Intervention de Patricia Morhet-Richaud

Réunion du 31 janvier 2017 à 14h30
Efficacité de la justice pénale — Discussion générale

Photo de Patricia Morhet-RichaudPatricia Morhet-Richaud :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner la proposition de loi visant à renforcer l’efficacité de la justice pénale – sujet ô combien important, alors que la violence est omniprésente et au moment où le sentiment d’impunité gagne dans l’opinion publique !

Il faut dire que les différentes réformes mises en œuvre par le Gouvernement – par exemple, la suppression de la contrainte pénale – ont contribué à alimenter le débat sur une justice à deux vitesses, dont le point d’orgue est atteint avec la question des peines d’emprisonnement ferme de moins de deux ans qui, dans la plupart des cas, ne sont pas exécutées.

C’est pourquoi, alors que se multiplient les actes délictueux et que la délinquance, en particulier les violences contre les personnes et les cambriolages, augmente sensiblement, nous ne pouvons que nous féliciter de l’initiative de nos collègues François-Noël Buffet et Bruno Retailleau.

En effet, la justice est en crise et elle va mal. Les tribunaux sont engorgés, les procédures, longues, compliquées, reportées, et bon nombre de peines, non exécutées !

Pourtant, l’accès au droit est un pilier essentiel de toute démocratie et c’est la raison pour laquelle la justice doit être indépendante, efficace et accessible à tous.

L’accumulation des lois désoriente les justiciables, l’instabilité de la législation complexifie la tâche des professionnels du droit et la surtransposition des directives européennes entraîne un surcoût financier.

Si, en France, « nul n’est censé ignorer la loi », il faut bien reconnaître que peu la maîtrisent. Cette situation contribue à un sentiment d’insécurité de la part de nos concitoyens et alimente une forme de défiance à l’égard de l’institution judiciaire.

Pour corriger cette situation et garantir une justice indépendante et juste, nous devons veiller à une stabilisation législative. Ce domaine n’échappe pas à une nécessaire réforme et les axes retenus par ce texte vont dans le bon sens.

En effet, renforcer l’efficacité des poursuites pénales, renforcer l’effectivité des alternatives aux poursuites et renforcer le contenu de la réponse pénale constituent autant de mesures qui sont de nature à corriger l’image trop laxiste de l’appareil répressif et font apparaître la sanction plus clairement. Ainsi, les délinquants ne pourront plus échapper aux sanctions et les décisions auront valeur d’exemplarité.

Je me félicite également du renforcement de la protection des mineurs et du renforcement de la lutte contre le terrorisme. Là encore, ce sont des mesures qui complètent efficacement l’arsenal judiciaire et concourent à la sécurisation des populations, notamment des plus fragiles comme les mineurs. La nouvelle rédaction de la contrainte morale dans la qualification des infractions sexuelles était attendue depuis longtemps.

Tout ce qui peut restaurer l’effectivité de l’exécution de la peine doit être mis en œuvre par le législateur. Il est essentiel de redonner leur valeur d’exemplarité aux décisions de justice et du sens aux peines prononcées.

Le nombre de peines de prison ferme non exécutées oscille actuellement entre 80 000 et 100 000. Par l’effet des réductions de peines automatiques et des mesures d’aménagement, la durée des peines exécutées est fortement réduite.

Au 1er janvier 2017, 68 432 personnes étaient détenues en France. Parmi elles, combien de récidivistes ? La réhabilitation des peines planchers pour des délits supérieurs à cinq ans de prison, tout comme la suppression de l’automaticité des réductions de peines sont des signes forts adressés à tous ceux qui ont un sentiment d’impunité.

Actuellement, 19 498 personnes non encore jugées ou dont la peine est frappée d’appel sont incarcérées.

La création de centres de rétention pénitentiaire à sécurité adaptée pour les détenus qui présentent une faible dangerosité et un risque d’évasion limité est un moyen efficace de lutter contre la surpopulation carcérale. Dans certaines maisons d’arrêt, le taux d’occupation moyen atteint 137 %. La détention provisoire ne cesse d’augmenter et le programme de construction de 10 000 à 16 000 places, annoncé par M. le ministre, ne résoudra pas, à lui seul, ce problème. Même si la détention doit être dissuasive, elle doit être digne et humaine.

Au-delà du sujet de l’immobilier pénitentiaire se pose le problème des procédures. Elles sont de plus en plus complexes et contraintes par la faiblesse des moyens et par des possibilités limitées.

Il faut bien avouer que la justice pénale peine à remplir sa mission. C’est pourquoi il est nécessaire de restaurer sa lisibilité et sa crédibilité.

Cette proposition de loi va donc dans le bon sens. Je voudrais d’ailleurs saluer le travail de notre collègue François Pillet, rapporteur de la commission des lois – commission présidée notre collègue Philippe Bas –, qui permet à ce texte de gagner en lisibilité et de tendre vers un objectif de confiance rétablie.

Les articles qui la constituent répondent, d’une part, à l’exigence d’efficacité et, d’autre part, aux besoins des acteurs de la chaîne judiciaire pour agir plus sereinement.

Dans le contexte actuel, nous ne pouvons que nous réjouir des dispositions permettant de préciser l’intelligence avec une puissance étrangère et de compléter le délit d’entreprise individuelle terroriste.

Cette réforme de la procédure pénale doit aider la justice à être plus simple, plus efficace, plus indépendante.

Je voudrais terminer mon propos en rendant hommage au travail effectué par tous les maillons de la chaîne que constitue la justice française : leur tâche est importante et chaque échelon est précieux.

Pour toutes ces raisons, je suis bien entendu favorable à cette proposition de loi, que je voterai.

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