Intervention de Hervé Maurey

Réunion du 22 février 2017 à 14h30
Quel rôle les professions paramédicales peuvent-elles jouer dans la lutte contre les déserts médicaux — Débat organisé à la demande du groupe de l'udi-uc

Photo de Hervé MaureyHervé Maurey :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je veux bien sûr féliciter Olivier Cigolotti, qui a proposé au groupe de l’UDI-UC, auquel j’ai l’honneur d’appartenir, l’organisation de ce débat, qui est particulièrement pertinent quand on sait combien est essentielle la question de la désertification médicale. Je regrette à cet égard que celle-ci soit si peu présente dans les débats qui se déroulent actuellement dans le cadre de la campagne présidentielle.

Ce débat a également le mérite de mettre en lumière les professions paramédicales, qui sont des acteurs essentiels de notre système de santé, notamment par rapport à cette problématique, mais pas seulement.

Je veux rappeler, dans le temps très bref qui m’est imparti, la situation tout à fait alarmante de la démographie médicale actuelle.

Bien que le nombre de médecins n’ait jamais été aussi élevé dans notre pays, la désertification médicale ne cesse de progresser, avec des disparités territoriales extrêmement importantes : alors que Paris compte huit médecins pour 1 000 habitants, le département de l’Eure, dont j’ai l’honneur d’être un élu, en compte deux pour 1 000 habitants.

Toutes spécialités confondues, quatre-vingt-six départements enregistrent une baisse de la densité médicale sur la période 2007-2016.

Le temps d’attente pour obtenir un rendez-vous chez un médecin n’a cessé d’augmenter depuis cinq ans ; aujourd’hui, deux Français sur trois renoncent à des soins à cause des délais d’attente, contre 59 % en 2012.

L’accès aux soins est à l’heure actuelle une préoccupation majeure de nos concitoyens, notamment dans les territoires ruraux. Toutes les analyses, toutes les études montrent que, avec le numérique, c’est la priorité principale de ces territoires.

La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable s’est penchée sur cette question à la fin de l’année 2012, et elle a remis, au début de l’année 2013, un rapport, que j’ai cosigné avec notre ancien collègue Jean-Luc Fichet, intitulé Déserts médicaux : agir vraiment.

Dans ce document, nous avions souligné, parmi nos seize propositions, la nécessité de favoriser la coopération et la délégation entre les différentes professions de santé, de manière à alléger la tâche des médecins. Ce transfert de tâches permettrait de dégager du temps médical, afin que les médecins puissent se recentrer sur ce qui constitue le cœur de leur métier, le cœur de leur compétence.

Ainsi, les infirmiers pourraient se voir confier l’accomplissement de certains actes, tels que les vaccinations. Les pharmaciens pourraient, de leur côté, contribuer au suivi des patients atteints de maladies chroniques. Les orthoptistes et les opticiens pourraient accomplir certains des actes que les ophtalmologistes, qui ne sont plus en nombre suffisant, ne peuvent plus assurer en totalité. Je vous indique, pour ceux d’entre vous qui l’ignoreraient, mes chers collègues, que, aujourd'hui, le délai d’attente pour obtenir un rendez-vous avec un ophtalmologiste varie de 60 à 111 jours en moyenne.

Pour mettre en œuvre ces transferts, il faut sortir d’une définition des professions de santé qui est établie sur des décrets de compétences rigides, en refondant les textes sur la base de la notion de missions, comme c’est déjà le cas dans un certain nombre de pays.

Les progrès technologiques en matière de santé devraient également faciliter l’émergence de nouveaux partages de compétences entre les professionnels de santé.

Le rôle des professions paramédicales est aussi essentiel dans le développement des maisons de santé qui se multiplient sur le territoire – même si elles ne disposent pas toujours de médecin –, les jeunes médecins manifestant en effet une préférence pour l’exercice regroupé dans le cadre des maisons et pôles de santé pluriprofessionnels.

Je veux également attirer votre attention sur le fait que la plupart des professions de santé sont aujourd'hui l’objet d’une régulation en matière d’installation. C’est vrai depuis longtemps des pharmaciens, des kinésithérapeutes, des sages-femmes, des orthophonistes. Je rappelle que ce dispositif a permis d’augmenter de 30 % le nombre de kinésithérapeutes dans les zones sous-dotées entre 2012 et 2013. C’est pourquoi, depuis plusieurs années, un certain nombre de mes collègues et moi-même proposons d’étendre le conventionnement sélectif aux médecins, en fonction de la nature des zones d’installation. Selon ce mécanisme, un médecin, pour s’installer dans une zone surdotée, devrait soit remplacer un confrère déménageant sur un autre territoire ou partant à la retraite, soit renoncer au conventionnement. Il s’agit non pas de coercition, mais de régulation d’une liberté, une liberté qui doit être soumise à un principe encore plus important : l’intérêt général.

Les professions paramédicales ont montré la voie en matière de régulation d’installation. J’espère que nous saurons nous en inspirer pour faire face à la pénurie de médecins qui pose aujourd’hui de réels problèmes en termes d’accès aux soins et, au-delà, en termes d’égalité des territoires et de nos concitoyens.

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