux consommateurs, pour parfaire la solidarité nationale et se mettre à même de la mobiliser, chaque fois que nécessaire. Comment faire, Monsieur le ministre, pour que l'argent aille bien à qui il doit profiter ?
L'agriculture est en crise. Les agriculteurs ont les nerfs à fleur de peau. Je vous demande d'user de votre influence sur les fonctionnaires des ministères qui interprètent parfois la réglementation d'une façon ubuesque. Les agriculteurs sont exaspérés, les collectivités s'inquiètent des blocages dans l'aménagement de leurs zones d'activité. L'hystérie réglementaire de certains fonctionnaires, qui voient des zones humides où nous ne connaissons que des zones hydromorphes à améliorer, prend d'insondables proportions. Elle déstabilise la production agricole et bloque les projets publics d'infrastructures, allongeant les délais et augmentant les coûts.
La colère gronde, Monsieur le ministre. D'autant que se profile à nouveau un renforcement des normes dans les bâtiments d'élevage, sous la menace de Bruxelles qui nous reproche de mal appliquer la directive nitrates. Les éleveurs n'ont pas seulement fini de payer la mise aux normes que l'on en remet une couche ! Ce n'est plus possible ! M. Bailly a évoqué le verdissement de la PAC : il faut du raisonné et du raisonnable. A s'en remettre aux interprétations de certains contrôleurs, on finira par voir exploser les coûts. Pour les agriculteurs, voir débarquer, en période de crise, des armées de petits caporaux, c'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase.
J'aime votre foi, Monsieur le ministre, en l'avenir de l'agriculture. Elle donne espoir. Vous avez conscience de la crise que traversent, en particulier, les éleveurs ; c'est appréciable. Vous comprendrez donc qu'il soit paradoxal de marquer une volonté de voir les agriculteurs se faire entrepreneurs en leur interdisant de toucher au moindre brin d'herbe. On sait très bien que la production d'herbe alimentaire ne leur permet pas de vivre, et on leur interdit de faire évoluer ces surfaces ! Je compte sur vous pour vous battre contre cette interdiction administrative.
Nous avons mesuré votre détermination à vous battre en vous appuyant sur le deuxième pilier de la PAC, où se situent les aides spécifiques, comme l'ICHN ou les aides à la montagne. Ceci n'est, à notre sens, pas incompatible avec un soutien à la proposition du commissaire Hahn de mettre en place des zones intermédiaires, qui pourraient profiter à certaines régions françaises en leur apportant des crédits supplémentaires. Les rapports du Sénat, celui de MM. Gaillard et Sutour, comme celui de M. Emorine et Mme Bourzai, préconisent un tel couplage entre soutien à la PAC et appel aux fonds de cohésion. Nous comptons sur vous pour faire passer le message.
Nous ne doutons pas de la capacité du ministre à défendre la PAC. Il a plus d'une fois démontré, devant nous, sa détermination.
C'est à juste titre que le président Emorine a soulevé cette question de l'assurance. Je suis réservé néanmoins sur la notion d'assurance obligatoire, qui, outre qu'elle est difficile à faire passer chez les agriculteurs, nous priverait du bénéfice des avantages indemnitaires européens. La crise de la sécheresse me confirme dans l'idée qu'il doit exister un dispositif assurantiel dans chaque secteur. Il existe dans le secteur céréalier, mais demande à être développé. Pour le secteur du fourrage, j'espère que nous trouverons un accord avec Bercy. Le Fonds national de garantie doit être abondé à chaque crise, ce qui prouve qu'il serait préférable d'accepter la réassurance. On doit pouvoir trouver un équilibre sur un système d'assurance, indispensable à nos agriculteurs. Il est bien évident que les pouvoirs publics resteraient engagés, et que nous ne laisserons pas le privé prendre tous les risques.
M. César appelle de ses voeux un filet de sécurité européen sur les prix. C'est ce que je m'emploie à construire pour chaque filière, avec les groupes de haut niveau. Cela est fait pour le lait. Un groupe, créé à la demande de la France, existe pour la filière bovine. Mais le niveau de référence des prix, arrêté à 2003, reste trop bas pour que Bruxelles, quelle que soit sa bonne volonté, puisse déclencher des mesures d'aide : il nous faut un dispositif plus souple, afin que l'intervention puisse avoir lieu dès que les prix flanchent, avant que la crise ne soit trop avancée.
M. Bizet souhaite voir créer un organe de contrôle et de gestion des crises alimentaires. Lors de la réunion des ministres de l'agriculture, j'ai demandé que soient tirées toutes les conséquences de la crise. Face à vingt-deux morts, on ne peut pas rester fataliste. Nous n'avons pas été capables de prendre les bonnes décisions au bon moment. Je ne conteste pas qu'il faille de la transparence, mais je refuse de laisser accuser les agriculteurs. Lorsque l'on dénonce un danger, il faut le faire sur le fondement de données scientifiques fondées. Cela est possible en croisant les données humaines avec les données de traçabilité des aliments.
Il est évident, Monsieur Pointereau, qu'il faut produire plus, et je le dis clairement aux nouveaux tenants de la décroissance. C'est d'un égoïsme naïf que de croire que l'on peut produire moins en France pour protéger l'environnement. Produire moins, cela signifierait importer davantage, depuis des pays qui n'ont pas toujours le plus haut respect des normes environnementales (M. Pointereau approuve). C'est ensemble qu'il nous faut travailler, en convainquant nos partenaires de suivre la même voie.
J'en viens à la question de l'eau, soulevée par plusieurs d'entre vous. L'eau est une ressource rare, et le sera de plus en plus si le changement climatique se poursuit. C'est donc autour de trois axes, dans le dialogue avec Mme Kosciusko-Morizet, que j'ai proposé au Premier ministre de travailler : promouvoir des cultures économes en eau, là où existe un déficit ; aller vers un système d'irrigation plus moderne, comme ont su le faire les Israéliens et les Espagnols, mieux définir, enfin, et cela va dans votre sens, la législation sur les retenues collinaires. En cette dernière matière, qui n'est pas encore arbitrée, la question n'est pas seulement celle du financement, mais des dispositions législatives. Les règles doivent pouvoir être simplifiées. Le juge administratif ne fait qu'appliquer la loi. Mais les délais de recours sont trop longs : il n'est pas normal de laisser mourir une exploitation qui souffre d'un déficit en eau quand il existe, à proximité, des ressources inutilisées. Le dialogue est ouvert avec la ministre de l'écologie. Si nous ne pouvons tomber d'accord, le Premier ministre et le Président de la République trancheront, mais nous sommes en phase sur la vision globale.
Oui, Monsieur Courteau, nous devons faire évoluer le rapport de forces européen, et c'est pourquoi j'ai pris des initiatives avec l'Allemagne, l'Espagne et l'Italie. Sur l'indemnisation des producteurs de fruits et légumes, nous partions de zéro. Après mes démarches de ce week-end, l'enveloppe de 150 millions à laquelle nous étions parvenus vient d'être portée à 210 millions. C'est un geste positif, mais il faudra aller plus loin pour parvenir à une indemnisation à l'euro près.
Pour la viande, Monsieur Bailly, la seule solution est de faire appliquer l'accord du 3 mai. C'est à quoi j'ai appelé les producteurs et les industriels. A l'échelle européenne, je l'ai dit, il n'est pas possible, pour l'instant, le seuil de 2003 restant trop bas, de faire appliquer des mesures d'intervention.
Le FNGCA est à 90 ou 100 millions aujourd'hui. Il y aura tout l'argent nécessaire. Nous y travaillons depuis avril. Le comité se réunira le 15 juin, les arrêtés seront pris le 12 juillet et le processus pourra s'enclencher à partir du 15 septembre - je rappelle que le seuil est fixé à 30 % de pertes au regard d'une moyenne établie sur les dernières années. Il faudra abonder le fonds, le Premier ministre le sait.
Tout en récusant l'idée d'une assurance publique de revenu, Monsieur Botrel, je pense que nous avons besoin d'une régulation intelligente : moins d'aides directes, mais un financement plus massif, en contrepartie, du fonds de mutualisation, avec des incitations de l'Union européenne, l'objectif étant que les producteurs vivent davantage de leurs prix et trouvent plus de garanties en cas de crise. La nouvelle PAC doit renverser la donne. Oui, Monsieur Marc, nous souhaitons un rééquilibrage en faveur des productions animales, mal servies. Le plafonnement des aides ? L'Allemagne y est opposée. Nous n'avons pas pris, quant à nous, de position définitive mais sommes en tout état de cause ouverts à l'idée d'aides plus importantes au bénéfice de la filière élevage.
L'objectif, pour l'après-2013, Madame Bourzai, Monsieur Soulage, est triple. Conserver le même budget, tout d'abord, car l'agriculture est un domaine stratégique ; faire en sorte que les producteurs vivent de leurs prix, avec davantage de garanties en cas de crise - il faut mettre fin à un système kafkaïen, fait de distorsions troublantes dans les dispositifs de régulation, d'indemnisation, de mutualisation ; s'engager vers le verdissement, auquel je crois, car la PAC ne sera comprise de nos concitoyens que s'ils y voient une meilleure protection de l'environnement : pourquoi diable accepteraient-ils de payer pour l'agriculture si nos normes environnementales n'étaient pas plus strictes que celles de l'Argentine ou du Brésil ? Nous devons donc militer pour des aides qui tiennent compte du développement durable et du respect de l'environnement, tout en s'interdisant d'entrer dans des labyrinthes administratifs, en renversant la logique punitive qui prévaut trop souvent aujourd'hui et excède les agriculteurs. A leur côté, comme je le suis, on comprend et l'on finit par partager leur exaspération. Je veux une logique administrative qui valorise les agriculteurs : on arrive à mieux par l'incitation.
Délier la DPA de l'assurance, Monsieur Soulage ? Je suis prêt à travailler sur l'idée ; il faut trouver une réponse pour les céréaliers qui ne sont pas assurés.
La méthode du cas par cas retenue pour le broyage de la paille, Madame Panis, me semble en effet la bonne.
Le G20, Monsieur Bernard-Reymond, doit répondre à d'importantes questions. Les points de vue étaient si divergents sur certains sujets, parmi lesquels la question de l'OMC, qu'il a semblé préférable au gouvernement de les retirer du paquet relatif à la gouvernance agricole mondiale, afin de ne pas laisser de prétexte de blocage à ceux qui ne veulent pas avancer.
Que les loups aient mangé deux ânes - n'y en a-t-il pas toujours un peu trop ? - ne change pas mes positions, qui ne datent pas d'hier, et que vous connaissez. Le Président de la République s'est déclaré favorable, lors de son déplacement dans les Alpes de Haute-Provence, pour un dispositif plus efficace.
Je travaille, Monsieur Huré, et l'accord du 3 mai en témoigne, à une baisse des prix à la consommation. Je vous suis sur la mise aux normes, n'allons pas ajouter contrainte sur contrainte d'année en année. M. Ambroise Dupont m'aura entendu.
Sur l'équilibre de la PAC, il n'est à mon sens pas prudent d'entrer, Monsieur Jacques Blanc, dans une logique du donnant-donnant. Nous défendons le budget de la PAC, c'est une chose. Autre chose est la question de la réforme des fonds de cohésion, à laquelle je suis ouvert, mais il nous faut nous assurer, comme nous le faisons avec Bercy, que la France n'y perdrait pas en termes de taux de retour.
Grand merci, Monsieur le ministre, pour votre parler-vrai et votre engagement. C'est par ce langage que les agriculteurs sauront vous comprendre. Merci d'avoir souligné que la PAC est plus que jamais stratégique, alors que les Chinois ont déjà acheté 56 millions d'hectares sur la planète. Merci d'être attentif à un recentrage de la PAC sur ses fondamentaux, la sécurité de l'approvisionnement pour les 500 millions d'européens que nous sommes, et la sécurité sanitaire, avec un système d'alerte rapide qui a bien fonctionné dans les dernières semaines - mais aussi de veille sanitaire - et dieu sait que nous avons milité en sa faveur au Sénat, avec le vote des lois Huriet, qui ont créé les agences et instituts de veille sanitaire français. En ce dernier domaine, l'Europe peut faire mieux pour un meilleur contrôle et une meilleure gestion des crises. Gardons-nous cependant de laisser dériver le principe de précaution : son usage ne saurait se fonder que sur des considérations scientifiques. On se braque trop, aujourd'hui, sur l'article 5, en oubliant l'article 8, qui prévoit que les mesures doivent être transitoires et proportionnées, ainsi que l'article 9, qui fait référence à la science.
Merci également, Monsieur le ministre, d'avoir su faire asseoir à la même table tous les acteurs de la filière pour aboutir à l'accord du 3 mai.
Sur le verdissement, le débat est récurrent. Je comprends mieux vos explications que celles d'autres ministres, dont les termes ne sont pas les mêmes... Nous ne sommes pas défavorables au verdissement du second pilier, pour peu qu'il s'accompagne d'un assouplissement administratif. Les sénateurs que nous sommes se doivent de relayer l'émotion des agriculteurs, malmenés par un déluge de règles qui n'est plus supportable.
Je forme le voeu que la résolution dont nous avons débattu en prévision du G20 vous conforte. Les termes en sont encore un peu en retrait pour un certain nombre d'entre nous, mais il est vrai que la tenue d'un G20 agricole est déjà, en soi, un succès. Si je suis sensible au rôle moteur que joue en Europe le couple franco-allemand, il n'en reste pas moins que cette rencontre sur la gouvernance mondiale agricole devrait être l'occasion d'une clarification. L'agriculture ne doit pas être vouée aux seuls impératifs alimentaires. Or, de ce point de vue, je vois se profiler, en France, une conception de la méthanisation mieux pensée que celle de l'Allemagne.