Je voudrais en quelques mots exposer mon point de vue, que partagent les membres du groupe Les Républicains. Je les représente, mais d’autres collègues de mon groupe interviendront après moi.
Limiter l’exposition aux perturbateurs endocriniens est un enjeu de santé publique important. Les règlements européens prévoient que toute substance identifiée comme perturbateur endocrinien sera interdite dans la composition des produits phytopharmaceutiques et des biocides. Encore faut-il savoir ce que l’on entend par « perturbateur endocrinien » ! Patricia Schillinger a rappelé les termes d’une définition sur laquelle M. Barbier s’est également attardé.
La Commission européenne a proposé différents critères. Ils doivent permettre l’identification des perturbateurs endocriniens dans les produits phytopharmaceutiques et les biocides. Ces critères ont été proposés dans le cadre d’un acte d’exécution et d’un acte délégué. Ces procédures limitent la compétence de la Commission à la seule proposition des critères.
Or ces critères sont, à nos yeux, bien trop restrictifs. Notre collègue Patricia Schillinger et moi-même avons donc déposé une proposition de résolution européenne pour élargir le champ des substances devant être considérées comme des perturbateurs endocriniens.
L’ANSES, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, le Gouvernement et les associations de défense de l’environnement proposent de classer les perturbateurs endocriniens en trois catégories, selon le niveau de preuve qui s’attache à leur dangerosité : perturbateurs endocriniens « avérés », « présumés » et « suspectés ». Ils recommandent l’interdiction des deux premiers, ce qui rejoint les conclusions de notre proposition de résolution, et l’adoption d’une approche différenciée fondée sur le risque pour les substances suspectées d’être des perturbateurs endocriniens.
Notre proposition de résolution demande l’interdiction des seuls perturbateurs endocriniens avérés et présumés ; celle dont nous discutons aujourd’hui va beaucoup plus loin : ses auteurs souhaitent l’interdiction des perturbateurs endocriniens suspectés.
Nous n’avons pas souhaité, quant à nous, que les substances suspectées d’être des perturbateurs endocriniens soient considérées comme telles par la Commission européenne. En effet, cela aurait entraîné leur interdiction, et tel n’est pas ce que préconise l’ANSES : lorsqu’une substance est « suspectée » d’être un perturbateur endocrinien, l’étude n’en est qu’au stade de l’identification ; elle n’est pas suffisamment détaillée et conclusive pour étayer la thèse d’un effet néfaste sur la santé et d’une perturbation de notre système endocrinien. Il n’est donc pas possible, à ce stade, de recommander l’interdiction de mise sur le marché ; il y va simplement d’une meilleure définition des conditions d’usage.
Dès lors, chers collègues du groupe écologiste, je ne peux approuver les alinéas 14 et 15 de votre proposition de résolution. En effet, l’alinéa 14 préconise une interdiction globale des pulvérisations aux abords des crèches et des écoles, sans qu’il soit tenu compte de la nature des produits pulvérisés. Cela me semble excessif et ne correspond pas à une application proportionnée du principe de précaution.
En outre, à l’alinéa 15, vous demandez au Gouvernement de lutter contre l’utilisation des substances « suspectées » d’avoir un effet perturbateur endocrinien. Or il faut distinguer, parmi les substances qui perturbent le système endocrinien, celles qui n’ont pas d’effet néfaste sur la santé et celles qui ont un effet néfaste sur la santé. À ce titre, je préconiserais plutôt de promouvoir la recherche sur ces substances, afin que nous nous assurions de leur dangerosité – ce point figure d’ailleurs dans la proposition de résolution adoptée par la commission des affaires européennes.
Par ailleurs, au stade de la simple suspicion, il faut agir avec prudence ! Une étude du cabinet Redqueen a montré que si l’on retirait du marché toutes les substances utilisées dans les produits phytopharmaceutiques et suspectées d’être des perturbateurs endocriniens, la rentabilité globale des exploitations chuterait de 40 %.
Enfin, madame Blandin, je souscris à votre analyse lorsque vous mettez en avant l’effet « cocktail » des substances chimiques, dont s’est également fait l’écho M. Barbier, et le fait que les conséquences de l’exposition aux perturbateurs endocriniens peuvent être désastreuses même à très faible dose, comme l’a rappelé Patricia Schillinger.
Ces perturbateurs ne sont donc pas des substances toxiques, mais des substances à action endocrine. L’utilisation du mot « toxicité » pour les perturbateurs endocriniens me gêne donc ; elle est inappropriée, et je préfère parler de « dangerosité ».
Mes chers collègues, nous devons œuvrer auprès de nos partenaires européens pour aboutir au plus vite à une définition des perturbateurs endocriniens permettant de protéger au mieux la santé de nos concitoyens.
Dans notre proposition de résolution européenne, nous avons retenu la définition suivante – c’est celle qui a guidé nos choix et motivé la solution à laquelle nous sommes parvenus, et sur laquelle je m’appuie pour me positionner sur la vôtre, mes chers collègues. Une substance sera identifiée comme perturbateur endocrinien si elle présente les trois caractéristiques suivantes : elle est connue ou présumée pour ses effets néfastes sur un organisme sain ou sa progéniture ; elle altère le fonctionnement du système endocrinien ; il existe un lien de conséquence biologiquement plausible entre l’effet néfaste sur la santé et cette altération du système endocrinien – c’est ce lien qui n’est pas prouvé pour les produits simplement suspectés.
Cette définition devrait s’appliquer à tous les secteurs d’activité, facilitant ainsi l’encadrement de l’utilisation des substances identifiées comme perturbateurs endocriniens. C’est l’objectif vers lequel nous devons tendre pour une application raisonnée du principe de précaution.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues du groupe écologiste, n’ayant pu amender votre proposition de résolution et ne partageant pas le point de vue qui s’exprime aux alinéas auxquels j’ai fait référence, nous ne pourrons la voter.