Intervention de Catherine Génisson

Réunion du 22 février 2017 à 14h30
Quel rôle les professions paramédicales peuvent-elles jouer dans la lutte contre les déserts médicaux — Débat organisé à la demande du groupe de l'udi-uc

Photo de Catherine GénissonCatherine Génisson :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui sur l’initiative de nos collègues du groupe de l’UDI-UC, que je tiens à remercier.

La lutte contre les déserts médicaux est un sujet très important qui doit susciter non pas des querelles idéologiques, mais plutôt la recherche de solutions pragmatiques. Nous en sommes, je pense, tous d’accord. Le Sénat s’est d’ailleurs emparé de ce sujet encore récemment. La mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale a confié à nos collègues Jean-Noël Cardoux et Yves Daudigny la rédaction d’un rapport sur les mesures incitatives au développement de l’offre de soins primaires dans les zones sous-dotées. Nous attendons les résultats de leurs travaux avec beaucoup d’intérêt.

En tant qu’élus locaux et nationaux, nous sommes confrontés quotidiennement aux effets de la désertification médicale et à l’inquiétude de nos concitoyens face au départ à la retraite du médecin du village qui ne comptait pas ses heures et ses jours au chevet de ses patients. Sera-t-il même remplacé ?

De plus, on constate une interdépendance entre les professionnels de santé dans les zones sous-dotées. Lorsque le médecin généraliste disparaît du terrain, ce sont les professionnels paramédicaux qui suivent. Telle est la réalité. Le pharmacien est souvent le dernier rempart auprès des citoyens en tant que personnel de santé, mais, à moyen terme, il finit aussi par partir.

La France compte actuellement 220 000 médecins, soit deux fois plus qu’en 1980. La densité moyenne est de 334 praticiens pour 100 000 habitants, mais des disparités existent entre les départements. On compte ainsi 798 médecins pour 100 000 habitants à Paris, qui va d’ailleurs devenir un désert médical en médecine générale, contre seulement 180 médecins pour 100 000 habitants dans l’Eure.

Durant de nombreuses années, nous n’avons pas anticipé le changement des attentes des médecins concernant l’évolution de leurs pratiques professionnelles.

Le modèle du médecin au service de ses patients vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept, c’est terminé. Aujourd'hui, les médecins, tant les femmes que les hommes, et sans doute pour des raisons différentes, sur lesquelles je ne m’étendrai pas, ont des attentes en termes de qualité de vie pour s’installer, en particulier dans des zones sous-dotées.

Contrairement aux idées reçues, la jeune génération des internes est très motivée pour s’installer dans les zones sous-dotées – les trois quarts des internes en médecine générale déclarent en effet vouloir s’installer en milieu rural ou semi-rural –, mais les médecins ont désormais besoin de coopération médicale avec d’autres professionnels de santé afin de répondre toujours mieux aux attentes des patients. La fin du modèle du médecin omniscient, exerçant seul, se confirme. La demande de dialogue et d’échanges est dorénavant très forte chez les médecins, tant avec les acteurs du monde libéral qu’avec ceux du monde hospitalier.

Depuis 2012, le Gouvernement a pris en compte ces évolutions et mené une politique volontariste de lutte contre les déserts médicaux. Je veux rappeler les dispositifs mis en place pour les nouvelles générations de médecins, le médecin généraliste étant, ne l’oublions pas, l’élément activateur, structurant de la médecine libérale.

Dès 2012, le Gouvernement a instauré le pacte territoire-santé afin d’encourager les jeunes médecins à s’installer dans les territoires sous-dotés. Les jeunes générations de médecins sont particulièrement demandeuses d’échanges, de travail en équipe. C’est la raison pour laquelle les maisons de santé pluriprofessionnelles sont en constant développement, un soutien financier leur étant apporté en fonction du nombre de professionnels y travaillant. Les professionnels paramédicaux y ont un rôle très important à jouer dans la prévention, l’accompagnement, le soin, la rééducation du patient.

Ces maisons de santé pluriprofessionnelles forment un véritable maillage territorial : alors qu’on n’en dénombrait que 150 en 2012, on en compte 1 200 en 2017. Ces maisons sont incontestablement une bonne mesure puisque tous les candidats à l’élection présidentielle prévoient d’en augmenter le nombre.

Pour lutter contre les déserts médicaux, il est primordial d’agir sur la formation des médecins. Il faut ainsi augmenter le nombre de maîtres de stages universitaires recrutés parmi les professionnels de santé de terrain, tant en milieu rural qu’en milieu urbain et dans les banlieues. Il faut également mettre en place des contrats d’engagement de service public. Des bourses de 1 200 euros bruts par mois devraient être versées aux étudiants volontaires décidant de s’installer dans une région manquant de médecins. À ce jour, 1 800 jeunes médecins ont souscrit un tel contrat et s’installeront bientôt dans des territoires sous-dotés.

Par ailleurs, 650 médecins ont signé un contrat de praticien territorial de médecine générale. En contrepartie de leur installation, ils bénéficient de nouvelles garanties, en particulier d’une protection sociale améliorée.

Le numerus clausus, cela a été dit, a été adapté par le Gouvernement afin de mieux prendre en compte les besoins des territoires. Il a été augmenté de manière ciblée en novembre 2015 : 131 places ont été créées pour 10 régions en manque de médecins. Pour le concours 2017, ce sont 478 places supplémentaires qui seront débloquées dans 22 facultés. La question de l’augmentation du numerus clausus reste ouverte compte tenu des changements des modes d’exercice. À cet égard, la majorité des candidats à l’élection présidentielle ont sur ce sujet également fait des propositions.

Toutes ces mesures incitatives commencent à avoir des résultats et continueront à en produire si elles sont maintenues.

Après avoir évoqué les outils de lutte contre la désertification médicale, j’aborderai plus spécifiquement maintenant le rôle des professions paramédicales dans la lutte contre les déserts médicaux. Ce rôle, cela a été dit, est éminent dans le cadre des maisons pluriprofessionnelles de santé.

Je suis convaincue, en tant que professionnelle de santé, de l’importance des coopérations médicales interprofessionnelles. Il est nécessaire de lutter contre les corporatismes qui s’expriment encore fortement, osons le dire, mais également de valoriser la qualité des métiers et leurs évolutions possibles. Je n’ignore pas qu’un certain nombre de malaises s’expriment au sein des professions paramédicales comme chez les infirmiers et les aides-soignants, mais aussi chez les étudiants orthophonistes, qui ont récemment réclamé certes des revalorisations salariales, mais surtout de meilleures conditions de travail et une reconnaissance de leur activité.

Aussi le Gouvernement a-t-il apporté des réponses tant aux infirmiers qu’aux orthophonistes : le grade de licence a été donné au diplôme d’infirmier, les orthophonistes ont vu leur formation passer de quatre à cinq ans et ont obtenu le grade de master.

Pour les infirmiers, la loi du 27 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé a créé le nouveau métier d’infirmier clinicien de pratique avancée pour les titulaires d’un bac+5, nouveau témoignage de reconnaissance de l’importance des infirmiers dans notre système de santé, cette qualification d’infirmier clinicien étant la porte ouverte aux coopérations interprofessionnelles.

Par ailleurs, les conditions de prise en charge de nos concitoyens, en médecine et en chirurgie ambulatoire par exemple, vont entraîner tant pour les médecins que pour les personnels paramédicaux des coopérations beaucoup plus abouties qu’aujourd’hui entre l’hôpital et la ville. Le parcours de santé de nos concitoyens sera pris en compte de manière plus globale. Ainsi, les auxiliaires médicaux formés à assumer des pratiques avancées doivent exercer dans des équipes de soins en lien avec le médecin traitant afin d’améliorer la réponse aux besoins des patients chroniques.

Les domaines d’intervention des paramédicaux en pratique avancée comprennent tout d’abord des activités d’orientation, d’éducation, de prévention ou de dépistage, ensuite des actes d’évaluation clinique, de diagnostic, des actes techniques et des actes de surveillance clinique et paraclinique, enfin des prescriptions de produits de santé non soumis à prescription médicale obligatoire, des prescriptions d’examens complémentaires et des renouvellements ou adaptations de prescriptions médicales. Dans ce cadre, les sages-femmes, profession médicale rappelons-le, ont vu leurs responsabilités reconnues dans le suivi des grossesses normales.

Les professionnels paramédicaux dans leur ensemble se plaignent des difficultés de leurs conditions de travail. Pour répondre à ce malaise, le Gouvernement a présenté en décembre 2016 une stratégie nationale d’amélioration de la qualité de vie au travail devant permettre la définition de bonnes conditions de vie au travail et la détection des risques psychosociaux.

Avant de terminer mon propos, il me semble fondamental d’intégrer dans nos réflexions les innovations radicales dont va bénéficier notre système de santé : les nanotechnologies, les biotechnologies, les capacités informatiques, les sciences cognitives. Les avancées réalisées en télésanté, en intelligence artificielle et en génétique vont modifier considérablement la médecine de demain, ainsi que son enseignement.

Au-delà de la connaissance des progrès de la science et de leur déclinaison dans la pratique, par exemple l’apprentissage de l’utilisation d’un robot chirurgical, les sciences humaines doivent occuper une large part dans tous les métiers qui concernent la santé.

À titre d’exemple, j’évoquerai les visio-consultations. On peut imaginer qu’à un horizon prochain, dans une dizaine d’années sans doute, elles constituent la principale porte d’entrée des parcours de soins. Elles existeront au domicile des patients ou non, avec l’assistance probable d’infirmières. Elles pourraient être réalisées au sein de pharmacies équipées.

Enfin, la question de la démocratie sanitaire, qui n’a pas été évoquée, devra être approfondie, les citoyens devenant de plus en plus acteurs. Les professionnels paramédicaux, dont je veux ici saluer une nouvelle fois l’engagement total de proximité, au quotidien, auprès de nos concitoyens, expriment parfois un certain mécontentement : leur reconnaissance statutaire n’est pas totale, elle ne va pas assez vite, leurs conditions de travail sont difficiles. J’ai tout à fait conscience de tout cela, mais je souhaite que ces professionnels fassent des propositions aux candidats à l’élection présidentielle. Nous avons reçu les uns et les autres les propositions des masseurs-kinésithérapeutes, qui, entre autres revendications, souhaitent pouvoir bénéficier d’un accès direct pour une liste prédéfinie de pathologies. Nous devons, les uns et les autres, prendre position sur cette question, qui est régulièrement soulevée depuis longtemps.

Voici quelques-unes de nos réflexions, non exhaustives, dans le cadre du débat proposé par nos collègues du groupe de l’UDI-UC. J’espère que ces enjeux très importants seront à juste titre au cœur des débats démocratiques des prochaines semaines.

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