La séance est ouverte à quatorze heures trente.
Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 26 janvier 2017 a été publié sur le site internet du Sénat.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
Le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courrier en date du 26 janvier 2017, le texte d’une décision statuant sur la conformité à la Constitution de la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté.
Acte est donné de cette communication.
J’ai reçu de M. le Premier ministre le rapport de mise en œuvre de la stratégie nationale de transition écologique vers un développement durable 2015–2020.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il a été transmis à la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
Le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courrier en date du 27 janvier 2017, une décision relative à une question prioritaire de constitutionnalité portant sur le crédit d’impôt collection (n° 2016–609 QPC).
Acte est donné de cette communication.
Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 30 janvier 2017, qu’en application de l’article 61–1 de la Constitution la Cour de cassation lui a adressé un arrêt de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur les articles 421–2–6 et 421–5 du code pénal (Entreprise terroriste individuelle) (2017–625 QPC).
Le texte de cet arrêt de renvoi est disponible à la direction de la séance.
Acte est donné de cette communication.
Monsieur le président, mon rappel au règlement porte sur les délais de publication des décrets d’application des lois.
Le 7 juillet 2014, nous avons adopté la loi visant à répartir les responsabilités et les charges financières concernant les ouvrages d’art de rétablissement des voies. Cette loi, que je considère comme très importante, régit les rapports entre les communes, l’État et un certain nombre d’organismes pour l’entretien des ouvrages d’art situés au-dessus ou en dessous de routes communales : cela concerne les autoroutes, les canaux, les voies ferrées.
Pour ce qui est des ouvrages d’art anciens, la loi avait prévu qu’un recensement soit effectué afin qu’une solution définitive soit proposée au plus tard en 2018.
Or, depuis le mois de juillet 2014, le décret d’application n’a toujours pas été publié, ce qui signifie que le recensement n’a même pas pu être commencé. C’est invraisemblable ! En effet, si l’on continue ainsi, nous allons arriver au moment où la solution devrait être trouvée, alors que l’on n’aura même pas entamé le recensement des ouvrages d’art concernés.
Ainsi, dans mon département, la commune de Petite-Rosselle fait face à un problème inextricable : alors qu’un ouvrage d’art est en train de s’y effondrer, tout le monde attend l’application de la loi. Ce type de difficulté se pose également dans d’autres départements.
Cette carence du Gouvernement, je le répète, est invraisemblable. En outre, le Gouvernement ne répond pas aux questions écrites qui lui sont posées ! Il faudrait tout de même faire preuve d’un minimum d’intérêt pour cette situation et permettre des avancées. Il est temps de se réveiller !
Monsieur Masson, acte vous est donné de votre rappel au règlement.
Je précise que mardi 21 février, à dix-sept heures quarante-cinq, en salle Clemenceau, aura lieu un débat sur le bilan de l’application des lois, auquel seront conviés tous les sénateurs. Par ailleurs, la conférence des présidents s’est préoccupée des délais de réponse aux questions écrites lors de sa dernière réunion.
L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Les Républicains, de la proposition de loi tendant à renforcer l’efficacité de la justice pénale, présentée par MM. François-Noël Buffet, Bruno Retailleau et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 126, texte de la commission n° 332, rapport n° 331).
Dans la discussion générale, la parole est à M. François-Noël Buffet, auteur de la proposition de loi.
Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le gouvernement de notre pays nous a proposé, il y a deux ans, de bâtir une justice pour le XXIe siècle. La description idyllique de votre prédécesseur, monsieur le ministre, n’a pourtant pas répondu aux besoins pressants de l’institution judiciaire, qui traverse une crise grave.
Ce constat, vous avez bien voulu le partager avec nous lors de votre nomination aux fonctions de ministre de la justice et de garde des sceaux. Force est de le constater, les dégâts causés par ces décisions ont mis notre justice dans de grandes difficultés et, surtout, ont suscité la défiance de nos concitoyens.
Les conséquences sont à ce jour considérables, car les choix de ce gouvernement ont été portés par un dogmatisme à toute épreuve, fondé le seul objectif de désencombrer les prisons, de sortir du « tout-carcéral ».
Pourtant, et je ne suis pas le seul à le constater, la population carcérale ne cesse d’augmenter. Notre système est mis en danger. Les effets d’annonce n’ont pas suffi à rassurer les professionnels de l’institution judiciaire, ni même les Français, qui ne se retrouvent pas dans l’exécution des décisions qui sont prises.
Notre justice est marquée depuis plusieurs décennies par une augmentation des contentieux, tant en matière civile et pénale qu’en matière administrative, et par un encombrement avéré.
Nous le savons, les magistrats assument leur rôle, et nous leur redisons toute notre confiance, mais notre justice n’a plus aujourd’hui les moyens d’accomplir sa mission et, surtout, d’être crédible et respectée par les justiciables.
Ce que les Français ne supportent plus, ce sont bien sûr les lenteurs liées à l’engorgement des tribunaux, mais surtout la non-exécution des peines prononcées en matière pénale.
Il est urgent de mettre fin à cette situation, car nous ne pouvons accepter cette remise en cause.
Vous avez voulu porter l’ambition d’une justice plus proche, plus efficace et plus protectrice pour nos concitoyens. Pourtant, la défiance des Français envers la justice est actuellement grande : 64 % de nos concitoyens jugent en effet qu’elle est peu ou pas satisfaisante.
La seule certitude aujourd’hui, c’est que notre système judiciaire ne passera pas le XXIe siècle si les décisions qui ont été prises jusqu’à maintenant sont maintenues et si nous ne modifions pas fondamentalement les choses. Rien n’est pourtant plus éloigné de la réalité que les projets qui ont été soutenus jusqu’à présent. Le meilleur exemple, le plus symbolique, est celui de la contrainte pénale. Ce que je me permets de qualifier de « Canada Dry de l’alternative à la prison » est né dans la confusion pour survivre dans le trouble. Les magistrats ne la prononcent pas parce qu’ils doutent eux-mêmes de son efficacité.
Alors oui, pour des raisons très pragmatiques, et non pas idéologiques, comme nous l’avons entendu dire lors de la réunion de notre commission, nous souhaitons la supprimer.
Notre objectif rejoint celui des professionnels : rendre à la justice son efficacité. C’est bien tout le sens de la proposition de loi que mes collègues cosignataires et moi-même vous proposons cet après-midi.
La justice doit être simple, c’est-à-dire lisible et comprise par chacun de nos concitoyens. En d’autres termes, chacun doit pouvoir connaître les limites de notre droit, les termes de nos devoirs et les sanctions s’y rattachant.
La justice doit bien sûr être indépendante, ce qui impose une impartialité des juges afin de rétablir la confiance avec les justiciables.
La justice doit être efficace pour redonner du sens à la peine, ce qui impose notamment de lui redonner des moyens à hauteur de ses besoins.
Rendre son efficacité à la justice permettra de rendre une justice plus protectrice de nos concitoyens afin que soient assurées, en tout lieu du territoire, la sûreté des biens et des personnes, mais aussi la protection des droits et des libertés.
Nous proposons donc de systématiser et d’accélérer la mise en œuvre de la sanction afin de redonner leur valeur d’exemplarité aux décisions de justice et du sens à la peine.
La loi pénale doit avoir une vocation sociale dissuasive. C’est pourquoi nous proposons de réinstaurer les peines planchers. Ne criez pas au loup trop rapidement, chers collègues : nous les avons modernisées et adaptées au XXIe siècle ! Elles ne pourront concerner que les crimes et délits passibles de plus de cinq ans d’emprisonnement. Les peines minimales sont un dispositif garantissant une plus grande sévérité à l’égard des récidivistes. Si ces peines ne permettaient pas l’individualisation des peines, comme nous l’avons trop souvent entendu dire, le Conseil constitutionnel l’aurait censuré dès 2007 !
La protection des droits, à laquelle le Sénat est constamment attaché, est fondamentale dans un contexte où le pouvoir régalien de l’État déploie toute sa mesure, mais elle doit être fondée sur des rapports de réciprocité. Or ces rapports sont aujourd’hui asymétriques. C’est pourquoi il est nécessaire de nous interroger sur la part de chacun dans l’exécution de la peine et la prévention de la récidive.
L’automaticité des réductions de peines, à échéance fixe, rompt l’effectivité des décisions de justice. Cette rupture est tragique pour les victimes, on le comprend aisément, mais elle est fatale aussi pour les délinquants. Les taux de récidive, que le ministère de la justice a grand mal à nous communiquer, sont sans équivoque. Comment un délinquant, entré souvent très jeune dans la spirale infernale, peut-il comprendre que son acte est grave si la peine qu’il purge est réalisée selon des modalités définies par le temps ?
Or le fondement actuel des réductions de peines est bien celui du temps, un droit octroyé par provision. Nous vous proposons d’inverser cette logique, de revisiter l’accès au bénéfice de la réduction de peine, en posant le principe qu’elle est non pas un droit acquis, mais une faveur octroyée en considération des gages donnés par le condamné de sa volonté de réinsertion. Nous sommes convaincus que c’est notamment par ce nouveau contrat social que nous inverserons la spirale de la récidive.
Ce changement de paradigme sera accompagné de la mise en place d’un tribunal de l’application des peines qui, collégialement, adaptera les décisions en fonction des risques potentiels liés à la libération anticipée d’un individu et qui permettra d’avoir un regard différencié sur la personnalité du délinquant mis en cause.
Nous ne devons pas oublier que, derrière chaque dossier judiciaire, il y a une femme ou un homme gangrené par une délinquance toujours plus subversive et dont la solitude est parfois pénible à porter.
C’est pourquoi, sans remettre en cause la nécessité d’étendre le parc pénitentiaire, il nous est apparu intéressant de proposer la création de centres de rétention pénitentiaire à sécurité adaptée, à raison de la peine ou du profil de la personne concernée, dans l’unique objectif de lutter contre la récidive.
Mes chers collègues, nous ne vous présentons pas une législation de plus alors que les professionnels et les justiciables étouffent sous l’accumulation grandissante des normes. Nous vous proposons un texte attaché à l’indépendance des magistrats et à l’individualisation des peines. Dans toutes nos propositions, le juge est au cœur de la décision. Ce texte permettra de restaurer la lisibilité et la crédibilité de la justice pénale. Il répondra à l’exigence d’efficacité de tous les maillons de la chaîne, conformément aux vœux de nos concitoyens.
Merci au rapporteur, François Pillet, et au président de la commission des lois, Philippe Bas, du travail tout particulier qu’ils ont effectué sur ce texte que nous avons eu l’honneur de proposer.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui a pour objectif, comme l’indique son intitulé, de renforcer l’efficacité de la justice pénale. Cette proposition de loi trouve sa source dans une constatation qu’il serait irresponsable de négliger : la crédibilité de la justice pénale ne cesse de s’éroder dans l’opinion publique.
Or on ne peut pas prétendre revaloriser la justice sans se préoccuper de la valorisation de son image. On ne peut pas vouloir conforter l’autorité judiciaire sans préserver l’adhésion à ses décisions. Pour autant, on ne doit pas lui enjoindre de n’être que l’expression de la vox populi au premier motif que son indépendance est protectrice de l’État de droit.
La justice, dont l’indépendance doit être garantie, est, proclame-t-on, rendue au nom du peuple français. Nos concitoyens exigent légitimement d’être écoutés. Cependant, ils ne sont pas sourds à l’énonciation des faits, pourvu que ceux-ci soient vérifiés, et ils ne répugnent pas à adhérer aux règles fondamentales de notre droit, pourvu qu’elles soient justifiées et expliquées.
Or, précisément, sans bouleverser ou affaiblir les grands principes de notre droit pénal, il est possible de satisfaire les attentes de nos concitoyens en préservant l’autorité judiciaire de toute atteinte à son pouvoir de juger.
Pour peu que le législateur soit objectivement éclairé et résolument pédagogue, cette tâche est pour lui moins complexe qu’il n’y paraît.
De l’avis de la majorité des membres de la commission des lois, François-Noël Buffet, Bruno Retailleau et les cosignataires de la proposition de loi ont à juste titre et opportunément suscité une réflexion sur plusieurs progrès législatifs tendant à renforcer l’efficacité de la justice pénale. L’ensemble des auditions, plus constructives que critiques, les contributions citoyennes recueillies sur l’espace participatif que j’ai ouvert sur ces questions l’attestent également.
Une constatation fondamentale, figurant dans l’exposé des motifs, justifie la présentation de leurs propositions : « L’effet dissuasif de la peine joue bien plus à travers sa certitude que sa sévérité. » Cette affirmation, en trouvant un écho réel dans nos travaux au travers de modifications législatives précises, permettra de répondre aux incompréhensions de celles et ceux qui, admettons-le, n’acceptent pas ce qu’ils ressentent, sur un plan général, comme l’expression affaiblie de la justice et, dans leur vie quotidienne, comme une négation de leur droit à la sécurité.
À travers plusieurs dispositions pour renforcer la certitude de la peine, la proposition de loi tend à améliorer la procédure pénale tant dans sa phase présentencielle que dans la phase de jugement.
Cette proposition de loi vise ainsi, pour faciliter la répression des infractions, à mieux encadrer la mise en œuvre des mesures alternatives aux poursuites, à renforcer les prérogatives du parquet dans la conduite des enquêtes et pour les placements en détention provisoire, à consacrer de nouvelles garanties dans la phase de jugement.
Elle conforte aussi la réponse pénale et son exécution par la menace d’une sévérité renforcée, par la certitude de l’effectivité de la sanction au travers d’un meilleur encadrement du régime d’application et d’exécution des peines.
Enfin, la proposition de loi contient des mesures aménageant la législation contre le terrorisme et les atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation et renforçant la protection des mineurs victimes d’infractions.
La commission des lois a approuvé les orientations du texte, estimant que nombre de ses dispositions étaient utiles. Elle s’est donc attachée à l’examen de leur constitutionnalité, de leur conventionnalité et de leur cohérente et efficace intégration dans notre État de droit.
Elle a ainsi été conduite à retenir des améliorations, certaines purement rédactionnelles, pour qu’il ne soit pas, même indirectement, porté atteinte au champ d’application du principe d’opportunité des poursuites ou à l’effectivité du principe d’individualisation des peines.
Je tiens surtout à attirer votre attention sur le résultat fondamental des orientations et de la voie choisies pour assurer un solide équilibre : la commission des lois a retenu le constat sociologique des auteurs de la proposition et l’objectif des mesures qu’elle contient en préservant l’absolu pouvoir du juge.
Certes, le juge devra plus encore que précédemment motiver ses décisions, mais c’est précisément ainsi qu’il légitime et renforce la justice qu’il rend au nom du peuple.
Nous ne pouvons pas négliger ce que nous entendons sans cesse dans tous les territoires, dans toutes les couches de la société quels que soient les âges, dans toutes les catégories socioprofessionnelles.
Prenons l’instauration des peines planchers. Tous les propos excessifs peuvent, je vous l’assure, être écartés.
Notre concitoyen peut demander que celui qui a été condamné plusieurs fois, qui a bénéficié de mesures alternatives aux poursuites, de sursis successifs, d’accompagnements, de libérations anticipées, qui a été averti, voie sa prochaine peine affectée d’un minimum. Il est même parfaitement légitime à le souhaiter quand, s’adressant à nous, il admet : « Législateurs, vous m’avez enseigné le principe de la nécessaire individualisation des peines et maintenant j’y adhère ; je comprends pourquoi la peine plancher que je réclamais ne peut en aucun cas être automatique ; je conçois, monsieur le juge, que vous ayez écarté son application, mais dites-moi pourquoi ! »
Pour ce qui nous concerne, une double tâche nous incombe : dire les faits et faire œuvre de pédagogie, éclairer et guider.
Les faits, c’est montrer que les magistrats ne sont pas laxistes. Le taux de réponse pénale est actuellement supérieur à 90 %.
Les peines prononcées sont en moyenne plus lourdes. Alors que le nombre d’affaires susceptibles de poursuites est en diminution, on constate une aggravation des peines prononcées qui se traduit par un recours plus important, tant en proportion qu’en valeur absolue, à la peine d’emprisonnement. Entre 2011 et 2015, le nombre de peines d’emprisonnement ferme a augmenté de 10 %.
Au mois de juillet 2016, plus de 69 000 personnes étaient détenues, soit le maximum jamais atteint. Au cours de cette même année, la population carcérale a progressé de 3, 3 %, soit plus que l’augmentation de la population française ou la hausse de la délinquance.
Les faits, c’est aussi prendre en compte les propos de la grande majorité des magistrats entendus qui disent ne pas appliquer la contrainte pénale parce qu’ils peuvent utiliser la mesure proche et plus éprouvée du sursis avec mise à l’épreuve.
La pédagogie, c’est expliquer que toute remise en liberté sans condition, ni surveillance ou accompagnement ne participe pas à la réinsertion mais augmente le risque de récidive.
La pédagogie, c’est convaincre que, dans le traitement de la délinquance, la répression est nécessaire, mais pas toujours suffisante.
Enfin, revenant aux réflexions directement inspirées par la proposition de loi de François-Noël Buffet, de Bruno Retailleau et des autres cosignataires, reconnaissons, mes chers collègues, que ce texte a l’immense mérite de nous inviter, sans les clore, à deux débats futurs incontournables pour répondre aux incompréhensions et aux attentes de nos concitoyens : d’une part, la suppression définitive de toutes les mesures de remises automatiques de peine au profit d’un régime unique de liberté conditionnelle, dont les modalités de mise en œuvre seraient définies par la loi ; d’autre part, l’élargissement de la pratique du mandat de dépôt lors du prononcé du jugement.
Lors de son audition, un président de cour d’assises m’a rappelé qu’il devait avouer aux jurés d’assises, en réponse à une question qu’ils lui posent systématiquement, qu’une durée de détention d’un peu plus de sept ans pouvait se substituer à la peine de vingt ans initialement prononcée. Il faudra bien trouver une autre réponse à cette situation !
De même, il faudra organiser un autre épilogue aux audiences à l’issue desquelles l’auteur condamné à une peine privative de liberté quitte libre l’enceinte judiciaire aux côtés de la victime. Un journal du soir, et plus précisément d’hier soir, fournit quelques exemples. On pourrait en citer de bien plus humainement inacceptables.
Quelles que soient nos convictions sur ces sujets complexes, il est sociologiquement irresponsable de les traiter avec complaisance ou condescendance !
Mais, pourquoi le nier ? tout ce qu’il reste à faire, toutes les mesures que nous prendrons auront pour effet, nonobstant le pouvoir d’appréciation réservé et ultime des juges, de nécessiter des investissements importants en matière d’établissements pénitentiaires et l’octroi de moyens supplémentaires.
Cela étant dit, il ne s’agit pas d’une nécessité récente attribuable a fortiori à cette proposition. Rappelons-nous le plan mis en place en ce domaine par notre collègue Michel Mercier lorsqu’il était ministre de la justice, qui fut quasiment immédiatement abandonné par son successeur.
La proposition de loi qui vous est soumise, telle qu’elle résulte des travaux de la commission des lois, permettra de ne pas perdre de temps sur un sujet sociologiquement préoccupant. Pour autant, une ambitieuse loi de programmation et plusieurs lois de finances courageuses et successives demeurent nécessaires.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, dans Les M ains sales, Jean-Paul Sartre fait dire à l’un de ses protagonistes que « tous les moyens sont bons, quand ils sont efficaces ».
La notion d’efficacité constitue le cœur du texte qui nous réunit aujourd’hui. La définition de cette notion et son critère vont articuler l’essentiel de nos échanges.
L’efficacité, est-ce l’utilité ? Est-ce la rapidité ? Est-ce la simplicité ? Est-ce la cohérence ?
Cet exercice de définition n’a rien d’oiseux, bien au contraire. Lorsque l’on choisit des mots, il faut le faire en connaissance de cause, et c’est tout l’enjeu de notre débat.
La proposition de loi qui est soumise à notre discussion contient plusieurs mesures, dont l’objectif explicite serait d’améliorer l’efficacité de notre justice pénale.
Le texte prévoit ainsi de rétablir des peines minimales pour les crimes et les délits punis d’une peine d’emprisonnement supérieure à cinq ans ; de restreindre le quantum des peines aménageables ab initio ; de renforcer les règles de révocation des sursis ; de restreindre le champ d’application de la confusion de peines ; de supprimer la contrainte pénale et la libération sous contrainte. Toutes ces mesures, quand on les analyse les unes après les autres, ont pour point commun de chercher à durcir la répression.
Est-ce efficace ? Je ne le crois pas. Par exemple, une part notable des dispositions initiales de la proposition de loi avaient surtout pour conséquence essentielle de rigidifier, voire d’alourdir le fonctionnement de la justice pénale. Je me félicite donc du fait que la commission des lois du Sénat, sur proposition de son rapporteur, ait supprimé purement et simplement quatre articles du texte initial.
Je relève aussi avec intérêt qu’elle a décidé d’en réécrire plusieurs autres, intégralement.
L’article 1er, qui a été supprimé, visait à encadrer l’exécution des mesures alternatives aux poursuites. S’il avait été adopté, cet article aurait eu des effets contre-productifs et aurait réduit le taux d’exécution de ces mesures.
Une mesure initialement proposée à l’article 4 a également été supprimée. Elle prévoyait de confier au procureur de la République la possibilité d’ordonner seul des mesures restrictives de liberté à l’issue d’une garde à vue, tel qu’un contrôle judiciaire, sans contrôle d’un juge. Une telle mesure soulevait évidemment une difficulté d’ordre constitutionnel liée à l’absence de révision du statut du parquet, une révision qui, soit dit en passant, a été proposée par le Gouvernement, mais que le Sénat a refusée.
Enfin, à l’article 25, la disposition visant à transformer en crime toutes les infractions d’association de malfaiteurs, qui peuvent aujourd’hui constituer des délits punis de dix ans d’emprisonnement, a aussi été supprimée. Cette disposition aurait immédiatement entraîné un blocage de la cour d’assises spéciale antiterroristes, sans compter qu’elle aurait rendu impossible la sanction des auteurs de ces infractions dans un délai raisonnable.
Monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, même ainsi utilement modifié, ce que ce texte prévoit n’est pas efficace aux yeux du Gouvernement : ni efficace au sens d’« utile », ni efficace au sens de « plus rapide », ni efficace au sens de « plus simple », ni efficace au sens de « plus cohérent ».
Non seulement ce texte n’apporterait pas d’efficacité mais, de surcroît, j’en suis convaincu, il nuirait à l’efficacité de la justice pénale.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement ne peut soutenir cette proposition de loi.
Ce n’est pas l’idée, ce n’est pas la conception que nous nous faisons de l’efficacité. Ce n’est pas l’idée que nous nous faisons de la justice pénale.
Revenons à l’étymologie du terme « efficacité ». Émile Littré nous renseigne à merveille : l’efficacité vient du latin efficacitas, qui signifie « force », « vertu ».
Donner plus de force à la justice pénale ? Mais nous l’avons fait ! Nous ne cessons de le faire depuis 2012 !
De ce point de vue, nous sommes unanimes : l’efficacité de la justice, qu’elle soit pénale ou civile, réside avant tout dans ses moyens. Vous l’avez dit, monsieur le rapporteur, nous plaidons tous ici pour que les futurs budgets soient à la hauteur des demandes que nous ne cessons de voir augmenter. Il faut des moyens budgétaires et des moyens humains, faute de quoi les droits que vous votez seront des « droits de papiers ».
Je l’ai dit et je ne cesse de le répéter : le ministère de la justice souffre d’une vraie difficulté, à savoir son budget. Vous le connaissez, vous l’avez discuté et vous avez noté que des avancées objectives ont été obtenues.
En 2016, le dégel anticipé de 107 millions d'euros au profit des juridictions a permis d’éviter des ruptures de paiement.
En 2017, l’ouverture de 40 millions d'euros par décret d’avance va permettre d’augmenter massivement les dépenses consacrées aux juridictions.
Tout cela a un effet directement mesurable. Vous avez probablement participé aux audiences de rentrée dans les TGI et dans les cours d’appel, et vous avez entendu ce qui a été modifié dans l’année. Je citerai simplement deux cas précis. Les arriérés de paiement de la cour d’appel de Rennes étaient de 5 millions d’euros début 2016 ; ils sont aujourd’hui de 800 000 euros. À la cour d’appel de Colmar, ceux-ci étaient de 2, 9 millions d’euros au début de l’année 2016 ; ils sont désormais de 430 000 euros.
Sur l’ensemble du territoire, le délai de paiement des frais de justice est passé, en un an, de quatre mois à un mois.
C’est cela, mesdames, messieurs les sénateurs, l’efficacité de la justice !
Pour 2017, l’effort sera soutenu, avec un budget de 7 milliards d’euros, en augmentation de 4, 2 %. Cela aussi contribuera à l’amélioration de l’efficacité.
Après avoir redressé la situation des frais de justice, j’entends m’atteler aux dépenses de fonctionnement et d’investissement. À cette fin, le budget de 2017 augmente de 10 % les crédits de fonctionnement des services judiciaires et de 28 % les crédits immobiliers.
Enfin, pour que ces majorations de crédits puissent rapidement être perçues par les juridictions, le Premier ministre a accepté de lever totalement le gel concernant ces dépenses. Cela correspond à un montant de 40, 5 millions d'euros, soit 28, 5 millions d'euros de fonctionnement et 12 millions d'euros d’immobilier.
S’agissant des recrutements, j’ai déjà eu l’occasion de le dire au Sénat, mais je veux le répéter, depuis le mois de mai 2012, nous avons créé un poste de magistrat par jour ouvrable, c'est-à-dire 1 354 postes de plus au cours de cette législature. L’École nationale des greffes de Dijon a formé 5 512 nouveaux fonctionnaires des greffes, contre 3 880 entre 2007 et 2012. À l’École nationale d’administration pénitentiaire d’Agen, quelque 5 400 élèves surveillants ont été formés en cinq ans. À Roubaix, l’École nationale de protection judiciaire de la jeunesse a accueilli 911 éducateurs supplémentaires.
Voilà ce qui, concrètement, contribuera à améliorer l’efficacité de la justice !
Corrélativement à l’augmentation des moyens, il faut recentrer les magistrats et les enquêteurs sur leur cœur de métier.
Il faut aussi améliorer la gestion des contentieux de masse pour lesquels leur intervention apporte parfois une faible plus-value.
Il faut encore simplifier la procédure, qui est parfois devenue inutilement formaliste, tout en renforçant les garanties accordées aux justiciables.
Tout cela, nous avons commencé à le faire dans la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, dite « J21 », par exemple avec la forfaitisation de certains délits routiers, dont la constatation ne donnait lieu qu’à très peu de contestation et dont la sanction répondait très largement à des barèmes préétablis. Cela encore améliorera l’efficacité de la justice.
C’est également ce que nous avons fait avec le plan de simplification de la procédure pénale, qui s’est traduit par des modifications législatives dans la loi du 3 juin 2016, dans des adaptations réglementaires dans le décret de simplification du 7 septembre 2016, et par deux circulaires de simplification des 23 décembre 2015 et 8 septembre 2016.
Ces mesures de simplifications concernent ainsi la possibilité de transmettre des procès-verbaux sous forme électronique ; la simplification de l’exploitation des supports informatiques saisis au cours de l’enquête, dont la copie peut désormais être faite sans la présence d’un OPJ ; l’extension des possibilités de comparution forcée, en cas de risque de modification des preuves ou des indices, de pressions sur les témoins ou les victimes et de concertation entre les coauteurs ou les complices de l’infraction.
Nous avons simplifié également par l’extension du recours à la visioconférence pour la présentation au juge, afin d’éviter les contraintes liées au transport de la personne interpellée.
Nous avons simplifié encore par la création de plateformes de soutien logistique de gestion de la garde à vue, permettant de rationaliser la mise en œuvre des droits de la personne placée en garde à vue – recherche d’un médecin, contact avec l’avocat choisi, recherche d’un interprète.
Nous avons simplifié en modifiant le principe « un acte-un PV », en permettant aux enquêteurs de regrouper plusieurs actes de procédure en un seul procès-verbal.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, ce qui a déjà été fait et qui contribuera nécessairement à améliorer l’efficacité de la justice.
Nous avons apporté une certaine souplesse dans les procédures, tout en préservant les garanties fondamentales des uns et des autres.
Si l’efficacité signifie étymologiquement « force », « vertu », comme je l’évoquais il y a quelques instants, alors, oui, nous avons donné plus de force et plus de vertu à la justice pénale et à la justice civile. C’est cela, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous appelons « l’efficacité » !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Jacques Mézard applaudit également.
Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.
Je suis saisi, par MM. Bigot, Anziani, Sueur, Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain, d'une motion n° 1.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi tendant à renforcer l’efficacité de la justice pénale (n° 332, 2016–2017).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour dix minutes, un orateur d’opinion contraire, pour dix minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas deux minutes et demie, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Jacques Bigot, pour la motion.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, monsieur Buffet, cette proposition de loi nous interpelle sur la cohérence du travail que nous menons au sein de la commission des lois.
Sur le droit pénal, la lutte contre le terrorisme, nous sommes parvenus, à plusieurs reprises, à trouver un consensus, un accord, dernièrement encore sur la sécurité publique, et à élaborer des textes bien construits grâce aux échanges positifs que nous avons eus.
Par ailleurs, et nous vous avons suivi dans cette voie, monsieur le président de la commission des lois, vous avez souhaité que notre commission crée une mission d’information dite « sur le redressement de la justice », composée d’un membre de chaque groupe, dans laquelle je siège au nom de mon groupe de manière assidue et avec une particulière vigilance.
Nous partageons votre idée selon laquelle, à un moment donné, les démocrates que nous sommes doivent avoir une vision des moyens donnés à la justice, des réformes et des réorganisations nécessaires ainsi que des moyens budgétaires qui s’y rapportent. Manifestement, monsieur le garde des sceaux, vous partagez cet avis puisque vous avez pris les choses en main, depuis un an, notamment dans la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, en faisant en sorte que l’office du juge soit renforcé et que celui-ci ne soit pas chargé de toutes sortes de choses.
Or la présente proposition de loi « tendant à renforcer l’efficacité de la justice pénale » vient, une nouvelle fois, accréditer l’idée que la justice pénale n’est pas bonne, qu’elle n’est pas efficace, qu’elle ne fonctionne pas normalement.
Je vous sais gré, monsieur le rapporteur, d’avoir écrit en introduction de votre rapport : « Statistiquement, la justice pénale n’a jamais été aussi répressive.
« Le taux de réponse pénale est actuellement supérieur à 90 %. Depuis le mois de juillet 2016, plus de 69 000 personnes étaient détenues, soit le maximum jamais atteint. Au cours de la même année, la population carcérale a augmenté de 3, 3 %, soit plus rapidement que la population française.
« Pourtant, la crédibilité de la justice pénale ne cesse de s’éroder dans l’opinion publique. Si de nombreuses peines sont prononcées, leur exécution, qui répond à un régime devenu particulièrement complexe au gré des réformes, est loin d’être toujours immédiate et effective » - nous y avons travaillé dans le cadre de la mission d’information.
Vous ajoutiez : « Une réforme d’ampleur de la justice ne pourra toutefois se faire à moyens constants. »
« Marquant leur confiance envers les magistrats et les personnels de la justice, leur dévouement et leur capacité d’adaptation, poursuiviez-vous, [votre commission et son rapporteur] se sont également attachés à conserver, à tous les stades de la chaîne pénale, une marge d’appréciation au juge ».
Vous êtes dans le droit fil de ce que nous devons faire, monsieur le rapporteur, et il est prévu que notre mission rende un rapport avant la fin du trimestre.
Donc, s’il s’agit de travailler sur l’efficacité de la justice pénale, pourquoi ne pas attendre la publication du rapport sur ce que vous appelez « le redressement de la justice » en y intégrant les propositions portant sur la justice civile, la justice prud’homale, la justice en général et la justice pénale ?
Nous sommes conscients de l’existence de problèmes de chaîne pénale, de fonctionnement du système informatique associé. M. le garde des sceaux déploie d'ailleurs des efforts en ce sens.
S'agissant par exemple de l’exécution des peines, nous avons constaté sur le terrain que certains tribunaux, juste après le prononcé de la condamnation, faisaient entendre la personne par le bureau de l’application des peines. C’est toutefois impossible dans nombre de juridictions, faute de moyens humains.
À voir le taux d’incarcération et l’état des prisons, nous mesurons le budget qu’il faut y consacrer.
C'est la raison pour laquelle, la semaine dernière, en commission des lois, je vous ai proposé de reporter ce débat. Travaillons d’abord sur cette mission. Un certain nombre de mesures peuvent être intégrées à notre rapport. Il serait bon que nous parvenions à trouver un consensus, afin que le futur gouvernement, quel qu’il soit, dont personne ne connaît aujourd'hui la composition, puisse arriver à construire quelque chose.
C’est dans ce contexte que nous examinons la présente proposition de loi, bien que considérablement édulcorée par M. le rapporteur. Vous abordez également des questions de principe.
Contrairement à ce que nous demandent les magistrats, nous sommes en train d’ajouter une nouvelle loi et donc de leur compliquer la vie !
Vous revenez en outre sur la question des peines planchers, comme si celles-ci ou les peines fixes amélioraient le fonctionnement de la justice. Nous aurons l’occasion d’en débattre sur le fond.
Vous évoquez la contrainte pénale, qui n’est pas un sursis avec mise à l’épreuve, mais une peine possible. Il est vrai qu’elle est fort peu prononcée, les juges, les greffiers, l’application des peines et la direction de l’administration pénitentiaire n’ayant absolument pas les moyens de la mettre en œuvre. Cela étant, elle est appliquée par endroits. Il n’est pas nécessaire de la supprimer : c’est une faculté.
C’est précisément parce que nous croyons que cette mission peut aboutir que nous voulions vous proposer de renoncer à l’examen de ce texte.
Monsieur le président, l’auteur de la proposition de loi, M. Buffet, va s’exprimer contre la motion. Il est de tradition de ne pas empêcher l’examen d’une proposition de loi d’un groupe, …
Dans ces conditions, monsieur le président de la commission des lois, votre mission sur le redressement de la justice aura-t-elle quelque efficacité ? J’en doute ! Fallait-il accomplir tout ce travail, que vous avez orchestré de manière remarquable, je dois le dire, et dans lequel j’essaie de vous accompagner ? J’en doute !
Quoi qu’il en soit, puisque vous tenez absolument à ce que cette proposition de loi soit discutée, je ne soumettrai pas ma question préalable à vos suffrages, respectant la tradition républicaine de cette assemblée, …
… mais la suggestion était forte.
D’une certaine manière, monsieur le garde des sceaux, si le groupe Les Républicains souhaite maintenir l’examen de cette proposition de loi, sans doute avec l’accord du président de la commission des lois, c’est pour que nous abordions aujourd'hui la question des moyens affectés à la justice pour qu’elle soit plus efficace. Ce sera finalement un rapport complémentaire pour notre mission.
Sourires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Jacques Mézard applaudit également.
La motion n° 1 est retirée.
La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je veux remercier M. Jacques Bigot et le groupe socialiste d’être venus à plus de raison
M. Jean-Pierre Sueur s’exclame.
Je veux aussi remercier M. Jacques Bigot de l’intérêt qu’il porte, par sa participation très active, aux travaux de la mission d’information que nous avons mise en place sur le redressement de la justice, qui en a, il est vrai, bien besoin.
En revanche, je ne partage pas du tout son point de vue sur les difficultés que pourrait présenter l’adoption de ce texte pour le bon déroulement de cette mission. Ce texte comporte en effet trois mesures essentielles.
La première consiste à supprimer la contrainte pénale. La contrainte pénale a été introduite dans notre droit sans aucune étude d’impact et elle s’est heurtée non seulement à des questions de principe sur lesquelles nous reviendrons, mais à l’absence totale de moyens pour sa mise en œuvre. Il était pourtant indispensable, si on raisonne en termes de bon fonctionnement de la justice, d’assortir toute mesure nouvelle en matière pénale de moyens. En supprimant la contrainte pénale, nous libérerons les magistrats et les services d’insertion et de probation d’une charge potentielle qui n’avait jamais été évaluée.
La deuxième mesure, c’est le rétablissement des peines planchers, supprimées en 2014, qui n’impliquent pas la mobilisation de moyens supplémentaires pour la justice, mais dont le bilan a montré l’efficacité. C’est un signal fort envoyé aux magistrats d’une attente de sévérité. Ils ne nous ont d'ailleurs pas attendus pour ce faire, les peines d’emprisonnement fermes ne cessant d’augmenter depuis quelques années, tandis que la contrainte pénale n’a jamais été appliquée.
La troisième mesure très importante de ce texte, c’est la suppression des remises de peines automatiques et de l’examen automatique, à un moment de l’application de la peine, de la situation du condamné. Cette charge pour les magistrats de l’application des peines sera donc supprimée.
Aussi, vous le voyez bien, loin de porter préjudice à la réflexion sur le redressement de la justice, ce texte, s’il est examiné non pas du point de vue de l’efficacité de la répression pénale, mais du point de vue des moyens de la justice, allège la charge pesant sur la justice, ce qui va tout à fait, vous en conviendrez, dans le sens de nos travaux.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Jean-Claude Luche et Olivier Cigolotti applaudissent également.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Esther Benbassa.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, selon les auteurs de la proposition de loi tendant à renforcer l’efficacité de la justice pénale que nous examinons aujourd’hui, « la crédibilité de la justice pénale est fortement érodée dans l’esprit de nos concitoyens. Sa lenteur et son laxisme sont décriés. » Face à ce constat sans appel et puisque, je cite à nouveau, « l’heure n’est plus à débattre du bien-fondé de ces critiques récurrentes, il y a urgence à offrir des gages d’aggiornamento du fonctionnement de notre appareil répressif, à chacun des maillons de la chaîne pénale. »
Concrètement, la grande majorité des dispositions soumises à notre Haute Assemblée dans cette proposition de loi tend à supprimer les dispositions introduites par la loi n° 2014–896 du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales.
La droite sénatoriale avait combattu ce texte, déposé des centaines d’amendements et crié au laxisme de Christiane Taubira, qui le portait.
Mme Esther Benbassa. Vous faites donc preuve de cohérence, mes chers collègues, et peut-être aussi d’anticipation… Porté notamment par M. Bruno Retailleau, coordinateur de campagne du candidat de la droite
Exclamations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.
… ce texte donne, je le crois, une idée assez précise de ce que défend le candidat François Fillon en matière de justice pénale.
Après plusieurs mois de primaires, de débats internes aux familles politiques, ce texte vient nous rappeler les fondamentaux de la droite en matière de politique pénale : tout-répressif, tout-carcéral, défiance envers les magistrats et éternel procès des socialistes accusés de laxisme, voire d’irresponsabilité.
Puis-je vous rappeler, mes chers collègues, que la conférence de consensus ayant précédé l’élaboration de la réforme pénale, que vous souhaitez aujourd’hui mettre en pièces, avait montré une chose capitale : l’échec patent de la politique pénale menée pendant dix ans ?
En matière de récidive notamment, avec les peines planchers, que vous voulez rétablir aujourd’hui, et qui étaient supposées dissuader les récidivistes potentiels. Il s’est avéré que le taux de récidive avait été multiplié par plus de deux, passant de 6, 4 % en 2002 à 14, 7 % en 2011.
Quant au prétendu laxisme de l’autorité judiciaire, laissez-moi vous donner quelques chiffres : le nombre de peines fermes ou partiellement fermes prononcées par les tribunaux correctionnels a crû de 10 % entre 2004 et 2015. Le quantum ferme moyen a, quant à lui, augmenté d’un mois et demi entre 2012 et 2015 – 8, 4 mois aujourd’hui – alors qu’il avait baissé de 1, 2 mois entre 2004 et 2012 – 8, 1 mois contre 6, 9 mois.
Même si c’est peu surprenant, il est toujours regrettable de constater qu’à mesure que les échéances électorales approchent les outrances et les propos démagogiques se multiplient.
Mme Esther Benbassa. Bien sûr, le groupe écologiste ne votera pas ce texte inique
M. François Grosdidier s’exclame.
La justice de notre pays est en difficulté, en grande souffrance parfois, et ce dont elle pâtit en premier, c’est du manque de moyens chronique. Aucune mention n’est faite dans votre proposition de loi sur les moyens que vous comptez allouer à cette réforme, d’un programme pénitentiaire qui devrait être d’une ampleur inégalée pour remédier à l’état de déliquescence dans lequel il se trouve.
Soyons pour une fois honnêtes, mes chers collègues, les lois peuvent être toujours plus répressives, si les magistrats n’ont pas les moyens de les appliquer, votre volonté d’éradiquer la délinquance restera un vœu pieux et s’arrêtera à l’affichage que vous souhaitez en cette période électorale, où il faut plutôt montrer ses muscles que réformer vraiment la justice.
MM. Jean-Louis Carrère et Jacques Mézard ainsi que Mmes Cécile Cukierman et Évelyne Rivollier applaudissent.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, j’ai lu, j’ai entendu que ce texte a été préparé dans la perspective de l’alternance. Si tel est bien le cas, le signe envoyé est inquiétant : plus qu’un travail qui prépare l’avenir, vous nous proposez un retour vers le passé.
Le texte initial, avant que notre excellent rapporteur ne l’ait profondément modifié, était, je suis obligé d’employer cette expression, un texte de réaction, un texte, au sens propre, de restauration.
Il était fondé, d’abord, sur un mauvais procès, rappelé à l’instant par Mme Benbassa : condamner une gauche qui aurait été laxiste pendant ce quinquennat.
Or tous les chiffres publiés dans le rapport démontrent le contraire. Notre rapporteur a l’honnêteté de le reconnaître. L’Union syndicale des magistrats l’a également souligné. Jamais, la justice pénale n’aura été aussi répressive. Au 1er juillet 2016, 69 375 personnes étaient incarcérées. C’est un record. Entre le 1er janvier 2006 et le 1er juillet 2016, le nombre total de personnes détenues a augmenté de 19 %.
Personnellement, je ne me vante pas de ces chiffres, mais ils constituent la réalité : lorsque la gauche est au pouvoir, l’emprisonnement ne baisse pas ; il augmente, et ce en dépit d’une politique pénale qui a multiplié les peines alternatives.
Faut-il alors, par dogme, renouer avec le fil rouge des années Sarkozy ? Répondre systématiquement à l’émotion causée par une nouvelle loi toujours plus répressive que la précédente, toujours plus favorable à l’incarcération, toujours plus aveugle sur les causes de la récidive et le travail de réinsertion du détenu ? Votre programme est un long pensum de redites : des peines planchers, une réduction du quantum des peines aménageables, un abaissement des seuils d’aménagement des peines, le refus de considérer la surveillance électronique comme une peine privative de liberté… La liste n’est pas exhaustive, j’y reviendrai.
Pour permettre cette restauration, il vous fallait bien réidentifier un obstacle, l’obstacle qui vous empêche de transformer un discours à la population en un mandat de dépôt. Cet obstacle, vous l’avez maintes fois dénoncé, Nicolas Sarkozy le premier : c’est bien entendu le juge. Il faut donc écarter celui-ci en plaçant au-dessus de lui des peines automatiques, en l’enfermant dans un champ d’amendes forfaitaires, en l’obligeant à révoquer le sursis simple ou bien en le contournant par le référé-détention.
Voilà où nous conduisait cette proposition de loi. Heureusement, notre collègue François Pillet est arrivé et il a rétabli du bon sens. Il l’a fait à sa manière, avec beaucoup de finesse, en rappelant ici quelques principes fondamentaux qui avaient été largement oubliés et en soulignant là qu’une réforme nécessite des moyens, au moment même où on annonce la suppression de nombreux postes de fonctionnaires. Vous avez, cher François Pillet, procédé avec beaucoup de finesse sur la forme, tout en faisant preuve d’une rigueur de procureur sur le fond, un procureur extrêmement sévère refusant tout sursis à des dispositions, il est vrai, irréalistes ou dangereuses.
Le texte initial n’en restera pas moins comme une sorte de témoignage méritant de figurer au musée des textes anticonstitutionnels. Il est en effet remarquable d’avoir oublié autant de principes fondamentaux.
Le principe d’opportunité des poursuites, que nous connaissons tous, est nié par différentes dispositions et notamment par cette volonté d’automatiser les poursuites en cas d’échec d’une mesure alternative ou en matière de récidive légale.
Le principe d’individualisation de la peine, que nous pensions être inscrit pour des siècles dans notre culture juridique, est écarté. Les peines planchers, l’extension des amendes forfaitaires au-delà des contentieux de masse, le nouveau régime des réductions des peines sont autant d’illustrations du refus de la réalité pénale qui implique toujours un homme et des circonstances.
Heureusement, notre rapporteur a redonné au juge un pouvoir d’appréciation grâce à une décision spéciale et motivée, c’est-à-dire grâce à une mesure qui sera l’exception, alors que la règle sera le refus de l’individualisation.
Comment a-t-il pu vous venir à l’esprit de nous proposer des dispositions reposant sur une détention sans titre ? Le principe « pas de détention sans titre » se trouve ainsi malmené par l’extension du référé-détention, qui est contraire à l’article 66 de la Constitution : « Nul ne peut être arbitrairement détenu », ainsi qu’à l’article IX de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui pose que tout homme est présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable.
Avant qu’il soit modifié, ayant provoqué un tollé, le texte a même tenté d’instaurer une interdiction de mentir, en imposant aux personnes suspectées de prêter serment de dire la vérité sous peine d’une condamnation pour témoignage mensonger.
Il suffit toutefois de feuilleter quelques revues de droit pour savoir qu’une telle disposition a déjà fait l’objet de condamnations de la France par la Cour européenne des droits de l’homme en 1993 et en 2000 pour violation du droit de ne pas s’incriminer. Plus récemment, le 4 novembre 2016, le Conseil constitutionnel a rappelé qu’elle était contraire à l’article IX de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
Le texte fait également fi du principe de légalité. Vous avez en effet réussi cet exploit d’inventer une peine qui ne soit ni claire ni intelligible, en précisant qu’il fallait réprimer une manifestation d’adhésion ou de soutien à une organisation prônant la commission d’actes portant atteinte à des ressortissants français ou aux intérêts fondamentaux de la nation française. Évidemment, personne ne connaît les contours exacts d’une telle manifestation, ce qui contredit le principe de légalité.
Poursuivant dans l’inconstitutionnalité, le texte a même imaginé que lorsque l’on pose un bracelet électronique à une personne, le temps pendant lequel elle le porte pouvait ne pas s’imputer sur la durée de la détention. Outre que cette mesure serait évidemment contre-productive – sachant en effet que l’autorisation de la personne concernée est requise, on se doute que celle-ci refusera le port du bracelet électronique dans ce cas –, elle serait évidemment incompatible avec l’article 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, selon lequel le port du bracelet électronique constitue bien une privation de liberté.
Une fois tous ces principes fondamentaux oubliés, votre proposition de loi s’en remet au règne de l’opinion. Celle-ci souhaite de l’incarcération ; qu’à cela ne tienne !
La contrainte pénale est également supprimée, au motif, de prime abord pertinent, que les magistrats ne s’en servent pas. Mais il faudrait alors appliquer le même type de raisonnement aux peines planchers, dont le bilan n’est pas fameux. En 2010, dans 62 % des cas éligibles, ces peines minimales ont été écartées par les juridictions répressives. En 2014, à la fin de la période, l’Union syndicale des magistrats précisait que les statistiques ne laissaient apparaître ni une régression de la récidive ni une baisse de la délinquance, ce qui tend à démontrer que ces peines n’ont eu aucun effet curatif ou préventif.
Les mêmes principes, ou plutôt la même absence de principes s’applique aux aménagements de peine, que je ne détaillerai pas à ce stade.
Je voudrais vous rappeler, mes chers collègues, la loi pénitentiaire de 2009, défendue par Mme Rachida Dati. Avec le concours de Jean-René Lecerf, nous avons presque modifié tous les articles de ce texte. Mais la discussion de cette loi avait eu le mérite de poser des questions incontournables : quel est le sens de la peine ? Quelle est l’efficacité de la détention ? Comment éviter la récidive ? Autant de questions qui ne semblent pas intéresser les auteurs de la proposition de loi.
Les règles pénitentiaires européennes, dont nous avons pourtant longuement débattu, sont également oubliées, notamment la recommandation du Conseil de l’Europe selon laquelle la peine privative de liberté ne devrait être prononcée qu’en dernier recours.
C’est un texte de circonstance électorale, dont il ne fallait sans doute pas attendre une vision de la justice et de son fonctionnement.
La proposition a pour ambition d’accroître les pouvoirs du parquet. Ce débat, ancien, n’est pas inacceptable, mais on ne peut pas l’engager sans lever quelques hypothèques au préalable.
L’article 4 du texte permet au procureur de la République de solliciter, à l’issue d’une garde à vue, le recours à des mesures coercitives, notamment le placement en détention provisoire.
Que l’on puisse ainsi imaginer de placer en détention provisoire, sans respecter les droits de la défense, des personnes qui ne sont ni poursuivies ni mises en examen m’inquiète profondément. Je ne vois pas comment vous pourriez accepter une telle mesure, mes chers collègues, et je ne comprends pas qu’elle puisse figurer dans votre proposition.
Il faudrait évidemment engager un plus vaste débat sur l’équilibre de nos institutions judiciaires. Voulons-nous, oui ou non, supprimer le juge d’instruction, comme l’avait imaginé le président Nicolas Sarkozy ?
Qui, parmi vous, mes chers collègues, pourrait accepter la confusion opérée par ce texte entre l’autorité qui poursuit, l’autorité qui enquête et l’autorité qui place en détention provisoire ? Et comment pourriez-vous accepter la disparition des droits de la défense dans une procédure non contradictoire et sans accès au dossier ?
Chacun a certes le droit de vouloir accorder plus de pouvoir au parquet. Mais nous n’échapperons pas, alors, à cette question insistante, posée durant tout le quinquennat, et reprise par l’actuel garde des sceaux : comment garantir l’indépendance du parquet ? Le Sénat avait accepté une avancée en permettant au Conseil supérieur de la magistrature d’opposer un veto à des nominations, mais, à l’Assemblée nationale, un député de vos rangs, M. Larrivé, a préféré expliquer qu’il ne fallait pas « s’aventurer vers l’autonomie d’un contre-pouvoir judiciaire ». La majorité qualifiée nécessaire à la révision constitutionnelle n’a donc pas pu être réunie.
Vous voulez renforcer les pouvoirs du parquet, mais acceptez-vous préalablement de renforcer son indépendance ? Vous devez éclaircir votre position sur cette question fondamentale.
Cette proposition de loi a au moins pour mérite de montrer que, en matière pénale, les Républicains n’ont pas d’autre doctrine que le retour au passé et, finalement, le souci de plaire, sans se préoccuper des droits fondamentaux, sans évoquer les moyens qu’une telle proposition nécessite, sans s’inquiéter d’une justice forte et indépendante.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mmes Esther Benbassa et Françoise Laborde ainsi que M. Jacques Mézard applaudissent également.
M. Jean-Claude Gaudin remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, à quelques semaines de l’élection présidentielle, il est regrettable de débattre d’un texte portant sur des questions aussi importantes pour notre droit pénal.
Il est en effet peu probable que cette proposition de loi, signée par la majorité sénatoriale, soit examinée à l’Assemblée nationale d’ici à la fin du mois de février, et il s’agit clairement pour la droite sénatoriale de « prendre un peu d’avance, dans l’éventualité d’une alternance », …
… pour reprendre les propos du président de la commission des lois lors de la présentation du rapport.
Cette proposition de loi est d’autant plus regrettable qu’elle est inscrite à l’ordre du jour du Sénat alors même que les conclusions de la mission pluripartisane pour « un véritable redressement de la justice », conduite par la commission des lois depuis juillet 2016, n’ont pas encore été rendues.
Comme l’ont souligné nos collègues dans l’exposé de leur motion tendant à opposer la question préalable, on peut en effet s’interroger sur le bien-fondé et la pertinence d’une telle mission, dès lors que ses conclusions sont tirées avant l’heure par une grande partie du groupe Les Républicains.
Ces conclusions ne sont au demeurant pas anodines, porteuses d’une conception de la politique pénale d’une droite dure que, bien entendu, nous ne partageons pas.
La volonté affichée de ce texte est – déjà, ai-je envie de dire – d’effacer ce qui a été fait, notamment en supprimant les mesures principales de la loi Taubira du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales.
Ainsi, le cœur du texte repose sur le rétablissement des peines planchers et la suppression de la contrainte pénale et de la libération sous contrainte, deux mesures pourtant destinées à encadrer davantage les condamnés et préparer leur réinsertion pour lutter contre la récidive.
Par ailleurs, le quantum de peines aménageables est réduit, la compétence des juges de l’application des peines, limitée. Le texte développe également le recours aux procédures automatiques comme l’amende forfaitaire pour les délits correctionnels.
Enfin, au-delà d’une volonté affichée de répression systématique, le texte traduit un mouvement de fond qui tend à évincer le juge du débat pénal ou, à défaut, à contraindre le contenu de ses décisions en battant en brèche le principe d’individualisation des peines, sans bien sûr aucune garantie corrélative d’indépendance des parquets.
L’Union syndicale des magistrats a dénoncé devant la commission des lois les ressorts « démagogiques » d’un texte « à visée incarcératrice ».
Étant donné l’importance des mesures envisagées, nous nous étonnons que cette proposition de loi n’ait pas été soumise pour avis au Conseil d’État avant son examen en commission, comme le prévoit l’article 39, alinéa 5, de la Constitution, introduit par la révision constitutionnelle de 2008 portée par MM. Sarkozy et Fillon…
En tout état de cause, nous avons demandé au président du Sénat de bien vouloir mettre en œuvre cette disposition importante de notre Constitution à l’occasion de l’examen de cette proposition de loi, par courrier qui lui a été transmis hier.
Le travail du rapporteur François Pillet sur ce texte est révélateur des difficultés qu’il pose. Plusieurs propositions qui présentaient un caractère inconstitutionnel ont été supprimées ou modifiées pour entrer en conformité avec nos principes constitutionnels et fondamentaux applicables en matière de droit pénal, notamment celui de l’individualisation des peines.
Cependant, l’esprit du texte reste le même. Il s’agit, comme l’a dénoncé le Syndicat de la magistrature, « d’une nouvelle tentative pour introduire dans notre arsenal judiciaire des dispositions sécuritaires visant à incarcérer toujours plus ». En témoigne la volonté de créer de nouveaux « centres de rétention pénitentiaire » pour les détenus de brève durée.
Cette vision du tout-répressif et l’aggravation des sanctions pénales pour la « petite délinquance » sont inadmissibles lorsqu’on lui oppose la « grande délinquance », financière par exemple, qui est pour sa part rarement sanctionnée par des peines de prison effectives en raison de multiples dispositions législatives ou réglementaires qui permettent d’y échapper. Ainsi, certains et certaines parviennent à échapper à toute sanction et conservent un casier judiciaire tout à fait vierge, alors qu’ils encourent jusqu’à 15 000 euros d’amende et un an de prison. Et dans ce cas, mes chers collègues, on ne vous entend guère vous émouvoir sur l’absence de fermeté et de sévérité de la justice.
Pourtant, d’autres solutions que la création de nouveaux centres pénitentiaires existent pour lutter contre la surpopulation carcérale, comme faire de la détention provisoire une exception, et non la règle !
« C’est comme si la pire des situations devait peser sur des personnes n’ayant pas, ou pas encore, été condamnées », explique à ce sujet Jean-René Lecerf, qui préside la commission du Livre blanc sur l’immobilier pénitentiaire que vous avez installée la semaine dernière, monsieur le garde des sceaux.
Ceux qui partagent les valeurs du progrès doivent avoir le courage de réaffirmer que la prison n’est pas la seule solution.
Chacun ici dénonce le taux de récidive. Vous savez tous qu’il est de notre responsabilité de préciser les conditions de l’emprisonnement, y compris pour les délits mineurs. Notre attitude n’est pas laxiste, elle vise l’efficacité en dehors de l’émotion et de la démagogie. Donner la priorité aux peines alternatives, réorienter les peines vers la réinsertion, c’est une nécessité pour les victimes comme pour les coupables.
En définitive, pour tendre vers une justice pénale efficace et humaine, il faudrait lancer un vaste chantier de réflexion et d’enquête sur les peines : leur sens, leur échelle et leurs modalités. Peut-être qu’il faudrait s’inspirer de ce qui a été fait en la matière depuis un certain nombre d’années dans les pays scandinaves, où le droit pénal est très avancé, comme en Norvège, où la criminalité est plutôt basse avec des taux de récidive très satisfaisants, à mettre en lien avec un traitement humain et individualisé des prisonniers.
Mais il n’y a guère de mystère : la Norvège consacre à la justice cinq fois plus de moyens que la France lorsqu’on les rapporte au nombre d’habitants.
Cela nous ramène inlassablement à la question des moyens indigents de notre justice. Inutile de multiplier les textes, la justice pénale de notre pays ne sera efficace et humaine que lorsque ses moyens seront revalorisés et les magistrats augmentés. C’est pourtant tout le contraire que laissent présager les importantes suppressions de postes de fonctionnaires annoncées par celui qui est encore le candidat à l’élection présidentielle des Républicains.
Sans surprise, et comme nous l’avons déjà dit en commission, nous ne voterons pas ce texte antinomique avec notre conception de la justice.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur la plupart des travées du groupe socialiste et républicain.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, il me semble opportun de considérer ce texte comme inopportun !
J’ai le plus grand respect pour nos collègues François-Noël Buffet et François Pillet, mais, en l’occurrence, oserais-je dire qu’ils sont en service commandé, avec de surcroît une merveilleuse répartition des tâches, l’un essayant d’aller au maximum et l’autre actionnant le frein pour essayer de faire passer une proposition de loi qui s’apparente à bien des égards à un texte d’opportunité électorale, ce dont personne ne doute dans cette assemblée.
Soyons clairs : si vous gagnez l’élection, vous ferez pire ! Et si vous la perdez, nous ferons autre chose…
C’est d’autant plus dommage, monsieur le président de la commission des lois, que vous poursuivez une mission tout à fait intéressante et utile sur le redressement de la justice. Quelle cohérence peut-il y avoir entre cette mission et un texte comme celui-ci ? La seule explication, c’est que vous voulez essayer d’en tirer un profit médiatique à proximité de l’échéance électorale présidentielle.
Je ne crois pas qu’il soit bon que les responsables politiques et les médias continuent d’intenter un procès injuste à la justice de notre pays, en particulier à la Cour de cassation. Si la justice, à en croire les sondages, n’est pas majoritairement appréciée de nos concitoyens, est-ce la faute des magistrats ou des responsables politiques de toutes tendances et des médias ?
M. le garde des sceaux connaît mieux que personne les problèmes de la justice, puisque, dès son arrivée, il a dressé un constat ferme, clair et qui n’incitait pas forcément à l’optimisme.
Le premier problème de la justice, pour nos concitoyens, c’est d’abord le problème des délais : de nombreuses années s’écoulent avant qu’une affaire n’aboutisse. Mais cela n’empêche pas d’ajouter constamment de nouveaux délais, souvent différents d’ailleurs et, comble de l’incohérence, de vouloir doubler ou tripler les délais de prescription.
Le deuxième problème, certainement le plus important, est celui des moyens au quotidien. Nous le répétons à longueur de séance chaque fois que nous débattons de la justice : le nombre de magistrats et de greffiers, les moyens techniques et financiers sont insuffisants ; la situation de nombre de nos greffes est strictement catastrophique, de même que les conditions d’accès à la justice pénale pour nos concitoyens les plus défavorisés. Ce n’est pas de la faute des magistrats, mais de notre faute à tous !
Une autre difficulté, unanimement reconnue, tient à l’avalanche de textes nouveaux qui changent constamment la législation pénale au gré des quinquennats successifs. Depuis une dizaine d’années, reconnaissons-le, on fait fort ! Nous nous souvenons des lois sécuritaires sous le quinquennat de M. Sarkozy, y compris d’un certain nombre de textes en matière pénale ayant trait aux morsures de chiens… Sous l’actuel quinquennat, monsieur le garde des sceaux, nous n’avons pas été très brillants non plus, ce qui complique le travail des magistrats et nuit à la lisibilité de la justice.
Il faut arrêter de faire constamment des lois pénales qui modifient les incriminations et les sanctions au gré des poussées médiatiques d’un certain nombre de médias nationaux. Les magistrats et les citoyens n’y comprennent plus rien et je crois qu’il faut davantage faire confiance aux magistrats.
Certes, dans toute corporation, il peut y avoir des erreurs. On peut également estimer, à juste titre, que certains syndicats devraient parfois être plus silencieux. Il n’en demeure pas moins qu’il faut globalement faire confiance à nos magistrats.
Le procès en laxisme est injuste à l’heure où nos prisons sont pleines, dans des conditions d’ailleurs indignes d’un pays démocratique.
Sur la question de l’échelle des peines et de la simplification des procédures, nous sommes, j’en suis certain, tous d’accord.
(M. le garde des sceaux opine.) Il est absurde de condamner une personne à trois ans de prison ferme pour être certain qu’elle reste au moins détenue quelques mois.
M. le garde des sceaux opine de nouveau.
En outre, à quoi bon prononcer des peines si elles ne sont pas exécutées ? §
Les mauvais remèdes comme la déjudiciarisation sont aussi un vrai problème. À quand la sanction par ordinateur, sans respect de l’individualisation de peine ?
Monsieur le président de la commission des lois, dans ce texte, il y avait manifestement plusieurs mesures peu conformes à la Constitution qui auraient justifié que vous appliquiez la jurisprudence que vous avez appliquée sur la Corse !
En conclusion, je crois que la justice mérite mieux. Elle mérite une loi de programmation préparée autour d’un large consensus politique, en concertation avec ceux qui la rendent, c’est-à-dire les magistrats.
Applaudissements sur les travées du RDSE. – MM. Jean-Pierre Sueur et Yves Détraigne applaudissent également.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous sommes encore en début d’année et voilà déjà un nouveau texte qui réforme la justice. Et il ne manquera pas d’en venir d’autres après les élections !
J’ai recensé les textes consacrés à la justice depuis une douzaine d’années : nous en sommes à une vingtaine – j’en ai communiqué la liste précise au président de la commission des lois. Ce constat est alarmant…
Car, pour bien fonctionner, la justice a d’abord besoin de stabilité et de moyens. Or, en France, elle ne dispose d’aucun des deux. Il n’est pas un chef de cour ou de juridiction qui ne s’en plaigne. Comme moi, vous avez, j’imagine, mes chers collègues, assisté ces derniers jours à des audiences de rentrée. Et cette année, comme les précédentes, le message est le même : les magistrats n’ont pas les moyens d’exercer correctement leur mission. Notre justice est toujours insuffisamment dotée, eu égard à ses besoins et à la comparaison de son budget avec celui des pays voisins. Certes, nos systèmes judiciaires sont différents, et il faut se méfier des comparaisons. Malgré tout, quelle que soit la méthode utilisée, nous sommes toujours les bons derniers des pays occidentaux.
La loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, dont j’ai été le rapporteur pour le Sénat, devrait améliorer quelque peu cette situation en déjudiciarisant certaines procédures, notamment avec la sanction systématique de certaines infractions routières par une amende forfaitaire ou l’instauration du divorce par consentement mutuel sans juge.
Mais, parallèlement, d’autres réformes récentes accroissent les tâches des juridictions. Ainsi, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers, les contestations des placements en centre de rétention administrative passent du juge administratif au juge judiciaire, en l’occurrence le juge des libertés et de la détention.
Évidemment, si les questions budgétaires ne doivent pas nous interdire de réfléchir à des pistes d’amélioration, la question des moyens doit rester une préoccupation permanente, afin que telle ou telle mesure nouvelle ne vienne pas aggraver une situation qui, dans la plupart des juridictions, est déjà plus que préoccupante.
Le texte qui nous est présenté aujourd’hui est ambitieux, puisqu’il aborde presque tous les aspects de la politique pénale, depuis les mesures alternatives aux poursuites jusqu’à l’application des peines.
Certaines de ses propositions sont la reprise de critiques anciennes formulées par notre commission. On peut citer la contrainte pénale, dont nous avions dit à l’époque qu’elle serait inutile et inefficace.
Les faits nous ont donné raison, puisque, notre rapporteur l’a rappelé, les magistrats, parfaitement familiers du sursis avec mise à l’épreuve, ne se sont absolument pas approprié ce nouvel outil, quasi similaire, dont ils ne voient pas l’intérêt.
Les statistiques parlent d’elles-mêmes : depuis 2014, 2 000 mesures de contrainte pénale ont été ordonnées, contre 80 000 sursis avec mise à l’épreuve. Y renoncer aujourd’hui serait donc une mesure de bon sens.
Je partage, avec notre rapporteur, le souci de renforcer l’effectivité de l’exécution des peines. Celle-ci est absolument essentielle pour la crédibilité de la réponse pénale. Comment justifier une exécution des peines plusieurs mois, voire un an après leur prononcé ? Nos concitoyens, confrontés à cette réalité, en sont ulcérés et ils ont raison.
Cette proposition contient plusieurs dispositions qui concourent à améliorer l’exécution des peines ; nous les soutenons.
La proposition de loi comprend également plusieurs mesures de simplification procédurale : lecture de décision de renvoi devant la cour d’assises, possibilité pour les enquêteurs d’avoir un support papier lors de leurs auditions… Ces mesures vont dans le bon sens et participent à la bonne administration de la justice.
Je tiens, enfin, à saluer le travail réalisé par notre collègue François Pillet sur ce texte. Comme d’habitude, il s’est montré précis, vigilant et constructif.
Il a proposé, à juste titre, à notre commission de ne pas retenir plusieurs dispositions du texte initial qui lui paraissaient inopportunes, voire contre-productives. Suivant ses conseils, nous avons ainsi supprimé les articles 1er et 2, considérant notamment que l’automatisation de l’engagement des poursuites en cas d’échec d’une mesure alternative, contraire au principe d’opportunité des poursuites, risquait d’avoir des effets contre-productifs et de réduire le taux de réponse pénale.
Plus généralement, il a su éviter les a priori et les caricatures. Non, il ne faut pas laisser penser que certaines mesures de ce texte constitueraient une forme de défiance vis-à-vis des juges. Grâce aux modifications de notre rapporteur, que ce soit pour les peines planchers, la révocation du sursis ou la réduction des peines, le dernier mot reviendra toujours au juge.
Malgré les réserves que j’ai exprimées en introduction, notamment sur la surabondance de textes, et la nécessité absolue de s’attaquer prioritairement au renforcement des moyens matériels et humains de la justice, nous voterons ce texte amendé par notre commission des lois.
Pour être cohérents, pour que ce ne soit pas un simple texte de plus sur la justice, nous serons attentifs à ses évolutions dans le cadre de la navette, mais surtout au corollaire budgétaire qui l’accompagnera, et qui sera sans doute de la responsabilité de la prochaine majorité.
Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Laborde applaudit également.
Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner la proposition de loi visant à renforcer l’efficacité de la justice pénale – sujet ô combien important, alors que la violence est omniprésente et au moment où le sentiment d’impunité gagne dans l’opinion publique !
Il faut dire que les différentes réformes mises en œuvre par le Gouvernement – par exemple, la suppression de la contrainte pénale – ont contribué à alimenter le débat sur une justice à deux vitesses, dont le point d’orgue est atteint avec la question des peines d’emprisonnement ferme de moins de deux ans qui, dans la plupart des cas, ne sont pas exécutées.
C’est pourquoi, alors que se multiplient les actes délictueux et que la délinquance, en particulier les violences contre les personnes et les cambriolages, augmente sensiblement, nous ne pouvons que nous féliciter de l’initiative de nos collègues François-Noël Buffet et Bruno Retailleau.
En effet, la justice est en crise et elle va mal. Les tribunaux sont engorgés, les procédures, longues, compliquées, reportées, et bon nombre de peines, non exécutées !
Pourtant, l’accès au droit est un pilier essentiel de toute démocratie et c’est la raison pour laquelle la justice doit être indépendante, efficace et accessible à tous.
L’accumulation des lois désoriente les justiciables, l’instabilité de la législation complexifie la tâche des professionnels du droit et la surtransposition des directives européennes entraîne un surcoût financier.
Si, en France, « nul n’est censé ignorer la loi », il faut bien reconnaître que peu la maîtrisent. Cette situation contribue à un sentiment d’insécurité de la part de nos concitoyens et alimente une forme de défiance à l’égard de l’institution judiciaire.
Pour corriger cette situation et garantir une justice indépendante et juste, nous devons veiller à une stabilisation législative. Ce domaine n’échappe pas à une nécessaire réforme et les axes retenus par ce texte vont dans le bon sens.
En effet, renforcer l’efficacité des poursuites pénales, renforcer l’effectivité des alternatives aux poursuites et renforcer le contenu de la réponse pénale constituent autant de mesures qui sont de nature à corriger l’image trop laxiste de l’appareil répressif et font apparaître la sanction plus clairement. Ainsi, les délinquants ne pourront plus échapper aux sanctions et les décisions auront valeur d’exemplarité.
Je me félicite également du renforcement de la protection des mineurs et du renforcement de la lutte contre le terrorisme. Là encore, ce sont des mesures qui complètent efficacement l’arsenal judiciaire et concourent à la sécurisation des populations, notamment des plus fragiles comme les mineurs. La nouvelle rédaction de la contrainte morale dans la qualification des infractions sexuelles était attendue depuis longtemps.
Tout ce qui peut restaurer l’effectivité de l’exécution de la peine doit être mis en œuvre par le législateur. Il est essentiel de redonner leur valeur d’exemplarité aux décisions de justice et du sens aux peines prononcées.
Le nombre de peines de prison ferme non exécutées oscille actuellement entre 80 000 et 100 000. Par l’effet des réductions de peines automatiques et des mesures d’aménagement, la durée des peines exécutées est fortement réduite.
Au 1er janvier 2017, 68 432 personnes étaient détenues en France. Parmi elles, combien de récidivistes ? La réhabilitation des peines planchers pour des délits supérieurs à cinq ans de prison, tout comme la suppression de l’automaticité des réductions de peines sont des signes forts adressés à tous ceux qui ont un sentiment d’impunité.
Actuellement, 19 498 personnes non encore jugées ou dont la peine est frappée d’appel sont incarcérées.
La création de centres de rétention pénitentiaire à sécurité adaptée pour les détenus qui présentent une faible dangerosité et un risque d’évasion limité est un moyen efficace de lutter contre la surpopulation carcérale. Dans certaines maisons d’arrêt, le taux d’occupation moyen atteint 137 %. La détention provisoire ne cesse d’augmenter et le programme de construction de 10 000 à 16 000 places, annoncé par M. le ministre, ne résoudra pas, à lui seul, ce problème. Même si la détention doit être dissuasive, elle doit être digne et humaine.
Au-delà du sujet de l’immobilier pénitentiaire se pose le problème des procédures. Elles sont de plus en plus complexes et contraintes par la faiblesse des moyens et par des possibilités limitées.
Il faut bien avouer que la justice pénale peine à remplir sa mission. C’est pourquoi il est nécessaire de restaurer sa lisibilité et sa crédibilité.
Cette proposition de loi va donc dans le bon sens. Je voudrais d’ailleurs saluer le travail de notre collègue François Pillet, rapporteur de la commission des lois – commission présidée notre collègue Philippe Bas –, qui permet à ce texte de gagner en lisibilité et de tendre vers un objectif de confiance rétablie.
Les articles qui la constituent répondent, d’une part, à l’exigence d’efficacité et, d’autre part, aux besoins des acteurs de la chaîne judiciaire pour agir plus sereinement.
Dans le contexte actuel, nous ne pouvons que nous réjouir des dispositions permettant de préciser l’intelligence avec une puissance étrangère et de compléter le délit d’entreprise individuelle terroriste.
Cette réforme de la procédure pénale doit aider la justice à être plus simple, plus efficace, plus indépendante.
Je voudrais terminer mon propos en rendant hommage au travail effectué par tous les maillons de la chaîne que constitue la justice française : leur tâche est importante et chaque échelon est précieux.
Pour toutes ces raisons, je suis bien entendu favorable à cette proposition de loi, que je voterai.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ainsi qu’au banc des commissions. – M. Jean-François Longeot applaudit également.
M. Cyril Pellevat applaudit.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, la justice est malade et le malade est sous respiration artificielle ! Rarement autant d’experts et d’acteurs de la justice n’auront partagé ce constat.
L’intérêt de l’initiative sénatoriale que nous examinons aujourd’hui est d’appréhender la question du bon fonctionnement de la justice dans sa globalité et du point de vue de son efficacité. Sa vertu consiste à faire des propositions pour chacun des maillons de la procédure pénale, afin que les décisions de justice soient mieux admises, comprises et, surtout, appliquées.
Chacun des six chapitres de la proposition de loi correspond à une étape de la procédure pénale : renforcer l’effectivité des alternatives aux poursuites ; renforcer l’efficacité des poursuites pénales et la capacité du procureur de la République à agir plus en amont dans la procédure ; renforcer le contenu de la réponse pénale ; restaurer l’efficacité de l’exécution de la peine prononcée ; renforcer la lutte contre le terrorisme ; renforcer la protection des mineurs.
Concernant le chapitre IV visant à restaurer l’effectivité de l’exécution des peines, l’article 21 supprime la contrainte pénale, issue de la loi Taubira, et la libération sous contrainte, afin de restituer son efficience au sursis avec mise à l’épreuve instauré en 1958.
Monsieur le garde des sceaux, vous avez présenté – je vous le rappelle – un rapport sur la surpopulation carcérale depuis une trentaine d’années. Il pointe un doublement du nombre de personnes incarcérées sur cette période – elles étaient près de 69 000 au 1er août 2016 – et impute ce phénomène à plusieurs facteurs, parmi lesquels l’augmentation du nombre de peines d’emprisonnement prononcées.
Dans le même temps, il y a effectivement lieu de s’interroger sur l’efficacité du dispositif de contrainte pénale, mis en place en 2014 par Mme Taubira – et avec quelle assurance…
Or, à la fin de 2016, le bilan de cette mesure phare de la réforme pénale s’avère bien sombre. Il faut l’admettre, ce dispositif n’a jamais véritablement pris. En deux ans, les juridictions ont prononcé 2 287 contraintes pénales, alors même que l’étude d’impact en prévoyait de 8 000 à 10 000 chaque année. Seuls vingt-quatre des 173 tribunaux de grande instance en ont prononcé la moitié.
C’est un euphémisme de dire que la contrainte pénale, qui ne représente que 0, 35 % des peines, est peu prononcée. Et elle n’est assurément pas la martingale judiciaire que votre prédécesseur brandissait avec une certaine théâtralité. Pourtant, comme le rappelle la circulaire de politique pénale de juin 2016, l’instruction a été donnée aux parquets de requérir son prononcé, notamment à la place des peines courtes d’emprisonnement.
Quelles sont les raisons de l’échec de ce dispositif ? D’abord, son manque de crédibilité. Il correspond davantage à un habillage juridique, puisqu’il prend la forme d’une nouveauté, mais est similaire – en moins bien conçu ! – à d’autres peines qui existent depuis les années cinquante, notamment le sursis avec mise à l’épreuve, créé en 1958, qui a très largement les faveurs des juridictions répressives.
Finalement, la contrainte pénale se distingue difficilement, par son contenu, du sursis avec mise à l’épreuve. Dans les deux cas, les mesures contraignantes ont pour vocation de contribuer à l’insertion et au reclassement social de la personne condamnée. En outre, en cas de violation des obligations et interdictions imposées, la peine d’emprisonnement peut être prononcée.
Enfin, cette mesure nécessiterait une augmentation très significative du nombre de postes de travailleurs sociaux, notamment dans les services pénitentiaires d’insertion et de probation, les SPIP. En effet, pour que l’usage de la contrainte pénale produise les effets escomptés en matière de prévention de la récidive, la question des moyens alloués à ces services est évidemment essentielle. En moyenne, un conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation gère plus de cent dix dossiers !
La contrainte pénale fait directement concurrence aux autres peines en milieu ouvert. Or les magistrats n’optent pour une nouvelle peine que si elle est crédible, meilleure et différente des précédentes et si elle n’est pas inutilement compliquée.
C’est pourquoi cette nouvelle usine à gaz mérite d’être supprimée, tout comme la libération sous contrainte. Tel est l’objet de l’article 21. Toute mesure dans ce domaine doit s’appuyer sur la sanction et la responsabilité individuelle. Elle doit combiner prévention, dissuasion, sanction et réinsertion, mais doit être fondée sur l’efficacité, la rapidité et la fermeté.
Plus largement, le code de procédure pénale fait, aujourd’hui, de l’aménagement de la peine le principe et non l’exception. Il faut s’interroger sur ce point et inverser la logique, en réservant cette mesure aux seules peines de prison ferme de moins de six mois par le juge de l’application des peines.
Il s’agit donc de redonner toute sa place au sursis avec mise à l’épreuve, en renforçant l’efficacité du contrôle et de la prise en charge des personnes condamnées, sans pour autant grever davantage le budget. Pour ce faire, l’article 22 de la proposition de loi prévoit la réintroduction des délégués bénévoles à la probation qui, pour les dossiers les moins lourds, viendront alléger la charge des agents des services pénitentiaires d’insertion et de probation.
La justice est bien le maillon faible de la chaîne pénale, en particulier dans son volet relatif à l’exécution des peines. À n’en pas douter, c’est pourtant un enjeu majeur d’une bonne justice et c’est ce que nos concitoyens, confrontés à des dysfonctionnements répétés, attendent sans trop d’illusions…
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Gérard Roche et Olivier Cigolotti applaudissent également.
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
Chapitre Ier
Renforcer l’effectivité des alternatives aux poursuites
(Supprimé)
(Supprimé)
Au sixième alinéa de l’article 48–1 du code de procédure pénale, après les mots : « Les informations relatives », sont insérés les mots : «, le cas échéant, aux mesures alternatives aux poursuites prononcées en application des articles 41–1 et 41–1–1, ».
L’amendement n° 44 rectifié, présenté par MM. Mézard, Amiel, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Dans la lignée de la suppression des deux premiers articles de cette proposition de loi, M. Mézard et plusieurs membres du groupe du RDSE dont moi-même souhaitent en faire de même avec l’article 3, qui permet d’inscrire une mesure alternative aux poursuites au bulletin n° 1 du casier judiciaire. En effet, l’exécution de cette mesure n’entraîne pas l’extinction de l’action publique.
Ma chère collègue, il me semble que votre amendement ne porte pas sur la bonne version du texte.
En effet, contrairement à ce que vous venez d’indiquer, l’article 3, tel que modifié par la commission des lois, vise à inscrire les mesures alternatives aux poursuites non pas au bulletin n° 1 du casier judiciaire, mais au sein de l’application informatique Cassiopée. Or une telle mesure me paraît louable, car elle participe à l’objectif de renforcement de l’efficacité de la justice pénale.
Voilà pourquoi je ne peux qu’émettre un avis défavorable sur cet amendement.
Le Gouvernement, qui n’était pas favorable à la rédaction initiale de l’article 3 – et n’est pas non plus emballé par la modification apportée par la commission des lois… –, ne partage pas l’avis du rapporteur. Il se trouve que les mesures dont il est question figurent déjà dans la base Cassiopée.
C’est pourquoi le Gouvernement est favorable à la suppression de cet article, donc à l’amendement qui vient d’être présenté.
L’amendement n’est pas adopté.
L’article 3 est adopté.
La section 1 du chapitre Ier du titre II du livre II du code de procédure pénale est ainsi modifiée :
1° À l’avant-dernière phrase du troisième alinéa de l’article 396, le mot : « troisième » est remplacé par le mot : « cinquième » ;
2° À la dernière phrase de l’article 397–2, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « cinq » ;
3° À l’avant-dernière phrase de l’article 397–7, le mot : « troisième » est remplacé par le mot : « cinquième ». –
Adopté.
L’amendement n° 2 rectifié, présenté par MM. Reichardt, Dufaut, Bonhomme, Doligé, Masclet, Danesi, Kennel, Commeinhes, Laufoaulu, Perrin, Raison, Laménie, Lefèvre et Cuypers, Mme Lamure et MM. del Picchia, Chaize et Huré, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 18 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ils peuvent toutefois accomplir, sur l’ensemble du territoire national, les actes rendus nécessaires par les enquêtes dont ils ont la charge. » ;
2° Les troisième et quatrième alinéas sont supprimés.
La parole est à M. Guy-Dominique Kennel.
Cet amendement élargit la compétence territoriale des enquêteurs à l’ensemble du territoire national, ce qui paraît excessif. Je peux comprendre ce qui motive cet élargissement, mais il bouleverserait complètement le code de procédure pénale et soulèverait de nombreuses difficultés.
C’est pourquoi nous sollicitons le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.
Cet amendement est satisfait par le droit en vigueur. En effet, comme cela est inscrit à l’alinéa 4 de l’article 18 du code de procédure pénale, l’extension de la compétence est déjà possible, mais sur décision d’un magistrat, que ce soit un procureur de la République ou un juge d’instruction.
Le Gouvernement souhaite, lui aussi, le retrait de l’amendement ; à défaut, il émettrait un avis défavorable.
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° L’article 148–1–1 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Lorsqu’une ordonnance de mise en liberté d’une personne placée en détention provisoire est rendue par le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention, d’office, sur demande de mise en liberté, après renvoi devant le tribunal correctionnel ou après mise en accusation devant la cour d’assises, contrairement aux réquisitions du procureur de la République, cette ordonnance est immédiatement notifiée à ce magistrat.
« Lorsque le procureur de la République requiert la prolongation d’une mesure de détention provisoire ou le maintien en détention provisoire, lui sont également immédiatement notifiées l’ordonnance du juge d’instruction disant n’y avoir pas lieu à saisine du juge des libertés et de la détention et l’ordonnance du juge des libertés et de la détention disant n’y avoir pas lieu à prolongation ou à maintien en détention.
« Pendant un délai de quatre heures à compter de la notification de l’ordonnance au procureur de la République, et sous réserve de l’application du dernier alinéa du présent article, la personne mise en examen ne peut être remise en liberté et cette décision ne peut être adressée pour exécution au chef de l’établissement pénitentiaire. » ;
b) Après la deuxième phrase du deuxième alinéa, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« Lorsqu’il est fait application du deuxième et du présent alinéas, le mandat de dépôt décerné contre la personne placée en détention provisoire conserve sa force exécutoire. » ;
c) Au dernier alinéa, après les mots : « immédiate de la personne, », sont insérés les mots : « au refus de prolongation ou au refus du maintien en détention provisoire de la personne, » ;
2° L’article 187–3 est ainsi modifié :
a) La première phrase du premier alinéa est ainsi modifiée :
- le mot : « deuxième » est remplacé par le mot : « quatrième » ;
- après les mots : « mise en liberté », sont insérés les mots : « ou d’une ordonnance mentionnée au deuxième alinéa du même article 148–1–1 » ;
b) Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
- à la deuxième phrase, après le mot : « suspendus », sont insérés les mots : « ou, le cas échéant, le mandat de dépôt décerné contre la personne détenue conserve sa force exécutoire » ;
- la dernière phrase est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :
« À défaut pour le premier président de la cour d’appel ou le magistrat qui le remplace de statuer dans ce délai, et lorsqu’est contestée une ordonnance de mise en liberté, la personne est remise en liberté, sauf si elle est détenue pour une autre cause. Lorsqu’est contestée une ordonnance mentionnée au deuxième alinéa dudit article 148–1–1, la personne est libérée à échéance de son mandat de dépôt. » ;
c) La dernière phrase du quatrième alinéa est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :
« La personne mise en examen ne peut alors être mise en liberté jusqu’à l’audience de la chambre de l’instruction devant laquelle sa comparution personnelle est de droit ; la chambre de l’instruction se prononce dans les plus brefs délais et au plus tard dans les dix jours de l’appel. Faute de quoi, lorsqu’est contestée une ordonnance de mise en liberté, la personne est mise d’office en liberté si elle n’est pas détenue pour une autre cause ou lorsqu’est contestée une ordonnance mentionnée au deuxième alinéa de l’article 148–1–1, la personne est libérée à échéance de son mandat de dépôt. »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 5 est présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L’amendement n° 29 est présenté par Mmes Benbassa, Archimbaud, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Poher.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, pour présenter l’amendement n° 5.
L’article 5 tend à élargir le champ d’application du référé-détention, qui vise à conférer un caractère suspensif à l’appel du procureur de la République contre une décision de mise en liberté rendue contrairement à ses réquisitions.
Après avoir reçu notification d’une ordonnance de mise en liberté contraire à ses réquisitions, le procureur de la République dispose de quatre heures pour, en même temps qu’il interjette appel, former un référé-détention, qui suspend temporairement les effets de l’ordonnance.
La proposition de loi initiale prévoyait que ce référé-détention pourrait être introduit ab initio. À la fin de l’information, la personne retenue – d’abord pendant quatre heures, puis pendant deux jours – l’aurait donc été sans que cette privation de liberté soit fondée sur un titre.
Or le référé-détention est inapplicable en l’absence de titre initial de détention. C’est d’ailleurs ce que prend en compte la réécriture de l’article par la commission.
Cependant, nous restons opposés à l’extension du référé-détention aux ordonnances de mise en liberté et aux ordonnances de prolongation d’une mesure de détention provisoire. En effet, ce référé, qui vient en complément d’un appel, doit rester une faculté pour le procureur de la République et ne pas être automatique. Son champ d’application doit donc rester limité.
C’est pourquoi, mes chers collègues, nous vous invitons à supprimer l’article 5.
La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 29.
Notre commission des lois a réécrit l’article 5 de la présente proposition de loi afin de permettre l’application du référé-détention dans différentes situations.
Ainsi, il pourrait s’appliquer aux ordonnances de mise en liberté « rendues par le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention, d’office, sur demande de mise en liberté, après renvoi devant le tribunal correctionnel ou après mise en accusation devant la cour d’assises ».
Il pourrait également s’appliquer, lorsque le procureur de la République requiert la prolongation ou le maintien d’une mesure de détention provisoire, aux ordonnances « du juge d’instruction disant n’y avoir pas lieu à saisine du juge des libertés et de la détention » et à celles « du juge des libertés et de la détention disant n’y avoir pas lieu à prolongation ou à maintien en détention ».
Cette disposition, lourde de conséquences en termes de privation de liberté, participe à la volonté du « tout-carcéral » de la majorité sénatoriale. §Le groupe écologiste s’y oppose fermement. Je rejoins donc nos collègues du groupe CRC, qui viennent de s’exprimer et qui demandent sa suppression.
Les auteurs de ces amendements ont eux-mêmes indiqué que la rédaction adoptée par la commission des lois n’autorise pas un référé en l’absence de titre.
Qui plus est, ce n’est pas une mesure dite de « tout-carcéral », puisque nous avons aussi donné au procureur de la République la possibilité de déférer une décision visant à ne pas libérer une personne. Le parquet aura la faculté d’assortir son appel d’un référé-détention, mais cela n’a rien d’automatique.
C’est pourquoi la commission est défavorable à ces deux amendements.
Le Gouvernement est favorable à ces amendements de suppression. La commission des lois a certes modifié le texte, en prévoyant d’étendre le référé-détention aux ordonnances disant n’y avoir pas lieu à maintenir la détention provisoire à l’issue de l’enquête, au moment du règlement de l’instruction.
Toutefois, cette disposition n’est pas utile juridiquement, puisqu’elle est déjà dans le droit positif : le référé-détention est déjà possible pour toutes les ordonnances de mise en liberté, y compris en fin d’enquête, lorsque le maintien en détention n’est pas ordonné.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L’article 5 est adopté.
L’amendement n° 3 rectifié, présenté par MM. Reichardt, Bonhomme, Doligé, Masclet, Danesi, Kennel, Commeinhes, Laufoaulu, Perrin, Raison, Laménie, Lefèvre et Cuypers, Mme Lamure, MM. del Picchia et Chaize, Mme Deromedi et M. Huré, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Le dernier alinéa de l’article 385 est complété par les mots : « et trois jours au moins avant la date de l’audience » ;
2° L’article 390-2 est ainsi rédigé :
« Art. 390–2. – Lorsque le prévenu ou son avocat n’a pu consulter la procédure ou en obtenir copie en temps utile pour permettre l’exercice effectif des droits de la défense, il est procédé, à leur demande, au renvoi de l’affaire. »
La parole est à M. Guy-Dominique Kennel.
L’avis est le même que pour l’amendement n° 2 rectifié : demande de retrait ; à défaut, l’avis serait défavorable.
Cet amendement prévoit que les demandes de nullité que l’on forme in limine litis devraient de plus être présentées trois jours avant la date de l’audience. Cela ne peut que renforcer le formalisme du greffe. Comment prouver que la demande de nullité a été déposée ? Faudra-t-il un acte d’huissier, une lettre recommandée… ?
Qui plus est, cette mesure n’augmentera pas nécessairement la rapidité de traitement de la demande, car les nullités, en toute hypothèse et hormis les périodes d’instruction, sont purgées au début de l’audience, avant toute défense au fond.
Le Gouvernement demande également le retrait de l’amendement ; à défaut, il émettrait un avis défavorable.
En effet, cet amendement atteindrait un objectif inverse de celui qu’il poursuit, à savoir la simplification. Cette mesure rigidifierait immédiatement la procédure, puisque le caractère automatique ferait qu’un avocat, même par négligence, qui n’a pas consulté demanderait le renvoi automatique.
Non, je le retire, monsieur le président, notamment pour être agréable à M. le rapporteur.
L’amendement n° 3 rectifié est retiré.
Mes chers collègues, bien qu’il nous reste quinze minutes avant la séance de questions d’actualité au Gouvernement, je vous proposer d’interrompre nos travaux dès à présent.
Assentiment.
La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à seize heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.
L’ordre du jour appelle les questions d’actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur le site internet du Sénat.
Au nom du bureau du Sénat, j’appelle chacun de vous, mes chers collègues, à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles de notre assemblée : le respect des uns et des autres, ainsi que du temps imparti.
M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour le groupe de l’UDI-UC.
Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
L’INSEE a publié ce matin le chiffre de la croissance de l’économie française en 2016 : il est de 1, 1 %, un taux qu’il convient naturellement de comparer à celui de 2015, qui lui était supérieur, puisqu’il s’était élevé à 1, 2 %.
Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.
Il convient aussi de le comparer à la prévision de croissance du Gouvernement, tenue contre vents et marées jusqu’au projet de loi de finances rectificative, qui était supérieure de 0, 3 point, puisqu’elle était de 1, 4 %. Vous aviez même déclaré qu’un tel chiffre était de bon augure pour l’année suivante…
Il faut également comparer les performances de l’économie française à celles de l’Union européenne. Or, nous l’avons remarqué, cette dernière a vu son économie croître de 1, 9 %.
Il s’agit donc d’un chiffre médiocre, qui nous interroge. À cet égard, nous avons été étonnés, ce matin, d’entendre M. le ministre de l’économie exprimer sa satisfaction de déceler des éléments positifs dans ce chiffre qui, je le rappelle, est très inférieur à celui de l’Union européenne, ce qui ne laisse pas de nous désoler.
Monsieur le Premier ministre, nous pensons que ce résultat est celui de la politique économique du quinquennat. Alors même que le Gouvernement nous annonce depuis des mois qu’il voit venir la reprise, les Français, eux, ne la voient pas venir concrètement !
Comment souhaitez-vous expliquer aux Français qu’une statistique aussi médiocre recèle des éléments positifs ? Pour rétablir la confiance des acteurs de l’économie, nous souhaiterons que vous nous disiez la vérité, c’est-à-dire que vous reconnaissiez que le 1, 9 % de l’Union européenne est un meilleur résultat que le 1, 1 % de l’économie française.
Par ailleurs, nous aimerions savoir comment vous envisagez, dans le peu de temps qui vous reste, de créer les conditions nécessaires pour redonner à notre pays une croissance enfin positive et dynamique.
Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du budget et des comptes publics.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget et des comptes publics. Monsieur le député
Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.
Pardonnez-moi, mesdames, messieurs les sénateurs, les séances de questions s’enchaînent…
Monsieur le sénateur, donc, vous prenez des éléments de comparaison qui vous arrangent, mais je voudrais relativiser quelque peu les choses.
Tout d’abord, l’INSEE publie des chiffres de croissance à la fin du mois de janvier, mais, vous le savez, il lui arrive très régulièrement de réviser ses chiffres plusieurs mois, voire plusieurs années après. Ainsi, en 2013, l’INSEE avait annoncé 0, 2 % au mois de janvier, puis il est passé à 0, 7 %, pour finalement revenir à 0, 6 %. Vous voyez, il faut toujours prendre ces chiffres avec un peu de recul.
Ensuite, vous y avez fait allusion, la croissance est un facteur important, notamment pour la construction budgétaire – c’est mon job, si vous me permettez l’expression. Or les premiers éléments qui viennent de sortir sur le budget de l’État montrent que la croissance légèrement inférieure au 1, 4 % que nous avions prévu dans la loi de finances rectificative n’a pas eu d’incidence sur les recettes de l’État, lesquelles dépendent aussi d’autres facteurs, tels que l’inflation, – c’est plutôt pour les dépenses –, l’élasticité, que vous connaissez bien pour être assidu à nos travaux budgétaires, ou encore le déstockage de l’épargne des Français.
Monsieur le sénateur, je le répète, les recettes fiscales, nonobstant ce chiffre inférieur à nos prévisions, ont été à la hauteur.
Par ailleurs, il y a tout lieu de penser que le chiffre du dernier trimestre, à savoir 0, 4 point, est un indicateur plutôt encourageant pour l’année 2017. De surcroît, le déficit de l’État s’est réduit, et j’aurai l’occasion plus tard dans la séance de compléter ma réponse concernant notamment les conséquences sur l’emploi.
Certes, le chiffre n’est pas exceptionnel, mais il est supérieur à celui que l’opposition d’aujourd’hui a connu, il n’y a pas si longtemps.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
La parole est à M. François-Noël Buffet, pour le groupe Les Républicains.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur, mais, en son absence, je crois que c’est M. le garde des sceaux qui va me répondre.
Lundi dernier, un jeune lycéen a été poignardé à Paris dans le XXe arrondissement ; mercredi, un policier a été agressé à Corbeil-Essonnes, après qu’un autre de ses collègues l’eut été quelques jours auparavant par le jet d’un parpaing, avec une volonté criminelle clairement identifiée.
L’ensemble des observateurs, singulièrement les professionnels, c’est-à-dire les magistrats du siège et du parquet, mais aussi les policiers, sans parler, bien évidemment, de la population, constatent un regain de violence sur notre territoire.
Deux instituts indépendants, à savoir le Service statistique ministériel de la sécurité intérieure et l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales ont constaté que, en 2016, les violences avaient augmenté de 4 % sur le territoire métropolitain.
Or, parallèlement, le Gouvernement communique en disant que tout va bien, puisqu’il constate une tendance globale à la baisse de ces violences depuis 2012.
M. Francis Delattre s’esclaffe.
C’est vrai !
M. François-Noël Buffet. Monsieur le garde des sceaux, pourquoi, quand deux organismes indépendants constatent cette augmentation de 4 %, votre gouvernement déclare-t-il : « Tout va très bien, madame la marquise ? »
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Anne-Catherine Loisier applaudit également.
Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de Bruno Le Roux. Celui-ci défend devant la commission des lois de l’Assemblée nationale le projet de loi relatif à la sécurité publique, que le Sénat a discuté et adopté la semaine dernière.
S’il avait été là, il vous aurait répondu, avec plus de talent que je ne saurais le faire, qu’il ne peut pas y avoir de désaccord entre ce que dit le Service statistique du ministère de l’intérieur et ce que dit le Gouvernement. En effet, ce service, qui a été créé voilà deux ans, reprend la méthodologie, donc le sérieux, de l’INSEE.
Plus personne ne conteste la fiabilité de ses chiffres, qui disent justement que les vols avec violence sont en baisse significative pour la troisième année consécutive. Je le répète, c’est non pas moi, mais le service en question qui le dit, appuyé en cela par les données de l’enquête INSEE « Cadre de vie et sécurité », qui porte sur les victimes n’ayant pas porté plainte, car toutes ne le font pas – il importe d’ailleurs de les y inviter.
Contrairement à ce que vous nous dites, monsieur le sénateur, il y a bien une baisse des principaux indicateurs depuis cinq ans : vols de véhicules, vols dans les véhicules, vols avec violence.
Comme il faut être rigoureux en toutes circonstances et que Bruno Le Roux l’est, ce dernier aurait reconnu qu’il y a une fragilité par rapport à l’année dernière, concernant les cambriolages. Il prend donc l’engagement de revoir, à partir des cartes publiées par le service statistique, le plan d’action déployé sur le territoire, qui permettra de travailler mieux, le Parlement ayant voté, sur proposition du Gouvernement, un plan d’équipement supplémentaire de 250 millions d’euros.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Monsieur le garde des sceaux, je constate tout de même que ces instituts officiels affichent une augmentation de la violence de 4 % en 2016, et personne ne le conteste.
Le Sénat a entamé un débat, aujourd'hui à quatorze heures trente, sur l’exécution des peines et l’effectivité de la réponse pénale. Je constate qu’il a eu raison de le faire, en dépit des contestations de l’opposition sénatoriale.
Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Je veux de nouveau interroger le Gouvernement sur l’absence de couverture en téléphonie mobile d’une bonne partie du pays. Nous, les ruraux et les montagnards, nous avons tous des téléphones portables, mais ils ne passent pas chez nous ! Or, pas de téléphonie mobile, c’est moins d’affaires pour nos artisans et nos commerçants, moins d’emplois et de sécurité pour nos retraités et moins de services publics ou privés.
Dans la loi Montagne, le Sénat, dépositaire de la sagesse de la ruralité, a obtenu le vote d’un article 9 A censé mettre fin à ce problème en obligeant les opérateurs à couvrir tous les territoires. Lors de la réunion de la commission mixte paritaire, à la demande du Gouvernement, cet article a été supprimé.
Marques d’indignation sur les travées du RDSE, de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.
M. Alain Bertrand. Nous avions obtenu cette mesure grâce à M. Baylet, ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, qui est précisément issu de la ruralité.
Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le Premier ministre, que comptez-vous faire pour mettre fin à cette véritable incurie ?
Vifs applaudissements.
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée du numérique et de l’innovation.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargée du numérique et de l'innovation. Monsieur le sénateur, je vous remercie d’avoir posé cette question, car elle me permet de vous répondre que je partage votre colère, et cela depuis le début.
Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.
Il est intolérable et inacceptable que, dans notre pays, la couverture mobile soit aussi mauvaise, notamment dans les zones rurales.
Lorsque j’ai été nommée au Gouvernement, en 2014, j’ai soulevé ce sujet, grâce aux élus locaux qui m’en alertaient, puisque 80 % des courriers que je reçois concernent ce problème. En interne, les différentes administrations m’ont répondu : « Circulez, il n’y a rien à voir ! » Les opérateurs de télécommunications m’ont donné des leçons, fustigeant un gouvernement socialiste qui voulait faire de l’économie administrée. Ils m’ont expliqué qu’ils n’étaient pas là pour payer pour les pauvres, pour les handicapés et pour les campagnes…
Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Ils étaient d’autant plus surpris que, dans leur maison de campagne, ils avaient une très bonne couverture mobile.
Mêmes mouvements.
En dépit de tous ces obstacles et de toutes ces oppositions, nous avons agi, sous l’impulsion de Président de la République et du Premier ministre. Nous avons paré à l’urgence en lançant le programme de couverture des zones blanches. En effet, rien n’avait été fait depuis plus de dix ans : il fallait reprendre le sujet à zéro.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.
Nous avons financé ce programme et lancé la plateforme « France Mobile », certes tardivement, mais ce dispositif nous inscrit dans l’avenir. Dorénavant, et pour toujours s’ils le veulent, les élus locaux auront un relais pour faire remonter aux opérateurs, à l’État, à la région, au département tous les problèmes recensés sur leur territoire. Cette fois, les opérateurs auront des comptes à rendre.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
M. le président. La parole est à M. Alain Bertrand, pour la réplique. Mon cher collègue, la ligne n’est pas coupée, et il vous reste quelques secondes…
Sourires.
Madame la secrétaire d’État, je suis stupéfait de votre réponse. La plateforme « France Mobile » est un sous-dispositif pour les territoires ruraux, que l’on finit par considérer comme sous-développés.
C’est inadmissible ! Il s’agit d’une vaste usine à gaz, et c’est ridicule ! Les informations remontent par Internet vers les préfets et les préfets de région, qui choisissent de traiter quelques sujets au cas par cas.
Comme nous payons la même TVA et les mêmes impôts sur le revenu et les sociétés qu’ailleurs, nous voulons le même traitement que tous les Français en termes de téléphonie mobile ! Nous ne voulons pas de votre sous-dispositif.
Vifs applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État auprès de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Monsieur le secrétaire d’État, ce matin, conformément à la loi, vous présentiez le Livre blanc de l’enseignement supérieur et de la recherche. Cela a été l’occasion d’identifier les enjeux et d’établir une trajectoire budgétaire pour les années à venir. Nous nous félicitons des ambitions portées par ce rapport et, plus particulièrement, de la recherche d’une réelle mise en cohérence de plusieurs stratégies complémentaires.
Nous saluons également la volonté de diplômer 60 % d’une classe d’âge, l’appui apporté à l’immobilier et à la politique de sites, ainsi que la revalorisation des traitements des enseignants-chercheurs et des personnels administratifs.
Enfin, l’ambition de consacrer 2 % du PIB à l’enseignement supérieur et à la recherche, ainsi que 3 % à la recherche et développement, va réellement dans le bon sens. Dans le contexte actuel, cette question est malheureusement peu abordée dans les différents débats préélectoraux.
L’exemple des dérives auxquelles on assiste aux États-Unis – gels de crédits, censure de chercheurs, mise au pas de la science de l’environnement et du climat – doit nous interpeller et nous conduire à placer ce sujet au cœur du débat politique, sans polémique inutile.
Le Livre blanc retient qu’il faut faire de ce sujet un pilier majeur de notre développement socio-économique, pour lutter contre le chômage et la robotisation. Si nous en sommes convaincus, nous pensons que l’enseignement supérieur et la recherche doivent nous aider à appréhender la société de demain dans son ensemble.
C’est pourquoi, monsieur le secrétaire d’État, le groupe écologiste vous interroge sur la place concédée à la transition énergétique, aux nouveaux modes de production agricole et à la santé dans la stratégie que propose le Livre blanc de l’enseignement supérieur et de la recherche, dont nous espérons pouvoir débattre ici avant la fin de nos travaux.
Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Madame la sénatrice, vous avez raison de le rappeler, le Livre blanc, qui était prévu par la loi de 2013, est un outil de pilotage stratégique sur cinq années du dispositif d’enseignement supérieur et de recherche.
Toutefois, il est beaucoup plus qu’une obligation légale. Il est d’abord l’expression d’une conviction, que partagent nombre de sénateurs sur toutes les travées : notre matière première, c’est la matière grise ! Si nous voulons garder la place qui est la nôtre dans le monde, nous devons travailler sur ce terreau.
Il est ensuite l’expression d’une volonté, celle que notre pays demeure dans les toutes premières puissances mondiales en matière de diplomation, comme en matière de recherche, au moment où de grands pays annoncent des investissements massifs. La semaine dernière encore, les Britanniques décidaient de consacrer 4 milliards d’euros supplémentaires à la recherche pour les quatre années qui viennent…
Ce document est enfin une nécessité, alors que, d’outre-Atlantique, nous vient une contestation des bases mêmes de l’esprit scientifique, de la raison et de la vérité factuelle.
Ce Livre blanc fixe des objectifs chiffrés et définit le cadre d’une programmation pluriannuelle budgétaire, qui, après 2017, devrait se prolonger sur les mêmes bases en 2018, 2019 et 2020. Il mesure en outre, pour la première fois de manière indépendante, l’impact de l’investissement en matière de recherche et d’enseignement supérieur sur la croissance, c’est-à-dire un demi-point de PIB à l’horizon de dix ans.
Madame la sénatrice, vous m’interrogez sur le développement durable, la transition écologique et d’autres thématiques. En 150 pages, il me semble que le développement durable est mentionné une cinquantaine de fois, tandis que la transition écologique est abordée 28 fois. Ces thématiques font donc véritablement partie des toutes premières priorités du grand défi de la recherche et de l’enseignement supérieur, que nous devons relever ensemble, quelles que soient nos convictions.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.
Mme Corinne Bouchoux. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse, et j’en profite pour saluer en même temps l’écoute attentive que m’ont accordée tous nos collègues. Nous ne sommes pas toujours obligés d’être en désaccord sur tout. S’il y a un sujet sur lequel nous pouvons tous nous accorder, c’est bien le rôle de l’enseignement supérieur et de la recherche !
Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain.
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Permettez-moi quelques mots de poésie dans ce climat lourd : « Envoyez-moi vos fatigués, vos pauvres, vos cohortes aspirant à la liberté, envoyez-moi les rejetés de vos rivages, de ma lumière j’éclaire la porte d’or. » Ces vers d’Emma Lazarus, gravés sur une plaque posée sur le socle de la statue de la Liberté à New-York, tissent le lien historique de la France et des États-Unis, comme chacun sait.
Presque 115 ans plus tard, les valeurs d’accueil et de solidarité américaines ne s’appliquent plus pour les ressortissants de sept pays du Moyen-Orient. Parce que M. Donald Trump, devenu locataire de la Maison-Blanche, a signé ce décret d’interdiction infâme, Irakiens, Iraniens, Yéménites, Libyens, Syriens, Soudanais et Somaliens ne sont plus les bienvenus sur le sol américain.
Ce décret interdit pendant 90 jours toute entrée sur le territoire américain aux ressortissants de ces sept pays. Il bloque également, pendant la même période, les entrées de réfugiés en provenance de ces États.
Face à cet acte, les réactions nationales et internationales ont rapidement couvert les quelques soutiens de la mesure, y compris de la part d’élus de la République française. La juge fédérale Ann Donnelly a partiellement annulé le décret. Le Premier ministre du Canada, Justin Trudeau, a invité les réfugiés à opter pour le Canada, à défaut des États-Unis. Enfin, Mme Angela Merkel a donné une leçon de droit humanitaire à Donald Trump.
La réponse de notre pays n’a pas été la plus rapide dans ce concert des réactions internationales, et beaucoup s’interrogent sur ce retard pris par la France.
Nous pensons pour notre part, monsieur le Premier ministre, que la France a le devoir de faire entendre sa voix avec la plus grande clarté et la plus grande fermeté, au nom des valeurs humanistes qu’elle porte toujours dans le monde.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC.
Monsieur le sénateur, ce que vous dites n’est pas juste. Nous avons réagi très vite après la publication de ce décret, qui est choquant en raison des principes qu’il pose, à l’encontre de toutes les valeurs que portent les États-Unis et que nous portons nous-mêmes depuis plusieurs siècles.
Depuis 1793, nous offrons la protection de notre pays à tous ceux qui sont persécutés, rejetés, poursuivis, menacés d’être exécutés dans leur propre pays. Telle est notre conception de ce que nous devons offrir à tous ceux qui viennent sur notre territoire pour échapper à ces persécutions.
Nous avons été extrêmement prompts à réagir. Jean-Marc Ayrault lui-même l’a fait très vite avec beaucoup d’honnêteté. Il a également pris contact avec ses homologues européens, pour faire en sorte que nous puissions porter très haut et très loin notre voix et nos valeurs, avec les autres pays de l’Union européenne.
Ce décret sera de surcroît inefficace en termes de lutte contre le terrorisme, objectif pourtant revendiqué par le président américain. En effet, on ne luttera pas contre le terrorisme et les désordres du monde en interdisant aux ressortissants de certains pays la possibilité de bénéficier d’une protection aux États-Unis, en contravention avec tous les principes qui ont, jusqu’à présent, guidé cette grande nation éprise de liberté.
On y parviendra en faisant en sorte, dans la maîtrise et la responsabilité, de renforcer les échanges de renseignements entre les grands services, ainsi que les coopérations en matière de lutte antiterroriste, et d’agir ensemble là où sont les foyers susceptibles de déstabiliser nos continents, comme nous le faisons au Levant dans la coalition. Pour que la stabilité du monde soit renforcée, point n’est besoin de multiplier les déclarations qui créent chaque jour davantage de tensions.
C’est ce que nous avons dit avec la plus grande clarté et c’est ce que nous continuerons à dire avec force au sein de l’Union européenne et avec cette dernière, au nom de valeurs que porte notre pays, comme l’ont fait Jean-Marc Ayrault et le Président de la République. En effet, nous représentons la France, qui porte un message universel, que les peuples du monde attendent d’elle.
Sur ces valeurs et ces principes que vous partagez, je le sais, monsieur le sénateur, nous serons fermes, actifs et intraitables.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.
La parole est à M. Jacques-Bernard Magner, pour le groupe socialiste et républicain.
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports.
Monsieur le ministre, l’action en faveur des jeunes était une priorité annoncée pour ce quinquennat, et de très nombreuses mesures ont été prises par le Gouvernement pendant ces cinq dernières années. Il fallait redonner espoir aux jeunes générations et leur préparer une meilleure place dans la société.
Le dernier grand texte législatif concernant la jeunesse est la loi « Égalité et citoyenneté », qui vient d’être promulguée, après une décision de validation rendue la semaine dernière par le Conseil constitutionnel.
La majorité sénatoriale a tout fait pour empêcher l’adoption de ces mesures favorables à la jeunesse de notre pays, allant jusqu’à interdire le débat en votant une question préalable, puis à saisir le Conseil constitutionnel dès l’adoption du texte par l’Assemblée nationale. Pourtant, avec cette loi, le Gouvernement renforce son action pour rassembler tous les Français autour des valeurs de la République.
Cette loi contient des mesures innovantes pour la mixité sociale et pour la jeunesse. Elle crée les conditions de la généralisation d’une culture de l’engagement citoyen tout au long de la vie et renforce la priorité à la jeunesse portée par le Gouvernement depuis 2012.
Je veux citer, en particulier, la création d’un congé d’engagement associatif pour les actifs bénévoles, la mise en place de la réserve civique tout au long de la vie, l’ouverture du service civique à de nouveaux viviers, pour atteindre l’objectif de 350 000 jeunes engagés par an à partir de 2018, la reconnaissance systématique de l’engagement dans les diplômes de l’enseignement supérieur, le financement du permis de conduire par le compte personnel de formation, le droit de publication et la majorité associative à 16 ans.
Monsieur le ministre, toutes ces mesures sont importantes, concrètes et, surtout, très attendues par la jeunesse de notre pays. Aussi, pouvez-vous nous préciser le calendrier d’application de cette belle loi ?
La parole est à M. le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports.
Monsieur le sénateur, je vous remercie de cette question, qui me permet de donner à la Haute Assemblée quelques précisions sur le calendrier d’application de la loi « Égalité et citoyenneté ».
Nous attachons une grande importance, sous l’autorité du Premier ministre Bernard Cazeneuve, à ce que toutes les lois votées soient appliquées le plus rapidement possible. Certaines mesures de la loi « Égalité et citoyenneté » sont d’application immédiate, comme l’aggravation des peines ou la création d’une circonstance générale aggravante en matière de racisme et de discrimination.
Je pense aussi au congé d’engagement, que vous avez évoqué, monsieur Magner, et qui a été combattu par la majorité sénatoriale. À partir d’aujourd’hui, je vous le confirme, tout salarié du secteur public ou du secteur privé peut demander un congé de six jours pour se consacrer à son engagement bénévole associatif. C’est une manière de concevoir la démocratie dans notre pays.
Autre progrès dont nous pouvons nous réjouir, il sera possible, désormais, de financer son permis de conduire grâce au compte personnel de formation. C’est là aussi un progrès très important, nombre de jeunes perdant des possibilités d’emploi parce qu’ils n’ont pas ce titre.
D’ici au mois d’avril prochain, grâce à la publication de nouveaux décrets d’application, nous allons pouvoir créer la réserve civique, l’élargir aux sapeurs-pompiers et mettre en œuvre des droits nouveaux pour les jeunes de 16 ans et plus. Je n’oublie pas la formation obligatoire à la non-discrimination pour les recruteurs des grandes entreprises.
Monsieur le président, il s’agit d’une loi de progrès importante pour la fin de ce quinquennat, ce dont je me félicite pour des millions de nos concitoyens.
Permettez-moi, puisqu’il me reste encore un peu de temps, de rendre hommage, avec Thierry Braillard, secrétaire d’État chargé des sports, à notre équipe de handball, pour son parcours exceptionnel.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du groupe Les Républicains.
Je suis fier que nous ayons pu décrocher un sixième titre de champions du monde. La gauche de cet hémicycle a salué cette victoire. J’aurais aimé que la droite en fasse autant.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Huées sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.
Vous êtes sectaire, monsieur le ministre ! C’est une honte pour la République !
Ma question s'adressait à M. le ministre de l'économie et des finances.
Alors que l’Espagne affiche une croissance de 3, 2 % et, dans la foulée, la création de 550 000 emplois, notre ministre de l’économie, quant à lui, annonce, penaud, et ce malgré l’alignement des trois planètes – taux d’intérêt favorables, baisse du prix de l’énergie, parité entre le dollar et l’euro et quantitative easing –, une croissance de 1, 1 %, nettement inférieure à ses propres prévisions, lesquelles tablaient, chacun le sait, sur 1, 4 % du PIB.
D’après le ministre Sapin, ce chiffre aurait permis – il faut oser le dire ! – de faire « reculer le chômage ». Tous les économistes le savent, c’est seulement à partir de 1, 5 % que la croissance peut produire un véritable effet sur le chômage. Au surplus, et pratiquement dans le même temps, Pôle emploi annonce enregistrer 26 000 chômeurs supplémentaires dans la catégorie A, ce qui donne très exactement un total de 3 473 100 demandeurs d’emploi, soit 600 000 chômeurs supplémentaires à l’actif de ce brillant quinquennat !
Toutefois, M. le ministre de l’économie et des finances, increvable, sonne tambours et trompettes et prédit que ses échecs annoncent une année 2017 très dynamique. Attendons-nous donc à voir passer au vert des feux dont la couleur est jusqu’à ce jour incertaine !
M. le ministre vante, entre autres, une baisse d’environ 1 milliard d’euros du déficit budgétaire, ramenant ce dernier de 70 à 69 milliards d'euros, alors qu’un taux de croissance de 1, 1 %, au lieu de 1, 4 %, se traduit par une diminution d’au moins 5 milliards d'euros des ressources fiscales.
M. le ministre nous dit que ses chiffres sont sincères. Sachez, monsieur le secrétaire d'État chargé du budget, que les vrais chiffres, nous irons, quant à nous, les chercher dans la loi de règlement !
Marques d’impatience sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Enfin, malgré tous les plans pour améliorer la compétitivité de notre économie, nos parts à l’export ont encore diminué en 2016, s’établissant à 13, 4 %, contre 13, 6 % en 2015.
M. Francis Delattre. Ma question est simple : ne pensez-vous pas que vos « performances » – parce que c’est de cela qu’il s’agit ! – économiques risquent de conduire directement au suicide de l’Union monétaire, tant vos résultats sont autant de manquements à nos engagements pour la convergence des économies de la zone euro ?
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du budget et des comptes publics.
Monsieur le sénateur, merci de votre question, qui a quelque peu débordé de son temps de parole et dont j’ai mieux entendu le début que la fin !
Pour ma part, je vous dis « chiche » et je vous donne rendez-vous lors de la discussion du projet de loi de règlement qui est, il est vrai, le juge de paix.
Aujourd'hui, vous tirez des conséquences d’un chiffre de croissance, au sujet duquel j’ai fait quelques commentaires tout à l’heure, sur les résultats de l’exercice budgétaire. Toutefois, je vous l’ai dit, les résultats de l’exercice budgétaire de l’État, à la fin du mois de janvier, sont connus. Par rapport à l’an dernier, sur le seul budget de l’État, nous avons, en effet, 1 milliard d’euros de moins de déficit. Je l’ai dit à ce micro, je l’ai écrit, nous l’avons mentionné dans des communiqués. Je vous donne donc rendez-vous lors de la séance consacrée à l’examen du projet de loi de règlement !
Pourquoi toujours mettre en doute des chiffres qui pourraient nous rassembler ? Vous avez le droit de les critiquer, mais pourquoi dire que ces chiffres seraient faux ?
Quelle que soit alors la majorité, nous aurons rendez-vous au mois de juin ou au mois de juillet prochain pour voter la loi de règlement.
Vous avez également évoqué les chiffres du chômage. Reconnaissez, monsieur le sénateur, que, en un an, 110 000 chômeurs de moins sont inscrits à Pôle emploi. Vous pouvez dresser un bilan sur l’ensemble du mandat, ou sur le seul mois de décembre, mais nul ne peut contester que, en un an, 110 000 chômeurs de moins sont inscrits à Pôle emploi !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Vous dites qu’il faut 1, 5 % de croissance pour faire diminuer le chômage. L’économie est une science, certes. Pour autant, elle n’est pas forcément une science tout à fait cartésienne, comparable, par exemple, aux mathématiques. Ainsi, il apparaît que certains facteurs autres que la croissance peuvent avoir des conséquences sur l’emploi.
Faut-il faire de la croissance en soi un objectif ou faut-il finalement attacher plus d’importance à ses effets ? Je vous donne rendez-vous sans problème, monsieur le sénateur, lorsque nous serons saisis du projet de loi de règlement !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE.
La parole est à Mme Évelyne Yonnet, pour le groupe socialiste et républicain.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s’adressait à Mme la ministre du logement.
Les chiffres du mal-logement viennent d’être rappelés dans le rapport annuel de la Fondation Abbé Pierre. La situation, déjà délicate, s’aggrave progressivement : outre les 143 000 sans domicile fixe recensés par l’INSEE cette année, ce sont plus de 3 millions de personnes qui sont mal logées et 14, 6 millions de personnes qui sont affectées par la crise du logement – locataires en situation d’impayés, propriétaires impécunieux, copropriétés dégradées, habitat énergivore…
Ce constat d’aujourd’hui est celui de plusieurs décennies d’inefficacité à fournir un logement décent à chacun. En moins de vingt ans, les prix de l’immobilier ont doublé et, depuis l’an 2000, les loyers des grandes agglomérations ont augmenté de 55 % en moyenne, deux fois plus vite que l’inflation.
Aller plus loin dans l’encadrement des loyers, aller vers plus de transparence dans la construction et l’attribution de logements sociaux, aller vers plus d’hébergement d’urgence, voilà la démarche qui a été entreprise depuis cinq ans par les ministres successifs. J’ajouterai la diminution des nuitées d’hôtel, la lutte contre l’habitat indigne ou encore l’encadrement des loyers.
À ce titre, je tiens tout particulièrement à saluer le travail et la dynamique entreprise par le Gouvernement en matière de logement, de lutte contre la précarité et l’exclusion dans l’habitat, de construction, d’urbanisme et d’aménagement foncier, ainsi que la politique en faveur du développement d’un habitat durable sur les territoires.
Le Gouvernement a en effet veillé à la réduction des inégalités territoriales et sociales en matière de logement. Je pense notamment à l’instauration, par un décret ministériel de la ministre du logement, d’un sous-préfet dédié à la lutte contre l’habitat indigne, disposition mise en place par le biais de ma proposition de loi sur la lutte contre les marchands de sommeil et la lutte contre l’habitat indigne.
Oui, mes chers collègues, je le sais bien, par mon expérience d’élue locale, la rénovation des parcs immobiliers privés ou publics, les aménagements d’aires d’accueil d’urgence et la lutte contre l’habitat indigne prennent un temps considérable.
Mme Évelyne Yonnet. Aussi, je souhaiterais savoir quel est aujourd’hui le bilan des mesures mises en place pour améliorer l’hébergement d’urgence et résorber le mal-logement.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.
Madame la sénatrice, je vous prie, tout d’abord, de bien vouloir excuser l’absence de Mme Emmanuelle Cosse, aujourd'hui précisément retenue par la Fondation Abbé Pierre.
Madame la sénatrice, chacun connaît votre engagement sur ces questions du mal-logement. Le Gouvernement salue tout particulièrement le travail que vous avez mené depuis de nombreuses années dans ce domaine.
Sur ce sujet, comme vous l’avez dit, les gouvernements successifs de Jean-Marc Ayrault, Manuel Valls et Bernard Cazeneuve ont beaucoup fait depuis cinq ans. Je rappelle la loi du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social. La loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite « loi ALUR », visait à rééquilibrer les relations entre locataires et propriétaires. Outre qu’elle procédait à l’encadrement des loyers et des professionnels de l’immobilier, elle permettait de lutter contre l’habitat indigne et de prévenir les expulsions.
En 2015, a eu lieu la réforme d’Action logement, tandis qu’était créé le Fonds national des aides à la pierre.
Enfin, la toute récente loi relative à l’égalité et à la citoyenneté, promulguée le 27 janvier dernier, va améliorer la mixité sociale sur tous les territoires, tout en s’employant à améliorer le relogement des publics prioritaires.
Sur la durée du quinquennat, ce sont quelque 2 130 000 permis de construire qui ont été délivrés et 1 800 000 logements qui ont été mis en chantier. Quant aux logements sociaux, ils sont 130 226 à avoir été livrés en 2016, soit une augmentation de 15 % par rapport à 2015. Durant cette même année 2015, nous avions également franchi un cap, celui du cent millième ménage relogé par l’État au titre du droit au logement opposable, ou DALO.
Aussi, vous le voyez et comme vous l’avez dit, madame la sénatrice, le mal-logement n’est pas une fatalité. Le Gouvernement a beaucoup œuvré dans ce domaine pour le faire reculer.
Aux antipodes de cette action, le candidat de la droite à l’élection présidentielle veut aujourd'hui supprimer la loi SRU, il veut supprimer la loi ALUR, il veut supprimer l’encadrement des loyers et mettre un terme aux APL, les aides personnalisées au logement.
Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.
M. André Vallini, secrétaire d'État. Je pense que les Français, notamment les mal-logés, sauront faire la différence !
Applaudissementssur les travées du groupe socialiste et républicain.
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour le groupe Les Républicains.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Élisabeth Badinter déclarait il y a un an : « Il ne faut pas avoir peur de l’accusation d’islamophobie ». Elle proclamait ainsi son refus de céder au chantage antiraciste. Depuis lors, ce chantage n’a pas désarmé, bien au contraire ! Il y a quelques jours, c’est l’historien Georges Bensoussan qui était poursuivi pour provocation à la haine raciale.
À l’origine de ce procès, un attelage d’un nouveau genre, le Collectif contre l’islamophobie en France et son cortège d’imprécateurs. Même la LICRA s’est solidarisée !
Animés d’une même fureur inquisitoriale, ils ont traîné en justice un historien de la Shoah qui serait coupable d’avoir dénoncé un antisémitisme devenu courant dans nombre de familles musulmanes. Le parquet l’a poursuivi.
Peu auparavant, le philosophe et essayiste Pascal Bruckner a, lui aussi, comparu pour des reproches similaires. Dans son cas, la décision des juges a été une victoire de la liberté d’expression contre l’intimidation islamiste. Il y a quelque chose de réconfortant à constater que la justice n’est pas dupe de la stratégie de certains groupes identitaires !
Si cette décision est le fruit de la sagesse, on peut, en revanche, s’étonner de la frilosité du Gouvernement, que l’on a si peu entendu sur ce sujet. On peut également s’étonner de la situation de certains « territoires perdus de la République », où l’enseignement de la Shoah est devenu impossible et où l’idéologie de l’opprimé et du relativisme installe l’idée que les coupables de tous les maux sont la République et la France.
Monsieur le garde des sceaux, ne croyez-vous pas qu’il est temps de condamner fermement le discours selon lequel la France serait islamophobe ? Ne croyez-vous pas qu’il est temps de soutenir nos enseignants dans leur lutte pour la liberté d’expression et le droit d’enseigner l’histoire et les sciences naturelles et, finalement, de défendre, là aussi, la République ?
N’est-il pas temps pour le Gouvernement de le dénoncer, pour défendre la République contre ses fossoyeurs ?
Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.
Monsieur le sénateur, je suis surpris par votre question, car elle ne traduit absolument pas le comportement du Gouvernement ! Vos propos ne tiennent d'ailleurs pas compte des textes qui sont proposés à votre assemblée.
En effet, comme vient de le dire Patrick Kanner, le Parlement a voté tout récemment la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté – le Conseil constitutionnel l’a validée –, laquelle contient précisément des dispositions pour renforcer la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et toutes les mesures de discrimination.
À titre d’exemple, le Gouvernement a soumis au Parlement un texte sur les actions de groupe, lesquelles seront un moyen supplémentaire pour lutter contre les discriminations et le racisme.
Chaque fois qu’il s’est exprimé, que ce soit lors des dîners du Conseil représentatif des institutions juives de France, le CRIF, ou de manifestations officielles, le Président de la République n’a cessé de confirmer la détermination du Gouvernement à agir.
Par ailleurs, les parquets ont reçu une circulaire de politique pénale que j’ai signée en juin 2016, dans laquelle je réaffirme comme priorité la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et toutes les formes de discrimination.
Je puis comprendre la volonté polémique, mais je ne la crois assise sur aucun fait en l’espèce !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du RDSE. – Mme Aline Archimbaud applaudit également.
La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour le groupe socialiste et républicain.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les membres du Gouvernement, mes chers collègues, Mayotte connaît depuis le mois de novembre dernier la période de sécheresse la plus alarmante de son histoire en raison d’un fort déficit pluviométrique et d’une saison des pluies retardée. Les deux retenues collinaires alimentant l’ensemble de l’île en eau potable sont presque vides. Dans le sud, la retenue contient, aujourd’hui, un peu plus de 15 % de sa capacité et à peine plus de 20 % dans le nord.
Des mesures de restrictions ont été prises pour limiter la consommation et, depuis la fin du mois de décembre dernier, un dispositif de coupures d’eau deux jours sur trois a été mis en place dans huit communes du département. La rentrée scolaire a même été reportée du 9 au 12 janvier dans la grande majorité des établissements scolaires des communes concernées par ces coupures, le temps de préparer des approvisionnements.
De manière générale, à Mayotte, l’eau douce est une denrée rare, difficile à gérer entre pression migratoire excessive, insularité et augmentation de la consommation en eau des ménages.
Aussi, je souhaiterais savoir quelles mesures d’urgence le Gouvernement entend prendre, en concertation avec le syndicat des eaux et les collectivités de Mayotte, pour remédier à cette pénurie dramatique, dont il est inutile de préciser les conséquences en matière de risque sanitaire.
Par ailleurs, pour prévenir ce type de situation, ne pourrait-on envisager de mettre en œuvre une grande politique de sensibilisation à la protection de l’environnement à l’attention de la population mahoraise ?
Il est également impératif qu’une troisième retenue collinaire, en projet depuis plus d’une décennie, soit effectivement construite pour tenir compte des réels besoins en eau des Mahorais.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Alain Bertrand applaudit également.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.
Monsieur le sénateur, le Gouvernement suit avec la plus grande attention la situation à Mayotte. Les services de l’État, avec lesquels la ministre des outre-mer est en contact quotidien, réalisent actuellement un suivi de l’évolution de la situation, en lien avec le syndicat intercommunal d’eau et d’assainissement de Mayotte et avec l’association des maires.
Trente-quatre rampes d’eau garantissant l’accès à l’eau potable ont été installées et plusieurs mesures prises par l’État depuis la fin du mois de novembre dernier ont permis de prolonger l’accès aux ressources existantes jusqu’à la fin du mois de mars.
Une mission d’experts du ministère de l’intérieur a conclu à la nécessité d’un apport extérieur en eau. L’hypothèse de l’envoi d’un tanker pour alimenter l’île en eau est actuellement à l’étude. Si elle était retenue, il faudrait prendre des mesures complémentaires, notamment en installant des pompes qui permettront d’injecter cette eau dans le réseau de Mayotte. Il faudrait également raccorder le réseau du nord de l’île avec le réseau du sud.
Le ministère des outre-mer est aussi particulièrement attentif à la situation des écoles, des collèges et des lycées. Nous travaillons pour que soit garanti l’accès à l’eau des élèves et des enseignants.
Au-delà de l’urgence, il faut voir que, à moyen et à long terme, on ne peut pas se satisfaire de la situation actuelle. Un travail de pédagogie va être mené pour diffuser une véritable culture de l’économie d’eau à Mayotte.
Enfin, s’agissant de la troisième retenue collinaire dont vous avez parlé, monsieur le sénateur, il s’agit d’une priorité du contrat de projet. D’autres investissements seront vraisemblablement à prévoir.
En tout cas, vous pouvez compter, monsieur le sénateur, sur la détermination du Gouvernement, en particulier de la ministre des outre-mer, à suivre la situation au plus près, afin d’assurer l’alimentation en eau de toutes les Mahoraises et de tous les Mahorais.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.
Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu le jeudi 9 février, à quinze heures.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-sept heures trente, est reprise à dix-sept heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Claude Bérit-Débat.
Par lettre en date de ce jour, le Gouvernement a demandé l’inscription à l’ordre du jour du mercredi 8 février 2017, après l’examen en nouvelle lecture du projet de loi relatif au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain, d’une part, de la proposition de loi visant à favoriser l’assainissement cadastral et la résorption du désordre de propriété, et, d’autre part, des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi ratifiant les ordonnances du 14 mars 2016, relative à la partie législative du code de la consommation, et du 25 mars 2016, sur les contrats de crédit aux consommateurs, initialement inscrites le jeudi 9 février.
Le Gouvernement a également demandé l’inscription à l’ordre du jour du mercredi 15 février 2017 des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi ratifiant les ordonnances relatives à l’autoconsommation d’électricité et relative à la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables, ou de sa nouvelle lecture, après l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative à la lutte contre l’accaparement des terres agricoles et au développement du biocontrôle, ou de sa nouvelle lecture.
Acte est donné de ces demandes.
La commission des lois se réunira pour examiner le rapport sur la proposition de loi visant à favoriser l’assainissement cadastral et la résorption du désordre de propriété le mercredi 1er février matin. Le délai limite de dépôt des amendements sur ce texte pourrait être fixé au lundi 6 février à midi.
Il n’y a pas d’opposition ?…
Il en est ainsi décidé.
En conséquence, l’ordre du jour des séances du mercredi 8 au mercredi 15 février 2017 s’établit comme suit :
MERCREDI 8 FÉVRIER 2017
À 14 h 30 et, éventuellement, le soir
- Suite de la nouvelle lecture du projet de loi relatif au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain (n° 315, 2016-2017) ;
- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à favoriser l’assainissement cadastral et la résorption du désordre de propriété (n° 207, 2016-2017)
Ce texte a été envoyé à la commission des lois, avec une saisine pour avis de la commission des finances.
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 1er février matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 6 février, à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 7 février matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 7 février, à 17 heures
- Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi ratifiant les ordonnances n° 2016-301 du 14 mars 2016 relatives à la partie législative du code de la consommation et n° 2016-351 du 25 mars 2016 sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage d’habitation et simplifiant le dispositif de mise en œuvre des obligations en matière de conformité et de sécurité des produits et services (texte de la commission, n° 301, 2016-2017)
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 7 février, à 17 heures.
JEUDI 9 FÉVRIER 2017
À 11 h 30
- Dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes par M. Didier MIGAUD, Premier président de la Cour des comptes
• Temps attribué à la commission des finances : 10 minutes
• Temps attribué à la commission des affaires sociales : 10 minutes
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement (Diffusion en direct sur France 3, Public Sénat et sur le site i nternet du Sénat)
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : jeudi 9 février, à 11 heures
À 16 h 15
- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, ratifiant l’ordonnance n° 2016-1519 du 10 novembre 2016 portant création au sein du servicepublic de l’emploi de l’établissement public chargé de la formationprofessionnelle des adultes (n° 318, 2016-2017)
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires sociales.
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 1er février matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 6 février, à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 8 février matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 8 février, à 17 heures.
MARDI 14 FÉVRIER 2017
À 14 h 30
- Nouvelle lecture de la proposition de loi relative à l’extension du délit d’entrave à l’interruptionvolontaire de grossesse (n° 340, 2016-2017)
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 6 février, à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 8 février matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 13 février, à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 14 février matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 13 février, à 17 heures.
À 16 h 45
- Questions d’actualité au Gouvernement (Diffusion en direct s ur Public Sénat et sur le site i nternet du Sénat)
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mardi 14 février, à 12 h 30.
À 17 h 45 et le soir
- Conclusions des commissions mixtes paritaires sur le projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2016-966 du 15 juillet 2016 portant simplification de procédures mises en œuvre par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé et comportant diverses dispositions sur les produits de santé (texte de la commission, n° 305, 2016-2017) et sur le projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2016-462 du 14 avril 2016 portant création de l’Agence nationale de santé publique et modifiant l’article 166 de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé (texte de la commission, n° 303, 2016-2017)
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale commune : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale commune : lundi 13 février, à 17 heures ;
- Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de programmation relatif à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique ou nouvelle lecture
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 13 février, à 17 heures ;
En cas de nouvelle lecture :
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 13 février, à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mardi 14 février matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : à l’ouverture de la discussion générale
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : à l’issue de la discussion générale.
MERCREDI 15 FÉVRIER 2017
À 14 h 30 et, éventuellement, le soir
- Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative à la lutte contre l’accaparement des terres agricoles et au développement du biocontrôle ou nouvelle lecture
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 14 février, à 17 heures ;
En cas de nouvelle lecture :
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : à l’ouverture de la réunion de commission
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 15 février matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : à l’ouverture de la discussion générale
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : à l’issue de la discussion générale ;
- Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi ratifiant les ordonnances n° 2016-1019 du 27 juillet 2016 relative à l’autoconsommation d’électricité et n° 2016-1059 du 3 août 2016 relative à la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables et visant à adapter certaines dispositions relatives aux réseaux d’électricité et de gaz et aux énergies renouvelables ou nouvelle lecture
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 14 février, à 17 heures ;
En cas de nouvelle lecture :
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 13 février, à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mardi 14 février matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : à l’ouverture de la discussion générale
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : à l’issue de la discussion générale.
À 14 h 30 et, éventuellement, le soir
- Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, visant à préserver l’éthique du sport, à renforcer la régulation et la transparence du sport professionnel et à améliorer la compétitivité des clubs (n° 297, 2016-2017)
Ce texte a été envoyé à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 6 février, à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 8 février matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 13 février, à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 15 février matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 14 février, à 17 heures
- Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi portant réforme de la prescription en matièrepénale ou nouvelle lecture
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 14 février, à 17 heures ;
En cas de nouvelle lecture :
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : à l’ouverture de la réunion de la commission
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 15 février matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : à l’ouverture de la discussion générale
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : à l’issue de la discussion générale.
Il n’y a pas d’opposition ?…
Il en est ainsi décidé.
Conformément aux dispositions de la loi organique n° 2010–837 et de la loi n° 2010–838 du 23 juillet 2010 relatives à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution et en application de l’article L. 132–2 du code de l’énergie, M. le Premier ministre, par lettre en date du 30 janvier 2017, a demandé à M. le président du Sénat de lui faire connaître l’avis de la commission du Sénat compétente en matière d’énergie sur le projet de nomination de M. Jean-François Carenco aux fonctions de président du collège de la commission de régulation de l’énergie.
Cette demande d’avis a été transmise à la commission des affaires économiques.
Acte est donné de cette communication.
Conformément aux dispositions de la loi organique n° 2010–837 et de la loi n° 2010–838 du 23 juillet 2010 relatives à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution et en application de l’article L. 2312–2 du code de la défense, M. le Premier ministre, par lettre en date du 31 janvier 2017, a demandé à M. le président du Sénat de lui faire connaître l’avis de la commission du Sénat compétente en matière de défense sur le projet de nomination de M. Jean-Pierre Bayle aux fonctions de président de la commission du secret de la défense nationale.
Cette demande d’avis a été transmise à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Acte est donné de cette communication.
J’informe le Sénat que la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à favoriser l’assainissement cadastral et la résorption du désordre de propriété (n° 207, 2016-2017), dont la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale est saisie au fond, est envoyée pour avis, à sa demande, à la commission des finances.
Nous reprenons la discussion, à la demande du groupe Les Républicains, de la proposition de loi tendant à renforcer l’efficacité de la justice pénale, présentée par MM. François-Noël Buffet, Bruno Retailleau et plusieurs de leurs collègues.
Dans l’examen du texte de la commission, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre II, à l’article 6.
Chapitre II
Renforcer l’efficacité des poursuites
Le chapitre Ier du titre II du livre II du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° L’article 495 est ainsi modifié :
a) Les deux premiers alinéas sont ainsi rédigés :
« I. – Le procureur de la République peut décider de recourir à la procédure simplifiée de l’ordonnance pénale pour les délits punis d’une peine d’amende, les délits punis d’une peine d’emprisonnement inférieure ou égale à un an, à l’exception de ceux mentionnés au livre II du code pénal, ainsi que les délits mentionnés au II du présent article lorsqu’il résulte de l’enquête de police judiciaire que les faits reprochés au prévenu sont simples et établis, que les renseignements concernant la personnalité, les charges et les ressources de celui-ci sont suffisants pour permettre la détermination de la peine, qu’il n’apparaît pas nécessaire, compte tenu de la faible gravité des faits, de prononcer une peine d’emprisonnement ou une peine d’amende d’un montant supérieur à celui fixé à l’article 495-1 du présent code et que le recours à cette procédure n’est pas de nature à porter atteinte aux droits de la victime.
« II. – La procédure simplifiée de l’ordonnance pénale est applicable aux délits punis d’une peine d’amende et aux délits punis d’une peine d’emprisonnement inférieure ou égale à un an, à l’exception de ceux mentionnés au livre II du code pénal. Elle est également applicable aux délits suivants, ainsi qu’aux contraventions connexes : » ;
b) Les 2°, 6°, 9°, 10° et 11° du II sont abrogés ;
2° Après l’article 495-17, il est inséré un article 495-17-1 ainsi rédigé :
« Art. 495-17-1. – Le procureur de la République peut, d’office ou à la demande de l’intéressé ou de son avocat, recourir à la procédure de l’amende forfaitaire, conformément à la présente section, lorsque la personne reconnaît les faits qui lui sont reprochés et que les victimes éventuelles ont été intégralement désintéressées. »
Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L’amendement n° 6 est présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L’amendement n° 13 est présenté par MM. Anziani, Bigot, Sueur, Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 30 est présenté par Mmes Benbassa, Archimbaud, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Poher.
L’amendement n° 45 rectifié est présenté par MM. Mézard, Amiel, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve et Laborde et MM. Requier et Vall.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° 6.
L’article 6 élargit le domaine de l’amende forfaitaire aux délits punis d’une peine d’emprisonnement inférieure ou égale à un an, à l’exception des infractions contre les personnes, qui sont couvertes par le livre II du code pénal.
Cette disposition est contraire au principe d’individualisation des sanctions en matière délictuelle. Elle consacre en effet une nouvelle procédure automatique et rapide, qui ne permet pas l’expression des droits de la défense. Cela porte atteinte au principe du débat contradictoire et à celui de la séparation de la poursuite et du jugement.
En outre, comme en témoigne l’extension de l’amende forfaitaire à certains délits routiers, adoptée dans la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, cette disposition affaiblit la force de la sanction pénale. Or, à mon sens, cela ne saurait exprimer la pensée, plutôt répressive, des auteurs de cette proposition de loi.
Pour toutes ces raisons, nous vous proposons la suppression de cet article.
Cet article étend en effet le domaine des amendes forfaitaires, qui existent déjà et concernent notamment les contraventions des quatre premières classes et les délits routiers.
Or on nous propose d’aller au-delà, en permettant l’application d’une sanction conçue pour des contentieux de masse, comme les délits routiers, à d’autres délits beaucoup plus personnalisés.
Ces sanctions sont sans audience ni comparution, les droits de la défense sont beaucoup moindres et aucune personnalisation de la peine n’est possible. Cela explique pourquoi nous y sommes opposés.
La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 30.
La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l’amendement n° 45 rectifié.
L’article 6 de la présente proposition de loi prévoit que le procureur de la République peut, d’office ou à la demande de l’intéressé, recourir par une ordonnance pénale à la procédure de l’amende forfaitaire pour les délits punis d’une amende ou d’une peine d’emprisonnement inférieure ou égale à un an, hormis pour les délits portant atteinte à la personne humaine, qui sont couverts par le livre II du code pénal.
Nous avions déjà souligné les défauts de cette évolution lors de l’examen de la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle. Cela revient en effet à déjudiciariser des pans entiers du contentieux, et ce à une fin strictement budgétaire : le désengorgement des tribunaux.
Selon nous, bien qu’il s’agisse seulement d’une possibilité donnée au procureur, on envoie ainsi un mauvais signal à nos concitoyens. Cette évolution ne va pas dans le sens d’un renforcement de l’autorité judiciaire et de l’autorité de la loi ; au contraire, c’est une renonciation. Nous proposons en conséquence la suppression de cet article.
M. Yvon Collin applaudit.
Si le débat est parfaitement légitime, ces amendements identiques sont néanmoins contraires à la position de la commission. Ils visent en effet à supprimer l’extension de l’amende forfaitaire aux délits punis d’une peine d’emprisonnement inférieure à un an.
Je rappelle que c’est le Gouvernement qui est à l’origine de la création de l’amende forfaitaire en matière délictuelle, en particulier pour les délits routiers : il n’avait pas été soulevé, à l’époque, que cela portait une atteinte insupportable au principe du débat contradictoire.
Certes, la peine n’est que partiellement individualisée. Certes, il s'agit d’une procédure simplifiée et rapide. Pour autant, il existe une voie de recours, en particulier contre les ordonnances : la voie de l’opposition. Dans notre esprit, il est évident que cette procédure ne pourra s’appliquer qu’à des délits simples, non contestables et pouvant faire l’objet d’une amende « barémisée ».
L’avis de la commission sur ces amendements identiques de suppression est donc défavorable.
Selon nous, si le principe de la procédure de l’amende forfaitaire est bon, puisque nous l’avons introduit dans la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, l’extension du champ d’application de l’ordonnance pénale n’est pas adaptée.
Selon M. le rapporteur, les seuls délits concernés seraient simples et non contestables. Toutefois, parmi ceux pour lesquels ce dispositif pourrait être employé, on relève tout de même les délits de presse, la soustraction de mineurs ou encore l’exhibition sexuelle. Cette extension ne nous paraît donc pas tout à fait adaptée au problème, ce qui explique que le Gouvernement soit partisan de la suppression de cet article.
J’émets donc un avis favorable sur ces amendements identiques.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 6, 13, 30 et 45 rectifié.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L’article 6 est adopté.
L’amendement n° 9, présenté par M. Kaltenbach, est ainsi libellé :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au 3° de l’article L. 622-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, après le mot : « hébergement », sont insérés les mots : «, de transport ».
La parole est à M. Philippe Kaltenbach.
Mon amendement a pour objet le délit d’aide au séjour irrégulier ; il vise à en exclure les actions humanitaires et désintéressées.
Comme vous le savez, mes chers collègues, en 2012, le Parlement a adopté une loi qui a permis d’exclure les actions humanitaires et désintéressées du champ du délit d’aide au séjour irrégulier. Depuis lors, les conseils juridiques, ainsi que les prestations de restauration, d’hébergement ou de soins médicaux ne peuvent plus être poursuivis lorsqu’il s’agit d’une action humanitaire envers des personnes en situation irrégulière.
Malheureusement, à l’époque, le Parlement avait oublié d’inclure dans cette exception les prestations de transport. C’est ce qui m’amène à présenter cet amendement. En effet, tout récemment, dans le sud-est de la France, des personnes qui, dans la vallée de la Roya, ont aidé des personnes en situation irrégulière en les transportant se sont vues poursuivies devant les tribunaux.
Or selon moi, dès lors que cette possibilité a été ouverte pour les conseils juridiques, la restauration, l’hébergement et les soins médicaux, il serait logique de l’étendre aux transports. Cela permettrait en outre d’éviter des poursuites qui ont largement choqué l’opinion publique française.
J’ai souhaité utiliser la présente proposition de loi du groupe Les Républicains pour faire passer ce message. Je ne suis pas certain que les dispositions de mon amendement s’inscrivent vraiment dans la philosophie générale de ce texte. En revanche, je crois utile de rappeler aujourd’hui que les procureurs n’ont fait en l’espèce qu’appliquer la loi, du fait de l’omission, en 2012, des prestations de transport, et qu’il convient par conséquent de modifier la loi, si nous voulons éviter qu’à l’avenir des faits similaires n’entraînent d’autres poursuites.
Voilà pourquoi je propose de modifier l’article L. 622-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile pour ajouter, après le mot « hébergement », les mots : « de transport ». J’espère que, sur toutes les travées de cet hémicycle, nous pourrons nous rassembler pour rappeler que l’aide à une personne en grande difficulté, lorsqu’elle est octroyée dans un seul souci humanitaire, n’est pas un délit : c’est un acte humanitaire qu’il faut considérer comme tel. Il ne peut pas y avoir de délit de solidarité !
Cet amendement vise à étendre le champ de l’immunité pénale en matière d’aide au séjour irrégulier d’étrangers sur le territoire français.
L’aide directe ou indirecte à l’entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers d’un étranger en France est constitutive d’un délit, puni de cinq ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. Ne sont toutefois pas incriminables les actions d’aide au séjour irrégulier d’un étranger, soit lorsqu’elles sont le fait d’un proche de la personne étrangère, soit lorsqu’elles sont effectuées dans un but humanitaire.
À mon sens, les situations mentionnées dans l’article L. 622-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile couvrent d’ores et déjà de manière assez large les actions humanitaires : sont mentionnés les conseils juridiques, les prestations de restauration, d’hébergement et de soins médicaux, mais aussi – ce n’est pas anodin – « toute autre aide visant à préserver la dignité ou l’intégrité physique » de la personne étrangère.
Certes, le transport n’est pas spécifiquement mentionné, mais, dans l’absolu, rien ne paraît empêcher qu’il entre dans ces catégories dès lors qu’il vise à préserver la dignité ou l’intégrité de la personne.
Je crains en revanche que la modification qui fait l’objet de cet amendement ne nous conduise à rompre l’équilibre existant avec la nécessité de réprimer efficacement les filières d’immigration clandestine.
Pour l’ensemble de ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Tout comme M. le rapporteur, nous considérons que le 3° de l’article L. 622-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile couvre déjà le cas évoqué par M. Kaltenbach.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
L’amendement n’est pas adopté.
La section 1 du chapitre Ier du titre III du livre Ier du code pénal est ainsi modifiée :
1° À la première phrase du premier alinéa de l’article 131-6, les mots : «, à la place de l’emprisonnement, » sont supprimés ;
2° Le premier alinéa de l’article 131-9 est ainsi rédigé :
« L’emprisonnement peut être prononcé cumulativement avec une ou plusieurs des peines privatives ou restrictives de droits prévues à l’article 131-6. »
L’amendement n° 43 rectifié, présenté par Mme Yonnet et M. Sueur, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Après l’article 225-15-1 du code pénal, il est inséré un article 225-15-1-… ainsi rédigé :
« Art. 225-15-1-… – Les personnes physiques ou morales déclarées responsables pénalement des infractions prévues à la présente section encourent également la peine complémentaire de confiscation de tout ou partie des biens leur appartenant ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont elles ont la libre disposition, quelle qu’en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis. »
La parole est à Mme Évelyne Yonnet.
Dans la continuité du précédent, cet amendement a pour objet la lutte contre les marchands de sommeil. Il vise à mettre en avant un dispositif juridique qui existe, mais qui est trop peu utilisé.
Certes, cet amendement est satisfait par l’article 131-21 du code pénal, qui porte sur la confiscation des biens qualifiés de dangereux ou nuisibles par la loi ou le règlement, que ces biens soient ou non la propriété du condamné. Le code pénal prévoit aussi cette sanction pour tous les biens qui sont l’objet ou le produit, direct ou indirect, de l’infraction. Un arrêt du 15 janvier 2015 de la Cour de cassation confirme la possibilité d’une telle confiscation concernant les personnes morales que sont, notamment, les sociétés civiles immobilières, méthode utilisée par les marchands de sommeil les plus attentifs aux décisions de justice.
Cette confiscation n’est malheureusement que trop peu utilisée par les magistrats du siège ou du ministère public, alors qu’elle constitue, en complément des sanctions financières, l’une des pierres angulaires de la lutte contre ces hommes et ces femmes qui piétinent les droits fondamentaux et la dignité humaine pour leur seul profit personnel.
Cette absence s’explique sans doute par le fait que ce phénomène n’est traité par la justice que depuis peu de temps et, pour le moment, dans peu de tribunaux. Cependant, ce business est de plus en plus présent sur nos territoires urbains comme ruraux.
Aussi, monsieur le ministre, cet amendement a-t-il pour objet de mettre en exergue cette possibilité de sanction trop peu utilisée.
Je vous demande par ailleurs de bien vouloir faire œuvre de sensibilisation, en particulier vers le ministère public, quant à la possibilité de requérir à ce dispositif de confiscation des biens dans les actions engagées contre des marchands de sommeil, et ce que les propriétaires soient une personne physique ou morale.
Ma chère collègue, la fin de vos explications montre que les textes vous donnent déjà satisfaction et qu’il suffit simplement de les mettre en application.
Cet amendement a par ailleurs déjà été rejeté lors de l’examen de la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté, le Gouvernement s’y étant montré défavorable. À mon sens, et comme vous le dites vous-même, l’article 131-21 du code pénal vous donne déjà satisfaction : la confiscation est possible.
L’avis de la commission sur cet amendement est donc défavorable.
Les actions de sensibilisation que vous évoquez, madame la sénatrice, sont menées aujourd’hui par la Direction des affaires criminelles et des grâces. Un guide a été diffusé à l’ensemble des juridictions, à 9 000 exemplaires, pour faire connaître la mesure et inviter chacun à y faire appel. Votre proposition, quelque peu disproportionnée, ne nous convainc donc pas.
C'est pourquoi je vous demande, madame la sénatrice, de bien vouloir retirer votre amendement.
Il s’agissait d’un amendement d’appel et d’alerte. Je le retire donc, monsieur le président.
L’article 6 bis est adopté.
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1°
2° Après le titre XXI bis du livre IV, il est inséré un titre XXI ter ainsi rédigé :
« TITRE XXI TER
« DE LA PROTECTION DES INTERPRÈTES
« Art. 706 -63 -2. – Les interprètes peuvent, sur autorisation du procureur de la République ou du juge d’instruction, déclarer comme domicile l’adresse du commissariat ou de la brigade de gendarmerie.
« L’adresse professionnelle de ces personnes est alors inscrite sur un registre coté et paraphé, qui est ouvert à cet effet.
« Art. 706-63-3. – En cas de procédure portant sur un crime ou sur un délit puni d’au moins trois ans d’emprisonnement, lorsque la révélation de l’identité d’un interprète est susceptible de mettre gravement en danger sa vie ou son intégrité physique ou celles de ses proches, le juge des libertés et de la détention, le juge d’instruction ou le président de la juridiction de jugement statuant en chambre du conseil peut ordonner soit d’office, soit à la demande du procureur de la République ou des parties, que cette identité ne soit pas mentionnée au cours des audiences publiques et ne figure pas dans les procès-verbaux, ordonnances, jugements ou arrêts de la juridiction d’instruction ou de jugement qui sont susceptibles d’être rendus publics.
« Le juge des libertés et de la détention ou le juge d’instruction adresse sans délai copie de la décision prise en application du premier alinéa au procureur de la République et aux parties.
« La décision ordonnant la confidentialité de l’identité du témoin n’est pas susceptible de recours.
« L’interprète est alors désigné au cours des audiences ou dans les procès-verbaux, ordonnances, jugements ou arrêts par un numéro que lui attribue le juge des libertés et de la détention, le juge d’instruction ou le président de la juridiction de jugement.
« Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent article.
« Art. 706-63-4. – Le fait de révéler l’identité ou l’adresse de l’interprète ayant bénéficié des articles 706-63-2 et 706-63-3 est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende. »
L’amendement n° 42 rectifié, présenté par Mme Yonnet et M. Sueur, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Au dernier alinéa de l'article 706-62-1, le montant : « 75 000 € » est remplacé par le montant : « 375 000 € » ;
La parole est à Mme Évelyne Yonnet.
Aujourd’hui est présenté le vingt-deuxième rapport de la Fondation Abbé Pierre sur l’état du mal-logement en France ; dans le même temps, nous examinons une proposition de loi sur le renforcement de la justice pénale.
Je conçois que le lien peut paraître peu évident pour certains. Il l’est pourtant pour une part toujours croissante de nos concitoyens, victimes ou coupables. Il l’est aussi pour nos collectivités territoriales, qui sont de plus en plus nombreuses à s’impliquer dans la lutte contre un phénomène qui croît sans même que, souvent, nous nous en rendions compte, tant dans le milieu urbain que dans le milieu rural. Tel est l’objet principal de la proposition de loi que j’ai déposée avec M. Jean-Pierre Sueur et qui a été cosignée par 78 de nos collègues : la lutte contre les marchands de sommeil.
Cet amendement vise à alourdir, de 75 000 euros à 375 000 euros, le montant de l’amende encourue pour le délit de divulgation de l’identité d’un témoin, afin de préserver les victimes du risque de représailles.
Je n’ignore pas que la loi renforçant la lutte contre le crime organisé a fixé le montant de cette amende à 75 000 euros pour tout crime ou délit puni d’au moins trois ans d’emprisonnement. Toutefois, je sais aussi, mes chers collègues, que 75 000 euros, pour un marchand de sommeil, ce n’est rien ! Ce n’est pas une telle somme qui arrêtera la volonté de représailles de ces hommes et femmes qui exercent une activité illégale pouvant rapporter des milliers d’euros chaque mois. Une procédure pourrait pourtant y mettre fin et protéger des victimes très fragiles, à faibles revenus, parfois sans papiers.
Monsieur le ministre, être marchand de sommeil est devenu un business très lucratif, qui a malheureusement de l’avenir au regard des migrations à venir : je pense notamment aux futures victimes, désignées et attendues, que seront les réfugiés climatiques.
Mes chers collègues, je vous propose d’adopter cet amendement, car cette somme de 75 000 euros, si elle peut être efficace pour des crimes ou délits non lucratifs, ne l’est pas dans le cas présent. Je rappellerai en outre que, lors de l’examen de la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté, un nombre égal de sénateurs avait voté pour et contre notre amendement.
L’article 706-62-1 du code de procédure pénale, relatif à la divulgation de l’identité d’un témoin, a été créé par la loi du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé : le Parlement s’est donc prononcé assez récemment sur le niveau approprié de la peine.
Il ne semble pas nécessaire de revenir sur cette rédaction, a fortiori si c’est pour déroger au principe constitutionnel de nécessité et de proportionnalité des peines. En l’espèce, au vu des informations que l’on m’a communiquées, ce type d’incriminations a donné lieu à un nombre infime, voire nul, de condamnations.
L’avis de la commission sur cet amendement est donc défavorable.
Le Gouvernement souhaite le retrait de cet amendement, et ce pour deux raisons.
En premier lieu, comme M. le rapporteur l’a souligné, le Parlement s’est prononcé il y a moins d’un an sur les sanctions à réserver à ce délit. En outre, la semaine dernière, le Sénat a adopté un texte proposé par le Gouvernement qui reprend cette disposition et l’étend à d’autres fonctionnaires. Si l’on adoptait votre amendement, madame la sénatrice, on créerait une distorsion injustifiée dans l’échelle des peines.
En second lieu, de manière plus importante encore, si vous visez les marchands de sommeil, ceux-ci peuvent être poursuivis en raison même de leur activité délictuelle, et la condamnation qu’ils encourent alors est autrement plus lourde que ce que vous proposez ici pour la révélation de l’identité de témoins. Nous avons déjà tout l’arsenal nécessaire pour poursuivre les marchands de sommeil !
De ce fait, madame la sénatrice, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement, faute de quoi l’avis du Gouvernement serait défavorable.
J’ai bien entendu M. le ministre. Toutefois, en toute franchise, je souhaite que les décisions qui ont été prises par les parlementaires en matière pénale soient appliquées beaucoup plus en amont.
Le problème risque en effet de s’aggraver, car le milieu rural est désormais affecté, et non plus seulement le milieu urbain. Cela aurait également constitué un signal fort pour les collectivités : ce sont elles qui s’occupent du relogement des victimes et qui essayent de monter les dossiers, parfois lourds. Il faut donc prendre conscience de ce problème, et appliquer les lois rapidement.
Cela dit, je retire mon amendement, monsieur le président.
L’article 7 est adopté.
L’amendement n° 4 rectifié, présenté par MM. Reichardt, Dufaut, Bonhomme, Doligé, Masclet, Danesi, Kennel, Commeinhes, Laufoaulu, Perrin, Raison, Laménie, Lefèvre et Cuypers, Mme Lamure, MM. del Picchia et Chaize, Mme Deromedi et M. Huré, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 4 du chapitre Ier du titre II du livre II du code de procédure pénale est complétée par un paragraphe ainsi rédigé :
« Paragraphe…
« De la clôture des débats
« Art. 461- … – Le président déclare les débats terminés. Lorsque le prévenu est libre et que les circonstances de l’affaire le justifient, le président peut enjoindre au prévenu de ne pas quitter le palais de justice pendant la durée du délibéré, en indiquant, le cas échéant, le ou les locaux dans lesquels il doit demeurer, et invite le chef du service d’ordre à veiller au respect de cette injonction. »
La parole est à M. Éric Doligé.
Cet amendement s’explique par son texte même. J’en présenterai néanmoins rapidement le contenu.
Cet amendement vise à créer, pour le tribunal correctionnel, une faculté de garder sous escorte un prévenu pendant le temps du délibéré, soit en général quelques dizaines de minutes. Une telle disposition est destinée à éviter qu’un détenu comparaissant libre ne prenne la fuite entre la fin des plaidoiries et le prononcé de la peine, ce qui participerait à la décrédibilisation de l’action de la justice. On alignerait ainsi les procédures correctionnelles sur les procédures criminelles.
Une telle mesure me paraît d’une simplicité évidente, quand bien même elle ne serait pas toujours facile à mettre en œuvre.
Dans les faits, je crains qu’une telle disposition ne suscite des tensions quasi insupportables lors de la préparation des délibérés.
Surtout, elle pose selon moi une difficulté de taille : comme le jugement n’est pas encore rendu et que le prévenu n’est donc pas encore condamné, celui-ci est toujours présumé innocent pendant le délibéré. Une telle mesure me semblerait donc contraire au principe constitutionnel d’exercice des droits de la défense. Il y a là un trop grand risque.
C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Un tel dispositif a été créé pour la cour d’assises, dans la loi du 15 juin 2000, pour la raison suivante : si l’accusé quittait la cour, cela empêchait le prononcé de la sentence, au nom de l’oralité des débats. Or la procédure correctionnelle est tout à fait différente, car elle ne repose pas sur le principe de l’oralité des débats. Dès lors, même si le prévenu quitte le tribunal, cela n’empêche pas le prononcé de la peine, le respect du contradictoire étant réputé acquis.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
Je m’attendais, monsieur le rapporteur, à ce que vous m’expliquiez ne pouvoir me suivre, car l’application de mon amendement, qui est certes bon, aurait suscité des problèmes… Vous m’auriez alors demandé de le retirer ; cela eût été élégant !
M. le ministre aurait pu aussi me faire une telle demande.
Cela dit, compte tenu des explications qui m’ont été données, je retire mon amendement, monsieur le président.
I. – L’article 132-18-1 du code pénal est ainsi rétabli :
« Art. 132-18-1. – I. – Pour les crimes commis en état de récidive légale, la peine d’emprisonnement, de réclusion ou de détention ne peut être inférieure aux seuils suivants :
« 1° Cinq ans, si le crime est puni de quinze ans de réclusion ou de détention ;
« 2° Sept ans, si le crime est puni de vingt ans de réclusion ou de détention ;
« 3° Dix ans, si le crime est puni de trente ans de réclusion ou de détention ;
« 4° Quinze ans, si le crime est puni de la réclusion ou de la détention à perpétuité.
« Toutefois, la juridiction peut prononcer une peine inférieure à ces seuils en considération des circonstances de l’infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d’insertion ou de réinsertion présentées par celui-ci.
« Lorsqu’un crime est commis une nouvelle fois en état de récidive légale, la juridiction ne peut prononcer une peine inférieure à ces seuils que si l’accusé présente des garanties exceptionnelles d’insertion ou de réinsertion.
« II. – Pour les délits commis en état de récidive légale, la peine d’emprisonnement ne peut être inférieure aux seuils suivants :
« 1° Deux ans, si le délit est puni de cinq ans d’emprisonnement ;
« 2° Trois ans, si le délit est puni de sept ans d’emprisonnement ;
« 3° Quatre ans, si le délit est puni de dix ans d’emprisonnement.
« Toutefois, la juridiction peut prononcer, par une décision spécialement motivée, une peine inférieure à ces seuils ou une peine autre que l’emprisonnement en considération des circonstances de l’infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d’insertion ou de réinsertion présentées par celui-ci.
« La juridiction ne peut prononcer une peine autre que l’emprisonnement lorsqu’est commis une nouvelle fois en état de récidive légale un des délits suivants :
« 1° Violences volontaires ;
« 2° Délit commis avec la circonstance aggravante de violences ;
« 3° Agression ou atteinte sexuelle ;
« 4° Délit puni de dix ans d’emprisonnement.
« Par décision spécialement motivée, la juridiction peut toutefois prononcer une peine d’emprisonnement d’une durée inférieure aux seuils prévus au présent article si le prévenu présente des garanties exceptionnelles d’insertion ou de réinsertion.
« Les dispositions du présent article ne sont pas exclusives d’une peine d’amende et d’une ou plusieurs peines complémentaires.
« III. – Pour les délits prévus aux articles 222-9, 222-12 et 222-13, au 3° de l’article 222-14, au 4° de l’article 222-14-1 et à l’article 222-15-1, la peine d’emprisonnement ne peut être inférieure aux seuils suivants :
« 1° Dix-huit mois, si le délit est puni de sept ans d’emprisonnement ;
« 2° Deux ans, si le délit est puni de dix ans d’emprisonnement.
« Toutefois, la juridiction peut prononcer, par une décision spécialement motivée, une peine inférieure à ces seuils ou une peine autre que l’emprisonnement en considération des circonstances de l’infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d’insertion ou de réinsertion présentées par celui-ci.
« IV. –
Supprimé
II
Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L’amendement n° 7 est présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L’amendement n° 14 est présenté par MM. Anziani, Bigot, Sueur, Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 31 est présenté par Mmes Benbassa, Archimbaud, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Poher.
L’amendement n° 46 rectifié est présenté par MM. Mézard, Amiel, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Christian Favier, pour présenter l’amendement n° 7.
Cet amendement vise à supprimer le rétablissement des peines planchers pour les crimes et délits punis d’une peine d’emprisonnement supérieure à cinq ans. Ces peines, inefficaces pour lutter contre la récidive, sont en outre à l’origine d’un allongement de la durée des peines ; elles accroissent par conséquent la surpopulation carcérale.
De plus, la réintroduction des peines planchers porte atteinte au principe constitutionnel d’individualisation des peines et affaiblit le pouvoir d’appréciation du juge.
Enfin, alors que ces peines ont été supprimées par la loi Taubira du 15 août 2014, voilà à peine plus de deux ans, on les réintègre sans se donner le temps de pouvoir mesurer avec du recul les effets de cette suppression.
Nous proposons en conséquence la suppression de cet article.
Cet article restaure les peines planchers. Or celles-ci sont inutiles et inefficaces : tous les chiffres le montrent, en particulier ceux qui sont fournis par l’Union syndicale des magistrats, l’USM. Par ailleurs, un tel principe nous heurte, à l’évidence, puisqu’il nie toute possibilité d’individualisation des peines.
Nous sommes contre la réintroduction de ces peines planchers et nous demandons donc la suppression de cet article.
La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 31.
L’article 8 vise tout simplement à rétablir les peines planchers abrogées par la réforme pénale de 2014.
Nous sommes ici vraiment dans la posture. Ce mécanisme, qui heurte le principe d’individualisation des peines, a été abrogé parce que les peines planchers ont montré leur totale inefficacité en matière de lutte contre la récidive. Il est aberrant de vouloir y revenir !
La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l’amendement n° 46 rectifié.
Cet article n’a pas été substantiellement modifié par la commission des lois. Il prévoit pourtant le rétablissement du mécanisme des peines planchers et le doublement des peines encourues en cas de récidive : nous irions plus loin encore que le législateur de 2007 !
Il faut rappeler que les études actuellement disponibles sur les effets des mesures de la loi du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive ne permettent pas de conclure qu’elles auraient eu un effet déterminant sur la baisse de la récidive ou de la délinquance. En revanche, leur rôle dans l’augmentation de la population carcérale est évident.
En outre, l’introduction du mécanisme des peines planchers n’aurait pas eu d’impact sur le taux de peines de prison avec ou sans sursis prononcées en cas de récidive, qui demeure autour de 94 %, comme le révélait l’étude d’impact de la loi de 2014.
C’est pourquoi il est proposé de supprimer cet article, qui, en rétablissant un dispositif n’ayant pas fait ses preuves, introduit une énième et inefficiente modification du code pénal.
M. François Pillet, rapporteur. Nous avons eu ce débat à de multiples reprises. Il n’aura tout de même échappé à personne que la peine plancher, telle qu’elle est prévue dans ce texte, n’est pas tout à fait la même : elle ne s’appliquera qu’au-delà d’une peine d’emprisonnement supérieure à cinq ans.
Mme Cécile Cukierman s’exclame.
Par ailleurs, quelles que soient ses convictions, nul ne peut dire que le rétablissement des peines planchers porte atteinte à l’individualisation des peines, voire à l’opportunité des poursuites. La commission des lois a en effet veillé à ce que, systématiquement, la peine plancher ne soit qu’une possibilité que le juge peut évacuer s’il estime que les conditions motivant l’individualisation de la peine ou l’invocation de circonstances atténuantes sont réunies.
On peut ne pas être d’accord sur les suites, les conséquences, les effets, les bénéfices ou non de la peine plancher, mais on ne peut pas considérer qu’il est porté atteinte à un quelconque droit fondamental.
C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur ces amendements de suppression.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. J’ai la chance de débattre de ce sujet quasi systématiquement depuis que je suis garde des sceaux ! Cette disposition a été déposée sur tous les textes, même, de façon incidente, lors de la prolongation de l’état d’urgence. Je ne remobiliserai pas l’appareil argumentatif pour expliquer pourquoi je suis contre le retour des peines planchers.
M. Bruno Sido s’exclame.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur ces amendements identiques.
Je voterai bien entendu ces amendements de suppression.
Je souhaite appeler l’attention du rapporteur sur l’incohérence de sa position. Monsieur le rapporteur, au cours de la discussion générale, vous avez indiqué que ce qui importait, c’était non le quantum des peines, mais leur efficacité et leur mise en œuvre rapide.
Pour des individus qui sont déjà en détention provisoire, cette mise en œuvre est immédiate et appliquée. En revanche, pour ceux qui ne le sont pas, elle peut être relativement longue, pour des raisons que nous permet de mieux cerner le tour des juridictions que nous accomplissons dans le cadre de la mission d’information sur le redressement de la justice.
Certes, les magistrats pourront prononcer une peine inférieure à la peine plancher en considération des circonstances de l’infraction, de la personnalité de son auteur, des garanties d’insertion ou de réinsertion que celui-ci présente. En revanche, ils ne pourront en aucun cas le faire parce que les prisons sont trop pleines – vous avez d’ailleurs souligné qu’elles l’étaient, monsieur le rapporteur.
Ce faisant, vous oubliez que, une fois de plus, on en conclura que la peine prévue par le législateur de la droite n’est pas appliquée par les magistrats et que ceux-ci sont laxistes. Vous avez pourtant vous-même reconnu qu’ils ne l’étaient pas. Vous n’êtes pas cohérent, mais je comprends que vous ne puissiez pas systématiquement aller à l’encontre de votre groupe.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 7, 14, 31 et 46 rectifié.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L'article 8 est adopté.
(Non modifié)
Aux premier et avant-dernier alinéas des articles 132-25 et 132-26-1 et à l’article 132-27 du code pénal, les mots : « deux ans » sont remplacés par les mots : « un an » et les mots : « un an » sont remplacés par les mots : « six mois ».
Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 8 est présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 15 est présenté par MM. Anziani, Bigot, Sueur, Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.
L'amendement n° 32 est présenté par Mmes Benbassa, Archimbaud, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Poher.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° 8.
Cet amendement vise à répondre au principe du tout-répressif que défend ce texte, ce qui ne correspond pas du tout à notre philosophie.
Contrairement aux peines planchers, l’aménagement des peines paraît efficace dans la prévention de la récidive et répond à une nécessité de justice pénale à caractère plus humain, qui tient compte de la personnalité et de la situation du condamné. De plus, l’affaiblissement de l’aménagement des peines s’oppose aux recommandations du Conseil de l’Europe et des règles pénitentiaires européennes, qui considèrent que la peine privative de liberté ne doit être que la peine « de dernier recours ».
Voilà pourquoi nous demandons la suppression de cet article.
Voilà un article bien étrange, qui supprime l’aménagement des peines inférieures à deux ans pour les primodélinquants et inférieures à un an pour les récidivistes. C’est d’autant plus étonnant et incohérent que, en 2009, nous avons longuement débattu de la loi pénitentiaire de Rachida Dati, laquelle avait fait adopter un aménagement de peine avec ce quantum, et que, en 2014, une nouvelle majorité avait confirmé ces dispositions.
Aujourd’hui, sans que l’on sache vraiment pourquoi, on nous propose d’aller à la fois contre la loi de 2014, ce que l’on peut comprendre venant de votre part, chers collègues de la majorité sénatoriale, et contre celle de 2009, qui a fait l’objet d’un consensus.
Nous demandons donc la suppression de cet article.
La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l'amendement n° 32.
Oui, cet article revient sur la loi pénitentiaire de 2009, dont nous tirons les leçons.
La disposition prévue à cet article a fait l’objet d’un consensus assez large parmi les magistrats que j’ai eu l’occasion d’auditionner. Beaucoup estiment en effet qu’un seuil d’aménagement trop élevé conduit à dénaturer la peine d’emprisonnement et lui retire son rôle dissuasif.
Or, comme les magistrats l’affirment eux-mêmes, les peines d’emprisonnement d’une durée supérieure à un an sont dans la majeure partie des cas le résultat d’une décision réfléchie. D’un point de vue plus pratique, ils sont également nombreux à relever que les peines d’emprisonnement d’une durée supérieure à un an sont généralement difficilement aménageables.
C’est la raison pour laquelle j’ai pris l’initiative de modifier en commission cet article, pour tenir compte des indications des magistrats. Quand l’expérience commande la révision d’une mesure, il faut le faire : cela s’appelle le pragmatisme.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements identiques de suppression.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Les aménagements de peine n’ont pas du tout pour ambition de dénaturer la peine. Ils visent au contraire à individualiser son exécution, afin d’encourager la prévention de la récidive. Si le texte est maintenu dans sa rédaction, la surpopulation carcérale s’aggravera.
M. Charles Revet s’exclame.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur ces amendements.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L'article 9 est adopté.
I. – Le chapitre II du titre III du livre Ier du code pénal est ainsi modifié :
1° Après le mot : « présent, », la fin du second alinéa de l’article 132-29 est ainsi rédigée : « des conséquences qu’entraînerait une condamnation pour une nouvelle infraction qui serait commise dans les délais prévus aux articles 132-35 et 132-37. » ;
2° L’article 132-35 est ainsi modifié :
a) Les mots : « ayant ordonné la révocation totale du sursis dans les conditions définies à l’article 132-36 » sont remplacés par les mots : « sans sursis qui emporte révocation » ;
b) Les mots : « totale ou partielle » sont supprimés ;
3° L’article 132-36 est ainsi rédigé :
« Art. 132 -36. – Toute nouvelle condamnation à une peine d’emprisonnement ou de réclusion révoque le sursis antérieurement accordé, quelle que soit la peine qu’il accompagne.
« Toute nouvelle condamnation d’une personne physique ou morale à une peine autre que l’emprisonnement ou la réclusion révoque le sursis antérieurement accordé qui accompagne une peine quelconque autre que l’emprisonnement ou la réclusion.
« La révocation du sursis est intégrale. » ;
4° L’article 132-37 est ainsi modifié :
a) Les mots : « ayant ordonné la » sont remplacés par les mots : « sans sursis emportant » ;
b) La seconde occurrence des mots : « du sursis » est supprimée ;
5° L’article 132-38 est ainsi rédigé :
« Art. 132-38. – En cas de révocation du sursis simple, la première peine est exécutée sans qu’elle puisse se confondre avec la seconde.
« Toutefois, la juridiction peut, par décision spéciale et motivée, dire que la condamnation qu’elle prononce n’entraîne pas la révocation du sursis antérieurement accordé ou n’entraîne qu’une révocation partielle, pour une durée qu’elle détermine, du sursis antérieurement accordé. Elle peut également limiter les effets de la dispense de révocation à l’un ou plusieurs des sursis antérieurement accordés. » ;
6° À l’article 132-39, les mots : « totale du sursis n’a pas été prononcée dans les conditions prévues à l’article 132-36 » sont remplacés par les mots : « du sursis n’a pas été encourue ».
II. –
Non modifié
1° L’article 735 est abrogé ;
2° À la fin de l’article 735-1, la référence : « 735 » est remplacée par la référence : « 711 ».
Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 10 est présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 16 est présenté par MM. Anziani, Bigot, Sueur, Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.
L'amendement n° 33 est présenté par Mmes Benbassa, Archimbaud, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Poher.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Christian Favier, pour présenter l’amendement n° 10.
Cet article avait pour objet initial de rétablir la révocation automatique et intégrale du sursis simple, supprimée par la loi Taubira du 15 août 2014. Même si les modifications apportées en commission par M. le rapporteur vont dans le bon sens, en permettant au juge de faire obstacle par une décision spéciale et motivée à la révocation automatique du sursis, les dispositions prévues continuent à nuire à l’individualisation des peines, principe à valeur constitutionnelle.
Je le répète, il est nécessaire de laisser la révocation à la libre appréciation du juge. C’est pourquoi nous souhaitons la suppression de cet article.
Même motif, mêmes effets : cette disposition augmentera la surpopulation carcérale, ainsi que vient de le souligner M. le garde des sceaux. En outre, elle n’améliorera certainement pas la réinsertion, qui devrait être l’objectif premier du législateur.
La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l'amendement n° 33.
La commission des lois est très cohérente : le juge peut déroger à la révocation automatique, en ne la prononçant pas ou en s’y opposant. L’individualisation des peines est donc bien préservée.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements identiques de suppression.
Même si le texte adopté par la commission des lois prévoit désormais une exception pertinente au principe de révocation automatique et intégrale du sursis, le mécanisme proposé nuit toujours à une appréciation fine et individualisée de la situation de la personne condamnée, ainsi que, par conséquent à l’efficacité de la sanction pénale.
Par ailleurs, le texte ne rétablit pas la possibilité qui était auparavant ouverte à la personne condamnée de demander, lorsque la juridiction du jugement n’avait pas expressément statué sur une dispense de révocation du sursis, de bénéficier ultérieurement de cette demande.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur ces amendements identiques de suppression.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L'article 10 est adopté.
La section 2 du chapitre II du titre III du livre Ier du code pénal est ainsi modifiée :
1° Le premier alinéa de l’article 132-42 est ainsi modifié :
a) À la première phrase, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « cinq » ;
b) À la deuxième phrase, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « sept » ;
c) À la dernière phrase, le mot : « sept » est remplacé par le mot : « dix » ;
2° Au premier alinéa de l’article 132-47, les mots : « peut être » sont remplacés par le mot : « est » ;
3° L’article 132-48 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa, les mots : « peut, après avis du juge de l’application des peines, ordonner » sont remplacés par les mots : « ordonne, après avis du juge de l’application des peines » ;
b) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, la juridiction peut, par décision spéciale et motivée, faire obstacle à la révocation du sursis antérieurement accordé. » ;
4° Au début de l’article 132-49, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« La révocation partielle du sursis ne peut être ordonnée qu’une fois » ;
5° L’article 132-50 est ainsi rédigé :
« Art. 132-50. – Si la juridiction ordonne l’exécution de la totalité de l’emprisonnement et si le sursis avec mise à l’épreuve a été accordé après une première condamnation déjà prononcée sous le même bénéfice, la première peine est d’abord exécutée à moins que, par décision spéciale et motivée, la juridiction ne dispense le condamné de tout ou partie de son exécution. »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 17 est présenté par MM. Anziani, Bigot, Sueur, Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.
L'amendement n° 36 est présenté par Mmes Benbassa, Archimbaud, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Poher.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Alain Anziani, pour présenter l’amendement n° 17.
Les dispositions précédentes concernaient le sursis simple ; celles-ci portent sur le sursis avec mise à l’épreuve. C’est donc exactement la même argumentation qui prévaut.
La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l'amendement n° 36.
C’est exactement la même réponse que pour le sursis simple !
La commission émet un avis défavorable.
L’article 11 rigidifie fortement les procédures.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur ces amendements de suppression.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L'article 11 est adopté.
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Le 4° de l’article 61-1 et le 2° de l’article 803-6 sont complétés par une phrase ainsi rédigée :
« Elle est informée des dispositions prévues à l’article 434-26 du code pénal ; »
2° Le onzième alinéa de l’article 63-1, le 5° de l’article 141-4 et le 5° de l’article 709-1-1 sont complétés par une phrase ainsi rédigée :
« Elle est informée des dispositions prévues à l’article 434-26 du code pénal. » ;
3° Le premier alinéa de l’article 328 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il informe également l’accusé des dispositions prévues à l’article 434-26 du code pénal. » ;
4° Après la première phrase de l’avant-dernier alinéa de l’article 393, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« Il l’informe également des dispositions prévues à l’article 434-26 du code pénal. » ;
5° Après la deuxième phrase de l’article 406, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« Il informe également le prévenu des dispositions prévues à l’article 434-26 du code pénal. » ;
6° Après le mot : « mentionnés », la fin du premier alinéa de l’article 113-4 est ainsi rédigée : « à l’article 113-3. Le juge d’instruction informe le témoin assisté des dispositions prévues à l’article 434-26 du code pénal et procède aux formalités prévues aux deux derniers alinéas de l’article 116. Mention de ces informations est faite au procès-verbal. » ;
7° L’article 116 est ainsi modifié :
a) Le quatrième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le juge d’instruction informe également la personne des dispositions prévues à l’article 434-26 du code pénal. » ;
b) Après la cinquième phrase du cinquième alinéa, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« Le juge d’instruction informe également la personne des dispositions prévues à l’article 434-26 du code pénal. »
L'amendement n° 50, présenté par M. Pillet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 8 et 9
Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :
4° L’avant-dernier alinéa de l’article 393 est ainsi modifié :
a) Après la première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« Il l’informe également des dispositions prévues à l’article 434-26 du code pénal. » ;
b) À l’avant-dernière phrase, après les références : « 394 à 396 », sont insérés les mots : « du présent code » ;
II. – Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
…) Au huitième alinéa, après la référence : « 173 », sont insérés les mots : « du présent code ».
La parole est à M. le rapporteur.
L'amendement est adopté.
L'article 12 est adopté.
Après le mot : « dénoncée », la fin du premier alinéa de l’article 226-10 du code pénal est ainsi rédigée : «, soit au public, en méconnaissance de l’article 6 et de la procédure définie à l’article 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende. » –
Adopté.
(Supprimé)
À la seconde phrase du troisième alinéa de l’article 179 du code de procédure pénale, les références : « 2°, 4°, 5° et 6° » sont remplacées par les références : « 2°, 3°, 4°, 5°, 6° et 7° ».
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 18 est présenté par MM. Anziani, Bigot, Sueur, Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.
L'amendement n° 39 est présenté par Mmes Benbassa, Archimbaud, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Poher.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Alain Anziani, pour présenter l’amendement n° 18.
Cet article étend les critères pour la détention à titre de mesure de sûreté, ce qui porte atteinte à la liberté individuelle. Les critères aujourd’hui fixés nous semblent suffisants ; il n’est donc pas nécessaire de les renforcer. Je rappelle d’ailleurs qu’ils ont été votés par la même majorité au moment de la loi pénitentiaire de 2009.
La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l'amendement n° 39.
La nécessité d’empêcher la concertation frauduleuse entre la personne mise en examen et ses coauteurs de même que la nécessité du maintien de l’ordre public, qui justifient la mise en détention provisoire lors de l’information judiciaire, ne prennent pas systématiquement fin à l’issue de l’instruction. J’ajoute, même si cela ne suffira sans doute pas à vous convaincre, chers collègues, que les parquets partagent mon opinion.
C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur ces amendements identiques de suppression.
Même si la commission des lois a corrigé une disposition qui n’était pas pertinente, le texte ne paraît pas satisfaisant. Le risque de concertation frauduleuse est en effet très réduit lorsque les investigations sont terminées.
En outre, motiver le maintien en détention sur le fondement de l’ordre public manque de cohérence, puisque ce critère ne s’applique pas en matière correctionnelle lors du placement initial en détention.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur ces amendements identiques de suppression.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L'article 14 est adopté.
L’article 327 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Il peut décider de remettre aux assesseurs et aux jurés une version papier de la présentation concise dont il a donné lecture. » –
Adopté.
La dernière phrase du troisième alinéa de l’article 331 du code de procédure pénale est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :
« Les officiers et agents de police judiciaire appelés à rendre compte de leurs investigations peuvent s’aider de documents au cours de leur déposition. La même faculté peut être accordée aux autres témoins sur autorisation expresse du président. » –
Adopté.
Après le deuxième alinéa de l’article 706-75 du code de procédure pénale, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Pour le jugement des accusés majeurs, les règles relatives à la composition et au fonctionnement de la cour d’assises pour le jugement des infractions mentionnées au 1° de l’article 706-73 et des infractions qui leur sont connexes sont fixées à l’article 698-6.
« Pour l’application de l’avant-dernier alinéa, la chambre de l’instruction, lorsqu’elle prononce la mise en accusation conformément au premier alinéa de l’article 214, constate que les faits entrent dans le champ d’application du 1° de l’article 706-73. »
L'amendement n° 49, présenté par M. Pillet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer les mots :
de l'avant-dernier alinéa
par les mots :
du troisième alinéa du présent article
La parole est à M. le rapporteur.
Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
L'amendement est adopté.
L'article 16 bis est adopté.
L’article 132-4 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La confusion des peines ne peut être ordonnée, sauf décision spéciale et motivée de la juridiction amenée à statuer dans les conditions prévues au premier alinéa, que lorsque les peines ont été prononcées soit pour la même infraction, soit pour une infraction qui lui est assimilée au regard des règles de la récidive, et que chacun des faits a été commis sans être séparé par une autre condamnation pénale définitive. »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 19 est présenté par MM. Anziani, Bigot, Sueur, Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.
L'amendement n° 40 est présenté par Mmes Benbassa, Archimbaud, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Poher.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Alain Anziani, pour présenter l’amendement n° 19.
Le dispositif prévu rend beaucoup plus difficile la confusion des peines. Aujourd’hui, celle-ci existe lorsque deux infractions n’ont pas été séparées par une décision ayant un caractère définitif.
Ce texte ajoute qu’il faudra que les deux faits pouvant donner lieu à des décisions soient de même nature : il sera donc plus complexe pour le juge de prononcer la confusion des peines.
La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l'amendement n° 40.
Cet article consacre une position très fréquemment adoptée par les juridictions, lesquelles refusent souvent la confusion des peines lorsque les infractions sont de nature différente.
De plus, et c’est un leitmotiv cette après-midi, il est essentiel de souligner que, là encore, nous avons veillé à préserver le pouvoir d’appréciation des juges, qui auront la possibilité de déroger à cette mesure par une décision spéciale et motivée.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements identiques de suppression.
La confusion des peines doit rester un moyen d’individualiser les peines en tenant compte du parcours de la personne condamnée dans son intégralité.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L'article 17 est adopté.
L’article 132-16-5 du code pénal est ainsi rédigé :
« Art. 132-16-5. – L’état de récidive légale est relevé par le procureur de la République dans l’acte de poursuites et au stade du jugement, sous réserve du principe d’opportunité des poursuites prévu à l’article 40-1 du code de procédure pénale.
« Il est relevé d’office par la juridiction de jugement, sauf décision spéciale et motivée, même lorsqu’il n’est pas mentionné dans l’acte de poursuites. La personne poursuivie en est informée et est mise en mesure d’être assistée d’un avocat et de faire valoir ses observations. »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 20 est présenté par MM. Anziani, Bigot, Sueur, Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.
L'amendement n° 41 est présenté par Mmes Benbassa, Archimbaud, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Poher.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Alain Anziani, pour présenter l’amendement n° 20.
C’est toujours la même philosophie qui prévaut. Cet article prévoit que l’état de récidive légale est relevé par le ministère public, sous réserve du principe d’opportunité des poursuites, et relevé d’office par la juridiction de jugement, sauf en cas de décision spéciale et motivée de sa dernière. Selon nous, cet article limitera de nouveau le pouvoir d’appréciation des juges et rendra encore plus automatiques les différentes peines, ce à quoi nous sommes opposés.
La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l'amendement n° 41.
Il est prévu que l’état de récidive légale est relevé par le procureur et relevé d’office par la juridiction de jugement, sauf en cas de décision spéciale et motivée.
Comme je l’ai indiqué lors de la discussion générale, cela exigera peut-être des juges un travail supplémentaire de motivation, mais c’est précisément cela qu’attendent les justiciables ! Ils veulent savoir pourquoi un juge a pris une telle décision. D’ailleurs, les obligations de motivation sont de plus en plus « à la mode », si j’ose dire, tant à l’échelon européen qu’à celui de la Cour de cassation, ce dont je suis très heureux. C’est la raison pour laquelle cet article ne porte atteinte à aucun principe.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces amendements identiques de suppression.
Au nom du principe de l’autorité de la chose jugée, le Gouvernement s’est félicité de la suppression en commission de la proposition initiale de relever d’office la récidive au stade de l’exécution des peines.
Néanmoins, contraindre les magistrats à relever d’office la récidive au stade de la poursuite et du jugement, sous réserve de l’opportunité des poursuites par le parquet, et à émettre une décision spéciale et motivée pour la juridiction rigidifiera et complexifiera la procédure.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis favorable sur ces amendements identiques de suppression.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L'article 18 est adopté.
Le chapitre II du titre Ier du livre V du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1°
Supprimé
2° Le premier alinéa de l’article 712-6 est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Les jugements concernant les mesures de placement à l’extérieur, de semi-liberté, de fractionnement et suspension des peines, de placement sous surveillance électronique et de libération conditionnelle relèvent de la compétence :
« 1° Du juge de l’application des peines lorsque la peine privative de liberté prononcée est d’une durée inférieure ou égale à dix ans ou lorsque la durée de détention restant à subir est inférieure ou égale à trois ans. Les jugements sont rendus, après avis du représentant de l’administration pénitentiaire, à l’issue d’un débat contradictoire tenu en chambre du conseil, au cours duquel le juge de l’application des peines entend les réquisitions du ministère public et les observations du condamné ainsi que, le cas échéant, celles de son avocat. Si le condamné est détenu, ce débat peut se tenir dans l’établissement pénitentiaire. Il peut être fait application de l’article 706-71 ;
« 2° Du tribunal de l’application des peines lorsque la peine privative de liberté prononcée est d’une durée supérieure à dix ans ou lorsque la durée de détention restant à subir est supérieure à trois ans. » ;
2° bis (nouveau) Le début du premier alinéa de l’article 712-7 est ainsi rédigé : « Les mesures concernant le placement à l’extérieur, la semi-liberté, le fractionnement et la suspension des peines, le placement sous surveillance électronique, le relèvement de la période de sûreté ou la libération conditionnelle qui ne relèvent pas de la compétence …
le reste sans changement
2° ter
3° L’article 712-10 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, après la première occurrence du mot : « juge », sont insérés les mots : « ou le tribunal » ;
b) À la dernière phrase du dernier alinéa, les mots : « réside habituellement, est écroué ou » sont supprimés ;
4°
L'amendement n° 21, présenté par MM. Anziani, Bigot, Sueur, Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Alain Anziani.
Cet article modifie les compétences respectives du juge de l'application des peines et du tribunal d’application des peines. Il s’agit là d’une mesure de défiance à l’égard du juge de l'application des peines à laquelle nous ne pouvons adhérer.
L’article 19 confie une partie du contentieux de l’application des peines au tribunal de l’application des peines et non plus au juge unique de l’application des peines. Pour la commission des lois, c’est une condition nécessaire de l’amélioration de la justice pénale. Voir entrer la collégialité dans ce domaine aussi sensible ne peut nuire, même si je conçois qu’une telle décision supposera des moyens.
En revanche, le texte de la commission ne traduit aucune défiance à l’égard du juge de l’application des peines : nous avons proposé une harmonisation des critères de compétence, qui paraît plus claire et cohérente.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Le Gouvernement considère que la nouvelle répartition des compétences est de nature à alourdir très fortement la charge de travail des juridictions de l’application des peines et risque par conséquent de retarder les aménagements de peine et de nuire à la prise en charge des longues peines.
En outre, cela ne paraît pas utile au regard de la possibilité que le juge d’application des peines a de renvoyer le dossier vers le tribunal de l’application des peines s’il l’estime nécessaire, renvoi qui s’opère en pratique au regard de la complexité du dossier ou de la particulière gravité des faits à l’origine de la condamnation.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.
Je répète l’observation que j’ai déjà formulée. Dans le cadre de la mission d’information sur le redressement de la justice, les magistrats que nous avons rencontrés avec le président de la commission des lois nous ont indiqué qu’ils étaient débordés : les juges des libertés n’y parviennent pas, pas plus que les juges d’application des peines, ce que M. le rapporteur reconnaît.
Ajouter un tribunal d’application des peines suppose des magistrats supplémentaires. Or vous avez proposé de diminuer le nombre de magistrats dans les cours d’assises professionnelles. Je rappelle d’ailleurs que c’est votre majorité qui, pendant cinq ans, a limité les recrutements à quatre-vingts magistrats par an au plus. Résultat ?Il en manque aujourd’hui. Heureusement, monsieur le garde des sceaux, les promotions ont été augmentées et le recrutement est maintenant massif, ce qui est indispensable.
On ne peut pas accroître la charge de travail sans donner des moyens supplémentaires. Les magistrats n’en peuvent plus : un jour, ils feront un burn-out ou ne pourront plus répondre à notre demande. Il faut y faire attention.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 19 est adopté.
Après la section 7 du chapitre II du titre II du livre V du code de procédure pénale, est rétablie une section 8 ainsi rédigée :
« Section 8
Modalités d’exécution des fins de peine d’emprisonnement en l’absence de tout aménagement de peine
« Art. 723-19. – Pour les peines d’emprisonnement d’une durée inférieure ou égale à cinq ans, lorsqu’aucune mesure d’aménagement n’a été ordonnée six mois avant la date d’expiration de la peine, toute personne condamnée à laquelle il reste quatre mois d’emprisonnement à subir ou, pour les peines inférieures ou égales à six mois, à laquelle il reste les deux tiers de la peine à subir, peut demander à exécuter le reliquat de sa peine selon les modalités du placement sous surveillance électronique. La demande doit être motivée par un projet sérieux d’insertion ou de réinsertion.
« Cette mesure est ordonnée par le juge de l’application des peines sauf en cas d’impossibilité matérielle, d’incompatibilité entre la personnalité du condamné et la nature de la mesure ou de risque de récidive.
« Le placement est mis en œuvre par le directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation sous l’autorité du procureur de la République qui fixe les mesures de contrôle et les obligations énumérées aux articles 132-44 et 132-45 du code pénal auxquelles la personne condamnée devra se soumettre.
« Un décret précise les modalités d’application du présent article. »
L'amendement n° 22, présenté par MM. Anziani, Bigot, Sueur, Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Alain Anziani.
La question que pose cet article est intéressante : faut-il revenir au bracelet électronique pour les fins de peine ?
On pourrait concevoir que c’est une bonne idée. Pourtant, la loi du 15 août 2014 avait supprimé cette disposition, pour deux raisons. D’une part, l’expérience avait montré que cette mesure était faiblement utilisée – 3, 7 % –, d’autre part, la réflexion qui avait eu lieu au moment de l’examen de la loi de 2014 avait révélé que le bracelet électronique n’était pas forcément la solution pour éviter la récidive et favoriser la réinsertion. En effet, il s’agit de permettre à ceux qui sont en fin de peine, sous certaines conditions, de bénéficier d’une sorte de libération conditionnelle, qui leur permette de retrouver un contact direct et vrai, de retrouver la société et de s’y faire une place.
Nous sommes donc opposés à la restauration de cette mesure.
Cet amendement vise à supprimer le rétablissement de la surveillance électronique de fin de peine. Ses auteurs considèrent en effet que le dispositif de libération sous contrainte suffit à éviter les sorties sèches et qu’il n’y a pas lieu d’avoir un doublon. Néanmoins, dans la mesure où l’article 21 supprime la libération sous contrainte, il paraissait nécessaire de rétablir un dispositif permettant d’éviter les sorties sèches tout en l’améliorant.
De plus, la commission n’a pas simplement rétabli le dispositif antérieur : il sera désormais exigé un projet sérieux d’insertion de la part du condamné et le procureur de la République prononcera des obligations de contrôle judiciaire en sus du placement sous surveillance électronique.
Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Contrairement à la commission des lois, le Gouvernement est favorable à la libération sous contrainte.
J’émets donc un avis favorable sur cet amendement de suppression.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 19 bis est adopté.
I. – Le livre V du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° À la seconde phrase du cinquième alinéa de l’article 717-1, le mot : « supplémentaires » et la référence : « 721 » sont supprimés ;
2° Les trois premiers alinéas de l’article 721 sont supprimés et, à la première phrase du dernier alinéa, les mots : « compte tenu de la réduction de peine prévue par le premier alinéa » sont remplacés par les mots : «, de l’éventuelle réduction de la peine prévue à l’article 721-1 » ;
3° L’article 721-1 est ainsi rédigé :
« Art. 721-1. – Une réduction de la peine peut être accordée aux condamnés qui manifestent des efforts sérieux de réadaptation sociale. Cette réduction, accordée par le juge de l’application des peines après avis de la commission de l’application des peines, ne peut excéder trois mois la première année, deux mois par année supplémentaire d’incarcération ou sept jours par mois lorsque la durée d’incarcération restant à subir est inférieure à une année. Si le condamné est en état de récidive légale, cette réduction ne peut excéder deux mois la première année, un mois par année supplémentaire d’incarcération ou cinq jours par mois lorsque la durée d’incarcération restant à subir est inférieure à une année.
« Son quantum est fixé en tenant compte :
« 1° Des efforts de formation du condamné ;
« 2° De son travail en détention ou de sa participation à des activités culturelles ;
« 3° De ses recherches d’emploi ;
« 4° De l’indemnisation des parties civiles, selon ses capacités contributives et le montant des sommes restant à devoir ;
« 5° De sa soumission à des mesures d’examen, de traitement ou de soins, notamment aux fins de désintoxication et de prévention de la récidive.
« Sauf décision contraire spécialement motivée du juge de l’application des peines, aucune réduction de la peine ne peut être accordée à une personne condamnée :
« 1° Pour un crime ou un délit pour lequel le suivi socio-judiciaire est encouru, qui refuse ou ne suit pas de façon régulière le traitement qui lui a proposé en application des articles 717-1 et 763-7 ;
« 2° Dans les circonstances mentionnées à la première phrase du second alinéa de l’article 122-1 du code pénal et qui refuse les soins qui lui sont proposés ;
« 3° Pour l’une des infractions mentionnées à l’article 706-47 du présent code si, lorsque leur condamnation est devenue définitive, le casier judiciaire faisait mention d’une telle condamnation.
« Une réduction supplémentaire de la peine peut être accordée aux condamnés qui passent avec succès un examen scolaire, professionnel ou universitaire. Cette réduction peut atteindre trois mois par année d’incarcération. Elle est réduite à deux mois si le condamné est en état de récidive légale. » ;
3° bis (nouveau) L’article 721-1-1 est abrogé ;
3° ter (nouveau) Aux premier et huitième alinéas de l’article 721-2, les mots : « aux articles 721 et » sont remplacés par les mots : « à l’article » ;
4° À l’article 723-29, les mots : « au crédit de réduction de peine et » et le mot : « supplémentaires » sont supprimés.
II. – L’article 132-24 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les juridictions d’application des peines ne peuvent octroyer le bénéfice de l’une des mesures prévues à la présente section que sur demande du condamné. »
III
L'amendement n° 23, présenté par MM. Anziani, Bigot, Sueur, Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Alain Anziani.
Cet article supprime les réductions automatiques de peine, pour que le régime actuellement prévu devienne le seul régime de réduction de la peine.
Il faut rappeler que le régime des crédits de réduction de peine a été instauré par la loi pénitentiaire du 9 mars 2004, dite « Perben II », et que seule la minoration de ces crédits pour les condamnés en état de récidive a été supprimée par la loi du 15 août 2014. Il est donc proposé le retour au régime antérieur à 2004. Pour les mêmes motifs que ceux qui ont déjà été avancés au cours de cette discussion, nous ne pouvons pas accepter ce retour.
Il ne faudrait pas que ce problème, sociologiquement important, devienne le terrain de chasse de personnes moins versées dans la pédagogie que nous. Il nous faut répondre à des situations qui sont parfois dénoncées par les magistrats eux-mêmes.
C’est la raison pour laquelle il a paru nécessaire de renverser le principe. Les réductions de peine seront toujours possibles, mais elles ne seront pas automatiques en fonction du temps passé dans l’établissement pénitentiaire : elles interviendront après démonstration d’un comportement de réinsertion.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Les crédits de réduction de peine sont un moyen d’améliorer l’exécution des peines. Ils permettent surtout un suivi à la sortie de la détention, en cas d’absence d’aménagement de peine, par le biais d’un suivi post-libération ou d’une surveillance judiciaire. Qui plus est, cela relève du principe de l’individualisation et ne peut être fonction des demandes des personnes poursuivies.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 20 est adopté.
I. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Le livre V est ainsi modifié :
a) Le titre Ier bis est abrogé ;
b) La section 1 bis du chapitre II du titre II est abrogée ;
2° (nouveau) Au 6° de l’article 74-2, les mots : « ou d’une libération sous contrainte, » sont supprimés ;
3°
4°
5°
6°
« 1° Dans le délai de vingt-quatre heures s’agissant des ordonnances mentionnés aux articles 712-5 et 712-8 ;
« 2° Dans le délai de dix jours s’agissant des jugements mentionnés aux articles 712-6 et 712-7. » ;
7°
8°
9°
II
1° Le 2° de l’article 131-3 est abrogé ;
2° L’article 131-4-1 est abrogé ;
3° Au premier alinéa de l’article 131-9, les mots : « la peine de contrainte pénale ou » sont supprimés.
Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L'amendement n° 11 est présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 24 est présenté par MM. Anziani, Bigot, Sueur, Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.
L'amendement n° 34 est présenté par Mmes Benbassa, Archimbaud, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Poher.
L'amendement n° 48 rectifié est présenté par MM. Mézard, Amiel, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° 11.
Cet article a pour objet de supprimer la peine de contrainte pénale et la procédure de libération sous contrainte, dispositions que nous avons défendues lorsqu’elles ont été présentées au Parlement.
Introduite par la loi relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales du 15 août 2014, ou loi Taubira, la peine de contrainte pénale est certes encore peu utilisée par les magistrats, mais il est nécessaire de laisser à ces derniers le temps de s’approprier ce dispositif.
Au-delà des vertus de ses modalités de fonctionnement pour la réinsertion des individus, sa suppression viendrait accroître de fait la surpopulation carcérale.
Par ailleurs, la question de l’accroissement du budget reste en suspens si ces suppressions sont mises en œuvre.
Les dépenses devraient plutôt être réorientées pour rendre efficaces ces aménagements de peine, car, à la différence de l’ancien sursis avec mise à l’épreuve, la contrainte pénale exige un suivi intense des condamnés et des renforts supplémentaires en conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation. Comme je l’ai dit lors de la discussion générale, une justice efficace et humaine est à ce prix, et c’est une nécessité pour notre société.
L’article 21 est un article majeur de cette proposition de loi. Le président de la commission des lois nous rappelait d’ailleurs tout à l’heure que, parmi les objectifs de ce texte, figurait la suppression de la contrainte pénale. Notre rapporteur juge cette mesure inefficace, parce qu’elle est inutilisée par les magistrats.
Permettez-moi toutefois de formuler quelques observations.
Tout d’abord, je voudrais insister sur le caractère très novateur de la contrainte pénale. Différente d’un sursis avec mise à l’épreuve, elle constitue une nouvelle peine.
Elle existe dans les pays anglo-saxons, qui ne sont pas forcément connus pour leur laxisme et qui la jugent pourtant utile en sus des peines prison et d’autres dispositions, telles que le sursis avec mise à l’épreuve.
Elle a également été recommandée par le Conseil de l’Europe, conformément à sa philosophie de l’emprisonnement comme recours de dernier rang.
Elle a enfin donné lieu à de nombreux travaux, notamment de la conférence de consensus sur la prévention de la récidive, qui avait proposé cette peine.
On nous dit que la contrainte pénale n’est pas utilisée. Toutefois, depuis combien de temps existe-t-elle ? À l'évidence, elle constitue un vrai bouleversement, et même sans doute une révolution culturelle pour nos magistrats. C’est pourquoi il faut lui laisser le temps de trouver toute sa dimension, toute sa place dans notre dispositif pénal.
Elle constitue en tout cas une solution. Je ne sais pas si elle sera remise en cause aujourd'hui ou plus tard, mais je suis persuadé que, si elle l’était, la question se reposerait très rapidement.
La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l'amendement n° 34.
Nous avons passé un nombre important d’heures, au sein de la commission et en séance publique, à débattre de la contrainte pénale, disposition phare de la loi Taubira.
Nous l’avons défendue, considérant que cette mesure, qui se déroule en milieu ouvert, est une peine à part entière, une peine dont la finalité est de responsabiliser et de réinsérer le condamné dans notre société.
Nous souhaitions d’ailleurs avec force que cette nouvelle peine trouve rapidement toute sa place dans le système pénal, qu’elle soit véritablement appliquée et ne soit pas considérée par les magistrats comme une simple mesure de substitution au sursis avec mise à l’épreuve.
Sa mise en application n’est probablement pas totalement satisfaisante à ce jour, mais nous continuons d’être favorables à cette mesure et nous nous opposons tout naturellement à sa suppression.
La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l'amendement n° 48 rectifié.
Je ne conteste pas que la contrainte pénale ait pu susciter des espoirs. Ces derniers, fruits de la réflexion de la conférence de consensus, étaient toutefois quelque peu immatériels. Sur le terrain, la contrainte pénale ne fonctionne pas.
Tout d’abord, les financements nécessaires n’ont pas été prévus. Ensuite, et surtout, cette mesure ne se différencie pas du sursis avec mise à l’épreuve, que les magistrats ont l’habitude d’appliquer et d’utiliser. C’est si vrai que, depuis 2014, seulement 2 504 mesures de contrainte pénale ont été prononcées, alors que 110 000 mesures de sursis l’ont été dans le même temps. Il y a donc à l’évidence un problème.
Nous aurions certes pu poursuivre longtemps le débat, mais ce qui a emporté ma décision, ce sont les auditions de magistrats. Ces derniers m’ont dit qu’ils n’avaient pas recours à la mesure de contrainte pénale, la jugeant trop lourde et trop complexe. Faisons donc porter nos efforts sur le sursis avec mise à l’épreuve, et abrogeons cette mesure, qui a sans doute porté des espoirs, mais qui, pragmatiquement, n’a rien apporté du tout.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces amendements identiques de suppression.
Le Gouvernement croit à la contrainte pénale. J’ai d’ailleurs remis au Parlement un rapport sur la mise en œuvre de la loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales en octobre dernier, dans lequel je m’efforce d’expliquer pourquoi nous n’avons aujourd'hui que 2 287 contraintes pénales, alors que l’étude d’impact en espérait beaucoup plus. Bien des raisons l’expliquent.
Le premier élément, évident, M. le rapporteur vient de le souligner, est que les magistrats avaient l’habitude d’utiliser le sursis et qu’un nouvel outil suscite une plus grande prudence.
Le deuxième élément, également souligné par M. le rapporteur bien qu’il vienne à l’appui de la contrainte pénale, est que, pour que cette dernière soit efficace, il faut que des personnels, notamment des conseillers d’insertion et de probation, soient recrutés. Nous n’avons pu le faire dans les tout premiers mois, mais 1 100 conseillers d’insertion ont été recrutés depuis lors, qui sont à la disposition des magistrats.
Le troisième élément est que ce mécanisme n’est pas connu. Les avocats eux-mêmes ne demandent pas cette peine pour leurs clients, auxquels ils ne souhaitent pas la voir appliquée. Nous avons organisé, avec la Direction des affaires criminelles et des grâces, une réunion de sensibilisation le 6 décembre dernier. J’ai invité les parquets à requérir plus souvent la contrainte pénale et, s’ils ne le font pas, à nous expliquer pourquoi.
Je ne suis pas fétichiste, et s’il faut procéder à des ajustements, nous le ferons. Toutefois, cela ne saurait aller jusqu’à la suppression de la contrainte pénale défendue par la commission des lois.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur ces amendements identiques.
Monsieur le ministre, l’article 21 est à mes yeux le plus fondamental de notre discussion. La contrainte pénale résume à elle seule toute la politique pénale de ce quinquennat.
Nous avons tout d’abord des objections de principe très fortes à l’égard de cette politique, dont, avec la contrainte pénale, le principe devient l’alternative à la prison, et l’exception, la prison.
À l’inverse, nous voulons une politique où le principe est la prison, et l’exception, l’alternative à la prison. Cette démarche, qui n’est pas que symbolique, indique que nous n’avons pas de pudeur ni de réticence face à l’acte de punir. Or par la contrainte pénale, vous avez manifesté de la réticence et de la pudeur face à l’acte de punir. Face à la montée de la délinquance, il nous semble absolument essentiel d’affirmer nettement l’exigence de la punition et de la sanction.
Le deuxième élément pour lequel il faut renoncer à cette contrainte pénale, et non simplement la laisser dépérir d’elle-même alors que les juges ne la prononcent pas, est son échec patent, et cela après plusieurs années d’application. Les chiffres – 1 000 contraintes pénales prononcées par an en moyenne face à 108 000 peines de prison –, permettent de mesurer l’inanité de ce dispositif, qui est massivement rejeté par les magistrats.
Vous avez raison, il faut se demander pourquoi, entre 2011 et 2015, les décisions des magistrats ont abouti à une augmentation de 10 % des peines de prison ferme, alors même que vous leur proposiez la contrainte pénale.
Il y a deux raisons à cela.
La première raison est que nos magistrats sont sévères, contrairement à ce que l’on entend dire parfois. D'ailleurs, ils ont aussi diminué de 18, 7 % le nombre de peines d’emprisonnement avec sursis et mise à l’épreuve en cinq ans. C’est dire si nos juges sont sévères et s’ils veulent une répression efficace face à la délinquance. Ce dispositif est donc mauvais sur le plan des principes.
La seconde raison justifiant que nous ne puissions le laisser subsister est que vous n’avez pas réussi à doter le service de probation et d’application des peines des moyens nécessaires. Cela montre que la méthode utilisée était mauvaise, et que, dorénavant, il faudra toujours faire des études d’impact approfondies avant de prendre de nouvelles mesures en matière de politique pénale.
Je voterai bien évidemment ces amendements de suppression.
Permettez-moi de préciser que la contrainte pénale n’a rien de commun avec le sursis avec mise à l’épreuve. Il s’agit d’une mesure lourde, impliquant des contrôles permanents sur toute la durée de la sanction, alors que le sursis est une condamnation à une peine d’emprisonnement qui n’est pas exécutée et qui peut être assortie d’une mise à l’épreuve quand il ne s’agit pas d’un sursis simple.
La réalité est que, aujourd'hui, les agents de probation ont trop de contrôles à réaliser sur les sursis avec mise à l’épreuve et qu’ils n’y parviennent pas systématiquement. La contrainte pénale est une mesure beaucoup plus répressive. Que l’on cesse donc, monsieur le président de la commission des lois, de laisser accroire qu’il y aurait une droite répressive et une gauche laxiste. Ce n’est pas vrai !
Le problème est de savoir quelle est l’efficacité de la procédure pénale. Nous devons creuser ce problème, notamment dans le cadre de la mission d’information sur le redressement de la justice.
Monsieur le rapporteur, vous avez dit qu’il fallait que les sanctions soient d’abord efficaces, que l’enjeu était non pas leur importance ou leur quantum, mais leur mise en œuvre rapide. Il est exact que la contrainte pénale n’est pas accueillie aujourd'hui par les juridictions, parce que, sauf en quelques lieux où elle est fortement pratiquée, celles-ci n’ont pas les moyens de la mettre en œuvre.
Monsieur le garde des sceaux, personne ne saurait vous faire le reproche de ne pas y penser, mais permettez-moi d’insister sur l’urgence, au moment où les prisons se remplissent, de donner à l’administration pénitentiaire les moyens dont elle a besoin.
Soyons cohérents dans nos propos : on ne peut pas, d’un côté, constater lors de la discussion générale que les prisons se remplissent plus encore que d’habitude, et, de l’autre, s’entendre dire que nous serions pour la libération des gens ! C’est complètement faux, et ce n’est pas comme cela que nous aborderons le redressement de la justice dans une République apaisée.
La justice est l’une des premières obligations régaliennes et, sans faire de populisme, les démocrates ont tout intérêt à ce qu’elle puisse fonctionner. C’est ce que nos concitoyens attendent.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 11, 24, 34 et 48 rectifié.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L'article 21 est adopté.
L’article 13 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ils sont assistés, dans l’exercice de leurs missions, par les délégués bénévoles à la probation, dans des conditions définies par décret. »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 25 est présenté par MM. Anziani, Bigot, Sueur, Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.
L'amendement n° 47 rectifié est présenté par MM. Mézard, Amiel, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Alain Anziani, pour présenter l’amendement n° 25.
Faut-il que des délégués bénévoles viennent renforcer les services pénitentiaires d’insertion et de probation ? C’est la question qui est posée au travers de cet article.
Notre réponse est de bon sens : ce ne sont pas des bénévoles qu’il nous faut, mais une meilleure professionnalisation. Nous assistons d’ailleurs à son accélération dans l’ensemble de notre pays.
Nous disposons aujourd'hui de conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation de grande qualité. Ils sont recrutés par voie de concours et formés pendant deux ans à l’École nationale d’administration pénitentiaire. Il nous paraît donc beaucoup plus utile de compléter et d’approfondir cette formation, plutôt que de recruter des délégués bénévoles en plus de nos conseillers de métier.
La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l'amendement n° 47 rectifié.
L’article 22 propose de réintroduire la possibilité d’avoir recours à des bénévoles pour alléger le travail des services pénitentiaires d’insertion et de probation.
Comme l’exprime le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, M. Jean-Marie Delarue, « l’efficacité de la prison réside moins dans le jour de l’entrée que dans le jour de sortie du condamné ». S’il est des économies à ne pas faire lorsque l’on cherche à lutter contre la récidive, c’est donc dans l’accompagnement des probationnaires.
Depuis une trentaine d’année, cette mission d’accompagnement s’est considérablement professionnalisée, en bonne intelligence avec le milieu associatif, qui assure une fonction support importante.
Mes chers collègues, nous craignons que la réintroduction de bénévoles ne casse cette dynamique de professionnalisation, qui est, vous l’avez compris, essentielle. Pour cette raison, nous proposons la suppression de l’article 22 de la proposition de loi.
Loin de moi l’idée de contester que la professionnalisation des services pénitentiaires d’insertion et de probation ait été très bénéfique.
Pour autant, il ne vous aura pas échappé que, dans sa rédaction, l’article ne nuit pas à l’apport du monde associatif et bénévole et lui permet, dans des conditions déterminées, d’apporter un soutien ponctuel aux équipes sur des missions limitativement énumérées.
La commission, qui pense avoir fait œuvre créatrice sur ce sujet, émet donc un avis défavorable sur ces amendements de suppression.
Le Gouvernement est plutôt favorable à la suppression de l’article 22. En effet, les mesures de suivi n’ayant pas vocation à être prononcées dans les dossiers les moins complexes, la présence de bénévoles est plutôt de nature à nous inquiéter. Nous préférons faire confiance à la compétence des services d’insertion et de probation, dont je répète que nous avons augmenté leurs effectifs, puisque, depuis trois ans, nous avons recruté 1 100 conseillers supplémentaires.
Permettez-moi également de remercier le président Philippe Bas de son appréciation sur le travail des juges. Ses déclarations sur leur sévérité seront de très bons soutiens au regard des facilités auxquelles quelques-uns de ses amis peuvent parfois se laisser aller, prétendant que la justice est laxiste dans ce pays…
Le Gouvernement émet donc un avis favorable.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L'article 22 est adopté.
I (nouveau). – Un décret en Conseil d’État prévoit les missions et les modalités de fonctionnement des établissements pour peines, dans lesquels sont affectés les condamnés définitifs.
II
« La répartition des condamnés dans les établissements pour peines s’effectue compte tenu de leur catégorie pénale, de leur âge, de leur état de santé, de leur profil médico-psychologique et de leur personnalité. Leur régime de détention est déterminé en prenant en compte leur personnalité, leur santé, leur profil médico-psychologique, leur dangerosité et leurs efforts en matière de réinsertion sociale. Le placement d’une personne détenue sous un régime de détention plus ou moins sévère ne peut porter atteinte aux droits mentionnés à l’article 22 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire.»
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 12 est présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 35 est présenté par Mmes Benbassa, Archimbaud, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Poher.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° 12.
L’article 23 veut restaurer l’effectivité de l’exécution de la peine et lutter contre la surpopulation pénitentiaire en définissant un nouveau type d’établissement pénitentiaire pour les détenus condamnés à des peines courtes et « considérés comme peu dangereux, ne risquant pas de s’évader et dont la peine restant à subir serait inférieure à un an ».
Quand allons-nous cesser de penser que la prison et l’enfermement sont la réponse à tous les maux de notre société ?
À la question de la surpopulation carcérale, la droite sénatoriale répond par la création de nouvelles structures pénitentiaires de fait, alors que les conditions de vie dans les maisons d’arrêt, dont le taux d’occupation est de 137 %, ne cessent de se dégrader. Et nous ne parlons pas de la hausse continue du nombre de détenus encore non jugés – presque 19 500 prévenus au 1er janvier dernier.
Cette proposition de loi qui promet de rendre la justice plus répressive ne fera donc qu’accentuer le problème. Je le répète avec force : lutter contre la surpopulation carcérale ne consiste pas à créer de nouveaux centres de rétention, comme le suggère cet article. Un moyen simple de désengorger les prisons existe. Il consiste à faire de la détention provisoire une exception et non la règle, comme je l’ai déjà souligné lors de la discussion générale.
La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l'amendement n° 35.
Les centres de détention à sécurité adaptée répondent incontestablement à une réalité : tous les détenus ne nécessitent pas le même niveau de sécurité.
Dès lors, il nous est apparu souhaitable de prévoir que certains établissements puissent ne se voir affectés par l’administration pénitentiaire que des détenus peu dangereux, pour lesquels une courte peine reste à subir. Cet article est pragmatique et me semble répondre aux besoins de l’administration pénitentiaire.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces amendements identiques de suppression.
Je ne conteste pas ce que vient de dire M. le rapporteur : il est vrai que tous les détenus ne demandent pas le même niveau de sécurité pour leur incarcération.
La définition des critères de répartition des condamnés reprend d’ailleurs le droit existant. L’article 23 y ajoute le profil médico-psychologique du détenu, ce qui n’apporte aucune modification de fond, puisque ce profil est déjà intégré dans la définition de la personnalité du détenu.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur ces amendements identiques de suppression.
La proposition de Mme Cukierman me semble incroyable, moi qui ai plus de trente ans de barreau derrière moi ! Il me semble impossible de dire qu’il ne faut plus créer de centres de rétention, quand nous subissons une délinquance de plus en plus forte.
Sans doute faut-il les créer différemment pour répondre au problème de la solitude, qui existe dans les nouveaux centres de détention, mais le maintien de la détention provisoire, certes pas à tout va, mais pour un certain nombre de dossiers, est indispensable au maintien de la sécurité publique.
Je connais bien la profession, pour avoir longtemps plaidé pour des gens extrêmement dangereux, en cour d’assise ou en correctionnelle. Or je ne suis pas du tout d’accord avec votre proposition et je ne pense pas qu’elle soit bonne.
Je voudrais tout d’abord rappeler à mon collègue Fouché que nous sommes réunis dans cette enceinte parce que nous avons toutes et tous été élus. Quelles que soient les expériences des uns et des autres et le nombre d’années passées au barreau de telle ou telle juridiction, c’est à ce titre-là que nous intervenons ! Nous sommes donc tous au même niveau. Il n’y a pas, d’un côté, ceux qui sauraient, et, de l’autre, ceux qui devraient apprendre.
Vous avez le droit de ne pas être d’accord avec l’amendement de suppression que nous proposons. Cette mesure fait pourtant l’objet d’un débat depuis les travaux de notre commission.
Je pourrais aussi vous rétorquer, puisque vous avez tant d’expérience, qu’il est bien connu qu’enfermer ou menacer de la prison ne fait malheureusement pas baisser la délinquance. S’il suffisait d’avoir une justice plus répressive et plus sévère pour que la délinquance cesse, cela se saurait. Les maux sont malheureusement bien plus profonds.
C’est pourquoi je suis en droit de dire – que cela vous plaise ou non, vous devez le respecter –, que cette proposition de créer des centres n’est pas satisfaisante et ne répond pas aux besoins.
Sur ce point particulier, on nous dit depuis tout à l’heure que ce que nous proposons n’est pas cohérent et que nous sommes d’abominables personnages, qui en quelque sorte entendent incarcérer tout le monde.
Permettez-moi simplement de rappeler que l’article 23 vise à nous doter d’établissements dont le niveau de sécurité est largement allégé, puisqu’il correspond à des peines et à des personnalités qui, ne présentant pas de dangerosité particulière, ne nécessitent pas un arsenal de surveillance monumental.
L’objectif est de « désengorger » les prisons qui sont surchargées – certaines connaissant un taux surpopulation qui monte jusqu’à 200 % – et de disposer d’établissements plus souples et mieux adaptés, de surcroît à des personnes qui ne méritent pas de surveillance très importante et qui pourront ainsi exécuter leur peine tout à fait normalement.
Cette proposition contribue donc à améliorer la condition carcérale et le respect des détenus, notamment de ceux qui ne présentent pas de dangerosité particulière, tout en favorisant l’individualisation des peines.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L'article 23 est adopté.
(Non modifié)
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1°À la première phrase du premier alinéa de l’article 474, les deux occurrences des mots : « deux ans » sont remplacées par les mots : « un an » et à la première phrase du premier alinéa de l’article L. 723-15, les trois occurrences des mots : « deux ans » sont remplacées par les mots : « un an » ;
2° À l’avant-dernière phrase du premier alinéa de l’article 474 et à la seconde phrase du premier alinéa de l’article 723-15, les mots : « de deux ans » sont remplacés par les mots : « d’un an » ;
3° À l’avant-dernière phrase du premier alinéa de l’article 474 et à la seconde phrase du premier alinéa de l’article 723-15, les mots : « un an » sont remplacés par les mots : « six mois ».
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 26 est présenté par MM. Anziani, Bigot, Sueur, Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.
L'amendement n° 37 est présenté par Mmes Benbassa, Archimbaud, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Poher.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Alain Anziani, pour présenter l’amendement n° 26.
Cet article a pour objet d’abaisser les seuils d’aménagement des peines. Je considère mon amendement de suppression comme défendu, car j’ai déjà largement développé mes arguments.
La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l'amendement n° 37.
C’est exactement le même débat que celui que nous avons eu sur l’article 9.
Je tiens à souligner que les magistrats que j’ai eu l’occasion d’auditionner étaient favorables aux dispositions de cet article.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces amendements de suppression.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L'article 24 est adopté.
L’article 149 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« Art. 149. – Sans préjudice de l’application des articles L. 141-2 et L. 141-3 du code de l’organisation judiciaire, la personne qui a fait l’objet d’une détention provisoire au cours d’une procédure terminée à son égard par une décision devenue définitive de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement a droit, à sa demande, à réparation intégrale du préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention.
« Aucune réparation n’est due lorsque :
« 1° L’information judiciaire au cours de laquelle a été ordonnée la détention provisoire a fait l’objet d’une annulation et qu’une nouvelle enquête ou une nouvelle information judiciaire a été ouverte sur les mêmes faits ;
« 2° La décision de non-lieu, relaxe ou acquittement a pour fondement la reconnaissance de son irresponsabilité au sens de l’article 122-1 du code pénal, une amnistie postérieure à la mise en détention provisoire, ou la prescription de l’action publique intervenue après la libération de la personne ;
« 3° La personne était dans le même temps détenue pour une autre cause ;
« 4° La personne a fait l’objet d’une détention provisoire pour s’être librement et volontairement accusée ou laissé accuser à tort en vue de faire échapper l’auteur des faits aux poursuites.
« À la demande de l’intéressé, le préjudice est évalué par expertise contradictoire réalisée dans les conditions des articles 156 et suivants du présent code.
« Lorsque la décision de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement lui est notifiée, la personne est avisée de son droit de demander réparation, ainsi que des dispositions des articles 149-1, 149-2 et du premier alinéa de l’article 149-3. »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 27 est présenté par MM. Anziani, Bigot, Sueur, Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.
L'amendement n° 38 est présenté par Mmes Benbassa, Archimbaud, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Poher.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Alain Anziani, pour présenter l’amendement n° 27.
Il existe un principe général de réparation intégrale du préjudice subi, notamment en cas de non-lieu à l’issue d’une détention provisoire. Ce principe général, prévu à l’article 149 du code pénal, admet quelques dérogations précisément énoncées.
La question qui nous est posée aujourd'hui est de savoir s’il faut ajouter une nouvelle dérogation, un nouvel amoindrissement de cette réparation générale.
M. le rapporteur propose notamment d’exclure la réparation dans les cas où « l’information judiciaire au cours de laquelle a été ordonnée la détention provisoire a fait l’objet d’une annulation et qu’une nouvelle enquête ou une nouvelle information judiciaire a été ouverte sur les mêmes faits. »
Nous ne pouvons trancher une telle question en quelques minutes, notamment parce que cela mériterait de reposer la question de la réparation intégrale des personnes qui sont aujourd'hui en détention. Il faut donc mener une réflexion beaucoup plus générale, et sans doute réaliser une évaluation pour savoir quels sont précisément les cas et quelles sont les réparations qui sont ensuite obtenues. À l’évidence, nous ne disposons pas de tous les éléments nécessaires pour nous prononcer aujourd'hui.
La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l'amendement n° 38.
Monsieur Anziani, l’objet de l’amendement que vous venez de présenter ne correspond pas tout à fait au texte adopté par la commission. En effet, celui-ci ne suspend pas la réparation du préjudice causé par une détention provisoire lorsque la décision de non-lieu est prononcée au bénéfice du doute.
En revanche, la commission des lois a prévu que ne pourraient pas faire l’objet d’une réparation les détentions provisoires ordonnées dans le cadre de procédures annulées, mais pour lesquelles une nouvelle enquête ou une nouvelle information judiciaire a été ouverte pour les mêmes faits.
Imaginons que, à la suite de cette nouvelle enquête ou de cette nouvelle information judiciaire, un non-lieu ou une relaxe définitive intervienne : dans ce cas, je ne prétends pas que l’indemnisation ne doit pas tenir compte de la première détention provisoire qui a été annulée.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces amendements identiques de suppression.
Le Gouvernement a bien noté le changement apporté par la commission des lois, qui n’a pas suivi le texte initial et qui a prévu d’exclure la réparation en cas d’annulation suivie d’une nouvelle enquête ou instruction.
Si de nouvelles poursuites sont effectivement engagées sur les mêmes faits dans le cadre d’une nouvelle information judiciaire, l’exclusion peut éventuellement se justifier. En revanche, elle nous paraît excessive s’il s’agit d’une simple enquête préliminaire.
À ce stade, le Gouvernement émet donc un avis favorable sur ces amendements identiques de suppression.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L'article 24 bis est adopté
Au premier alinéa de l’article 421-5 du code pénal, le nombre : « 225 000 » est remplacé par le nombre : « 300 000 ». –
Adopté.
Le code pénal est ainsi modifié :
1° Après l’article 421–1, il est inséré un article 421–1–1 ainsi rédigé :
« Art. 421–1–1. – Est puni de trente ans de réclusion criminelle et de 450 000 € d’amende :
« 1° Le fait d’entretenir des intelligences avec une organisation, une entreprise ou une puissance, étrangère ou sous contrôle étranger, ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur, ou avec leurs agents, afin de susciter des actes d'agression contre la France ou ses ressortissants ;
« 2° Le fait de fournir à une organisation, une entreprise ou une puissance, étrangère ou sous contrôle étranger, ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur, ou à leurs agents, les moyens d’entreprendre ou d’accomplir des actes d’agression contre la France ou ses ressortissants. » ;
2° Au début du premier alinéa de l’article 411–4, sont ajoutés les mots :« Lorsqu’il ne peut être fait application de l'article 421–1–1, ». –
Adopté.
Le I de l’article 421–2–6 du code pénal est complété par un e ainsi rédigé :
« e) Faire l’apologie, par des écrits ou des paroles, d’actes de terrorisme. » –
Adopté.
(Non modifié)
Après le mot : « applicable », la fin de de la dernière phrase du 7° de l’article 144 du code de procédure pénale est ainsi rédigée : « aux délits punis d’une peine inférieure ou égale à cinq ans d’emprisonnement, à l’exception de ceux prévus au chapitre Ier du titre II du livre IV du code pénal. » –
Adopté.
Chapitre VI
Renforcer la protection des mineurs
L’article 222–22–1 du code pénal est ainsi rédigé :
« Art. 222–22–1. – La contrainte prévue par les articles de la présente section peut être physique ou morale. La contrainte morale peut résulter de la différence d’âge existant entre une victime mineure et l’auteur des faits ou de l’autorité de droit ou de fait que celui-ci exerce sur cette victime. » –
Adopté.
Le 4° de l’article 775 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au présent 4°, les condamnations assorties du bénéfice du sursis avec ou sans mise à l’épreuve restent inscrites au casier judiciaire pour les durées prévues à l’article 133-13 du code pénal lorsqu’elles ont été prononcées pour une infraction prévue à la section 3 du chapitre II du titre II du livre II du même code et au préjudice d’un mineur. » –
Adopté.
La première phrase de l’avant-dernier alinéa de l’article 776 du code de procédure pénale est ainsi modifiée :
1° Les mots : « auprès des mineurs une activité culturelle, éducative ou sociale au sens de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles » sont remplacés par les mots : «, sous le contrôle de l’administration, une activité professionnelle ou sociale impliquant un contact régulier avec des mineurs » ;
2° Après les mots : « au recrutement d’une personne », sont insérés les mots : « ou à la gestion des parcours professionnels de ses employés ».
L'amendement n° 28, présenté par MM. Anziani, Bigot, Sueur, Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Alain Anziani.
Cet article prévoit de nouvelles dispositions quant à la délivrance d’un extrait de casier judiciaire aux personnes morales de droit public et privé qui exercent, sous le contrôle d’une administration, une activité professionnelle ou sociale impliquant un contact régulier avec des mineurs.
Permettez-moi de faire observer que, il y a quelques mois – je ne me souviens plus de la date exacte –, nous avons déjà légiféré sur ce point à la suite de l’affaire dite Villefontaine. Un peu de stabilité législative nous semble nécessaire. C’est pourquoi nous sommes contre cet article.
La proposition de loi ne me paraît pas remettre en cause le dispositif évoqué. À mon avis, elle le complète : nous avons expressément prévu que l’accès à ces informations pouvait certes être éventuellement donné à une association d’ordre privé, mais sous tutelle d’une administration publique. En aucun cas, une personne morale ou physique privée ne peut avoir accès au bulletin n° 2 du casier judiciaire.
C'est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
Le Gouvernement est favorable à cet amendement.
Comme l’a relevé Alain Anziani, a été votée, le 14 avril dernier, la loi prévoyant des évolutions quant aux modalités de délivrance du casier judiciaire. Il conviendrait d’avoir une expertise un peu plus poussée sur la rédaction proposée par la commission. Le Gouvernement est prudent et souhaite, par conséquent, la suppression de l’article 31.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 31 est adopté.
(Supprimé)
I. – L’article 711–1 du code pénal est ainsi rédigé :
« Art. 711–1. – Sous réserve des adaptations prévues au présent titre, les livres Ier à V du présent code sont applicables, dans leur rédaction résultant de la loi n° … du … tendant à renforcer l’efficacité de la justice pénale, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna. »
II. – Le premier alinéa de l’article 804 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« Le présent code est applicable, dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … tendant à renforcer l’efficacité de la justice pénale, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, sous réserve des adaptations prévues au présent titre et aux seules exceptions : ». –
Adopté.
Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. François-Noël Buffet, pour explication de vote.
Permettez-moi de formuler quelques observations au terme de l’examen de ce texte.
Premièrement, cette proposition de loi résulte d’un travail réalisé avec un grand nombre de collègues de mon groupe, que je tiens à remercier, y compris de leur présence aujourd'hui en séance publique.
Deuxièmement, je veux redire, eu égard aux propos qui ont été tenus précédemment par un certain nombre de collègues d’autres groupes, qu’il ne s’agissait pas ici d’évoquer de quelque manière que ce soit de nouvelles infractions, de nouveaux quanta de peines ou l’augmentation de quanta de peines encourues pour des infractions commises. Nous sommes bien dans une logique exclusive de parler de l’exécution des peines.
Demain, les magistrats qui siégeront à l’audience pourront continuer de travailler sur la même base des infractions prévues dans le code pénal et des quanta de peines prévues ; il n’y a pas de changement de ce point de vue.
En revanche, deux visions s’opposent dans la manière dont ces peines doivent être exécutées.
Une vision, qui est la nôtre, est celle d’une plus grande fermeté, qui répond à une situation réelle constatée dans nos juridictions, …
… nos villes, nos communes. Il importait donc de redire les choses et de remettre le tout en ordre, laissant toujours, et de façon permanente, au juge la capacité de pouvoir décider autrement. Il est évident que l’individualisation de la peine reste le principe fondamental. Demain, n’importe quel magistrat pourra décider de ne pas appliquer un sursis, de modifier un sursis avec mise à l’épreuve, voire de ne pas appliquer une peine plancher en cas de récidive pour une peine encourue de plus de cinq ans. C’est essentiel.
Par ailleurs, nous sommes favorables au fait que nous puissions trouver des solutions en matière carcérale. Nous l’avons déjà dit de façon très claire, avec les éléments que nous avons donnés.
La mise en place du tribunal de l’application des peines vient apporter une solution à la solitude du JAP ; c’est aussi un moment important dans l’exécution d’une peine prononcée par un tribunal.
Face à nous, certains ont une position différente : ils donnent la possibilité à un magistrat, au juge de l’application des peines ou à tout autre magistrat, de prendre en considération le fait que l’exécution de la peine prononcée ne sera pas la réalité de celle-ci. Nous ne sommes pas d’accord avec le fait d’accepter que tout se passe ainsi. Nous le disons simplement, très calmement : nous n’avons pas la même vision de l’exécution des peines, et les faits confortent nos propos dans tous les débats.
Merci au président de la commission des lois et au rapporteur !
M. Jean-Pierre Sueur. Ce matin, en commission des lois, j’ai déjà eu l’honneur de dire que ce texte était – j’ai même prononcé ce mot – une sorte de tract : c’est une vision très simplificatrice, mes chers collègues, vous me l’accorderez.
M. Bruno Sido s’exclame.
Mais enfin, à quoi sert ce texte ?
Tout le monde le sait, il ne sera pas examiné par l'Assemblée nationale avant la fin de la session parlementaire.
Il a donc simplement pour objet de définir – mes chers collègues, vous faites de la politique, …
… c’est votre droit tout à fait incontestable ! – ce que sera le programme du groupe Les Républicains et du groupe de l’UDI pour l’élection présidentielle et les élections législatives. C’est tout !
Monsieur Buffet, je tiens à dire que nous sommes pour la fermeté, la rigueur, l’exigence.
Nous voulons donner les moyens à la justice, et nous le faisons.
Mais le débat principal porte à l’évidence sur une question d’orientation. Alain Anziani a posé précédemment la question de l’efficacité. Pensez-vous que c’est plus efficace quand on réduit la liberté de décision des juges ? quand on diminue l’individualisation des peines ?...
… quand on supprime les peines planchers ? quand on revient sur l’aménagement des peines ? quand on réduit les prérogatives du juge de l’application des peines ?
Est-ce plus efficace de revenir sur le sursis avec mise à l’épreuve ? de revenir sur les alternatives à la détention ?
S’opposent en effet deux philosophies. Pour notre part, nous pensons que l’efficacité passe par la confiance dans les magistrats, …
… par l’individualisation des peines et par toutes les mesures que nous soutenons et que nous avons soutenues au cours de ces cinq années, pour une justice qui soit à la fois ferme, exigeante et humaine.
Monsieur le président, mes chers collègues, la priorité à la réinsertion, la mise en place de peines alternatives à l’incarcération, l’abrogation des peines plancher, toutes ces mesures que nous avons défendues sur ces travées dans un récent passé ont vocation aujourd'hui à être supprimées, tout au moins par le Sénat.
De surcroît, il est certain que les dispositions de la présente proposition de loi auront un impact tant sur la charge et l’organisation des juridictions de notre pays que sur les établissements pénitentiaires. La plupart d’entre eux étant déjà exsangues, il est impensable d’adopter un tel texte sans garantie aucune concernant le budget alloué à la justice. Les déclarations du candidat de la droite à l’élection présidentielle, soutenu par nombre des auteurs de ce texte, envisageant la suppression de 500 000 emplois publics, sont alors loin d’être rassurantes.
Parce que nous considérons qu’il s’agit là d’un texte d’affichage à destination des électeurs de droite, le groupe écologiste votera contre, sauf un de ses membres, qui ne prendra pas part au vote.
Monsieur le président, comme nous disposons encore d’un peu de temps, je ne résiste pas à la tentation de répondre en particulier à M. Sueur.
Monsieur Sueur, je ne peux pas vous laisser dire que ce travail législatif, que j’estime être, en tant que président de la commission des lois, un travail de qualité, serait un tract.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées de l'UDI-UC.
J’assume pleinement, en revanche, cette réalité que le Sénat est une assemblée permanente de la République…
… et que nous inscrivons notre travail dans la durée. Oui, mes chers collègues, le vote du Sénat dans un instant, le vote que j’espère, nous permettra – je le souhaite et je l’espère aussi vivement ! –, dans l’hypothèse de l’alternance, d’avoir un texte prêt pour que la nouvelle Assemblée nationale, au mois de juin prochain, puisse l’adopter immédiatement.
Cette proposition de loi est un texte d’importance. En effet, il ne remet pas du tout en cause le principe de l’individualisation des peines, mais il va émettre un signal nécessaire, celui de la sévérité de la lutte contre la délinquance.
Monsieur Sueur, nous avons un bilan des peines planchers. Les magistrats se sont sentis libres : dans plus de la moitié des cas, ils n’ont pas prononcée la peine plancher. C’est dire !
En revanche, le quantum des peines, tout le temps que la peine plancher a été applicable, a été augmenté en moyenne de six mois. Cela signifie que les magistrats nous comprennent très bien, mes chers collègues : nous leur demandons une plus grande sévérité, mais nous ne leur demandons pas de renoncer à leur office. Jamais ! Chaque fois qu’ils auront à appliquer la peine plancher, ils pourront motiver l’application d’une autre peine.
Par ailleurs, je ne peux pas non plus vous laisser dire que nous serions hostiles aux alternatives aux peines d’emprisonnement, et ce pour une raison très simple. Là encore, les chiffres sont parlants : entre 2010 et 2012, le nombre de personnes condamnées au bracelet électronique a doublé, passant de 5 000 à 10 000. Mais, au regard des discours relatifs à la politique pénale visant à favoriser les alternatives aux peines de prison que nous entendons depuis cinq ans, le nombre de détenus placés sous bracelet électronique est resté strictement identique à celui que nous avions atteint en 2012.
De grâce, nous ne sommes pas ici en train d’opposer des discours ! Nous votons la loi, et nous le faisons non pas pour faire un tract, mais parce qu’il est nécessaire de faire évoluer notre politique pénale.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.
Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l'ensemble de la proposition de loi tendant à renforcer l’efficacité de la justice pénale.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 1er février 2017 :
De quatorze heures trente à dix-huit heures trente :
Ordre du jour réservé au groupe socialiste et républicain
1. Proposition de loi tendant à renforcer les obligations comptables des partis politiques (procédure accélérée) (n° 231, 2016–2017) ;
Rapport de M. Alain Vasselle, fait au nom de la commission des lois (n° 333, 2016–2017) ;
Texte de la commission (n° 334, 2016–2017).
2. Nouvelle lecture de la proposition de loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre (n° 159, 2016–2017) ;
Rapport de M. Christophe-André Frassa, fait au nom de la commission des lois (n° 289, 2016–2017) ;
Résultat des travaux de la commission (n° 290, 2016-2017).
De dix-huit heures trente à vingt heures et de vingt et une heures trente à minuit :
Ordre du jour réservé au groupe du RDSE
3. Proposition de loi visant à mettre en place une stratégie nationale d’utilisation du transport sanitaire héliporté (n° 233, 2016–2017) ;
Rapport de M. Gilbert Barbier, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 323, 2016–2017) ;
Texte de la commission (n° 324, 2016–2017).
4. Débat sur le thème : « Faut-il supprimer l’École nationale d’administration ? ».
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée à dix-neuf heures trente.