Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je remercie Aline Archimbaud d’avoir déposé cette proposition de résolution visant à lutter contre l’exposition aux perturbateurs endocriniens, qui constituent un enjeu majeur de santé publique, comme vous l’avez tous rappelé avant moi.
Je connais l’engagement d’Aline Archimbaud sur ce sujet, comme sur l’ensemble des questions relatives à la santé environnementale. Il s’agit d’un engagement ancien, constant et toujours constructif. Malgré son absence aujourd’hui, je tenais à saluer son travail.
Les perturbateurs endocriniens sont des substances chimiques dangereuses, très présentes dans notre environnement quotidien. On peut les retrouver dans les produits ménagers, les matières plastiques, les cosmétiques, les textiles, les produits alimentaires ou les jouets.
Par ailleurs, attention à ne pas confondre, comme certains l’ont fait au cours du débat, les substances qui ont une action sur le système hormonal et les perturbateurs endocriniens, qui, eux, ont un effet néfaste sur la santé !
Les perturbateurs endocriniens sont liés à l’apparition de certains cancers, de l’infertilité, du diabète, de l’obésité ou encore de troubles de développement du cerveau. Ils agissent différemment des autres produits chimiques dangereux, en venant perturber le système hormonal.
Ils peuvent interférer avec le système hormonal des êtres vivants à des doses infimes, contrairement aux contaminants plus classiques. Le moment de l’exposition est important, les femmes enceintes et les enfants sont particulièrement sensibles. Les effets peuvent apparaître de façon différée par rapport à l’exposition. Ainsi, les maladies de l’adulte trouvent leur origine dans la période fœtale.
Les effets sanitaires des perturbateurs endocriniens peuvent être transgénérationnels. Toutefois, la toxicité des perturbateurs endocriniens s’exerce aussi sur la faune sauvage, en particulier aquatique, avec des effets graves sur la capacité de reproduction de nombreuses espèces. Les perturbateurs endocriniens menacent donc la préservation de la biodiversité et la santé des écosystèmes. C’est un sujet sur lequel je suis particulièrement vigilante, compte tenu de mes responsabilités gouvernementales.
Les coûts estimés des perturbateurs endocriniens sur le système de santé européen sont considérables, chiffrés à plus de 150 milliards d’euros par an, représentant plus de 1 % du PIB de l’Union européenne. Il s’agit donc d’un enjeu de santé publique et environnementale majeur, pour lequel le Gouvernement s’est fortement mobilisé. Je salue à ce titre les récentes initiatives sénatoriales, comme la proposition de résolution soutenue par Patricia Schillinger et Alain Vasselle, qui viennent confirmer cette action.
La stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens a été mise en place dès avril 2014 par la ministre de l’environnement. Cette stratégie française est une première mondiale et mobilise tous les leviers d’action : le levier de la recherche, avec des financements dédiés, et la mise en place d’un programme national de recherche sur les perturbateurs endocriniens ; le levier de l’expertise, avec la mobilisation de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement, et du travail, l’ANSES, et de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, l’ANSM.
Leur travail porte, notamment, sur les substances suspectées d’être des perturbateurs endocriniens et doit permettre de mettre en œuvre des actions adaptées. Les ministres de l’environnement et de la santé viennent d’ailleurs de saisir l’ANSES sur les substances à expertiser en 2017. Nous souhaitons que l’ANSM poursuive son travail en ce qui concerne les médicaments.
Elle mobilise également le levier de la demande systématique auprès des autorités européennes de mettre fin à la mise sur le marché des substances dès lors que le caractère perturbateur endocrinien est présumé ou avéré ; l’enjeu actuel est d’obtenir une définition satisfaisante et conforme aux avis des experts de la part de la Commission européenne.
Elle mobilise le levier de la mise en place de mesures de restriction au niveau national, lorsque cela est nécessaire.
Enfin, elle mobilise le levier d’une stratégie d’information du grand public ; mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureuse à ce titre de vous diffuser ce jour la plaquette d’information du ministère de l’environnement et du ministère de la santé.
Le Gouvernement a également entrepris des actions fortes sur le bisphénol A. Cette substance est utilisée depuis des dizaines d’années pour la fabrication de plastiques, de boîtes de conserve, la vaisselle, les tickets de caisse ou les facturettes de carte bancaire.
Les preuves s’accumulent en ce qui concerne ses effets sur la reproduction – anomalie des organes, puberté précoce –, le métabolisme, le cerveau, le comportement, les pathologies cardiovasculaires ou le système immunitaire. L’exposition des femmes enceintes et des jeunes enfants est particulièrement critique, avec des effets différés après l’exposition.
À la demande de Ségolène Royal, et grâce à l’expertise de l’ANSES, la Commission européenne a interdit en décembre 2016 l’usage du bisphénol A dans les papiers thermiques, c'est-à-dire les tickets de caisse et facturettes de carte bancaire, car le contact régulier avec les mains des salariées enceintes générait une exposition suffisante pour créer des effets sanitaires sur les fœtus. Nous restons néanmoins vigilants quant à l’innocuité des substituts.
Le bisphénol S, notamment, fait l’objet de beaucoup d’inquiétudes. À la demande du Gouvernement, la Commission européenne a ainsi chargé l’Agence européenne des produits chimiques de préparer un dossier pour une interdiction, à l’instar du bisphénol A.
C’est déjà la France qui avait eu l’initiative d’interdire l’utilisation du bisphénol A dans les biberons il y a quelques années, interdiction reprise au niveau européen.
Enfin, depuis le vote de la proposition de loi du député Gérard Bapt, l’utilisation du bisphénol A est interdite dans tous les emballages alimentaires – boîtes de conserve, barquettes plastiques, canettes, etc. – depuis le 1er janvier 2015. La Commission européenne réfléchit à une mesure similaire, mais préfère à ce stade réduire la quantité autorisée dans chaque emballage.
Le Parlement européen a voté le 6 octobre dernier, à une très forte majorité, une résolution demandant à la Commission européenne d’aller plus loin, jusqu’à l’interdiction complète comme en France.
La loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé a également prévu une réduction drastique de la quantité de bisphénol A autorisée dans les jouets avec pour objectif sa disparition complète.
Les ministres Ségolène Royal et Marisol Touraine ont d’ailleurs signé la semaine dernière un projet d’arrêté en ce sens. Dès que Michel Sapin l’aura signé, il sera applicable et le bisphénol A sera enfin interdit dans les jouets en France.
Par ailleurs, il est très important de soutenir la recherche sur les perturbateurs endocriniens, afin de pouvoir les identifier précisément.