Intervention de Jean-François Husson

Réunion du 22 février 2017 à 22h20
Sincérité et fiabilité des comptes des collectivités territoriales — Discussion d'une proposition de loi

Photo de Jean-François HussonJean-François Husson :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, madame la rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi que Vincent Delahaye et nos collègues du groupe de l’UDI-UC nous invitent ce soir à examiner tend à créer des moyens coercitifs pour faire appliquer l’article 47-2 de la Constitution, aux termes duquel « les comptes des administrations publiques sont réguliers et sincères. Ils donnent une image fidèle du résultat de leur gestion, de leur patrimoine et de leur situation financière ».

Nos collègues soulignent en particulier plusieurs cas dans lesquels des « doutes sérieux » ont été exprimés sur la sincérité des comptes présentés par les collectivités territoriales. Ils souhaitent organiser un cadre légal afin d’éviter que ce type de situation ne se reproduise à l’avenir.

Cet objectif est assurément légitime et fondé : les collectivités territoriales – faut-il le rappeler ? – gèrent un budget constitué sur la base de l’argent public fourni par les contribuables ; elles doivent à cet égard faire preuve de rigueur et d’exemplarité. C’est à cette condition, me semble-t-il – je sais que cet avis est partagé –, que le contrat de confiance avec nos concitoyens peut être honoré.

Toutefois, je souscris à plusieurs des arguments qui ont été développés par mes collègues en commission des lois pour motiver leur décision de nous présenter une motion de renvoi en commission.

La loi NOTRe a prévu une expérimentation de certification des comptes. Sur cinquante collectivités candidates, vingt-cinq ont été retenues pour y participer, ce qui témoigne concrètement et à l’évidence de leur volonté de s’améliorer. Les travaux sont en cours. Ne serait-il donc pas incohérent et précipité de prévoir d’ores et déjà le contrôle de l’annualité budgétaire, avant même que les leçons à tirer de cette expérimentation soient connues ?

Une étude d’impact serait en outre nécessaire avant de décider d’un renforcement des compétences des chambres régionales et territoriales des comptes, dont les moyens sont limités.

D’un point de vue institutionnel, il ne serait pas anodin de soumettre les élus locaux à un tel contrôle et de faire peser une telle responsabilité sur leurs épaules. Il y a tout juste trois mois, le Conseil constitutionnel a jugé conforme le régime d’exemption applicable aux élus locaux à l’égard de la Cour de discipline budgétaire et financière. Le principe constitutionnel est celui d’une responsabilité exclusivement politique ou pénale des élus.

Outre qu’elle remet en cause ce principe, la présente proposition de loi prévoit des sanctions très importantes. Je ne dispose d’ailleurs pas, en la matière et à ce stade, de réponse catégorique, ferme ou définitive ; il me semble néanmoins qu’il faut veiller à ne pas céder trop hâtivement à la pression d’une forme de défiance générale de l’opinion à l’égard des élus.

Il est également important de rappeler le contexte dans lequel les élus exercent leurs fonctions et leur mandat.

Le bilan du quinquennat est très lourd et en partie destructeur parce qu’imposé sans cadre négocié pour traiter des finances de nos collectivités territoriales : ces dernières ont vu le montant de leurs dotations diminuer de 27 milliards d’euros au total.

À cela s’ajoutent des réformes engagées de manière précipitée, là encore sans recueillir l’assentiment des partenaires que sont les collectivités locales.

Nos élus, qui exercent une fonction exigeante, se trouvent donc pour beaucoup confrontés à de graves difficultés financières dans les collectivités dont ils ont la responsabilité. Bien sûr, il n’est en aucun cas question d’excuser les abus ; il s’agit simplement d’expliquer que certains élus ont le sentiment d’être les laissés-pour-compte d’une impasse organisationnelle et budgétaire.

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