Intervention de Roland Courteau

Réunion du 22 février 2017 à 14h30
Droit à l'eau potable et à l'assainissement — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Roland CourteauRoland Courteau :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, « Dis-moi ce que tu fais de ton eau, je te dirai qui tu es », écrit Erik Orsenna. Voilà qui résume parfaitement, en quelques mots, mon propos.

Comme le disait le député Michel Lesage, cosignataire de cette proposition de loi particulièrement opportune, « l’eau est bien le reflet de nos communautés humaines. Elle est un marqueur de l’état de notre société et symbolise tous les défis que nous devons relever : la gestion de nos ressources naturelles, le développement, la dignité humaine, l’accès à la santé et à la sécurité alimentaire ».

Selon la résolution de l’ONU, le droit à l’eau potable et à l’assainissement est bien « un droit fondamental, essentiel à la pleine jouissance de la vie et à l’exercice de tous les droits de l’homme ». Il faut dire que l’eau constitue indéniablement l’un des défis les plus importants de notre siècle ; cette ressource devient rare dans certaines zones de notre planète et représente un enjeu majeur de santé publique.

Si les sujets en lien avec le réchauffement climatique traitent à juste titre des énergies lors des conférences internationales, la place de l’eau y est paradoxalement moins présente, reconnaissons-le, y compris dans le compromis final de la COP21. Pourtant, chaque être humain devrait pouvoir satisfaire ses besoins essentiels en eau, ce qui est loin d’être le cas. Sur la planète, près de 1 milliard de personnes n’ont pas accès à l’eau potable et plus de 2 milliards ne bénéficient pas d’un assainissement de base. Chaque année, plus de 2 millions de personnes meurent dans le monde de maladies liées à l’absence ou à la mauvaise qualité de l’eau.

En France, grâce notamment à l’existence d’une politique volontaire, l’accès à l’eau et à l’assainissement est garanti au plus grand nombre, mais seulement au plus grand nombre, car, hélas, tous ne bénéficient pas de ce droit fondamental. Entre 100 000 et 150 000 personnes, parmi les plus vulnérables et les plus démunis, en sont écartées, et l’on estime à près de 1 million les ménages ayant, certes, accès à l’eau, mais à un coût dont le niveau est jugé inabordable.

Dès lors, comment ne pas saluer l’initiative des sept députés à l’origine de ce texte et l’important travail de réflexion engagé par les lanceurs d’alerte que sont les associations et ONG regroupées au sein de la plateforme coordonnée par la fondation France Libertés et la Coalition Eau ? Je crois savoir que ce fut là le dernier, mais le plus beau des combats de Danielle Mitterrand.

Force est de constater que ce droit à l’eau n’était pas encore formellement reconnu en France comme un véritable droit, bien qu’il bénéficiât d’une reconnaissance de principe dans plusieurs textes. Il y avait donc urgence sociale à faire de l’accès à l’eau un droit effectif pour tous.

Dans cet objectif, la proposition de loi prévoit plusieurs mesures, dont la création et le financement d’une aide forfaitaire préventive pour l’eau en faveur des personnes en situation de précarité. C’est effectivement là, monsieur le rapporteur, qu’est le cœur du texte. En effet, les réponses apportées jusqu’à présent portaient, pour l’essentiel, sur le curatif, via les CCAS ou les fonds de solidarité pour le logement, avec les limites que comportent de tels outils : procédures inégalitaires selon les départements et souvent considérées comme humiliantes ou stigmatisantes pour les ayants droit.

De fait, il était difficile d’assurer une mise en œuvre complète et équitable de ce droit. D’où la nécessité de ce volet préventif dans le présent texte, pour que le droit à l’eau soit un droit pour chacun, quel que soit son territoire de vie. Bref, il s’agit d’un dispositif de solidarité, qui devait être national, préventif et simple pour les bénéficiaires du RSA socle ou de la CMU complémentaire.

Il était par ailleurs important de mobiliser les collectivités locales sur cette question éminemment sociale. Plusieurs dispositions complètent ainsi le code de la santé publique, afin d’obliger les collectivités territoriales et les EPCI à prendre les mesures nécessaires pour satisfaire, dans un délai de cinq ans, les besoins élémentaires en eau potable et en assainissement, en installant des équipements de distribution gratuite d’eau ainsi que, dans les communes les plus peuplées, des toilettes publiques et des douches gratuites.

Il s’agit là, mes chers collègues, d’un enjeu de salubrité, d’hygiène et, surtout, de respect de la dignité humaine ; ce respect justifie que le droit à l’accès de tous à l’eau soit enfin une réalité. Franchement, comment peut-on oser s’opposer à un tel texte et à ce premier grand pas ? Je m’interroge…

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