Intervention de Maros efèoviè

Commission des affaires européennes — Réunion du 11 mai 2011 : 1ère réunion
Audition de M. Maro Efèoviè vice-président de la commission européenne

Maros efèoviè :

Je vous remercie de ces questions très intéressantes.

S'agissant de la régulation financière, madame Karamanli, nous ne sommes qu'à la première année de mise en place du nouveau système. Les autorités bancaires jouent un rôle important dans les stress tests. Nous avons tiré les leçons de l'an dernier, où le manque de transparence et de confiance dans les tests a posé nombre de problèmes. Nous entendons désormais être plus stricts et plus clairs sur les résultats, car nous avons besoin de rétablir la confiance dans le secteur bancaire. Ce n'est pas encore le cas dans tous les pays, et cela pose des problèmes sur les marchés financiers.

Nous avons des propositions additionnelles dans le domaine de la fiscalité. Mon collègue Michel Barnier fait du bon travail. Il a présenté des propositions intéressantes, en particulier sur la régulation des agences de notation. Je ne suis pas économiste, mais il m'est difficile de comprendre que l'Égypte puisse être mieux notée que le Portugal ou la Grèce. On ne peut s'empêcher de penser qu'il y a de la spéculation financière derrière les mauvaises nouvelles qui suivent immanquablement, dans la presse, les mesures positives décidées à l'échelle européenne. Selon Klaus Regling, directeur général du Fonds d'aide aux pays de la zone euro en difficulté (FESF), les banques et les marchés auraient finalement profité des crises en Amérique du sud, et ils voudraient répéter ce scénario en Europe. Il est donc nécessaire de mettre en place une régulation des agences de notation, car elles ont indéniablement joué un rôle dans les crises. Nous allons oeuvrer en ce sens. M. Barnier a proposé 50 mesures pour relancer le marché unique. Nous avons décidé de retenir pour cette année et l'année prochaine les 12 qui nous semblent le plus à même de favoriser cette relance. Plusieurs devraient concerner le domaine financier.

En ce qui concerne le Parquet européen, vous avez raison. Vous vous souvenez à quels débats ce sujet a donné lieu lors de la Convention sur l'avenir de l'Europe, puis de la négociation du traité constitutionnel et de celui de Lisbonne. Nos positions sont en effet très différentes. La Commission est néanmoins prête à préparer une proposition sur la consolidation des opérations d'Eurojust et la création d'un Parquet européen - car le crime, lui, ne connaît pas de frontières. Nous allons essayer d'obtenir un consensus sur cette proposition. À défaut, nous pourrons toujours avoir recours à la coopération renforcée.

M. Martin m'a interrogé sur le semestre européen. Y a-t-il contradiction entre l'assainissement budgétaire et la stratégie de relance ? Oui et non. Nous devons impérativement assainir les finances publiques, tout en mettant en place une économie nouvelle. C'est pourquoi nous avons changé de gouvernance économique. C'est un petit miracle : il y a encore deux ans, l'hypothèse d'une coordination économique aussi étroite était impossible à envisager. L'expérience nous a enseigné que nos problèmes économiques sont très proches, que ceux d'un pays peuvent déstabiliser la zone euro et l'Union toute entière. Il est clair que la solution passe par plus d'Europe, et non par moins d'Europe.

Durant le semestre européen, nous allons donc présenter simultanément l'analyse sur les programmes de réforme nationaux et l'analyse sur les programmes de stabilité financière. Par le passé, la Commission « épinglait » les États membres sur les problèmes touchant à la fiscalité au printemps ; en automne, elle leur reprochait de n'avoir pas suffisamment investi dans la recherche-développement. Ce n'était pas toujours satisfaisant. Nous voulons désormais avoir une photographie complète de la situation économique des États, de la fiscalité, mais aussi de leurs programmes de réforme et des investissements nécessaires pour conforter la croissance économique.

M. Forgues m'a demandé comment combattre la xénophobie et le protectionnisme. Je pense que les parlementaires ont une certaine autorité en ce domaine. Il faut aborder plus souvent les sujets européens avec nos concitoyens, et en donner une vision plus positive. On a parfois l'impression d'entendre que tout ce qui est bon vient des capitales nationales, tandis que tout le mal viendrait de Bruxelles. Or, c'est ensemble que nous faisons la législation européenne !

Je suis d'accord avec vous, nous assistons aujourd'hui à un changement de génération politique. Au vu de l'âge de M. Cameron, je suis déjà trop vieux pour devenir Premier ministre ! Or, cette jeune génération n'est pas aussi attachée à l'Union européenne que ses aînés : pour elle, la suppression des contrôles aux frontières, le marché unique, ce sont des acquis. Ce n'est pas le cas pour moi, qui ai grandi à l'Est, de l'autre côté du rideau de fer, et pour qui la transition démocratique fut une étape fondamentale. Il faut le dire plus souvent, car l'Europe est à la fois forte et fragile - enlever une seule pièce de la mosaïque peut déclencher une réaction en chaîne et de nombreux problèmes.

Ceci étant, nous devons mettre en oeuvre des mesures plus concrètes. Il n'est pas toujours facile d'accéder aux médias lorsqu'il s'agit d'annoncer de bonnes nouvelles : les mauvaises suscitent hélas plus d'intérêt. Nous serons donc heureux de vous fournir toutes les informations disponibles pour vous aider à faire un effort de communication sur les sujets européens, en particulier auprès des jeunes. Nous essayons aussi de le faire à Bruxelles ; je crois que nous sommes la seule institution au monde à faire une conférence de presse quotidienne - à 12 heures. La Maison Blanche n'en fait pas autant ! Nous essayons d'expliquer les choses, mais c'est parfois difficile. Nous sommes en tout cas prêts, je le répète, à coopérer avec vous pour mieux « vendre » l'Europe.

Que pouvons-nous faire de plus ? Je pense que l'Europe doit utiliser sa position pour promouvoir le respect de standards mondiaux. Nous ne pourrons soutenir la concurrence avec la Chine si nous ne promouvons pas de normes, que ce soit en matière d'environnement ou de droit du travail. Nous devons donc utiliser notre position - qui est très forte - et notre coopération avec les États-Unis pour pousser à l'élaboration et au respect de normes mondiales. Ce n'est pas un problème européen, c'est bien un problème mondial.

L'ajustement économique dans lequel l'Europe est engagée est-il trop fort, monsieur Caresche ? Nous n'avons guère le choix : la pression des marchés financiers est telle que, sans assainissement de nos finances publiques, on peut difficilement envisager de s'orienter vers des politiques de développement et de croissance économique. Nous sommes conscients du climat d'austérité qui prévaut en Europe. Nous allons donc proposer des perspectives financières et un budget crédibles dans ce contexte. Nous allons également proposer un mécanisme de financement innovant, avec l'initiative « emprunts obligataires Europe 2020 pour le financement de projets » - ou « EU projects bonds ». En effet, le budget européen ne suffira pas à financer tous les investissements qui seraient nécessaires ; d'où l'idée de faire jouer un effet de levier avec la coopération de la Banque européenne d'investissement (BEI) et des banques européennes. Cela permettrait d'utiliser notre budget de manière plus efficace et de relancer certaines actions, concernant les infrastructures, les réseaux d'énergie ou les chemins de fer, où il est impératif de s'inscrire dans une perspective européenne.

M. Gaubert m'a interrogé sur le rôle des parlements nationaux. Je le remercie d'avoir noté les changements qui ont eu lieu à cet égard. La Commission considère désormais les parlements nationaux comme de proches partenaires. Il existe de nombreuses compétences partagées, y compris dans le domaine de la gouvernance économique. Nos relations directes avec les parlements nationaux sont donc importantes. Nous pouvons encore approfondir les échanges d'informations sur une base bilatérale, mais aussi collective. Nous allons d'ailleurs avoir pour la première fois un débat dans le cadre de la COSAC, sur le budget européen et les programmes nationaux de réforme. C'est une étape importante, dont vous pouvez être fiers puisqu'il s'agit d'une idée proposée par le Parlement français lors de la dernière COSAC. Sans le soutien des parlements nationaux, nous ne pouvons progresser ni dans les réformes structurelles, ni dans le débat budgétaire, ni dans le processus d'élargissement.

Quant au fait que les règles européennes ne soient pas appliquées de la même manière dans tous les États, c'est un vrai problème. Nous tenons beaucoup à Bruxelles aux « tables de concordance », qui servent à contrôler la transposition des directives par les États membres. Ce contrôle n'est pas une mince affaire, surtout dans les États fédéraux comme l'Allemagne, où il faut 40 à 50 lois pour assurer la transposition d'une directive. Vous avez raison, les réglementations communautaires doivent s'appliquer de la même manière partout en Europe.

La convergence en matière de protection sociale est bien entendu nécessaire, monsieur Diefenbacher. Pour avoir travaillé plusieurs années au Comité des représentants permanents (COREPER), je puis cependant vous dire qu'il s'agit là d'une question sensible pour de nombreux États membres. Nous avons des systèmes différents, des taux de protection sociale différents. Bref, nous avons besoin de temps pour aboutir à une véritable convergence. Ceci étant, nous avons tiré les leçons de l'an dernier : le refus d'admettre la nécessité de nous doter d'une gouvernance économique nous a coûté très cher. Nous savons maintenant que pour prévenir les problèmes du type de ceux que nous rencontrons en Grèce, en Irlande ou au Portugal, nous avons besoin d'une régulation européenne. La convergence économique annuelle nous fera bientôt ressentir le besoin d'une convergence plus étroite dans le domaine de la protection sociale. Mais la question est encore très sensible : si la Commission faisait une telle proposition aujourd'hui, elle n'aurait pas le soutien de beaucoup d'États membres.

Comment faire en sorte que les parlements nationaux ne bloquent pas les initiatives européennes ? Je ne crois pas que ce soit le cas, le traité consacrant le contrôle du principe de subsidiarité. Par ailleurs, nous sommes là pour vous informer et entendre vos préoccupations. Il est donc capital, pour la Commission, que les Parlements nationaux donnent leur opinion et participent aux consultations publiques comme aux discussions sur les « livres » verts ou blancs. Bref, que les Parlements nationaux soient partie prenante du débat européen peut être très positif.

Le Sénat et l'Assemblée nationale savent entretenir des contacts réguliers avec le Parlement européen. C'est magnifique, et j'espère que d'autres pays vont suivre votre exemple. Il est en effet surprenant de constater - et difficile à comprendre pour la Commission - que les positions des députés nationaux et des députés européens membres du même parti puissent diverger sur certains sujets.

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