Intervention de Alain Milon

Réunion du 22 février 2017 à 14h30
Quel rôle les professions paramédicales peuvent-elles jouer dans la lutte contre les déserts médicaux — Débat organisé à la demande du groupe de l'udi-uc

Photo de Alain MilonAlain Milon :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la question posée par nos collègues du groupe de l’UDI-UC sur le rôle que les professions paramédicales pourraient jouer dans la lutte contre les déserts médicaux fait écho à un rapport d’information sur la coopération entre professionnels de santé que j’ai présenté, avec notre collègue Catherine Génisson, au nom de la commission des affaires sociales en 2014. Cette question fait également écho à un débat qui s’est tenu lors de la discussion de la loi de modernisation de notre système de santé, dont l’une des mesures vise à créer un exercice en pratique avancée pour les professions paramédicales.

Permettez-moi de revenir rapidement sur ce qui existe déjà en matière de coopération entre professionnels de santé et pratique avancée pour les professions paramédicales.

Dès le début des années 2000, de nombreux travaux et rapports, je pense notamment à ceux du professeur Yvon Berland, ont pointé le retard de la France en matière de ce que l’on désignait alors sous le nom de « transferts de tâches », alors même qu’il existait une réelle volonté de certains acteurs médicaux et paramédicaux de l’organiser.

La loi a ensuite prévu la mise en œuvre de protocoles expérimentaux de coopération entre professionnels. Je fais référence à l’article 51 de la loi HPST de 2009. Cette mesure a contribué à faire évoluer les esprits.

Les enseignements tirés de la mise en œuvre de ces protocoles montrent qu’une évolution structurelle des métiers de la santé est souhaitable, à la fois pour une meilleure efficacité pour les patients et pour une plus grande satisfaction des professionnels de santé.

Force est de constater que la répartition des compétences entre les différentes professions de santé est trop rigide. Elle freine ainsi la continuité entre les compétences et les niveaux de responsabilité reconnus aux médecins, d’une part, et aux autres professions de santé, d’autre part.

Cette situation est fortement préjudiciable à l’attractivité des métiers de santé : tandis que les jeunes générations de médecins aspirent à organiser différemment le temps médical, les autres professions médicales et paramédicales réclament davantage de reconnaissance, d’autonomie et de possibilités d’évolution de carrière.

Nous avions clairement identifié, lors de l’élaboration du rapport d’information de 2014, les effets néfastes qu’une telle situation provoque, à savoir une frustration professionnelle, d’une part, et une déperdition de compétences, d’autre part.

Par ailleurs, nous avions souligné qu’un maillon de la chaîne des compétences en matière de soins manquait, celui des qualifications intermédiaires. Entre les médecins formés de neuf à dix ans après le baccalauréat et les auxiliaires médicaux formés de deux à trois ans, parmi les professions paramédicales, il n’existe que très peu de métiers de santé sanctionnés par un niveau d’études de cinq ans. Il existe des infirmiers spécialisés en anesthésie et en chirurgie, dont le diplôme d’État est équivalent à un grade de niveau master, mais peu de professions intermédiaires.

Or les enjeux attachés à une évolution de cette structuration sont d’importance. Cependant, contrairement à une idée reçue, les protocoles de coopération entre professionnels de santé n’ont pas comme objectif premier de remédier aux difficultés posées par la démographie médicale.

Si une nouvelle répartition des compétences entre médecins et autres professionnels médicaux ou paramédicaux peut effectivement aboutir à dégager du temps médical, elle ne saurait compenser qu’à la marge l’absence de professionnels dans les zones sous-denses.

Par ailleurs, il serait erroné de réduire la question des coopérations à un débat entre médecins d’un côté et autres professionnels de santé de l’autre. La question de la répartition des actes se pose pour l’ensemble des professions de santé, quel que soit le niveau de formation initial requis.

Plus récemment, comme je le rappelais au début de mon intervention, l’article 119 de la loi de modernisation de notre système de santé a créé un exercice en pratique avancée pour les professions paramédicales. Nous avions approuvé cette mesure puisqu’elle était la traduction législative de la sixième proposition formulée dans le rapport d’information de la commission des affaires sociales. En ma qualité de rapporteur, j’avais cependant regretté que cet article se limite à un toilettage du statut de certaines professions paramédicales alors qu’il aurait pu être l’occasion d’une remise à plat des métiers socles.

En l’état actuel, pour chaque auxiliaire médical, des mesures réglementaires doivent définir les domaines d’intervention en pratique avancée, les activités pouvant être accomplies dans chacun de ces domaines d’intervention et les types d’actes pouvant être réalisés.

Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous nous informer de l’état d’avancement de ces mesures ? La mise en œuvre effective de l’article 119 est en effet essentielle puisqu’il s’agit aussi d’améliorer la qualité des soins en confiant davantage de compétences aux professionnels paramédicaux que sont notamment les infirmiers.

Avec le développement des affections chroniques, notamment les cancers et les maladies cardio-vasculaires, et la progression des pathologies liées au vieillissement, les besoins des malades évoluent vers une prise en charge plus globale et de plus grande proximité. À Lille, par exemple, il existe un protocole de soins de suite en cancérologie reposant sur les infirmières libérales.

Il faut donc développer ces coopérations dont l’apport est double. D’une part, elles tendent à améliorer la qualité des soins en offrant une prise en charge plus adaptée aux besoins des patients, en apportant le plus souvent des innovations en matière de prise en charge, en impliquant par exemple la création de nouveaux actes ou de nouvelles formes de prise en charge. D’autre part, elles offrent à tous les professionnels une perspective d’évolution de leur rôle en matière de soins, ainsi qu’un enrichissement de leurs tâches susceptible de renforcer leur motivation et leurs perspectives de carrière.

Pour conclure, j’indique qu’il est nécessaire de développer le rôle des professions paramédicales dans un système de santé qui doit s’adapter pour répondre aux nouveaux enjeux de ce début du XXIe siècle que sont les transitions démographique, épidémiologique et technologique, comme l’a dit Catherine Génisson. Il importe aussi d’encourager davantage, d’une manière forte et volontaire, l’e-santé, dont le développement dans les pays voisins de la France montre qu’elle est efficace, complémentaire de l’humain. Elle permettra rapidement de rationaliser l’offre de soins sur nos territoires puisque certains pensent, et l’ont écrit, que 80 % des diagnostics pourraient être faits par celle-ci.

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