Intervention de Jean Bizet

Réunion du 22 février 2017 à 14h30
Lutte contre l'exposition aux perturbateurs endocriniens — Adoption d'une proposition de résolution

Photo de Jean BizetJean Bizet :

De nombreux perturbateurs endocriniens existent dans la nature, dont certains sont couramment utilisés.

Ainsi, le sel déversé sur nos routes en hiver modifie le sexe-ratio des batraciens… Pour autant, doit-on le classifier parmi les perturbateurs endocriniens ? Les protéines naturelles de soja et de légumineuses sont très riches en phytoœstrogènes. Doit-on aussi les considérer comme des perturbateurs endocriniens ? Madame la secrétaire d’État, si l’on vous offre un bouquet de trèfles, fussent-ils à quatre feuilles, méfiez-vous, car ils contiennent des phytoœstrogènes !

Les produits phytosanitaires sont eux aussi largement controversés. Là encore, il faut savoir raison garder. Ces substances n’ont pas été inventées pour s’attaquer à l’homme, mais au contraire pour servir de médicaments aux plantes, qui doivent se défendre contre les prédateurs. Cessons de vouloir systématiquement les discréditer !

Les méthodes naturelles sont certes séduisantes, mais elles ne sont pas toujours possibles. Des concentrations importantes en métaux lourds sont retrouvées dans des argiles. C’est la preuve que la nature n’est pas toujours aussi douce que l’on veut bien nous le faire croire. Quant aux mycotoxines existant naturellement dans certains végétaux en fonction des variations climatiques, sont-elles réellement préférables aux perturbateurs endocriniens ?

L’interdiction récente du bisphénol A dans les biberons, les boîtes de conserve et les tickets de caisse a montré que les solutions alternatives ne permettaient pas de faire de miracle : pis, dans cet exemple précis, les produits de substitution candidats disponibles – bisphénol S ou F – se sont révélés au moins aussi toxiques que le bisphénol A et même bien plus persistants que lui dans l’environnement. Le bisphénol F contient en effet du fluor, le plus puissant des halogènes !

Ainsi, la mention se voulant rassurante pour le consommateur « Ne contient pas de BPA », est désormais devenue un élément d’angoisse lié à la question : « Par quoi le BPA a-t-il été remplacé ? » Cette expérience malheureuse nous montre qu’une interdiction immédiate et globale de ces substances est irréaliste en l’absence de produits de remplacement ayant fait la preuve de leur efficacité et de leur innocuité.

Cette collusion entre lanceurs d’alerte médiatisés et une certaine frange du personnel politique à la recherche d’une image de marque positive est une situation bien française, qui ne manque pas de surprendre beaucoup de nos partenaires européens.

Pourquoi vouloir à tout prix tracer une frontière entre le monde scientifique et le monde de l’industrie ? Les deux doivent, au contraire, travailler ensemble pour parfaire leurs connaissances respectives et développer une approche pluridisciplinaire, inhérente à ce type de problématique.

Notre pays doit apprendre à faire confiance à la science. Il doit aussi apprendre à se méfier des approximations et de la rhétorique « complotiste » des ONG environnementalistes, qui s’en prennent toujours aux intérêts économiques, mais jamais aux intérêts idéologiques.

S’il est impératif de dénoncer les « marchands de doute », qui cherchent à nier des risques clairement établis, il faut aussi traquer avec la même rigueur les « marchands de soupçons », qui laissent subsister des inquiétudes contraires aux connaissances scientifiques.

Il importe aussi d’établir de meilleures relations entre les différentes agences des États membres. On pourrait imaginer une seule agence européenne dans le domaine environnemental et sanitaire, qui s’appuierait sur une sélection d’experts ad hoc dans chaque pays. Cela mettrait fin aux interrogations récurrentes sur l’influence des gouvernements à l’égard de leur agence nationale. Madame la secrétaire d'État, on n’oserait imaginer que le rapport de l’ANSES sur ce sujet corresponde en fait à une commande politique de certains ministres ! Quoique…

Il me paraît donc nécessaire de s’appuyer sur une vision européenne et une expertise communautaire, afin d’harmoniser les expertises et d’éviter les distorsions. Il pourrait aussi être intéressant de créer un groupe de travail de type du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC, sur ce problème, à l’image de ce qui a été fait pour le climat et que recommandent avec pertinence nos deux collègues Patricia Schillinger et Alain Vasselle, que je tiens à saluer, dans leur récent rapport, adopté à l’unanimité par la commission des affaires européennes. Voilà pourquoi je souhaiterais que nous abordions ce débat en l’élargissant sur le plan communautaire et international.

Je ne voterai pas ce texte, comme la plupart de mes collègues du groupe Les Républicains.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion