Par cet amendement, nous souhaitons proposer une alternative au projet de fusion entre Suez et GDF.
En effet, nous estimons que, loin de créer un géant énergétique, ce nouvel ensemble n'aurait d'autre vocation que de casser encore un peu plus le service public à la française.
Les griefs de Bruxelles ainsi que les concessions déjà proposées par les entreprises nous amènent en effet à nous interroger. Par sa taille, ce nouveau groupe ne serait en réalité pas plus important que l'actuelle entreprise publique.
Selon les informations les plus récentes, 30 % des contrats de long terme seraient cédés à la concurrence. Ce projet entraînerait également une suppression d'emplois sans précédent chez l'opérateur public.
Par ailleurs, avez-vous la naïveté de penser que les actionnaires de Suez vont supporter longtemps l'existence des tarifs réglementés, dont la suppression leur permettrait d'accroître encore leurs dividendes ?
Ce projet, loin de répondre aux enjeux énergétiques actuels, ne se justifie ni politiquement ni industriellement.
La sécurité d'approvisionnement ne sera pas renforcée ; en revanche, le service public sera laminé. Est-ce vraiment ce que vous souhaitez pour nos concitoyens, monsieur le ministre ?
À travers ce texte et la fusion annoncée, vous souhaitez dépouiller l'État de tout moyen d'intervention dans la sphère économique ; vous le privez des instruments industriels qui lui permettent d'assurer le respect des droits fondamentaux, dont l'accès à l'énergie fait partie.
Vous laissez aux actionnaires des grands groupes, qu'il s'agisse de Suez, d'Enel ou de Pinault, un pouvoir inédit pour influencer la politique énergétique de la France ; nous ne pouvons l'accepter.
Les sénateurs du groupe CRC proposent pour leur part un projet absolument différent, à notre avis plus conforme au message sorti des urnes le 29 mai 2005, par lequel le peuple vous a demandé de mettre en oeuvre au niveau national et communautaire, non une politique de libéralisation accrue, mais une politique au service des hommes, une politique solidaire, fondée, notamment, sur le développement des services publics.
Bref, ce que nous vous proposons, c'est, plutôt que de vous cacher derrière les injonctions de Bruxelles, de mener une politique énergétique courageuse, à même de répondre aux intérêts et aux besoins des Français.
Nous souhaitons, en effet, à l'instar de la démarche engagée par certains pays européens comme le Portugal, l'Allemagne ou l'Espagne, le rapprochement des deux opérateurs historiques.
Les enjeux énergétiques liés à la raréfaction des ressources fossiles et au respect des engagements de Kyoto créent une responsabilité particulière pour votre gouvernement.
Vous devez utiliser ces formidables outils que sont EDF et GDF non pour que ces deux établissements engagent entre eux une guerre frontale, mais pour développer une politique favorisant l'accès de tous à une énergie propre, durable et sécurisée.
Dans ce sens, il nous faut développer les synergies entre les deux opérateurs historiques, qui ont une longue expérience des services publics et ont largement fait la preuve de leur efficacité.
Par ailleurs, si EDF et GDF ne fusionnent pas, l'abandon du principe de spécialité les mettra directement en concurrence, ce qu'il faut éviter à tout prix si l'on ne veut pas prendre le risque de provoquer un gâchis terrible.
Pour la préservation de notre service public et pour le maintien de la performance de notre outil industriel, une fusion des EPIC est donc essentielle.
Il est de plus en plus souvent admis que la fusion de deux entreprises aussi intimement liées qu'EDF et GDF est un facteur d'optimisation économique, alors que leur séparation, selon un schéma concurrentiel, est un facteur de dysfonctionnement et de casse sociale.
Dès lors, on ne peut balayer d'un revers de main les craintes exprimées par les syndicats, qui redoutent que, dans le schéma actuel, ces entreprises ne puissent pas résister à la déréglementation et qu'elles soient achetées par de grands groupes tels que Suez, ou se retrouvent à leur merci.
Le choix de la fusion a donc plusieurs justifications.
Tout d'abord, il est à peu près certain que la France connaîtra un déficit de production d'électricité avant 2010 et qu'il est trop tard pour engager la construction d'une nouvelle tranche nucléaire opérationnelle à cette échéance. L'augmentation de la production d'électricité à partir du gaz est donc inéluctable d'ici à dix ans.
Ensuite, la création de ce grand groupe de taille mondiale de l'énergie s'inscrirait dans le mouvement de concentration et de création de champions énergétiques capables de proposer une offre multi-énergies, qu'illustre le rapprochement entre E.ON et Ruhrgas, en Allemagne. Un tel groupe serait en mesure d'affronter la concurrence à la suite de l'ouverture totale des marchés, tout en assurant les missions de service public.
Rien ne s'oppose donc à cette solution alternative, et surtout pas un éventuel blocage dicté par la Commission de Bruxelles, car il ne serait pas fondé juridiquement, ainsi que le montrent toutes les études effectuées dans ce domaine.
Cependant, sa réussite exige, effectivement, un projet d'entreprise et une politique industrielle ambitieuse, qui seuls peuvent garantir durablement, dans le cadre de la maîtrise publique de la politique énergétique, un service public de qualité pour les usagers, la sécurité de l'approvisionnement, l'indépendance énergétique de la France, ainsi qu'un niveau élevé de sûreté, indispensable pour le nucléaire.
Tel est l'objet de cet amendement, qui vise à renforcer la maîtrise publique de la politique énergétique de notre pays, ainsi qu'à développer les synergies entre les deux entreprises historiques qui ont fait la preuve de leur efficacité.