Intervention de Olivier Cigolotti

Réunion du 22 février 2017 à 14h30
Quel rôle les professions paramédicales peuvent-elles jouer dans la lutte contre les déserts médicaux — Débat organisé à la demande du groupe de l'udi-uc

Photo de Olivier CigolottiOlivier Cigolotti :

Les professionnels de santé bénéficient également d’incitations à l’installation en zones sous-dotées financées par l’assurance maladie – le contrat d’engagement de service public – ainsi que de nombreuses aides financées par les collectivités territoriales qui peuvent prendre des formes diverses : la prise en charge de tout ou partie des frais d’investissement ou de fonctionnement liés à l’activité de soins, la mise à disposition de locaux destinés à cette activité, la mise à disposition d’un logement et bien d’autres.

En contrepartie de ces aides, leurs bénéficiaires doivent s’engager à conserver leur activité dans la même zone pendant trois ans. Leur engagement est matérialisé par une convention tripartite passée entre la collectivité territoriale, l’assurance maladie et le professionnel de santé. La nouvelle convention médicale de 2016 propose ainsi la mise en place de contrats d’installation, de contrats de transition, de contrats de stabilisation et de coordination. L’empilement de l’ensemble de ces dispositifs se traduit parfois par une absence totale de lisibilité et par une impossibilité d’évaluation des coûts. La Cour des comptes elle-même n’y est pas parvenue. Notre système de santé est confronté à un double défi, démographique et économique.

À côté de ces mesures dites « incitatives » existent les mesures dites « structurelles », comme la nouvelle organisation de la permanence des soins, qui permet une prise en charge la nuit, les week-ends et les jours fériés. Toutefois, cette permanence des soins n’est pas, en tant que telle, une solution à la difficulté croissante dans certaines zones pour consulter un médecin dans des conditions raisonnables de distance et de délais.

Je tiens aussi à évoquer le soutien au développement des maisons et pôles de santé. Les maisons et pôles de santé pluriprofessionnels semblent une réponse possible de réorganisation de la médecine de premier recours. Les médecins libéraux montrent depuis longtemps une préférence pour l’exercice regroupé, qui est désormais devenu le mode d’exercice majoritaire.

Ces maisons de santé réunissent dans des locaux communs plusieurs médecins généralistes, infirmiers et d’autres professionnels de santé exerçant à temps plein ou à temps partiel : médecins spécialistes, dentistes, masseurs-kinésithérapeutes, podologues, diététiciens, psychologues, orthophonistes et autres… Néanmoins, les maisons de santé contribuent d’une certaine manière à accélérer le processus de concentration géographique des professionnels de santé. Ces structures peuvent aider à maintenir la présence de ceux-ci dans les zones en voie de fragilisation, mais ne peuvent pas répondre aux besoins des zones déjà désertées.

Lutter contre les déserts médicaux, mes chers collègues, c’est avant tout lutter contre la désertification rurale, en rendant la ruralité attractive. Ce n’est pas Alain Bertrand qui me démentira ! Nous devons renforcer l’attractivité des territoires affectés par l’absence d’une offre de soins cohérente, critère déterminant pour choisir de s’installer ou non sur un territoire. Sans politique d’aménagement du territoire ambitieuse, toute mesure incitative est vouée à l’échec.

Face aux mesures incitatives et structurelles, l’éventualité de mesures « contraignantes » est-elle la réponse à la désertification médicale ? Cela suscite en tout cas une vive opposition, mais je laisse mon excellent collègue Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, aborder cette problématique.

En 2020, s’agissant du nombre de médecins par habitant, nous reviendrons aux chiffres de 1985, soit 283 médecins pour 100 000 habitants. Les solutions déjà proposées visant à interrompre la désertification médicale se sont révélées pour l’instant inefficaces, voire contre-productives.

Ne nous y trompons pas, la problématique n’est pas uniquement le nombre de médecins, c’est bien plutôt leur répartition sur le territoire, laquelle a aussi un impact sur certaines unités hospitalières : des services des urgences saturés et des personnels débordés.

Pour lutter contre le manque de médecins, des améliorations sont pourtant possibles, notamment grâce au partage de l’activité médicale entre praticiens et professions paramédicales. La légitimité de ce transfert est venue de la compétence que ces acteurs ont acquise, sans en avoir obtenu la reconnaissance.

Afin d’encadrer et de développer ces pratiques, tout en donnant à leurs acteurs la légitimité nécessaire, la loi du 26 janvier 2016 a ouvert la possibilité à certaines formes de délégation, entendues comme la réalisation d’activités entrant dans le champ d’activité du médecin par un professionnel paramédical non-médecin. Ces délégations doivent être précisément définies par décret en Conseil d’État et peuvent concerner les activités d’orientation, d’éducation, de prévention ou de dépistage : les actes d’évaluation et de conclusion clinique, les actes techniques et les actes de surveillance clinique et paraclinique, ainsi que les prescriptions de produits de santé non soumis à prescription médicale obligatoire, les prescriptions d’examens complémentaires et les renouvellements ou adaptations de prescriptions médicales.

Les professions paramédicales concernées sont nombreuses. Les conditions et règles de ces nouvelles pratiques, ainsi que les diplômes nécessaires pour leur exercice, délivrés par des universités préalablement habilitées à cet effet, doivent également être fixées par décret.

L’accélération des transferts de compétences permettra de mieux réguler les files d’attente, de faire partiellement face à la diminution annoncée de la démographie médicale.

Ce transfert permet également d’optimiser le système de soins, d’éviter la mise en place d’organisations parallèles, sources de conflits et de baisse de la qualité des soins, et d’apporter une légitime reconnaissance à certains professionnels paramédicaux. En matière d’optique correctrice, le transfert de certains actes vers les orthoptistes permet déjà de diminuer les délais d’attente.

Pharmaciens et infirmiers s’établissent là où existent des besoins, ce qui n’est pas le cas des médecins. Nous devons nous servir de ce maillage territorial pour pallier le manque de médecins. Promouvoir l’exercice pluriprofessionnel coordonné est la piste à privilégier.

Les professionnels pourraient se mettre d’accord sur les conditions de renouvellement d’ordonnances par les pharmaciens ou sur les interventions plus importantes des infirmières en ce qui concerne le suivi des patients à domicile.

En France, les formations de santé sont de très haute qualité, mais des améliorations sont nécessaires pour permettre aux futurs professionnels de santé d’acquérir des fondamentaux partagés pour une meilleure prise en charge du patient.

Il me semble essentiel, mes chers collègues, de développer chez les étudiants une culture du travail en commun entre les secteurs médical et paramédical, en organisant des rendez-vous pluridisciplinaires autour de cas cliniques. Cette démarche pourra rapprocher l’université des instituts de formation paramédicale.

Dès cette année, les diplômés paramédicaux pourront avoir accès aux deuxième et troisième années de médecine, en suivant les mêmes procédures que l’ensemble des étudiants. Un kinésithérapeute pourrait ainsi, « sur la base d’un projet solide ou sur dossiers », suivre des études de médecine pour devenir médecin rééducateur.

Le monde paramédical emploie plus de 1 million de personnes, et la liste des recruteurs potentiels est longue. Sans être médecins, les professionnels paramédicaux dépistent des problèmes de santé, contribuent aux soins et à l’amélioration des conditions de vie du patient. Les compétences s’étoffent, notamment pour les infirmiers, qui se voient confier de nouvelles tâches, comme le suivi du traitement de maladies chroniques.

Le rôle des paramédicaux dans la prise en charge de la dépendance est moins connu. Pourtant, ces professionnels jouent un rôle important dans la prise en charge pluridisciplinaire des personnes âgées dépendantes. Sur ce sujet, Pierre Médevielle décryptera le rôle des paramédicaux face à la dépendance et à l’hospitalisation à domicile et Élisabeth Doineau apportera son témoignage sur le sujet.

Mes chers collègues, face à la dégradation de la médecine libérale et à la désertification médicale, le constat est qu’à ce jour aucune réforme ne parvient à endiguer les problématiques touchant notre système de santé. Des améliorations sont possibles, notamment grâce au partage de l’activité médicale entre praticiens et professions paramédicales, voire au développement du travail collaboratif.

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