Intervention de Nicole Duranton

Réunion du 22 février 2017 à 14h30
Lutte contre l'exposition aux perturbateurs endocriniens — Adoption d'une proposition de résolution

Photo de Nicole DurantonNicole Duranton :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je remercie Mme Aline Archimbaud de cette proposition de résolution sur un sujet aussi important. Je félicite également nos collègues Patricia Schillinger et Alain Vasselle pour leur excellent rapport d’information fait au nom de la commission des affaires européennes sur la lutte contre l’exposition aux perturbateurs endocriniens. La proposition de résolution européenne a d’ailleurs été adoptée à l’unanimité en janvier dernier.

Je les félicite d’autant plus qu’il s’agit ici d’un enjeu de santé publique devant dépasser tout clivage politique. Le sujet est complexe, il nous concerne tous et représente une menace pour la santé. Bien des choses ont déjà été dites. Les perturbateurs endocriniens sont en effet des substances chimiques, naturelles ou artificielles, qui affectent le fonctionnement du système hormonal et sont responsables du développement de nombreuses maladies, comme certains cancers, l’infertilité ou encore le diabète et l’obésité.

Ces substances sont d’autant plus dangereuses qu’il est difficile de s’en prémunir. Ces substances chimiques sont utilisées dans de nombreux produits comme les phytopharmaceutiques ou les cosmétiques. Elles sont également présentes inévitablement dans l’alimentation, dans l’eau potable ou dans l’air.

L’utilisation des perturbateurs endocriniens est massive dans tous les secteurs d’activité et elle ne diminue pas malgré les alertes scientifiques très nombreuses insistant depuis des années sur leurs dangers pour la santé humaine. Les scientifiques admettent désormais que, dans certains cas, les substances perturbant le système endocrinien n’agissent pas comme des substances toxiques classiques.

La réglementation européenne ne précise pas les critères scientifiques permettant d’identifier ce qu’est un perturbateur endocrinien. Elle prévoyait que la Commission européenne les détermine avant le 14 décembre 2013, ce qui n’a pas été fait. Le tribunal de l’Union européenne a donc condamné la Commission, qui a finalement présenté ses critères d’identification le 15 juin 2016.

Pour être identifiée comme perturbateur endocrinien selon la Commission européenne, une substance doit remplir les trois conditions suivantes : elle montre des effets indésirables sur un organisme sain ou sa progéniture ; elle altère le fonctionnement du système endocrinien ; enfin, ses effets indésirables sont une conséquence du mode d’action endocrinien.

Avec le rapport d’information de mes collègues de la commission des affaires européennes et cette proposition de résolution, le Sénat fait irruption dans le débat sur les perturbateurs endocriniens et vient l’enrichir, comme à son habitude.

Mme Archimbaud propose une définition des perturbateurs endocriniens dans les produits phytopharmaceutiques et biocides plus large que celle soumise par la Commission européenne en interdisant non seulement les perturbateurs endocriniens « avérés », mais aussi ceux qui sont « présumés », au nom de l’application du principe de précaution.

Il est opportun de tenir compte des nouvelles études sur le sujet, bien qu’elles ne soient pas validées par l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE, pour interdire l’utilisation de produits dont le risque était trop important pour les consommateurs.

En France, le débat autour des perturbateurs endocriniens n’est pas fréquent, mais il reste régulier. En 2015, notre pays avait déjà pris des mesures contre ces perturbateurs, notamment en ajoutant le bisphénol A, présent dans certains emballages, à la liste des perturbateurs endocriniens interdits.

Il est plus que nécessaire d’investir davantage dans la recherche pour permettre d’identifier les substances présentant un danger. Ce doit être un thème prioritaire dans le cadre des programmes de recherche européens. Je salue, par ailleurs, la proposition de la commission des affaires européennes de créer un groupe international de scientifiques indépendants et de haut niveau, qui sera capable de fournir une information objective sur ce sujet.

Enfin, il me paraît essentiel de bien réfléchir à la notion de perturbateurs endocriniens « suspectés » de faire peser un risque sur la santé. Cette catégorie aurait un impact extrêmement néfaste sur de nombreux secteurs d’activité en France. Elle recouvrerait plus de soixante substances. Surtout, certaines d’entre elles, pourtant essentielles, se trouveraient dénigrées sans fondement scientifique !

Les conséquences concrètes seraient une baisse de 30 % à 40 % du rendement en pommes de terre et en betteraves, par exemple, due au retrait de certaines molécules. En contrepartie, il serait obligatoire de développer des molécules de substitution qui, selon les industriels, sont estimées à 250 millions d’euros l’unité.

Cette proposition de résolution de notre collège Aline Archimbaud vise à prévoir que le Gouvernement renforce son action contre les perturbateurs endocriniens et à faire de la lutte contre l’exposition des enfants aux perturbateurs endocriniens, notamment dans les crèches et les écoles, une priorité de l’action publique. Par ailleurs, elle tend à interdire la pulvérisation de produits chimiques, notamment les produits phytosanitaires, aux abords des zones d’habitation et des écoles.

Si elle prévoit que la France poursuive son action sur le plan européen ou sur le plan national, en revanche, elle va beaucoup plus loin que des positions de principes. Je ne voterai pas cette proposition de résolution, qui est trop éloignée du rapport de la commission des affaires européennes.

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