Intervention de Jacques Bigot

Réunion du 31 janvier 2017 à 14h30
Efficacité de la justice pénale — Question préalable

Photo de Jacques BigotJacques Bigot :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, monsieur Buffet, cette proposition de loi nous interpelle sur la cohérence du travail que nous menons au sein de la commission des lois.

Sur le droit pénal, la lutte contre le terrorisme, nous sommes parvenus, à plusieurs reprises, à trouver un consensus, un accord, dernièrement encore sur la sécurité publique, et à élaborer des textes bien construits grâce aux échanges positifs que nous avons eus.

Par ailleurs, et nous vous avons suivi dans cette voie, monsieur le président de la commission des lois, vous avez souhaité que notre commission crée une mission d’information dite « sur le redressement de la justice », composée d’un membre de chaque groupe, dans laquelle je siège au nom de mon groupe de manière assidue et avec une particulière vigilance.

Nous partageons votre idée selon laquelle, à un moment donné, les démocrates que nous sommes doivent avoir une vision des moyens donnés à la justice, des réformes et des réorganisations nécessaires ainsi que des moyens budgétaires qui s’y rapportent. Manifestement, monsieur le garde des sceaux, vous partagez cet avis puisque vous avez pris les choses en main, depuis un an, notamment dans la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, en faisant en sorte que l’office du juge soit renforcé et que celui-ci ne soit pas chargé de toutes sortes de choses.

Or la présente proposition de loi « tendant à renforcer l’efficacité de la justice pénale » vient, une nouvelle fois, accréditer l’idée que la justice pénale n’est pas bonne, qu’elle n’est pas efficace, qu’elle ne fonctionne pas normalement.

Je vous sais gré, monsieur le rapporteur, d’avoir écrit en introduction de votre rapport : « Statistiquement, la justice pénale n’a jamais été aussi répressive.

« Le taux de réponse pénale est actuellement supérieur à 90 %. Depuis le mois de juillet 2016, plus de 69 000 personnes étaient détenues, soit le maximum jamais atteint. Au cours de la même année, la population carcérale a augmenté de 3, 3 %, soit plus rapidement que la population française.

« Pourtant, la crédibilité de la justice pénale ne cesse de s’éroder dans l’opinion publique. Si de nombreuses peines sont prononcées, leur exécution, qui répond à un régime devenu particulièrement complexe au gré des réformes, est loin d’être toujours immédiate et effective » - nous y avons travaillé dans le cadre de la mission d’information.

Vous ajoutiez : « Une réforme d’ampleur de la justice ne pourra toutefois se faire à moyens constants. »

« Marquant leur confiance envers les magistrats et les personnels de la justice, leur dévouement et leur capacité d’adaptation, poursuiviez-vous, [votre commission et son rapporteur] se sont également attachés à conserver, à tous les stades de la chaîne pénale, une marge d’appréciation au juge ».

Vous êtes dans le droit fil de ce que nous devons faire, monsieur le rapporteur, et il est prévu que notre mission rende un rapport avant la fin du trimestre.

Donc, s’il s’agit de travailler sur l’efficacité de la justice pénale, pourquoi ne pas attendre la publication du rapport sur ce que vous appelez « le redressement de la justice » en y intégrant les propositions portant sur la justice civile, la justice prud’homale, la justice en général et la justice pénale ?

Nous sommes conscients de l’existence de problèmes de chaîne pénale, de fonctionnement du système informatique associé. M. le garde des sceaux déploie d'ailleurs des efforts en ce sens.

S'agissant par exemple de l’exécution des peines, nous avons constaté sur le terrain que certains tribunaux, juste après le prononcé de la condamnation, faisaient entendre la personne par le bureau de l’application des peines. C’est toutefois impossible dans nombre de juridictions, faute de moyens humains.

À voir le taux d’incarcération et l’état des prisons, nous mesurons le budget qu’il faut y consacrer.

C'est la raison pour laquelle, la semaine dernière, en commission des lois, je vous ai proposé de reporter ce débat. Travaillons d’abord sur cette mission. Un certain nombre de mesures peuvent être intégrées à notre rapport. Il serait bon que nous parvenions à trouver un consensus, afin que le futur gouvernement, quel qu’il soit, dont personne ne connaît aujourd'hui la composition, puisse arriver à construire quelque chose.

C’est dans ce contexte que nous examinons la présente proposition de loi, bien que considérablement édulcorée par M. le rapporteur. Vous abordez également des questions de principe.

Contrairement à ce que nous demandent les magistrats, nous sommes en train d’ajouter une nouvelle loi et donc de leur compliquer la vie !

Vous revenez en outre sur la question des peines planchers, comme si celles-ci ou les peines fixes amélioraient le fonctionnement de la justice. Nous aurons l’occasion d’en débattre sur le fond.

Vous évoquez la contrainte pénale, qui n’est pas un sursis avec mise à l’épreuve, mais une peine possible. Il est vrai qu’elle est fort peu prononcée, les juges, les greffiers, l’application des peines et la direction de l’administration pénitentiaire n’ayant absolument pas les moyens de la mettre en œuvre. Cela étant, elle est appliquée par endroits. Il n’est pas nécessaire de la supprimer : c’est une faculté.

C’est précisément parce que nous croyons que cette mission peut aboutir que nous voulions vous proposer de renoncer à l’examen de ce texte.

Monsieur le président, l’auteur de la proposition de loi, M. Buffet, va s’exprimer contre la motion. Il est de tradition de ne pas empêcher l’examen d’une proposition de loi d’un groupe, …

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